Thèmes: Histoire, Sciences, Société
CERCLE DE DOCUMENTATION ET D’INFORMATION
Mardi 30 Avril 1985
Histoire des Chemins de Fer
Le mardi 30 avril 1985, Monsieur COLLINS, responsable de la communication à la S.N.C.F., est venu nous parler de l’ »Histoire des Chemins de Fer ».
En première partie, un film retraçant l’histoire des chemins de fer a été projeté.
I.- HISTOIRE DES CHEMINS DE FER.-
1.- Les origines.-
Dès le XVIe siècle, on trouve en Angleterre (et aussi en Alsace) des tombereaux à roues de fer poussés à bras sur des bandes de bois qui ne sont ni plus ni moins que des rails. Le plus ancien document où figure ce rail rudimentaire date de l’an 1553 : il s’agit d’un bois gravé, publié à Bâle.
Ces wagonnets équipent les mines et les carrières et, au XVIIe siècle, une mine de charbon proche de Newcastle possède 600 de ces engins. Au XVIIIe siècle, cette technique d’évacuation des produits miniers vers les ports fluviaux ou maritimes se généralise et se perfectionne. Des rails métalliques (en fonte, puis en fer forgé), plus résistants, remplacent les rails de bois et la traction des wagons est assurée par des chevaux. L’Angleterre, la France, l’Allemagne, les U.S.A. utilisent largement cet outil de transport au début du XIXe s. Ces chemins primitifs s’appelaient : chemins à ornières de fer. C’est en 1789 que l’Anglais William Jessop a inventé le rail métallique.
Mais c’est aux Anglais que l’on doit la mise au point du chemin de fer « moderne », celui qui substitue à la traction animale, celle de machines à vapeur.
La première locomotive construite par Richard Trevithick, la « Catch me who can » (m’attrape qui peut…) remorque le 11 février 1804, sur une voie ferrée de 15 km 7 au Pays de Galles, un train de 5 wagons (soit 10 tonnes, plus 70 hommes) à la vitesse modeste de 8 km ∕ h.
L’ingénieur anglais Hedley, propriétaire des Houillères de Wylam (Northumberland), crée en 1813, la première locomotive digne de ce nom, Il la surnomme Puffing‑Dilly (Dilly la haletante), car elle soufflait, crachait et transpirait. Dans les campagnes, cette bouilloire diabolique faisait peur ; on regrettait le bon cheval qui, lui, ne risquait pas d’exploser (photo 1). On peut encore contempler cette machine.
Photo 1.- Un témoin de la Préhistoire des locomotives : la Wylam-dilly, construite en 1813 par William Hedley, propriétaire des Houillères de Wylam. La photo, prise en 1860, montre le constructeur, l’ingénieur Hedley (chapeau haut-de-forme, parapluie).
L’apôtre du rail se nomme George Stephenson ; avec son fils Robert, aussi inventif que lui, il crée la première ligne publique anglaise. Elle relie Stockton à Darlington, soit 43 km .
Le père construit la voie, le fils s’occupe du matériel roulant, il peaufine sa locomotive, « la locomotion ».
Le 27 septembre 1825, eut lieu le voyage inaugural. La machine réalisa l’exploit de tirer un wagon couvert pour les passagers de marque et 37 autres, transportant des ouvriers des chemins de fer, des passagers et du charbon.
Stephenson père, en redingote, chapeau haut de forme est au régulateur, il arrache les 80 tonnes ; le convoi atteint bientôt la vitesse de 7 km ∕ h, il poussa des pointes à 24 km ∕ h.
Les Stephenson accédaient à la renommée. Un témoin de ces premiers voyages : la comédienne en renom : Fanny Kemble, résumait son enthousiasme dans une lettre : « Vous ne pouvez imaginer cette sensation de fendre l’air, le mouvement est également aussi doux que possible. J’aurais pu lire ou écrire. Cette impression de voler est absolument fabuleuse et son étrangeté défie toute description ».
Miss Kemble disait juste. Elle et ses contemporains venaient de découvrir un vice nouveau : la vitesse.
Peu de temps après, en 1827, le français Marc Seguin (neveu de Joseph de Montgolfier, le fameux aéronaute), invente la chaudière tubulaire qui quadruple la production de vapeur et accroît considérablement la puissance de la locomotive (photo 2).
Photo 2.- La locomotive de Marc Seguin
12.151. — Première locomotive tubulaire avec tender construite par Marc Seguin, pour le Chemin de Fer de St-Étienne à Lyon, donnée par M. Auguste Seguin en 1801 Salle 24 O10
Équipée d’une telle chaudière, la fameuse locomotive “The Rocket » (la
fusée) de George Stephenson, qui ouvrit la ligne Liverpool‑Manchester le 13 septembre 1830 remporta le concours de vitesse de Ramhill, le 6 octobre 1829 avec 47 km ∕ h (photo‑3).
Photo 3.- La « Rocket » de George Stephenson, cette machine est maintenant dans un musée.
2.- Construction du réseau français.-
L’édification du réseau ferré français connaît trois phases essentielles.
Le démarrage est assez lent. La première ligne de chemin de fer est mise en service en mai entre Saint-Étienne et le port fluvial d’Andrézieux sur la Loire. Elle est construite pour acheminer le charbon des mines stéphanoises et, sur les 18 km de son itinéraire, les wagons sont remorqués par des chevaux. Il faut attendre 1831 pour que, sur la deuxième ligne créée de Saint-Étienne à Lyon, circulent les premières locomotives à vapeur. Le 1er mars 1832, apparaissent les premiers trains de voyageurs, entre Saint‑Étienne et Andrézieux. Le confort y est des plus rudimentaires et les voyageurs, des gens du peuple, des ouvriers, y sont transportés dans des wagons qui servent aussi à l’acheminement du charbon.
Curieusement, des personnes que leur position sociale aurait dû placer à l’avant‑garde du progrès, seront longtemps les plus rebelles à cette nouveauté bruyante, mais incontestable.
Un poète, au début, fut peu sensible à la poésie de ces formes nouvelles. Il se nommait Victor Hugo, il écrit à sa femme : « À quelques lieues de Mons, avant‑hier, j’ai vu pour la première fois un chemin de fer, cela passait sur la route. Deux chevaux, qui en remplaçaient ainsi 30, traînaient 5 gros wagons à quatre roues, chargés de charbon et de terre. C’est fort laid ! » (traction animale).
Alfred de Vigny lance un cri de mise en garde à ses compatriotes assez fous pour s’approcher d’une locomotive : « Sur ce taureau de fer qui fume, souffle et beugle, l’homme a monté trop tôt ». Nul ne connaît encore quels orages porte en lui ce rude aveugle ».
Quelque temps plus tard, Victor Hugo, touché par la grâce (il prit le train en Belgique en juin 1835), écrit avec le lyrisme qu’il apportait à toutes choses : « les fleurs du bord du chemin ne sont plus des fleurs ou plutôt des raies rouges et blanches ; plus de point, tout devient raie, les blés sont de grandes chevelures jaunes, les luzernes sont de longues tresses vertes ; les villes, les clochers, les arbres dansent et se mêlent follement à l’horizon ! ».
Les trains roulaient déjà à la vitesse superbe de 30 km ∕ h.
Le poète avait saisi l’une des fascinations du train : l’extraordinaire ballet des choses, de la nature qui, par la magie de la vitesse, prennent une autre vie.
Jusque vers 1835, l’heure reste une notion vague et superflue. On vit au rythme simple du jour et de la nuit, du chant du coq à l’apparition d’une étoile familière (par temps clair). On guette le retour des saisons, on attend les moissons et les vendanges.
On naît aux prunes, on meurt aux cerises. On se rencontre les dimanches et jours de foires, qui sont les grands rendez‑vous que nous a légués le Moyen‑âge. Avec le chemin de fer, on s’achète une montre, on apprend ce qu’est un horaire, un départ, une arrivée et bientôt : une correspondance !
Devant le progrès qui roule, la planète se rétrécit (photo 4).
Photo 4.- La « De WittClinton », 3ème locomotive construite aux U.S.A. en 1831, par la West Point Foundry, tirant un train de voyageurs reliant Alany à Schenectady, première circulation dans l’état de NewYork.
C’est en 1837 que s’ouvre la première ligne dont les installations et le matériel sont vraiment adaptés au service des voyageurs
Cette ligne, Paris‑St Germain‑en‑Laye, qui s’arrêtait en fait au Pecq fut inaugurée le 24 août 1837.
Il restait à construire un pont, lancé au-dessus de la Seine, qui fut le premier ouvrage d’art audacieux (il comporte une déclivité très importante pour atteindre St‑Germain).
Le Baron James de Rothschild et les frères Pereire participent au financement.
La Reine Marie‑Amélie est du voyage. Elle avait affronté avec grande vaillance le choléra, 5 ans plus tôt ; elle saurait sûrement survivre à ce nouveau fléau !
Mais pas le Roi Louis‑Philippe, car on estimait trop périlleux ce nouveau mode de transport.
Un grand repas pour la Reine et sa suite était prévu au Pecq. Le train était parti en retard de l’embarcadère situé sur l’actuelle place de l’Europe ; c’était fâcheux pour le banquet, les pommes de terre ayant triste figure, le cuisinier eut l’idée de les replonger dans l’huile bouillante, elles se mirent à gonfler. Il venait d’inventer les pommes soufflées !
La ligne a 17 km de longueur, 19 ensuite jusqu’à St‑Germain, et elle connaît très vite un succès prodigieux : 400 000 parisiens l’empruntent dans les semaines qui suivent.
Elle est bientôt vingt fois plus fréquentée que ne l’est la route parallèle.
Ce n’est que le 14 août 1847 que les trains atteignent St‑Germain‑en‑Laye. Au Pecq la machine se mettait à l’arrière du train pour le pousser ; un dispositif à pression atmosphérique à roues sur la voie se branchait sur la locomotive, en se déplaçant, il entraînait le véhicule auquel il était relié.
En haut de la ligne, sur le plateau de St‑Germain, des appareils aspiratoires, commandés par deux puissantes machines à vapeur totalisant quatre cents chevaux, permettaient cette ascension.
Avec le train, la campagne se rapprochait de Paris ; elle s’appellerait : « la banlieue ». Ce terme populaire vient de l’usage fréquent du train. Exactement c’est « banlieusard » qui date du XIXe siècle.
Mais la France rurale de la première moitié du XIXe siècle manifeste beaucoup de réticences à l’égard du chemin de fer. La loi Guizot de 1842 favorise, certes, la construction de lignes importantes qui rayonnent depuis Paris mais, en 1850, le réseau français n’a que 3000 km de longueur (contre 10 500 pour le Royaume‑Uni et 6 000 pour l’Allemagne.
C’est sous le Second Empire (1851-1870) (photo 5) que la France se dote d’un véritable réseau ferré. Les compagnies privées concessionnaires, chargées d’exploiter le réseau, se concentrent, passant de 33 en 1846 à 6 en 1857 (Nord, Est, PLM‑Paris‑Lyon‑Méditerranée, Ouest, Midi, Paris‑Orléans). La construction de lignes nouvelles est activement menée. À la fin du second Empire, le réseau est long de 17 430 km , toutes les lignes rayonnant aujourd’hui depuis Paris sont achevées, reliant la capitale à la plupart des grandes villes françaises. Le réseau français est relié à ses voisins belge, allemand, suisse, italien et espagnol. En 1870, les chemins de fer transportent 109 millions de voyageurs et 33 millions de tonnes de marchandises (photos 6, 7, 8, 9, 10 et 11).
Photo 5.- Train en gare de Courcelles-ceinture, sur la ligne de petite ceinture de Paris, à la fin du Second Empire.
Photo 6.‑ La gare St‑Lazare vers 1850, à droite, un train remorqué par une locomotive « Buddicom » de 1843.
Photo 7.‑ Au dépôt des Batignolles, la locomotive d’inspection dite La « Petite”, construite par Buddicom à Sotteville en 1855. Elle servait pour les apprentis.
Photo 8.- Un train de voyageurs arrêté près d’Évreux en 1860, la locomotive, une 021, s’appelle « La Lison » ; elle est devenue célèbre grâce au roman d’Émile Zola : « La Bête Humaine ».
Photo 9.- Le Pont de l’Europe et les quais de la Gare St‑Lazare en 1866. Au 1er plan, voitures à impériale de banlieue.
Photo 10.- Cette image n’est pas extraite d’un film de western. Sur ce document qui date de 1870, Les Indiens attaquent le cheval de fer, en l’occurrence un convoi de l’Union Pacific.
Photo 11.- Inaugurés par le Prince Napoléon et le roi Victor Emmanuel, les travaux du tunnel du Mont‑Cenis ne devaient être achevés que 13 ans plus tard. Ici sortie, côté Modane, du premier train venant d’Italie, septembre 1871.
La Troisième République donne une impulsion nouvelle à l’extension du réseau. Le plan Freycinet (loi du 17 juillet 18/9) permet de combler les vides restants par l’insertion de quelque 17‑000 km de lignes nouvelles entre les mailles existantes, afin de desservir toutes les régions. Chaque préfecture, chaque sous‑préfecture doit être reliée à Paris. L’ensemble du réseau national passe de 21 900 km en 1878 à 39 400 en 1913.
Après 1918, les réalisations beaucoup moins nombreuses consistent principalement dans la construction de deux lignes internationales : à travers les Pyrénées par le tunnel du Somport (1928) et à travers les Alpes (ligne Nice‑Coni, 1928), ainsi que dans la percée des Vosges, L’électrification, amorcée dès 1900, prend son véritable essor à partir de 1921 sur les réseaux du Midi et du Paris‑Orléans, marquant une orientation fondamentale vers la traction moderne (Photos 12, 13, 14).
Photo 12.- Un document célèbre : Le 22 octobre 1895, la locomotive d’un train venant de Granville, traverse la gare Montparnasse et atterrit place de Rennes. Le mécanicien et le chauffeur purent sauter à temps.
Photo 13.- La machine n°3102 de la Compagnie de l’Est pavoisée. Train spécial du Président de la République , Émile Loubet, Juillet 1907.
3.- Naissance de la S.N.C.F.-
L’après‑guerre est une période de difficultés croissantes. La reconstruction consécutive aux dégâts de la guerre entraîne des dépenses considérables, les relèvements de tarifs autorisés par l’État sont insuffisants par rapport à l’inflation, tandis que la concurrence routière fait son apparition. Les compagnies sont dans une situation financière critique.
Pour tenter d’y remédier, certaines lignes estimées trop peu rentables sont fermées (soit totalement, soit réduites au seul trafic marchandises) : 5 388 km de 1933 à 1938. Mais le déficit des compagnies, que l’État s’était engagé à combler, va en augmentant pour atteindre 3,6 milliards de francs fin 1936.
L’État décide alors, par la loi du 31 août 1937, de nationaliser les chemins de fer, en fusionnant en une Société nationale des Chemins de Fer français (SNCF) les diverses compagnies qui géraient jusqu’alors le réseau : cinq grandes compagnies privées (Nord, Est, P.L.M., ParisOrléans, Midi) et deux réseaux directement gérés par l’Etat (Ouest‑Etat et Alsace‑Lorraine).
La SNCF reçoit pour mission d’exploiter toutes les lignes ferroviaires à compter du 1er janvier 1938 (pour une durée de 45 ans). C’est une société d’économie mixte, dont l’État détient 51% du capital, et les anciennes compagnies 49%. La SNCF « 1938 » n’est donc pas une « Administration » comme les PTT ou une entreprise d’État. Mais celui‑ci y exerce un rôle prépondérant. Il détient la majorité des sièges du conseil d’administration dont le président, qui assure la direction de l’entreprise, est obligatoirement choisi parmi les représentants de l’État.
Après la Seconde Guerre mondiale, la SNCF entreprend un effort de reconstruction et de modernisation du réseau ferré.
4.- Évolution technique et commerciale de la S.N.C.F.-
Libre de sa gestion dans des domaines étendus, la SNCF se lance dans une politique commerciale active, fondée sur les études de marchés. Cette politique se traduit dans le domaine « voyageurs » par une amélioration des prestations offertes (renouvellement du matériel roulant, création de lignes là où des besoins nouveaux apparaissent, reconstruction ou modernisation des gares). Dans le domaine « marchandises » elle consiste à mieux adapter l’offre aux besoins tout en personnalisant davantage les contacts avec les clients.
La qualité du service se renforce par une succession de performances techniques la SNCF met au point et développe largement au cours des années suivantes, l’utilisation du courant alternatif 50 périodes à tension élevée (25‑000 volts), plus économique que le courant continu à 1‑500 volts.
En 1955, deux locomotives électriques françaises battent le record du monde de vitesse sur rail en roulant à la vitesse de 331 km ∕ h sur la ligne des Landes. En ouvrant au chemin de fer de nouvelles perspectives de progrès, ce record vaut à la France un très grand prestige dont bénéficient les industries ferroviaires françaises à l’exportation.
Entre 1966 et 1968, à l’époque où le pétrole apparaît encore comme le support essentiel de la croissance économique, la S.N.C.F. réussit à adapter à un engin ferroviaire une turbine à gaz de type aéronautique. Ainsi naissent les premiers turbotrains d’Europe, aptes à la vitesse maximale de 160 km ∕ h. En 1972, une rame prototype à turbine à gaz, le T.G.V. 001, entreprend des essais à grande vitesse, atteignant 318 km ∕ h.
Des rames de ce type sont destinées à la ligne nouvelle à grande vitesse entre Paris et Lyon, dont la construction est approuvée par le gouvernement en 1974. Après le choc pétrolier, la S.N.C.F. renonce à la turbine à gaz pour l’exploitation de cette ligne. Deux rames T.G.V. électriques de présérie sont livrées en 1978 et effectuent des essais prolongés à 260 km ∕ h entre Strasbourg et Colmar
Le 26 février 1981, le record du monde de vitesse sur rail est porté à 380 km ∕ h par la rame T.G.V. n°16 sur la ligne à grande vitesse Paris‑Lyon.
Le T.G.V., à traction électrique, est la synthèse des progrès de la technologie ferroviaire (profil aérodynamique, stabilité et captage du courant électrique à grande vitesse, signalisation en cabine). La vitesse maximale a été fixée à 270 km ∕ h. Mis en service en deux temps (ouverture du tronçon sud St‑Florentin – Sathonay de la ligne à grande vitesse en septembre 1981, du tronçon nord Combs‑la‑Ville – St Florentin, en septembre 1983), le T.G.V. Sud‑Est, accessible à tous les voyageurs de 2e comme de 1re classe, dessert tout le quart sud‑est de la France. La plupart des grandes villes y sont reliées directement à Paris avec des liaisons fréquentes et des temps de parcours très réduits (Paris Lyon en 2h, Paris Montpellier en 4 h 48, Paris Marseille en 4 h 53…) À l’échelle des moyennes distances, le rail concurrence désormais sérieusement l’avion, d’autant plus que les aéroports doivent sans cesse s’éloigner des agglomérations alors que le rail pénètre au cœur même des villes.
Les performances réalisées par la S.N.C.F. en matière de traction électrique et de grande vitesse ne doivent pas masquer pour autant d’autres progrès certes moins spectaculaires :
L’automatisation qui s’est traduite par le développement du block automatique lumineux pour l’espacement des trains, par la concentration des postes d’aiguillages équipés de moyens modernes de commande automatique des itinéraires, en remplaçant des anciens postes à leviers à zone d’action réduite, et par la multiplication des passages à niveau automatiques ;
L’informatique au service d’une gestion plus efficace : réservation électronique des places et gestion centralisée du trafic marchandises ;
La productivité du travail qui, grâce à l’amélioration du service, aux progrès techniques et à la diminution parallèle des effectifs du personnel, se situe aujourd’hui au meilleur niveau comparée aux autres réseaux ferrés d’Europe occidentale.
Ces succès techniques et commerciaux que remporte l’entreprise s’accompagnent paradoxalement d’un déséquilibre financier. Le financement des investissements n’est pas assuré dans des conditions économiques saines, puisqu’il l’est en totalité sous forme d’emprunts. À cette situation, on peut avancer trois explications :
- l’inadaptation de la structure financière de l’entreprise, dotée depuis sa création d’un capital dérisoire en comparaison de son volume d’activité (14 MF, soit 0,03% du budget d’exploitation) ; un recours trop large à l’emprunt lui impose de lourdes charges financières ;
- la persistance de conditions de concurrence inégales entre le rail et la route. La S.N.C.F. entretient elle‑même ses voies, caténaires, engins ; elle ne bénéficie pas de tarif préférentiel ; elle achète son courant électrique à l’E.D.F. comme n’importe quelle entreprise.
- des facteurs conjoncturels extérieurs, rencontrés certes par la plupart des entreprises, mais dont l’effet sur la S.N.C.F. a été amplifié par la nature même du service public qu’elle assume et qui est source de contraintes tarifaires importantes : transports militaires (matériel, hommes), de minerai, de métal en fusion avec horaires rapides, fonctionnaires de l’État en service, ministres, parlementaires. Elle doit s’adapter selon les conditions atmosphériques, pour ne pas arrêter la vie économique du pays et remplacer les transports défaillants par gel, neige, verglas, brouillards.
II.- QUELQUES REMARQUES.-
Le réseau.-
Il faut rendre hommage aux créateurs des premières lignes dont l’esprit visionnaire leur a permis de réaliser des Lignes de qualité, puisqu’on y roule encore actuellement au minimum à 160 km ∕ h, alors qu’elles étaient prévues pour des vitesses de 50 km ∕ h. Au cours de la Troisième République, le ministre Freycinet a voulu que chaque préfecture et sous‑préfecture soit reliée à Paris. Les lignes ont été donc construites d’une façon plus économique. Alors que précédemment on avait construit des ponts, des viaducs, des tunnels pour permettre au tracé d’être très correct, là, on suivait les lignes de niveau. Ce fut la cause en 1934 de la suppression des lignes secondaires.
Dates importantes dans le monde.-
Le 25 août 1830 à Baltimore, la première locomotive américaine circule le long du fleuve Ohio. Nom de baptême : la « Tom Thumb » (la Tom Pouce), 22 km : parcours modeste, voyageurs : quinze, constructeur : Peter Cooper.
La « De Vitt‑Clinton », 3ème locomotive construite aux U.S.A. en 1831, par la West Point Foundry, tirant un train de voyageurs reliant Albany à Schenectady, première circulation dans l’état de New‑York (photo 4).
1838 : Le premier buffet de gare ouvre à Vienne (Autriche) ; c’est un restaurant permanent.
Le 1er septembre 1857 au soir, roula la première voiture‑lits entre Chicago et Bloomington (Illinois). Cette voiture avait une suspension toute nouvelle : des boggies, système de roulement : un chariot porteur de deux ou trois essieux sur lequel pouvait pivoter le chassis du wagon.
L’application des boggies allait être étendue à tous les trains voyageurs ; constructeur : Monsieur George Mortimer Pullman ; il appela sa voiture‑lits : Pioneer.
Le 10 mai 1869 à 12 h. 40, le dernier clou « d’or » de la ligne reliant le Pacifique à l’Atlantique est planté par Leland Stanfort, gouverneur de Californie, dans l’Utah, près du grand lac salé, très exactement à Promontary Point. La locomotive « Jupiter » de la Centrale Pacific, chauffée au bois, venant de l’Ouest et la « 109 » de l’Union Pacific, venant de l’Est, chauffée au charbon, sont face à face. Depuis, cérémonie tous les ans, le 10 mai à Promontary Point, deux machines se font face.
Il a fallu sept ans de travaux sur plus de 4 000 km : de ligne et un investissement de 118 millions de dollars. Parallèlement, les employés de la Western Union, la compagnie télégraphique qui a installé poteaux et fil au fur et à mesure de l’avancement de la ligne, vérifient les derniers branchements.
À 12 h 47, un télégramme est envoyé au Président Ulysses Grant à Washington et à San Francisco.
La liaison ferrée Atlantique‑Pacifique ainsi annoncée sera le premier évènement sensationnel vécu « en direct »,
Voici l’Est et l’Ouest enfin réunis dans un même « hurrah ! », la dépêche court à la vitesse de l’électricité à travers canyons, déserts et plaines.
En voiture, s’il vous plait !
Grâce au crayon incisif de Daumier, nous savons ce que pouvait être un voyage à l’époque ! c’était une aventure éprouvante !
Les voyageurs secoués, jetés à bas, perdant leurs chapeaux et bonne mine, se cramponnant aux basques de leurs voisins ! un accident ? non ! Du moment que la machine va en avant, les wagons, eux, vont en arrière, c’est normal ! En d’autres termes, le convoi démarrait. Les attaches étaient lâches ! ! !
Le voyage néanmoins demeurait hasardeux ; une foule de problèmes assaillait nos ancêtres. L’un d’eux était fondamental : le freinage.
Les trains roulant déjà entre 50 et 60 km à l’heure, il n’était pas simple de les arrêter où l’on voulait et quand on le voulait.
On ne disposait que du frein à main ; c’était le chef de train qui commandait à une équipe spécialisée les serre‑freins surnommés « Araignées de vigie », car ils se démenaient comme de beaux diables dans leur habitacle qui surplombait les véhicules.
Au sifflet, ils serraient un sabot contre la roue, provoquant d’effroyables grincements.
Mais toutes les voitures ne freinaient pas pareillement et, de plus, étaient pourvues entre elles et la machine d’attelages lâches, d’où les secousses‑tampons s’entrechoquant dont se moquait le crayon de Daumier, le célèbre caricaturiste de l’époque.
Le synchronisme des serre freins était toujours une chose difficile à obtenir, malgré l’application des préposés.
Pour le chauffage : on ne pouvait, en 3ème classe, compter que sur la chaleur animale, si communicative !
En 1ère et 2ème classes, le chauffage existait sous une forme fort simple : dans les gares, un personnage pittoresque, le « Père‑la‑bouillotte » avait charge de remplacer les bouillottes froides par de nouvelles toutes chaudes.
Il annonçait d’un cri : « Bouillottes, Messieurs, Dames levez les pieds ! »
Comme à l’époque, une femme se serait crue déshonorée si on avait aperçu sa cheville, les voyageuses s’offusquaient de cette familiarité, maîtrisant leur pudeur, elles s’exécutaient, découvrant bottines et bas fins.
Il s’agissait d’une longue boîte étamée remplie d’eau chaude.
Les 1ères classes s’appelaient « berlines » ou encore « financières » ; c’était le luxe suprême.
Entre la lère et la 3ème classe, c’était le jour et la nuit.
En 3ème classe jusqu’en 1848 et dans une période s’étendant jusqu’en 1860, il n’y avait pas de toit et pendant de longues années pas de bancs pour s’asseoir.
Les gens s’y entassaient, respiraient la fumée, recevaient des escarbilles dans les yeux ; ils goûtaient à l’occasion le charme relatif d’une ondée ou d’un orage. Les voitures devenaient des baignoires. Il valait mieux apporter son parapluie. Les compagnies firent un effort et pratiquèrent des ouvertures dans le plancher. On les appelait des « cages à poules ».
Après l’entassement debout… l’entassement assis : lorsque 5 personnes favorisées par un large abdomen se trouvent sur la même banquette, elles sont parfaitement soudées ensemble !
La promiscuité était souvent source de scènes plus ou moins burlesques ou dramatiques, naïves et piquantes.
Les conversations sont animées, on y parle haut et fort et d’une manière peu académique et l’on y « saucissonne » sans vergogne ! … et l’on s’y tache ! ! !
Les progrès dans le confort ne commencèrent guère qu’à partir de 1860.
D’abord un toit pour la 3ème classe.
Henry Booth, secrétaire du chemin de fer Liverpool‑Manchester, inventa outre les tampons à ressort, le tendeur à vis, qui évite les chocs, entraîne une tenue et une conduite plus souple des trains, donc plus de secousses ni de voyageurs projetés. Cette mise en place commença vers 1860 en Angleterre.
Ce dispositif se compose d’une tige filetée à pas inversé de chaque côté d’un levier médian et terminé par des anneaux. Ceux‑là étant engagés sur les crochets des véhicules, il suffit de tourner le levier pour rapprocher les anneaux sur leur filetage et tendre l’attelage jusqu’à ce que les tampons se compriment pour atténuer les chocs. De la graisse lubrifiait les ressorts et filetages : puis, à l’exemple américain, l’on mit des boites à huile pour la lubrification.
Le freinage : la conduite générale de freinage, uniforme, automatique, fut inventée par un américain, George Westinghouse dans les années 1872-1873, ce qui apporta un confort certain aux voyageurs ; conduite d’air comprimé, alimentée par la machine.
Le chauffage vapeur, produit par la locomotive, qui fut long à se mettre en fonction, commença vers 1880 ; il fallait des rames homogènes, munies de conduites vapeur et de radiateurs.
L’hiver en 3ème classe, on mettait des bottes de paille sur le plancher, Le « Père‑la‑bouillotte eut encore de belles décennies devant lui.
1870 : les toilettes apparurent dans un fourgon aménagé ; il fallait attendre un arrêt pour y aller et un autre pour revenir à sa place, souvent occupée.
1878 en France, construction de wagons avec soufflets, ce qui permet l’intercirculation dans les trains.
Imaginons nos arrière‑grand‑mères avec leurs crinolines, lesquelles occupaient facilement une banquette.
Éclairage : les soirs d’hiver ou dans la nuit des tunnels, l’unique lampe à huile vacillant au plafond, jetait sur les visages inquiets une lueur incertaine et dessinait des ombres fantomatiques.
L’éclairage au gaz apparut après 1875 et n’était pas sans danger !
L’éclairage électrique apparut après 1895.
La voie.-
Le chemin de fer, c’est d’abord ce double ruban d’acier qui guide les roues du train. Entre le rail d’acier et la roue d’acier, il y a très peu de contact, beaucoup moins qu’entre le pneu et la route. Comme la roue ne frotte presque pas sur le rail, il n’y a pratiquement aucune résistance à l’avancement : c’est ce qui permet de remorquer couramment par exemple un train de plus de 700 mètres de long (soit environ 50 à 70 wagons) pour un poids total de 1 500 à 1 600 tonnes.
Les machines ont un réservoir de sable ; par temps de pluie, gel, le conducteur actionne une valve et sable les deux rails pour permettre l’adhérence des roues et l’avancement et ce, jusqu’à ce que la vitesse soit suffisante pour palier ces nuisances ; même opération pour le freinage, en cas de « rail gras » (terme de métier) pour éviter le patinage.
Georges Stephenson choisit pour les rails de la voie, un nouvel écartement, 4 pieds, 6 pouces et demi, soit 1,435 m ; c’est parce qu’il découvre dans la région de Newcastle une voie romaine de cette largeur ; largeur également utilisée pour les essieux des carrioles de ferme.
Petites constations, grands effets : c’est sur cet écartement dit européen que roulent les trains depuis un siècle et demi.
Si Stephenson avait été écossais, c’est‑à‑dire, s’il avait vécu au‑delà du mur d’Hadrien, le plus septentrional des vestiges romains d’Outre‑Manche, il aurait sans doute choisi un écartement différent et nos trains d’aujourd’hui seraient plus massifs ou plus exigus.
Deux pays en Europe n’ont pas le même écartement : l’Espagne et l’U.R.S.S.
Pour l’Espagne, c’est dû à une mauvaise conversion en mesure métrique des mesures en pied et pouce britannique (1,67m).
En U.R.S.S. le Tzar de l’époque a chargé des ingénieurs russes de mesurer l’écartement de la ligne qui s’approchait de Dantzig. Au lieu de prendre l’écartement intérieur, ils ont pris l’écartement extérieur (1,52m).
Évolution de la traction.-
- la traction à vapeur.
Pendant plus de 120 ans, les locomotives à vapeur ont symbolisé le chemin de fer.
L’un des types les plus célèbres a été la Pacific 231 utilisé en France à partir de 1907 et jusque vers 1970.
Les dernières locomotives à vapeur de la S.N.C.F. ont été retirées de la circulation en 1974. En effet, elles consommaient beaucoup d’énergie (du charbon de qualité que la France devait importer) pour un rendement três faible (6% de l’énergie produite par le combustion du charbon servaient réellement à tirer le train).
Le premier record du monde de vitesse sur rail a été réalisé sur le réseau de Paris‑Lyon, par la locomotive à vapeur Crampton 604 avec 144 km ∕ h, le 20 juin 1890.
La Crampton n° 80 de la compagnie de l’Est, construite par les Établissements J.F. Cail à Paris en 1852 et qui était encore en service au début de 1914, est aujourd’hui exposée et en état de marche, au Musée Français du Chemin de Fer à Mulhouse.
À l’époque, on les appelait « les lévriers du rail » ; elles étaient connues pour leur vitesse.
- la traction électrique.
Elle fait ses débuts en 1900. Ce n’est qu’à partir de 1920 que son utilisation se développe sur les grandes lignes. Les locomotives électriques les plus performantes de cette époque ont été les 2 D 2, livrées de 1933 à 1935 et qui ont achevé leur carrière en 1980 avec des parcours dépassant parfois 7 millions de kilomètres. 20 ans plus tard, le 29 mars 1955, 2 locomotives électriques de la S.N.C.F., la BB 9004 et la CC 7107 battent le record du monde de vitesse sur rail à 331 km ∕ h sur la ligne des Landes.
La France a utilisé, pour alimenter les trains, un courant continu de 1 500 volts qui permettait de se brancher sur réseau national. On pouvait ainsi également, grâce aux lignes, alimenter des villages.
- les autorails.
La concurrence automobile obligea le chemin de fer à exploiter ses petites lignes de façon la plus économique possible. Ainsi naquirent les autorails en 1931. Créé à l’origine comme un autobus sur rail, l’autorail devient progressivement un engin purement ferroviaire à moteur diesel.
En 1967, la S.N.C.F. adapte à un autorail une turbine à gaz du type aéronautique, donnant naissance au turbotrain, apte à la vitesse de 160 km ∕ h.
- la traction diesel.
La traction par moteur diesel fait son apparition en France en 1932, Par rapport à la traction à vapeur, elle présente, en effet, l’avantage d’échapper à la nécessité d’un ravitaillement périodique en cours de trajet et, contrairement à la traction électrique, elle permet d’éviter les investissements qu’il faut engager pour l’électrification d’une ligne.
C’est en 1964 que circule en France la première locomotive diesel de grande puissance série 69 000 (3 500 kw, soit 4 800 ch.).
Situation économique et concurrence.-
Le déficit de la S.N.C.F. (environ 8 milliards de francs en 1984) est défini comme la différence entre les recettes et les dépenses de l’entreprise. Il ne doit pas être confondu, comme on le fait souvent, avec le versement de l’État à la S.N.C.F. (environ 32 milliards en 1984).
les versements de l’État.
Ces versements ont deux raisons d’être :
- rétribuer les charges de service public, d’ordre social ou économique, que la collectivité confie à la S.N.C.F : par exemple, billets à tarif réduit créés à la demande de l’État (congés payés, retraites) ou exploitation de lignes d’intérêt régional où les recettes ne couvrent pas les dépenses ;
- atténuer l’inégalité des conditions de concurrence entre le chemin de fer et les autres modes de transport. Cette inégalité porte à la fois sur les charges d’infrastructure (construction et entretien des voies ferrées) et sur le poids des pensions de retraite. La S.N.C.F. gère sa propre Caisse de Retraites. Elle supporte, comme c’est normal, les cotisations prévues par la loi et également le coût des avantages propres au régime de retraites des cheminots (possibilité de retraite à 55 ans et même à 50 ans pour les conducteurs). En revanche, l’État compense le déséquilibre entre le nombre de cheminots en activité (252 000) et le nombre des pensions (412 000) qui reflète lui‑même l’époque de l’immédiat après‑guerre où la S.N.C.F. employait 500 000 travailleurs.
le déficit.
Quant au déficit proprement dit de la S.N.C.F., il se définit, ainsi que pour toute entreprise, comme l’écart entre les dépenses et les recettes. L’État ne prend plus ce déficit à sa charge comme c’était le cas jusqu’en 1970. L’insuffisance des recettes, cause principale de ce déficit, est surtout due à la baisse du trafic des marchandises.
Circulation des trains.-
La circulation de tous les trains, qu’ils soient de voyageurs ou de marchandises, fait l’objet d’un programme préalable qui détermine pour chaque train :
- le parcours ;
- le nombre et le type de voitures, les gares à desservir, pour les trains de voyageurs ;
- la charge maximale qui peut être remorquée, pour les trains de marchandises ;
- le type de locomotive :
- l’horaire à la minute près.
L’horaire est étudié pour que les circulations les plus lentes (trains de marchandises) ne gênent pas les circulations les plus rapides (trains de voyageurs). Dans les postes de commandement et les postes modernes d’aiguillage, les régulateurs sont chargés de veiller à la bonne marche des trains selon l’horaire prévu et de prendre, en cas d’incident, toutes les mesures nécessaires pour rétablir promptement la circulation.
Ce sont les rails qui guident le train et les aiguillages qui le font tourner à droite ou à gauche. Le volant ne sert donc pas au guidage, comme dans une automobile, mais à faire varier la tension du courant de traction, pour réduire ou augmenter la vitesse par exemple. Le conducteur dispose aussi de plusieurs manettes de freinage.
De nombreux voyants lumineux et appareils de mesure lui permettent de s’assurer constamment que tout va bien à bord. Si le conducteur relâchait sa vigilance, un dispositif de contrôle s’en apercevrait et entrerait aussitôt en action, provoquant automatiquement l’arrêt du train.
Lorsqu’un train aborde un « carrefour » débouchant sur plusieurs directions différentes, il faut que les lames d’aiguilles aient été d’avance orientées dans la bonne direction.
Les aiguilles et les signaux (sauf les signaux automatiques) sont commandés à distance par les aiguilleurs
Ceux‑ci ont devant eux un vaste plan lumineux de leur gare où ils peuvent contrôler en permanence la position des trains, l’orientation des aiguilles et l’indication donnée par les signaux.
Même si l’aiguilleur se trompait, il ne pourrait pas provoquer d’accident : des dispositifs l’empêchent d’ouvrir l’accès à une voie s’il a déjà donné le feu vert à un autre train pour cette même voie.
La sécurité routière repose sur l’observation du code de la route. La sécurité ferroviaire repose sur l’observation des signaux par les conducteurs. Un même signal (par exemple le signal d’avertissement) peut se présenter sous forme de signal lumineux (un feu jaune) ou sous forme de signal mécanique (une cocarde de couleur : carré jaune posé sur la pointe). Les cocardes des signaux mécaniques sont percées de verres de couleur derrière lesquels s’allume une lanterne à la tombée de la nuit (verre jaune pour « l’avertissement »).
Les signaux mécaniques sont dits « fermés » lorsqu’ils présentent leur cocarde face au conducteur, comme pour lui barrer la route. Pour « ouvrir » le signal, on fait pivoter la cocarde. Dans ce cas, la nuit, c’est le plus souvent un verre de couleur verte qui apparaît devant la lanterne donnant le « feu vert » de voie libre.
Pour changer de direction, un train doit emprunter une ou plusieurs aiguilles qui peuvent être franchies, soit à pleine vitesse, soit avec un ralentissement. S’il doit ralentir, le mécanicien sera averti à distance avant la bifurcation par un signal de ralentissement puis, à proximité de l’aiguille, par un signal de rappel de ralentissement lui commandant de ne pas dépasser la vitesse prescrite par les signaux rencontrés, qui peuvent être :
- soit 2 feux jaunes ou cocardes jaunes 30 km ∕ h,
- soit 2 feux jaunes clignotants 60 km ∕ h,
- ou encore des tableaux chiffrés indiquant les vitesses à ne pas dépasser (90 km ∕ h à 120 km ∕ h ou autre vitesse). La position de l’aiguille est souvent repérée sur le terrain par un chevron.
Pour éviter le rattrapage des trains qui se suivent sur une même voie, le meilleur système est le « block automatique lumineux » : la voie est découpée en « cantons » successifs d’environ 1 500 m de longueur ; l’entrée de chaque canton est précédée d’un panneau lumineux pareil aux « feux de carrefour » de nos villes.
Quand un train pénètre dans un canton, il provoque automatiquement l’apparition du feu rouge sur le panneau ; quand il aura libéré ce premier canton et sera entré dans le deuxième, le feu rouge sera remplacé par le feu jaune ; puis enfin par le feu vert, quand le train aura libéré le deuxième canton.
Tous les 1 500 m., des joints isolants interrompent la continuité électrique des rails et découpent ainsi une tranche de voie : le canton.
Les deux rails d’acier du canton, bons conducteurs de l’électricité, sont la partie principale du « circuit de voie » qui commande le fonctionnement automatique des feux tricolores d’espacement des trains. Quand une locomotive arrive sur les rails du canton, ses roues et ses essieux d’acier, eux aussi bons conducteurs, ferment le circuit de voie et commandent l’allumage du feu rouge : un peu comme, en entrant dans votre chambre, d’un coup d’interrupteur vous fermez le circuit et allumez la lampe.
Depuis une quinzaine d’années, il existe des tronçons de voie, banalisés, qui permettent l’accélération et l’écoulement plus rapide du trafic.
Il en existe à deux, trois ou quatre voies.
Sur voie 1, signalisation normale, sens circulation Paris‑Province, un train express est dans son horaire normal, roule et dessert certaines gares du secteur
Aiguilles et signaux de voie 2 sur voie centrale banalisée, neutralisés.
Sur voie 1, un train rapide sans arrêt dans ce secteur, parti beaucoup plus tard de Paris est en approche du secteur banalisé, donc talonne le train express.
Le Poste de commandement de la ligne, sur ses écrans lumineux, suit la marche de tous les trains l’empruntant et donc les deux trains qui nous intéressent.
Sans arrêter le train express qui progresse sur voie 1, dans le secteur banalisé, il fait passer en manœuvrant les signaux et les aiguilles, le train rapide sur la voie centrale banalisée. Il dépasse ainsi l’express, sans que celui‑ci ralentisse sa marche, ce qui lui permet dans l’horaire prévu, de quitter la voie banalisée et de reprendre sa marche sur voie 1.
Mêmes possibilités, de voie 2 sur voie centrale banalisée, mêmes dispositions à prendre par rapport à la voie 1.
Il existe des tronçons banalisés sur Paris‑Dijon ; Dijon‑Dole Frontière et dans bien d’autres lieux du territoire.
Plus près de nous, les 2 voies entre Chaville Rive droite et St Cloud et Val d’Or, sont banalisées et à double signalisation. Les voyageurs sont avisés des directions et quais à emprunter par tableaux et directions et d’horaires lumineux.
- le T.G.V.
Le T.G.V. est la synthèse de vingt ans d’innovations continues dans le domaine de la technologie ferroviaire. Ces innovations rassemblées sur un même engin font apparaître le T.G.V. comme le train de l’an 2000 arrivant avec 20 ans d’avance. Les résultats commerciaux et économiques de ce système de transport montrent la compétitivité du rail sur des distances de 300 à 500 km. Arrivant au cœur des villes et poursuivant sa circulation sur des voies classiques reliées à l’infrastructure à grande vitesse, le T.G.V. est un remarquable outil d’aménagement du territoire au service de régions tout entières.
Le T.G.V. c’est un train mais aussi une voie dont la qualité était indispensable à une performance de 41 000 km ∕ jour à une vitesse de pointe de 270 km ∕ h. Cette voie est réalisée en rails entièrement soudés et ne comporte aucun passage à niveau. Son tracé minimise les coûts de terrassement, tout en respectant les sites traversés et s’insère particulièrement bien dans le milieu environnant
Déclarée d’utilité publique en 1974, la ligne T.G.V. Sud‑Est a été construite de 1976 à 1983. Le tronçon Sud, Saint‑Florentin (Yonne) à Sathonay (Rhône) a été ouvert à l’exploitation commerciale en septembre 1981. L’ouverture du tronçon Nord, Combs‑la‑Ville (Seine‑et‑Marne) ‑ Saint‑Florentin a coïncidé avec la livraison de la dernière des 87 rames commandées à l’origine.
L’idée de base du T.G.V. est la création d’un train circulant à grande vitesse sur une voie de conception classique mais aux caractéristiques adaptées, reliée aux voies traditionnelles. Grâce à la situation des gares au cœur des villes, un tel système de transport améliore le temps de transport de centre à centre. Le principe d’une rame automotrice réversible s’imposa rapidement. Son adaptation aux fluctuations de la demande voyageurs nécessitait que l’on puisse coupler des rames pour moduler le nombre de places offertes.
Après les renchérissements des produits pétroliers, il apparut vite que le mode de traction initialement retenu, la turbine à gaz devait être remplacé par la traction électrique. Le type de courant le plus économique a été adopté : le courant alternatif industriel 25 000 volts 50 hertz.
Le choix d’une ligne nouvelle exclusivement réservée aux circulations voyageurs, à fortes déclivités (35%), mais coupant au plus court entre Paris‑Lyon, était le plus justifié : le tracé d’une longueur de 390 km raccourcit le trajet Paris‑Lyon de 90 km.
Un poste de commandement situé à Paris, et continuellement relié par radio avec chaque T.G.V. en circulation sur la ligne à grande vitesse gère toutes les opérations d’exploitation.
La part de l’innovation.
La contrepartie de la grande vitesse est un surplus de consommation d’énergie. Avec des véhicules traditionnels, la résistance de l’air à l’avancement devient prépondérante dès lors que l’on atteint 200 km ∕ h. L’amélioration de l’aérodynamisme des rames était la première condition à remplir pour dépasser la vitesse de 250 km ∕ h. Les rames sont surbaissées pour offrir une section réduite, leur avant est profilé selon le résultat d’études en soufflerie optimisées sur ordinateur, la totalité de la rame est carénée.
Une originalité du T.G.V. est la situation des boggies entre les voitures, ce qui permet à la fois de réduire le nombre de boggies porteurs et de constituer une rame articulée plus aérodynamique. La captation du courant à grande vitesse a été résolue par la mise au point d’un pantographe spécial à double étage en contact avec une caténaire à hauteur constante.
La stabilité à grande vitesse a nécessité la création de boggies moteurs spéciaux, de plus grand empattement et allégés par le mode de sustentation des moteurs de traction.
La vitesse de circulation du T.G.V. a conduit à modifier la signalisation : les panneaux extérieurs sont remplacés par des indications électroniques apparaissant en cabine de conduite.
Enfin, des appareils de voie tout à fait nouveaux ont été mis en place aux bifurcations pour permettre le passage en voie déviée à 220 km ∕ h. Ceci a été rendu possible par l’usinage d’un cœur d’aiguillage mobile.
Les résultats.
Le T.G.V. est le train le plus rapide du monde. Son record est double :
. record absolu de vitesse sur rails à 380 km ∕ h établi le 26 février 1981 sur la ligne à grande vitesse, ce qui montre une importante marge de sécurité quant à la stabilité du train ;
. record quotidien d’exploitation commerciale à 270 km ∕ h (les fameux Shinkansen Japonais ont une vitesse de pointe de 210 km ∕ h seulement).
Des gains de temps considérables en résultent sur tous les parcours entre la province et Paris effectués en T.G.V. Par rapport à la situation antérieure à 1981, ils se chiffrent à 1 h 45 pour Lyon, la Savoie et le Midi, 1 h pour la Bourgogne et la Franche‑Comté.
En outre, la régularité des circulations est encore meilleure que celles des autres trains rapides et express français, pourtant renommés pour leur ponctualité. Sur la totalité de l’année 1983, 97,5% des T.G.V. ne présentaient pas de retard à l’arrivée.
L’avance technologique française dans le domaine ferroviaire est indéniable. Le matériel mis au point par les constructeurs français (Alsthom Atlantique et le Groupement Francorail) en liaison avec les ingénieurs de la S.N.C.F. a une avance certaine sur tous ses concurrents mondiaux. À titre d’exemple, l’industrie ferroviaire allemande envisage la vitesse commerciale de 250 km/h au plus tôt en 1993 sur des lignes dont la construction n’est qu’ébauchée.
Les travaux de la ligne T.G.V. Atlantique : Paris‑Montparnasse Rennes, Quimper et Brest et Bordeaux, ont commencé en mars 1985. De nouveaux engins et rames plus performants sont en voie de réalisation. Il y aura plus de confort, de prestations et de places offertes par T.G.V.
Film : »T.6.V. 100« .
Ce film nous a fait vivre le record de vitesse sur rails à 380 km ∕ h établi le 26 février 1981.
CONCLUSION D’UN CHEMINOT ENTHOUSIASTE
En conclusion, l’avènement, le développement, la modernisation du chemin de fer, ont été la source d’évènements fondamentaux, qui ont bouleversé la vie même de l’humanité. Elle a rompu insensiblement avec son passé et s’est propulsée vers l’avenir.
Nous en récoltons les fruits aujourd’hui, pour demain et le futur lointain !
La première découverte est la notion du temps, de l’heure qui s’écoule, d’un horaire et pour ce faire, on achète une montre. C’est un renversement total dans le comportement de l’être humain, figé qu’il était dans le rythme immuable des saisons
Sur ce paramètre, il va de découvertes en découvertes. La vitesse, qui lui était inconnue, comme un vertige, saisit son esprit, le captive, son environnement prend un visage nouveau.
Les distances, par la vitesse, se rétrécissent.
Les populations étaient cloisonnées, vivaient en autarcie, leurs rejetons leur étaient assujettis. Le progrès va faire sauter bien des verrous, susciter des vocations, éveiller les responsabilités et prendre progressivement le visage de là liberté individuelle dont l’homme fera bien souvent un mauvais usage, la naissance d’autres collectivités.
Le voyage, pour la majorité, se limitait aux environs immédiats. Avec le train, voyager devient le signe avant‑coureur de temps nouveaux, de brassages de populations, de changements de mentalités, un élément moteur de la connaissance, de l’éducation.
Des villes nouvelles naissent, leurs habitants viennent de lieux et d’horizons très différents.
De nouvelles cathédrales surgissent : les grandes gares.
Ce nouveau mode de transport est le lieu mouvant de rencontres, d’échanges… de sentiments qui voient leur conclusion dans le mariage souvent.
Des noms nouveaux se répandent, tels que : banlieue, buffet de gare, horaires, retard, rendez‑vous, etc.….
L’information qui n’était qu’embryonnaire, les nouvelles se diffusaient avec des retards considérables, prend un essor prodigieux avec le télégraphe qui suit la progression du rail. Ainsi, un évènement capital pour les U.S.A. : la liaison ferrée Atlantique‑Pacifique est vécue en direct à Washington et San‑Francisco. Premier flash ! et il y en aura bien d’autres ; l’humanité n’a pas fini de nous étonner !
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