VISITE DE LA MAISON DE BALZAC

Thèmes: Art, Littérature                                                                                                                                      Visite du mardi 26 janvier 1988

Visite de la Maison de Balzac

               Mardi 26 janvier, toute la journée, les membres du C.D.I. ont, par groupe de 30 personnes, visité la Maison de Balzac.

               Située en contrebas de la rue Raynouard, tout en dominant de deux étages la rue Berton, la Maison de Balzac apparaît aujourd’hui comme l’un des rares témoins de ce que fut, avant d’être annexé à Paris en 1860, le village de Passy.

               Le lundi 16 novembre 1840, Balzac annonçait & Madame Hanska « à compter du moment où vous recevrez cette lettre, écrivez-moi à l’adresse suivante : Monsieur de Breugnol, rue Basse, n°19 à Passy, prés de Paris ».

               Je suis là, caché pour quelque temps (…), il m’a_ fallu déménager très lestement et me fourrer là où je suis ».

                Poursuivi par des créanciers, menacé de saisie de son mobilier et de vente judiciaire de sa propriété des Jardies à Sévres, il avait dû en effet déménager « lestement ».

               Il trouva, en bordure d’un jardin de curé, une petite maison dissimulée qui était en réalité |’étage supérieur de l’aile gauche d’un immeuble en fer à cheval construit encore plus bas, en bordure de la rue Berton. Cette aile était elle-même une ancienne dépendance, à usage d’orangerie et de salle de théâtre, d’un hôtel particulier construit, le long de la rue Basse, au XVIIIe siècle, pour Noél Hallé, peintre du Roi, et qui avait compté parmi ses habitants Jean de Julienne, l’ami de Watteau et, pendant la Révolution, la comédienne Louise Contat, la créatrice du Mariage de Figaro.

               Ce qui avait séduit Balzac, c’est que sa « cabane de Passy », dit Théophile Gautier, « juste comme le vin entre dans les bouteilles », profitait de la pente du coteau abrupt. Non seulement, une fois franchie la porte de l’hôtel bordant la rue, il fallait descendre deux étages pour trouver la pavillon de Balzac, mais ce dernier communiquait lui-même avec les deux niveaux inférieurs, dont celui du bas se trouvait en bordure de la rue du Roc, laquelle, sous son nom actuel de rue Berton, a conservé jusqu’à nos jours son étonnant aspect campagnard, avec des bornes qui éloignaient des maisons non alignées les roues de charrettes au moyeu meurtrier.

               Si des créanciers sonnaient à la porte rue Basse, Balzac, deux étages en-dessous, pouvait plonger par une trappe et s’échapper par derrière.

               Et, pour plus de sûreté, la maison était au nom de sa gouvernante, Madame de Brugnol, et il fallait, pour parvenir jusqu’à lui, prononcer le mot de passe : « J’apporte des dentelles de Belgique ».

               Mais Balzac n’était pas plutôt installé ici qu’il commençait à courir les antiquaires pour meubler sa demeure d’objets rares ou prétendus tels.

               Il avait installé son cabinet de travail au plus loin de l’entrée, à l’angle donnant à la fois sur le jardin et la rue du Roc et, de sa fenêtre, il apercevait I’hôtel dit de Lamballe, bâti sur |’emplacement d’une maison où Saint-Simon avait séjourné et où, à l’époque de Balzac, le docteur Blanche installait sa maison de santé.

               Face au parc, il écrivit « La Rabouilleuse », « Le Curé de Village », « Une ténébreuse affaire », « Les Paysans », « Ursule Mirouet », « Honorine », « Mémoires de deux jeunes mariés », « Modeste Mignon », « Splendeurs et Miséres des Courtisanes », « La Cousine Bette », « Le Cousin Pons »… Trente mille lignes en 1841, quarante mille en 1842 : jamais peut-être il n’a autant travaillé qu’entre ces quatre murs. « Travailler, écrivait-il le 15 février 1845 à Madame Hanska, c’est me lever tous les soirs à minuit, écrire jusqu’à huit heures, déjeuner en un quart d’heure, travailler jusqu’à cinq heures, dîner, me coucher, et recommencer le lendemain… ».

              En 1847, il quitta Passy pour la rue Fortunée où l’attendaient, croyait-il, la fortune et l’amour, alors qu’il n’allait, au terme d’un dernier voyage, y trouver que la souffrance et la mort.

               Quant à la maison de la rue Raynouard, elle fut sauvée par une série de circonstances heureuses : sa location par Monsieur Beaudier de Royaumont, qui y installa en 1908 un premier musée ; les soins dont l’entoura trente ans durant l’écrivain Louis Chancerel ; son legs par la comtesse de Limur en 1948 à la Ville de Paris ; les importants travaux de restauration, d’aménagement et d’enrichissement menés par cette dernière depuis cette époque.

               Mais le mobilier, les œuvres d’art ou prétendues telles accumulées par Balzac dans sa maison ?

               D’abord, l’écrivain fut plusieurs fois saisi et ne transporta rue Fortunée, en avril 1847, que ce que laissèrent ses créanciers.