Thèmes: Art, Littérature, Histoire Conférence du mardi 6 janvier 2015
Par Monsieur Michel Bernard, sous-préfet de la Marne, auteur et prix Maurice Genevoix 2009.
INTRODUCTION
Maurice Genevoix auteur né en 1890 est peu connu voire totalement inconnu de la jeune génération, or il a été un auteur essentiel dans le témoignage de la première guerre mondiale grâce à son chef-d’œuvre « Ceux de 14 ». Cependant en cette période de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, son écrit a été réédité et il reconnu comme le meilleur témoignage du conflit par tous les historiens. Genevoix bien que très marqué toute sa vie par ce terrible conflit écrira de nombreux romans obtenant le prix Blumenthal en 1922 et le Goncourt en 1925, et siégera dès 1948 à l’Académie Française.
Maurice Genevoix a été très proche de la ville de Garches, où un prix littéraire porte son nom.
I- Maurice Genevoix et la Grande Guerre.
Maurice Genevoix est originaire de la Loire et dès le début de sa scolarité il est un brillant élève bien qu’assez indiscipliné et farceur. Il gardera ce trait de caractère toute sa vie. Après son baccalauréat il prépare le concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure, concours qu’il réussit dès la première année. Lorsque éclate la première guerre mondiale, Genevoix, jeune normalien, qui faisait son service militaire à Bordeaux, part au front avec plusieurs de ses camarades. Paul Dupuy secrétaire général de l’Ecole Normale Supérieure demandera à chacun de ses élèves de lui écrire très régulièrement du front car il comptait regrouper tous ces témoignages pour en faire un livre. C’est ce qu’ils feront tous bien que très vite Paul Dupuy se rende compte que les lettres de Maurice Genevoix sont de loin les plus intéressantes. Elles sont si précises que le géographe qu’il est reconnaît les endroits précis où se passent les affrontements alors qu’ils ne sont jamais mentionnés dans les lettres sous peine d’être arrêté pour trahison. Une relation particulière se noue entre Dupuy et son élève si bien que les échanges épistolaires se font quasiment au quotidien. Conscient de l’importance du témoignage de Genevoix, Dupuy vit dans la crainte d’apprendre la mort du jeune homme, comme ce fut le cas pour nombre de ses élèves. D’autres plus chanceux ne seront que blessés et Dupuy les reverra à l’Ecole Normale Supérieure après que celle-ci eut été transformée en hôpital quelques mois après le début du conflit. En avril 1915, Maurice Genevoix est blessé à la Tranchée de Calonne dans la Meuse. Curieusement ce lieu porte un tel nom non pas à cause des tranchées creusées au moment de la guerre mais parce qu’il s’agissait d’un chemin tracé par le Ministre Calonne à la demande de Louis XVI. Sa blessure lui coûtera l’usage de son bras gauche mais il ne perd pas espoir de retourner au combat dès la fin de sa convalescence, c’est pourquoi il refusera d’écrire ses souvenirs de guerre durant toute la durée du conflit au grand désespoir de Paul Dupuy qui lui en avait fait la demande à plusieurs reprises.
Genevoix a été très affecté moralement par la Grande Guerre. Il a dû affronter la perte de son bras à l’âge de 24 ans mais surtout la mort d’un grand nombre de ses camarades qui, au fil des semaines passées au front, s’étaient converti quasiment en frères. L’horreur de la guerre le touche énormément et transparaît de manière émouvante dans son œuvre « Ceux de 14 » qu’il finira par écrire et qui témoigne de façon impartiale de tout ce qu’il a pu observer lors des combats. La qualité de langue est telle que chaque sentiment est transmis avec une grande subtilité et émeut parfois jusqu’aux larmes le lecteur. Genevoix décrit merveilleusement les sentiments mais également les lieux ce qui touche chaque Meusien. Si « Ceux de 14 » reste l’œuvre la plus connue de Maurice Genevoix pour se qui est des témoignages de guerre, il a écrit d’autres livres concernant la première guerre mondiale. Ainsi son premier témoignage paraît en pleine bataille de Verdun en avril 1916. Curieusement cette œuvre « Sous Verdun » sera censurée alors que très peu de livres l’ont été, la censure frappant beaucoup plus les lettres des soldats que les travaux des écrivains. Censure d’autant plus curieuse que Genevoix est très impartial contrairement à Henri Barbusse autre célèbre témoin du conflit qui, lui, a une ligne clairement communiste dans son récit « Le feu » ou Roland Dorgelès qui est de droite (voir son livre « Les croix de bois »). On pense que le texte de Genevoix a été censuré car les écrits d’un officier ne peuvent montrer l’armée française sous un jour défavorable et Genevoix décrivait des scènes de panique de certains soldats ou des pillages commis dans certains villages, inacceptable pour la censure.
Genevoix écrit quatre autres livres de guerre mais dès 1920 les témoignages de la Grande Guerre ne se vendent plus et les œuvres de Maurice Genevoix n’auront pas de succès. Extrêmement touché par la guerre et son handicap Genevoix part fin 1915 vivre chez son père veuf. Dans cette maison isolée, son moral est au plus bas, la France est ravagée par la guerre et la solitude est son quotidien. Finalement en 1916 il se laisse convaincre de revenir à Paris où il commence à écrire « Sous Verdun ». Puis viendra « Ceux de 14 » qui sera rédigé partiellement a l’ENS et partiellement dans sa maison d’enfance. En 1919 Genevoix est officiellement démobilisé et il rentre chez son père en Sologne, sur les bords de Loire mais toute sa vie et son œuvre seront marqués par le drame de la première guerre mondiale.
II- Maurice Genevoix une personnalité méconnue.
Comme nous l’avons vu dans les années 1920 les lecteurs ne s’intéressent plus aux récits de guerre et Maurice Genevoix dépourvu de revenus se voit contraint à écrire des romans. Son premier ouvrage ne connaîtra qu’un succès mitigé car il est d’un style assez emprunté. Dès son deuxième roman « Rémi des Rauches » ses grandes qualités littéraires réapparaissent et il obtient le prix Blumenthal en 1922. Le roman est une transposition littéraire de la guerre, la crue de la Loire évoquant la boue des Eparges et le souvenir des camarades tués. Le jury est composé de nombreuses personnalités dont Colette et André Gide qui reconnaîtra son talent mais qui lui dira que ses livres de guerre ne sont pas de la littérature. Opinion quelque peu regrettable quand on connaît la finesse du texte de « Ceux de 14 ». Genevoix continu d’écrire et en 1925 il obtient le prix Goncourt pour « Raboliot » un très beau livre régionaliste, devenant par la même autonome financièrement. Il achète une maison sur les bords de Loire dans le hameau des Vernelles, maison qu’il gardera toute sa vie. Suite au prix Goncourt il vend assez de livres pour vivre à sa guise et sa réputation dans le monde littéraire ne cesse de croître. Tout en poursuivant ses écrits, Maurice Genevoix voyage beaucoup et travaille à la promotion de la langue française, il séjourne même quelques mois au Canada, pays pour lequel il a une affection particulière et qui lui inspirera son roman « La framboise et Bellehumeur »
En 1938 Maurice Genevoix épouse une femme médecin scolaire, une des première de sa génération, malheureusement elle mourra six mois plus tard ce qui sera un nouveau drame pour Genevoix, qui tout au long de sa vie souffrira énormément. Afin de tenter de surmonter sa peine, Genevoix accepte une tournée de promotion de la langue française au Canada. Quand éclate la seconde guerre mondiale il rentre en France. Quand les Allemands arrivent à la Loire Genevoix part se réfugier en Aveyron, dans sa belle famille avec qui il avait gardé des liens particuliers. C’est dans l’Aveyron que Genevoix rencontre sa seconde épouse, Suzanne qui s’avère être une amie de sa première épouse. Ils se marient et en 1944 naît leur fille Sylvie qui toute sa vie sera très proche de son père. Durant toute la seconde guerre mondiale il ne publie aucun ouvrage. A la fin de la guerre il retrouve sa maison totalement ravagée, elle avait été pillée par les Allemands et différentes milices. Cet état de fait déprime à nouveau fortement l’écrivain et sa femme Suzanne décide de faire restaurer la maison.
Genevoix continu de travailler et il milite pour instaurer un statut de droit d’auteur. En 1947 l’écrivain se présente à l’Académie française, cela impliquant qu’il accepte de reprendre sa vie parisienne. Il est très actif au sein de l’Académie française et retravaille très activement à la promotion de la langue française dans le monde. En 1958 il devient secrétaire perpétuel de l’Académie française et sous son impulsion l’Académie française affirme sa présence et sa compétence au sein du Haut Comité de la langue française crée en 1960 et du Conseil international de la langue française. Sous son autorité sont créées également les commissions ministérielles de terminologie qui proposaient des équivalents aux termes anglais dans les domaines scientifiques et techniques. Il démissionne du poste de secrétaire perpétuel en 1974. Il a une réelle vocation de pédagogue et cherchait toujours à faire reconnaître le talent littéraire des écrivains. Ainsi eut-il énormément de mal à faire rentrer Morand à l’Académie française car ce dernier s’était opposé à de Gaulle à Londres lors de son appel et pour être académicien il fallait l’accord du Président de la République. Genevoix souhaitait mettre en valeur les talents littéraires de Morand sans tenir compte de ses choix politiques. Une fois encore on perçoit l’impartialité de Genevoix. Contrairement à la première guerre mondiale qu’il avait vécu et commenté, Genevoix a toujours refusé de parler de la seconde guerre mondiale. Dans les années 1950 et 1960, les textes de Genevoix sont donnés en dictées dans les écoles primaires et tous les écoliers connaissent l’écrivain. Dans les années 1970 Maurice Genevoix apparaît dans de nombreuses émissions de télévision dont « Apostrophe » de Bernard Pivot et « Le grand échiquier ». En dépit de son grand âge, il écrira jusqu’à la fin de ses jours ; il mourra en 1980 dans sa résidence secondaire en Espagne.
CONCLUSION
Maurice Genevoix grand auteur du XXe siècle, bien que parfois méconnu, a su dans l’ensemble de son oeuvre témoigner des relations d’accord entre les hommes et entre l’Homme et la Nature. Son écriture est servie par une mémoire vive, le souci d’exactitude et le sens poétique. Certains écrivains ont souligné les valeurs littéraires mais aussi humaines de Genevoix. Un des principaux auteurs de Genevoix est Michel Bernard qui a publié en 2011 « Pour Genevoix ».
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