ThÚmes: Géopolitique, Histoire, Société                                             Conférence du mardi 25 février 2020
DE GAULLE ET LE COMTE DE PARIS, TENTATION MONARCHIQUE OU MANIPULATION POLITIQUE
Par Monsieur Guy GAUTHIER, ancien magistrat, ancien sous-prĂ©fet, professeur de Sciences Politiques et Relations internationales Ă l’ICES, docteur en Histoire de la Sorbonne.
INTRODUCTION
François Mitterrand dit un jour au Comte de Paris : « Monseigneur, il n’y a qu’un homme qui pouvait restaurer la monarchie en France, c’est le GĂ©nĂ©ral de Gaulle et il ne l’a pas fait ». Cette rĂ©flexion illustre la situation extravagante du dĂ©but de la Ve RĂ©publique lorsque le GĂ©nĂ©ral choya le PrĂ©tendant, le berça de promesses, prit mĂȘme son fils aĂźnĂ© Ă son cabinet pour le former comme le GĂ©nĂ©ral Franco avec le prince Don Juan Carlos. SincĂ©ritĂ©, manipulation ou partie de « poker menteur » comme disait la Comtesse de Paris. C’est cela que nous essaierons de comprendre.
I – Le Comte de Paris : son parcours avant de rencontrer De Gaulle.
Le Comte de Paris (1908-1999) est le descendant direct de Louis Philippe Ier dâOrlĂ©ans et donc prĂ©tendant au trĂŽne de France. Les Bourbons rĂ©gnant en Espagne ayant renoncĂ© au trĂŽne de France, leurs cousins OrlĂ©ans sont considĂ©rĂ©s comme la branche lĂ©gitime. DĂ©jĂ en 1871, le Parlement avait votĂ© la restauration de la royautĂ© en France, pourtant, le Comte de Chambord qui devait ĂȘtre roi n’accepta pas le drapeau tricolore et voulut imposer le retour au drapeau blanc. Son entĂȘtement empĂȘcha la restauration. Certains pensent que le fait qu’il n’ait pas eu de descendant a beaucoup pesĂ© dans cet entĂȘtement et donc cet Ă©chec.
Henri d’OrlĂ©ans, Comte de Paris, est le fils de Jean d’OrlĂ©ans, Duc de Guise, qui, pour sa part, se tenait en marge du monde politique. Par ailleurs, en vertu dâune loi d’exil votĂ©e en 1886 par la IIIe RĂ©publique, peu assurĂ©e encore sur ses bases, la famille royale Ă©tait contrainte de vivre Ă lâĂ©tranger.
En 1938, le jeune Henri d’OrlĂ©ans, violant la loi dâexil, donne une confĂ©rence de presse en France (Magny-en-Vexin) et se prĂ©sente comme en arbitre. A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le Prince ne connaĂźt pas encore De Gaulle et, d’ailleurs, se mĂ©fie des gĂ©nĂ©raux. Lui, tire sa lĂ©gitimitĂ© du fait que les CapĂ©tiens ont fait la France.
De son cĂŽtĂ©, Charles de Gaulle est nĂ© au sein d’une famille catholique de sensibilitĂ© royaliste. Câest un passionnĂ© dâhistoire et, adolescent, il rĂȘve dĂ©jĂ de jouer un rĂŽle de premier plan au service exclusif de « Notre-Dame la France ». Le Comte de Paris, de son cotĂ©, estime que seul un roi peut unir les Français au-delĂ des clivages politiques.
Si les deux hommes sont animĂ©s par la mĂȘme foi en la nation, ils prennent des chemins opposĂ©s. De Gaulle, Ă Londres, en 1940, alors que la France est envahie, tente d’unifier sous son autoritĂ© les Français qui refusent la dĂ©faite ; de son cĂŽtĂ©, Henri d’OrlĂ©ans tente de convaincre le MarĂ©chal PĂ©tain que sâil avait un prince de France dans son gouvernement, cela renforcerait encore sa lĂ©gitimitĂ©. Le MarĂ©chal ne lui propose quâun poste de secrĂ©taire dâEtat au ravitaillement… Le jeune homme refuse et va jouer sa propre carte en AlgĂ©rie.
Les OrlĂ©ans ont eu un rĂŽle considĂ©rable dans la conquĂȘte et la pacification de lâAlgĂ©rie sous la Monarchie de Juillet et ce souvenir explique que le mouvement royaliste est puissant Ă Alger. Le Comte de Paris va donc tenter de se faire Ă©lire reprĂ©sentant des dĂ©partements dâAlgĂ©rie qui reprĂ©sentent la seule portion du territoire national libre du joug allemand.
HĂ©las pour lui, comme pour De Gaulle dâailleurs, les AmĂ©ricains jouent la carte de lâamiral Darlan, proche du MarĂ©chal PĂ©tain.
Activant les rĂ©seaux royalistes dâAlger, le Prince fait comprendre Ă ses partisans que Darlan est le symbole de la collaboration aux cĂŽtĂ©s de PĂ©tain et que, dĂšs lors, on ne saurait lui confier lâavenir de la France. A Londres, le GĂ©nĂ©ral de Gaulle et Churchill ont la mĂȘme opinion. Il faut donc Ă©liminer lâAmiral.
Le 24 dĂ©cembre 1942, l’Amiral Darlan est assassinĂ© Ă Alger par un jeune royaliste :  Fernand Bonnier de la Chapelle. Le GĂ©nĂ©ral Giraud, qui commande alors en AlgĂ©rie, fait fusiller Bonnier de la Chapelle sans procĂšs. Comme Giraud est lui-mĂȘme royaliste, on peut penser quâil a voulu couvrir le Comte de Paris. Quoi quâil en soit, câest De Gaullle qui, en dĂ©finitive, tirera les marrons du feu et rĂ©habilitera le jeune Bonnier de la Chapelle.
Mais De Gaulle qui aurait pu alors proposer au Prince de collaborer avec lui dans le gouvernement dâAlger, ne lui tend pas la main. Le PrĂ©tendant, blessĂ©, se met en retrait de la vie politique.
II – Les relations entre les deux hommes.
Un premier contact indirect a lieu en 1949 lorsque De Gaulle, qui avait dĂ©missionnĂ© du gouvernement provisoire en 1946, reçoit rue de SolfĂ©rino, Ă Paris, le Duc de Praslin, reprĂ©sentant du Comte de Paris. Le GĂ©nĂ©ral lui dit quâil entend revenir un jour au pouvoir et que lorsque lâEtat sera rĂ©tabli, il passera la main au Prince qui, lui-mĂȘme, le transmettra un jour Ă son fils. De Gaulle, en outre, dit Ă son interlocuteur : « Je suis monarchiste, royaliste. »
Du coup, le Comte de Paris, qui se mĂ©fie du GĂ©nĂ©ral depuis lâaffaire dâAlger, se rapproche un peu de lui. Dâautant que la IVe RĂ©publique, droite et gauche confondue a, en 1950, abrogĂ© la loi dâexil de la famille royale. Le Prince peut donc revenir en France, sâinstaller avec sa famille Ă Louveciennes et recevoir tout le gratin politique de la  IVe RĂ©publique puisque la droite comme la gauche ont votĂ© massivement pour lâabrogation de la loi dâexil. Sauf les communistes. Toutefois, dans un souci dâapaisement et en considĂ©ration du fait que le Parti Communiste reprĂ©sente une force non nĂ©gligeable, il dĂ©clare que les communistes sont des Français comme les autres et quâil faut travailler avec eux. Ce discours sera repris par François Mitterrand, ami personnel du Prince, en 1981. Par ailleurs, le Prince rĂȘve ouvertement dâune monarchie sociale qui Ă©vitera les excĂšs du capitalisme financier.
Ces prises de position finiront par convaincre un grand nombre dâhommes politiques, dâautant que le grand leader socialiste LĂ©on Blum avait lui-mĂȘme Ă©crit que les exemples donnĂ©es par lâAngleterre, la Belgique ou les Pays scandinaves avaient prouvĂ© que monarchie et dĂ©mocratie nâĂ©taient pas incompatiblesâŠ
Il est certain que De Gaulle, en exil Ă Colombey, a vu soudain le danger que pouvait reprĂ©senter pour lui le Comte de Paris. DâoĂč, sans doute, ses dĂ©clarations au Duc de Praslin. Ces craintes Ă©taient dâautant plus justifiĂ©es que, complĂštement perdus dans les difficultĂ©s intĂ©rieures et coloniales, les gouvernements de la IVe RĂ©publique permettaient au PrĂ©tendant de sillonner la France, dây faire des discours, de dĂ©poser des gerbes devant les monuments au morts. Cet activisme fit dire Ă un tĂ©moin de lâĂ©poque : « Je ne sais pas si le Comte de Paris est rĂ©publicain ou royaliste, en tout cas, câest le dauphin de la RĂ©publique ».
De Gaulle et le Prince se rencontrÚrent pour la premiÚre fois en 1954 dans la région parisienne. Rencontre secrÚte chez un gouverneur honoraire de la banque de France.
De Gaulle dit alors au Prince : « Si la France doit mourir, c’est la RĂ©publique qui l’achĂšvera […] d’ailleurs ce n’est pas le rĂ©gime qui convient Ă la France. Si la France doit vivre, alors la monarchie aura son rĂŽle Ă jouer, en l’adaptant, en lui donnant un sens, elle peut ĂȘtre utile ». Le Comte de Paris est conquis et reverra Ă plusieurs reprises le GĂ©nĂ©ral.
En 1957, le Comte de Clermont,  fils aĂźnĂ© du Prince, se marie. De Gaulle envoie un message des plus rĂ©vĂ©lateurs. En effet, il y salue « cette famille qui s’identifie Ă l’histoire de notre pays et qui intĂšgre son avenir aux espĂ©rances de la France ».
La IVe RĂ©publique Ă©tait complĂštement perdue. A ses difficultĂ©s Ă©normes vinrent sâajouter les Ă©vĂ©nements dâAlgĂ©rie. Ceci explique des projets qui nous paraissent surrĂ©alistes aujourdâhui comme le fait de reprendre la proposition faite par Churchill en 1940 de crĂ©er un Etat franco-anglais qui, avec lâempire colonial quâil possĂ©dait encore, pĂšserait dans le monde face aux USA et Ă lâURSS. Il Ă©tait mĂȘme prĂ©vu que la jeune reine Elizabeth II serait chef de ce nouvel EtatâŠ
Mais les Ă©vĂ©nements dâAlger ramenĂšrent De Gaulle au pouvoir. PrĂ©sident du Conseil, il proposa alors aux Français une nouvelle constitution faisant du Chef de lâEtat le pilier des Institutions. Du coup, le Comte de Paris pense que cette Ve RĂ©publique pourrait devenir la premiĂšre Ă©tape dâune restauration monarchique et appelle Ă voter « Oui » au GĂ©nĂ©ral. De fait, le nouveau rĂ©gime sâapparente Ă ce que les constitutionnalistes ont appelĂ© une « monarchie prĂ©sidentielle ».
Le PrĂ©tendant collabore entiĂšrement avec De Gaulle. Son rĂŽle est celui de conseiller occulte. Il se propose mĂȘme, en tant que descendant de ces princes dâOrlĂ©ans qui ont pacifiĂ© lâAlgĂ©rie, de devenir une sorte de proconsul pour gĂ©rer la question algĂ©rienne dont le gĂ©nĂ©ral veut se sortir. NĂ©anmoins, De Gaulle est rĂ©ticent car il faudrait actionner lâarticle 16 de la constitution et cela crĂ©erait des polĂ©miques autour du Prince. NĂ©anmoins, il continue Ă glorifier la famille royale. Ainsi, en 1959, visitant Amboise, propriĂ©tĂ© du Comte de Paris, il dĂ©clare : « Je salue nos rois, leurs descendants qui sont de trĂšs bons, de trĂšs dĂ©vouĂ©s serviteurs du pays ».
De Gaulle souhaite que le Prince soit son ambassadeur itinĂ©rant auprĂšs de tous les monarques arabes du Maroc au Moyen-Orient afin quâils laissent agir la France en AlgĂ©rie et ne soutiennent pas la rĂ©bellion. Le Prince effectue cette mission et rend compte directement de ses dĂ©marches au Chef de lâEtat. Comme dĂ©jĂ , en 1957, le mariage du fils du Comte de Paris avec la princesse Marie-ThĂ©rĂšse de Wurtemberg avait Ă©tĂ© saluĂ© par le GĂ©nĂ©ral car il correspondait exactement Ă sa volontĂ© de rĂ©concilier la France et lâAllemagne, on peut considĂ©rer que le Comte de Paris reprĂ©sentait alors un acteur important de la diplomatie gaulliste.
Au cours de leurs nombreuses conversations, le Prince Ă©voque souvent avec le GĂ©nĂ©ral la question de la monarchie. On ne sait pas trop ce quâil pense lui-mĂȘme, mais une confidence faite au gĂ©nĂ©ral Franco, laisse entendre quâil espĂšre, dans un premier temps au moins, succĂ©der au GĂ©nĂ©ral Ă la tĂȘte de lâEtat. Le GĂ©nĂ©ral nâest pas contre, dâautant plus quâil vieillit, quâil est fatiguĂ© et quâil affirme ne pas vouloir se reprĂ©senter. Mais il faudra alors que le Prince affronte le suffrage universel qui, depuis 1962, est le mode dâĂ©lection du PrĂ©sident de la RĂ©publique.
De Gaulle lâencourage mĂȘme Ă se prĂ©senter aux prochaines prĂ©sidentielles. MĂȘme sâil Ă©choue la premiĂšre fois, ce sera, dit-il, une expĂ©rience utile. En outre, il lâassure que face Ă Guy Mollet ou Ă Pierre Plimplin, il reprĂ©sentera un vrai symbole pour les Français. Mais, lui conseille-t-il, il serait bon quâil se fasse  connaĂźtre de la population et pas seulement des cercles politiques qui lisent son « Bulletin » mensuel. Ainsi, il aura trois ans pour se prĂ©parer Ă lâĂ©lection suprĂȘme. Il lui propose donc, en attendant, la prĂ©sidence de la Croix-Rouge. Le Prince accepte mais François-Poncet, prĂ©sident de cette organisation caritative, refuse de prendre sa retraite. En revanche, il serait favorable lui aussi, Ă titre personnel, Ă ce que le Comte de Paris se prĂ©sente aux futures prĂ©sidentielles.
Un an avant les Ă©lections de 1965, le Comte de Paris insiste auprĂšs du GĂ©nĂ©ral pour qu’il soit prĂ©sentĂ© aux Français comme son successeur officiel. De Gaulle Ă©carte cette suggestion et dit que sâil faisait cela, le Prince, hĂ©ritier des rois de France, serait perçu comme un homme de parti et non plus comme lâarbitre quâil a toujours voulu ĂȘtre. Câest certainement une pointe car De Gaulle garde une certaine rancĆur vis-Ă -vis du Prince qui ne lâa pas rejoint Ă Londres en 1940 et qui, aprĂšs la guerre, a refusĂ© de soutenir le RPF.
De toute maniĂšre, et contrairement Ă ce quâil avait dit, le GĂ©nĂ©ral se reprĂ©sente aux Ă©lections de 1965. En 1958, il a Ă©tĂ© Ă©lu par les parlementaires mais, en 1965, il veut lâĂȘtre directement par le peuple. Cette Ă©lection sera le « sacre » du monarque rĂ©publicain.
En 1966, De Gaulle Ă©tant Ă peine réélu prĂ©sident au second tour face Ă François Mitterrand, le Comte de Paris lui demande ouvertement si la restauration de la monarchie est encore dâactualitĂ©. De Gaulle Ă©lude : « un jour, peut-ĂȘtre, si les circonstances le permettent ». Finalement, aprĂšs sa dĂ©faite lors du rĂ©fĂ©rendum de 1969, De Gaulle quitte dĂ©finitivement le pouvoir et tout espoir de voir le rĂ©tablissement de la  monarchie s’Ă©vanouit.
III – De Gaulle et Franco : des projets similaires?
On peut remarquer une certaine similitude de comportement entre De Gaulle et Franco Ă propos de la monarchie. Franco a sauvĂ© son rĂ©gime en assurant aux AmĂ©ricains quâil nâĂ©tait pas fasciste mais royaliste et quâil restaurerait un jour la monarchie. De fait, il soumit un projet de restauration au peuple espagnol qui le plĂ©biscita en 1947. Le Caudillo se rĂ©serva cependant  le privilĂšge de choisir le futur roi.
Ce qui se passait en Espagne ne pouvait ĂȘtre Ă©tranger au GĂ©nĂ©ral de Gaulle qui, aprĂšs la guerre, refusa le blocus de lâEspagne que rĂ©clamaient les rĂ©publicains espagnols en exil pour chasser Franco. De Gaulle savait aussi que Franco avait sauvĂ© lâEspagne du bolchĂ©visme et que, surtout, il avait refusĂ© Ă Hitler la traversĂ©e de lâEspagne pour sâemparer de Gibraltar et de lâAfrique du Nord française. Ceci explique le rapprochement des deux hommes et lâaide Ă©conomique considĂ©rable que la Ve RĂ©publique apportera Ă lâEspagne Ă partir de 1960. Il y eut mĂȘme un projet dâorganisation mĂ©diterranĂ©enne dont Paris et Madrid seraient les piliers. De Gaulle, en effet, se souvenait que les Bourbons dâEspagne Ă©taient les descendants directs de Louis XIV et Ă©voqua cette grande histoire en Ă©crivant Ă Franco : « Nâest-ce pas ce quâont voulu, Excellence, vos Bourbons et les nĂŽtres ! » Franco, de son cĂŽtĂ©, rendit service Ă De Gaulle en accordant lâasile politique aux chefs de lâOAS qui seraient dĂ©sormais sous surveillance de la police espagnole plutĂŽt quâen France oĂč ils organiseraient dâautres attentats contre le pouvoir gaulliste.
De Gaulle avait suivi Ă©troitement lâĂ©volution du rĂ©gime franquiste et sa marche vers la restauration de la monarchie. Il avait vu comment Franco avait choisi lui-mĂȘme son roi en Ă©cartant lâhĂ©ritier officiel du trĂŽne, le Comte de Barcelone, trop libĂ©ral, pour former en Espagne son jeune fils, le prince Don Juan Carlos. Il avait vu aussi lâEspagne passer en 1966 dâune dictature militaire Ă une sorte de monarchie autoritaire oĂč Franco, tout en restant le chef suprĂȘme de lâEtat, laissait dĂ©sormais la direction du gouvernement Ă un Premier ministre, ce qui, au fond, Ă©tait le schĂ©ma de notre propre « monarchie rĂ©publicaine ».
DĂšs lors, on ne peut quâĂȘtre troublĂ© par la façon dont De Gaulle agit en France Ă lâĂ©gard du Comte de Paris. Peut-ĂȘtre parce quâil le sentait trop pressĂ© de le voir quitter le pouvoir afin que la monarchie puisse ĂȘtre restaurĂ©e – situation absolument identique Ă celle du Comte de Barcelone qui, dĂšs 1945, demanda Ă Franco de se retirer afin quâil puisse lui-mĂȘme monter sur le trĂŽne -, De Gaulle prit son fils aĂźnĂ©, le Comte de Clermont, Ă son cabinet afin de le former aux affaires. Il devait penser, comme Franco, que faire lui aussi « son roi » Ă©tait le plus sĂ»r moyen de garantir sa prĂ©sence au pouvoir jusquâĂ la mort. Autre Ă©lĂ©ment troublant : le rapport au Saint-SiĂšge. Alors que le Vatican demandait aux membres de lâOpus Dei de faire de lâentrisme dans le rĂ©gime franquiste afin de favoriser la restauration dâune monarchie catholique et dĂ©mocratique, De Gaulle, en fils respectueux de lâEglise, fit sonder le Vatican pour savoir si la restauration de la monarchie en France poserait une difficultĂ© Ă Rome. Aucun, lui fut-il rĂ©pondu.
En 1969, Franco, effondrĂ© par la dĂ©mission du GĂ©nĂ©ral de Gaulle, lui envoya une lettre profondĂ©ment amicale et lâinvita Ă visiter lâEspagne. De Gaulle fit effectivement ce voyage avec sa femme Ă lâĂ©tĂ© 1970. Il sâentretint longuement avec Franco en  tĂȘte-Ă -tĂȘte dans une ambiance cordiale, de soldat Ă soldat, de chef dâEtat catholique Ă ancien chef dâEtat catholique.  Comment ne pas penser que la restauration de la monarchie et la nomination officielle par Franco, en 1969, du futur roi Don Juan Carlos, descendant en droite ligne de Louis XIV, ne fut pas lâun de leurs sujets de conversation ?
CONCLUSION
De Gaulle Ă©tait-il monarchiste? On peut penser qu’il avait une profonde admiration pour la monarchie française, admiration de l’historien pour les bĂątisseurs de la nation française mais aussi de l’homme politique pour l’institution. Mais, s’il Ă©tait monarchiste de sentiment, a t-il pour autant rĂ©ellement envisagĂ© de restaurer la monarchie ? L’ambiguĂŻtĂ© rĂšgne car on ne sait pas si De Gaulle s’est servi, pour ses propres ambitions, des royalistes et du Comte de Paris afin de se faire lĂ©gitimer ou si ses intentions Ă©taient sincĂšres. Les barons du gaullisme sont d’ailleurs divisĂ©s sur le sujet. Le Comte de Paris fut amĂšrement dĂ©pitĂ© et fera cesser la parution de son « Bulletin » le 17 janvier 1967.
Il renouera avec lâElysĂ©e Ă lâĂ©poque oĂč François Mitterrand sera prĂ©sident. On peut se demander dâailleurs si Mitterrand ne chercha pas Ă rĂ©aliser cette « monarchie dĂ©mocratique et sociale » dont rĂȘvait le Comte de Paris. Mitterrand, en tout cas, imposa aux socialistes que la France cĂ©lĂšbre le MillĂ©naire capĂ©tien avant le Bicentenaire de la RĂ©volution et justifiera sa dĂ©cision par ces mots : « Avant la RĂ©volution, nous nâĂ©tions pas des barbares et la France Ă©tait mĂȘme la premiĂšre puissance du monde ! »
Bien entendu, il présida en personne, et en présence du Comte de Paris, les temps forts du Millénaire capétien et rappela une vérité historique : « Les Capétiens sont la colonne vertébrale de la France ».
Bibliographie essentielle :
Comte de Paris : « Dialogue sur la France. Correspondance et entretiens (1953-1970). Fayard, 1994.
                          : « Au service de la France. MĂ©moire dâexil et de combats », Atelier Marcel Jullian, 1979.
Général de Gaulle : « Notes et carnets », chez Plon.
Xavier Walter : « Un Roi pour la France. Henri Comte de Paris (1908-1999), François-Xavier de Guibert, 2002.
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