VOYAGER SOUS LES TROPIQUES A L’ABRI DU PALUDISME

Thème :MEDECINE ET SCIENCES NATURELLES                                                                                                                      Mardi 28 Février 2006

Voyager sous les tropiques à l’abri du paludisme

Par Catherine Bourgouin – Docteur es sciences en biologie moléculaire, unité de biologie et génétique du paludisme à l’Institut Pasteur

Le paludisme est une maladie due à un protozoaire « plasmodium », qui se multiplie dans les globules rouges, et pour lequel il n’y a pas de vaccin. Ce parasite, découvert par Alfred Laveran en 1880 (prix Nobel en 1907), est transmis par la piqûre du moustique anophèle. Cette maladie se propage dans des régions à moustiques, là où il fait chaud et où se trouve de l’eau stagnante. Le paludisme est une maladie des marais. L’autre terme, « malaria » signifie « mauvais air » en italien.

Le cycle de Plasmodium est complexe et comporte deux étapes essentielles : une phase chez l’homme et une phase chez le moustique. L’anophèle femelle transmet le virus sous la forme de « sporozoïtes » qui atteignent le foie en vingt-quatre heures. Il se multiplie très rapidement et produit des milliers des « mérozoïtes » hépatiques. Eux-mêmes rejoignent la circulation sanguine et chaque parasite envahit un globule rouge. Après quelques cycles de réplication des mérozoïtes, des gamétocytes mâles ou femelles sont formés dans les globules rouges. Si ces formes sont ingérées par un moustique qui vient piquer, une nouvelle phase se développe, cette fois chez l’anophèle. Les gamétocytes ingérées se transforment en gamètes. Leur fécondation engendre un zygote, qui se différencie en oocyste dans le tube digestif du moustique. Les oocystes produisent des sporozoïtes, qui migrent vers les glandes salivaires du moustique. Un nouveau cycle peut alors commencer.

Symptômes et diagnostic

Le paludisme s’apparente d’abord à un syndrome grippal, avec des poussées de fièvre, des frissons et un état de fébrilité apparent. Il débute par une fièvre huit à trente jours près l’infection. La rechute survient tous les trois à quatre jours. Des cycles alternant fièvre, tremblements et transpiration intense peuvent intervenir, c’est « l’accès palustre ». La périodicité de ces cycles dépend de l’espèce de parasite en cause et coïncide avec la multiplication des parasites et l’éclatement des globules rouges, ce qui peut provoquer l’anémie du malade. Dans certains cas, le parasite obstrue les capillaires irriguant le cerveau, c’est le neuropaludisme, souvent mortel.

Le diagnostic s’effectue par le biais d’un frottis sanguin, qui révèle la présence du parasite dans les globules rouges.

Où trouve t-on le paludisme ?

Le paludisme se développe dans les zones favorables à l’anophèle (qui compte soixante espèces différentes dans le monde). Il faut des conditions de température et d’humidité favorables, qui se retrouvent essentiellement dans la ceinture tropicale et sub-tropicale du globe. Dans les régions à saison des pluies, la transmission du paludisme est saisonnière ; dans les zones humides, cette transmission est pérenne (par exemple, la région de la Casamance au Sénégal).

Le développement du moustique

Le paludisme étant indissociable du moustique, il est essentiel de comprendre l’évolution de cet insecte. La femelle pond ses œufs dans l’eau. La larve se transforme, en quarante-huit heures, en nymphe qui deviendra un adulte mâle ou femelle en quatre à huit jours. Seules les femelles piquent, car un repas de sang est nécessaire à la maturation de ses œufs. Une femelle peut prendre un repas sanguin tous les trois jours. Un moustique peut pondre cinq à dix fois au cours de sa vie, qui dure environ un mois. Tous les moustiques ne se ressemblent pas, et ne sont pas le vecteur des mêmes maladies. L’aedes transmet la fièvre jaune, le chikungunya ou la dingue, mais pas le paludisme. Les anophèles, qui transmettent le paludisme, vivent à proximité des mares, dans les eaux stagnantes, essentiellement dans des zones rurales et périurbaines.

Comment se protéger ?

Il faut tout d’abord limiter le contact avec l’anophèle. Puisqu’il pique la nuit, il faut dormir sous une moustiquaire, porter des vêtements couvrants et utiliser des répulsifs dès la tombée de la nuit.

Puisqu’il n’existe pas de vaccin, il faut prendre un traitement préventif quand on se rend dans une zone infectée. La prophylaxie dépend de chaque pays et du niveau de résistance des parasites aux médicaments. Ainsi, la nivaquine est bien moins efficace aujourd’hui. Avant de partir, il faut consulter un médecin spécialiste ou le site internet de l’Institut Pasteur. Le traitement est à prendre un jour avant le départ et trente jours après le retour car on part du principe que vous avez pu être contaminé le dernier jour de votre voyage et que la maladie peut mettre trente jours à se déclarer. En cas de fièvre au retour, ne pas hésiter à consulter.

Le paludisme, première maladie parasitaire au monde

Le paludisme touche une centaine de pays dans le monde, particulièrement les zones tropicales défavorisées d’Afrique (90% des cas graves !), d’Asie et d’Amérique du Sud. On compte 300 à 500 millions de personnes contaminées, et un à deux millions de morts par an, soit un mort toutes les trente secondes. Par endroits, les personnes sont tellement souvent infectées qu’elles finissent par être naturellement immunisées. Mais cela prend du temps, dix ans environ, et il suffit de ne pas être contaminé pendant une année pour perdre cette immunité. Les enfants de moins de cinq sont les principales victimes du paludisme.

On sait aussi que c’est une maladie de la pauvreté. Le paludisme frappe le plus durement les pays pauvres, dans des zones rurales avec des conditions sanitaires limitées (pas de traitement des eaux usées, pas d’évacuation, d’eau courante…). Avec le drainage des eaux, une amélioration de l’habitat et l’utilisation de moustiquaires, on réduit le risque d’infection.

La recherche sur le paludisme

La recherche sur le paludisme est multicentrique. Il s’agit d’essayer de comprendre la biologie du parasite chez l’homme et le moustique, les mécanismes de résistance du paludisme face aux médicaments, et de trouver une nouvelle épidémiologie pour contourner cette résistance. On recherche actuellement de nouveaux composés et de nouvelles combinaisons. Seulement, les nouveaux traitements coûtent cinq fois plus cher que l’ancien.

La recherche porte aussi sur la biologie du parasite chez l’homme et le moustique pour tenter de mettre au point un vaccin. Seulement, au cours de sa vie, le parasite passe successivement par plusieurs stades avec des phases de multiplication asexuée chez l’homme, puis une phase de reproduction sexuée chez le moustique. Chaque stade se termine par la libération d’un parasité d’une forme différente induisant des réponses immunitaires différentes, ce qui complique la recherche d’un vaccin. Des essais, satisfaisants chez l’animal, n’ont pas été concluants sur l’homme.

L’argent est le nerf de la guerre contre le paludisme, pour ce qui est de la production et de la distribution à bas prix de médicaments, d’actions de prévention, de recherche et développements de nouveaux traitements et la mise en place d’essais cliniques pour un vaccin. Malheureusement, l’industrie pharmaceutique ne juge pas de tels investissements rentables et les avancées sont lentes.

En savoir plus …

Coté Livres :

Biodiversité du paludisme dans le monde

Jean Mouchet, Pierre Carnevale, Marc Coosemans, Jean Julvez

Editeur : John Libbey Eurotext

ISBN : 2742004521

http://www.amazon.fr/Biodiversit%C3%A9-du-paludisme-dans-monde/dp/2742005285

Coté Web :

http://www.pasteur.fr/ip/easysite/go/03b-000002-000/fr

http://www.pasteur.fr/ip/easysite/go/03b-000002-007/institut-pasteur

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