LA VISION… ET PAS SEULEMENT LA VUE 

Thèmes: Médecine – Sciences                                                                                        Conférence du mardi 13 février 1990

LA VISION… ET PAS SEULEMENT LA VUE 

Source photo: Naître et grandir 

Par Claude Darras, Professeur d’optique physiologique à l’Ecole Supérieure d’Optique d’Orsay et d’Optimétrie à la Faculté des Sciences de Paris-Sud nous a parlé de la vision.

La vision est un sens. Pour l’homme, c’est un sens privilégié. Plus de 70% des informations que le cerveau reçoit passent par les yeux et lorsque les autres sens lui adressent des messages en contradiction avec ce qu’il voit, l’homme fait à priori confiance à sa vision.

Un sens comporte toujours trois éléments:

– un capteur, qui reçoit les stimulations physiques et les transforme en influx nerveux.

– un transmetteur, nerf sensitif, qui véhicule cet influx.

– un décodeur, situé dans le cerveau, qui transforme cette information en perception.

Les sens ont en effet la responsabilité de nous faire connaître notre environnement, pour y vivre, nous y déplacer, etc… Le capteur du système visuel, c’est l’oeil, qui reçoit des stimulations lumineuses sur sa rétine, les transforme en influx nerveux par un phénomène photo-chimique dans lequel la vitamine A joue un rôle essentiel. Ce message est transmis au cerveau par le nerf optique qui contient un million de fibres nerveuses (contre 40000 au nerf auditif par exemple). Le décodage se fait dans la partie occipitale du cortex, dans des aires spécialisées où chaque point de la rétine se projette sur une zone particulière à une échelle variable.

Ces informations décodées sont confrontées à celles qui sont préalablement enregistrées dans la memoire — on reconnait ce que l’on a déjà vu — et à celles fournies éventuellement par les autres sens.

La Vue, ce sont les sensations addresses au cerveau, la VISION c’est l’usage que l’homme va en faire, à toutes fins utiles. Il ne suffit pas d’avoir une « bonne vue » pour avoir une vision efficace.

En simplifiant un peu on peut dire que la finalité de la vision est triple.

– on voit pour SAVOIR: reconnaissance des objets places dans notre champ visuel et mise en memoire de l’information. La fonction visuelle pourrait se limiter à cela.

– mais on voit aussi pour AGIR: déclenchement de gestes divers, saisies, lancers, modifications posturales (tête et corps), marche, conduite de véhicules, etc…

Ceci exige à la fois un guidage visuel et un contrôle de ces gestes ainsi que de bonnes relations avec les autres sens concernes par ces opérations (toucher, équilibre…).

– enfin le système visuel doit GERER lui-même le fonctionnement de ses organes c’est à dire vérifier et modifier si nécessaire la netteté des images sur la rétine et l’orientation des yeux.

Ce qui nous amène à distinguer trois processus visuels:

–  L’IDENTIFICATION: décodage par le cortex des informations issues de l’oeil pour la perception de l’espace visuel.

– La BINOCULARISATION, ou capacité des deux yeux de s’orienter vers un même point de cet espace, afin que d’une double sensation on obtienne une perception unique et stéréoscopique.

–  L’EMMETROPISATION qui permet un bon réglage de l’optique de l’oeil pour avoir une mise au point précise sur la « fovea », afin d’envoyer au cerveau la meilleure information possible et lui éviter d’être obligé de deviner ce qui arrive au fond des yeux.

L’identification se subdivise à son tour en trois sous-systèmes anatomiquement indépendants mais fonctionnellement complémentaires:

la vision des formes (sens morphoscopique) et des détails (acuité visuelle)

la vision des couleurs (sens chromatique)

la vision des mouvements (sens cinétique) et l’organisation de la scène visuelle (sens spacial).

La rétine contient deux types de photorécepteurs:

– les cônes (6 millions), surtout présents dans la rétine centrale et uniques récepteurs dans la fovea, assurent l’acuité visuelle et la vision des couleurs. Ils sont aveugles en bas éclairage.

– les bâtonnets (120 millions), abondants surtout en rétine périphérique, sont sensibles aux mouvements, et permettent de voir en faible éclairage.

Toutes ces cellules sont reliées au cerveau par l’intermédiaire de divers relais (cellules ganglionnaires et corps geneuillé externe). Mais seules celles qui se trouvent au centre de la fovea sont reliées une par une au cortex. Les autres réunissent leurs messages, par paquets de 3, 10, 50, 100 etc…, sur une fibre nerveuse unique (fig.2), ce qui explique que seule la fovea puisse donner une bonne définition précise des objets, regardés par l’oeil, c’est à dire assurer une bonne acuité, à condition toutefois que la mise au point optique soit correcte.

Cette « bonne acuité », dont le seuil dépasse 20/10 chez l’homme, dépend donc a la fois de la qualité optique de l’oeil et du nombre de photorécepteurs (cônes) au mm2 dans la fovea: en moyenne 25000 cônes sur un diamètre de 0,3mm. L’acuité en vision n’est guère que de 2 à 3 dixièmes. Cela signifie que si toute la rétine VOIT, seule la fovea REGARDE (fig.3).

Le processus de binocularisation a justement pour but de permettre à chaque oeil de s’aligner sur un point de fixation, grâce à dix muscles par globe oculaires, que ce point soit fixe ou mobile, qu’il soit éloigné (axes visuels parallèles) ou rapproché (convergence des yeux).

Notons que nos yeux sont beaucoup plus tolérants en ce qui concerne la mise au point sur la rétine que pour leur alignement sur l’objet regardé: on peut accepter un léger flou, mais voir double (diplopie) est intolerable). Or c’est ce qui se passerait si nos deux axes visuels n’étaient pas rigoureusement orientés et ne se croisaient pas sur le point fixé.

Les variations de mise au point (ou accommodation) imposées par les modifications de distances de vision sont obtenues grâce au cristallin qui, sous l’action de muscles ciliaires, se « bombe » pour augmenter sa puissance. Cette accommodation permet aussi d’auto-compenser certaines amétropies: l’hypermétopie chez les jeunes et les faibles astigmatatismes.

Lorsque le cristallin, qui dès la naissance commence à perdre sa souplesse, ne peut plus assurer une mise au point sur des distances courtes, on dit qu’il y a presbytie. Dans nos pays ce phénomène peut commencer à se manifester à partir de 40 ans. Par contre la myopie (oeil trop long) ne peut être compensé par le cristallin.

La figure 5 montre l’organisation générale et schématique de la VISION. Notez que la percéption visuelle ne se fait ni au fond de l’oeil (où se situe l’image des objets regardés) ni dans le cerveau, mais qu’elle est projetée dans l’espace à la place exacte des objets qui nous renvoient la lumière qui permet de les observer. Cette « prise de conscience spaciale » reste encore un phénomène très mystérieux.

Remarquez aussi la permanence des inter-relations entre le système visuel, la mémoire, la posture et l’équilibre, la proprioceptivité, les gestes, etc… ainsi que la « boucle fermée » gérant les deux processus de binaucularisation et d’emmétropisation…

La VISION, c’est tout cela… et bien d’autres choses encore dont nous parlerons peut-être une autre fois, conclut Claude Darras.

 

En savoir plus:

Source photo: Naître et grandir 
https://naitreetgrandir.com/fr/etape/0_12_mois/developpement/naitre-grandir-developpement-sens-vue/

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