LA TROISIEME DIMENSION – Comment y vit-on?

Thème : MEDECINE ET SCIENCES NATURELLES                                                                                                                         Mardi 12 Février 2008

LA TROISIEME DIMENSION – Comment y vit-on?

Par Claude DARRAS – Président Honoraire de la Société Française d’Optique Physiologique. Vice Président du CDI

La troisième dimension est tout simplement le monde dans lequel nous vivons, un espace x,y,z comme disent les mathématiciens. Dans cet exposé il nous arrivera d’y ajouter la notion de « temps » pour la durée de certains gestes. Ce monde tridimensionnel, en 3D, on le perçoit pour pouvoir nous mouvoir, déplacer des objets, travailler, admirer. En bref, jouir de cet espace qu’on appelle environnement.

Les rôles de la vision

A ce propos on parle souvent de « vision en relief », expression réductrice car le relief est seulement l’état d’une surface que l’on peut éventuellement percevoir par le toucher. La vision en 3D est l’appréciation des volumes et de la place que différents objets peuvent avoir dans l’espace, par rapport à nous et les uns par rapport aux autres.

La prise de conscience des détails de cet espace, qu’on appellera « objets » au sens large du mot, suppose d’abord leur identification visuelle. Elle est basée sur quatre indications principales: la FORME, la COULEUR, le VOLUME et la PLACE de ces objets. La notion de 3D n’intervient que pour les deux derniers. A ces quatre éléments de connaissance, s’ajoute le cas échéant, la perception de MOUVEMENT qui suppose l’appréciation de la vitesse et de la trajectoire de l’objet qui se déplace.

Toutes ces informations passent par les yeux et sont envoyées au cerveau, puis réparties simultanément dans une trentaine d’ « aires de traitement » toutes interconnectées, ce qui, avec l’aide de la mémoire, donnera conscience de la scène observée.

Au niveau des yeux, deux sensations permettent d’obtenir cette appréciation des volumes ou des distances entre objets. La première est stéréoscopique: les deux yeux, par l’écart qui les sépare, donnent des images légèrement différentes à cause de la parallaxe; le cerveau interprète cette disparité comme des écarts de distance. Les deux images rétiniennes nous donne une perception unique et tridimensionnelle. Cette notion est confirmée par les modifications de la mise au point du système optique oculaire. Ces sensations de 3D ne sont efficaces que dans l’espace proche, 20 m au maximum. Au delà les différences d’angles de vue de chaque oeil sont trop faibles pour être distinguées.

Pour certains gestes, le sens stéréoscopique est déterminant. Par exemple, essayer d’enfiler une aiguille en fermant un oeil. De même les personnes qui ont perdu la vision d’un oeil ont des difficultés à se servir du vin dans leur verre ou à mettre une clef dans la serrure.

Ces perceptions supposent un bon fonctionnement symétrique des deux yeux. En complément de ces sensations, et surtout en l’absence d’informations binoculaires (objets trop éloignés ou vision monoculaire) nous ne disposons que de déductions pour évaluer la disposition des objets dans l’espace.

D’abord la perspective et la grandeur apparente d’un objet en fonction de sa distance: plus il est loin plus il nous parait petit. Cette observation suppose une performance étonnante de  notre vision: la constante da taille. Cela signifie que l’on attribue à un objet familier: homme, auto, arbre, sa dimension habituelle quelle que soit la distance à laquelle nous l’apercevons. C’est à dire que notre cerveau sait faire la relation entre la taille de l’image rétinienne et la distance qui nous sépare de l’objet.

Autres circonstances qui ne nous laissent aucun doute sur 1a disposition des éléments de l’espace, son organisation et les recoupements: quand on voit une chaise devant une table.

Une affaire d’environnement

Il n’est pas nécessaire pour les situer de faire appel à nos sensations stéréoscopiques. Dans un paysage de montagnes on repère leur position parce que celles qui sont devant cachent en partie celles qui sont derrière. S’ajoute un phénomène qui contribue à donner l’impression d’éloignement, plus la distance est grande plus la montagne parait pâle à cause de l’air plus ou moins brumeux. Dans les régions polaires où l’atmosphère est très pure cette grisaille des lointains n’existe pas, les montagnes paraissent plus proches.

Un élément joue un grand rôle dans l’aspect du volume, ce sont les ombres. Un éclairage directionnel met en valeur les objets dans la réalité ou en image. Comment représenter une sphère sans ombres? Dans un village au soleil les maisons se détachent bien, par temps gris elles semblent s’écraser.

Ces sensations et ces observations permettent de nous intégrer dans l’environnement en 3D, de nous déplacer aisément, de saisir un objet, par exemple prendre un marteau pour planter un clou. Cette action suppose une appréciation correcte de la place du clou sur la planche, un bon guidage visuel du bras et de la main avec un contrôle précis proprioceptif. La proprioception est le sens qui à tout moment nous informe de l’attitude de nos membres, de la tension des muscles et des tendons, des angles de nos articulations: ce sens, essentiel pour notre comportement, est responsable de la connaissance que nous avons de notre schéma corporel. Cette notion est importante car s’il est indispensable de bien nous situer dans l’espace, faut-il d’abord avoir parfaitement conscience de la place que prend notre propre corps. En relation avec ce schéma la latéralisation influence le comportement: on est droitier ou gaucher pour les yeux comme pour les mains ou les pieds. L’oeil directeur, qui détermine le centre de regard, est celui qui vise, celui qui nous sert de repère pour nous situer par exemple face à une ligne verticale. Il est souhaitable que si on est droitier on le soit pour tous nos organes.

La perception des mouvements est donnée par deux processus oculaires. Si l’oeil est immobile, le cerveau apprécie le glissement de l’image sur la rétine de l’objet en déplacement. Mais le plus souvent, si l’objet bouge de plus d’une dizaine de degrés, l’oeil tourne et sa rotation correspond exactement au déplacement de l’objet. De ces sensations nous pouvons déterminer en quelques centièmes de seconde, le sens du mouvement, sa vitesse, la distance parcourue et prévoir la trajectoire. Performance d’autant plus extraordinaire que la tête tourne toujours plus ou moins et que le corps lui-même se déplace. Plus étonnant encore: dans le même instant et avec le même « outil », l’oeil, nous devons situer tous les autres objets immobiles. Imaginez le nombre d’informations spatiales qu’un joueur de tennis doit intégrer pour savoir et prévoir exactement les mouvements des éléments mobiles ( adversaire, balle et lui-même) par rapport aux éléments fixes ( lignes du cours et filet) et cela d’un seul coup d’oeil!

Le cerveau et son organisation

D’autres sens nous aident à vivre dans l’environnement: l’équilibre qui nous permet conserver notre posture sur un sol inégal ou mouvant et le sens de l’orientation qui guide nos déplacements dans telle ou telle direction.

Reste à expliquer comment, ayant conscience de l’organisation de l’espace, on puisse se décider à agir d’une manière ou d’une autre. C’est la séquence « vision-action » que nous allons brièvement décrire, par exemple pour saisir une balle et la lancer.

1- Les yeux regardent la balle. L’image de celle-ci se forme sur les rétines et le nerf optique, traversant tout le crâne, adresse au cerveau occipital, non pas l’image de la balle, mais toutes les informations utiles sur cette balle.

2- Elles sont réceptionnées par des aires de traitement (V1 et V2) qui les trient et les envoient vers d’autres aires spécialisées.

3- Ainsi la notion de forme arrive à l’aire V3, celle de couleur à l’aire V4, celle de place et de mouvement à l’aire V5, chacune dans des zones différentes du cerveau. Pour le moment le sujet connaît les caractéristiques de l’objet, mais il ne sait ni son nom et encore moins ce qu’il peut en faire! La balle n’est pas vraiment identifiée.

4- Tous les influx concernés sont rassemblés sur autre aire, le cortex visuel associatif qui, avec l’aide de la mémoire, détermine que c’est une balle qu’on peut éventuellement lancer.

5- La décision est prise dans des aires situées dans le cortex préfrontal. Elle tient compte de toutes les informations utiles issues des aires précédentes et du mental de l’individu qui l’incite à lancer la balle dans telle direction plutôt que dans une autre.

6- L’ordre est donné par l’aire du cortex moteur responsable des gestes volontaires qui envoie, via la moelle épinière, les influx nerveux aux muscles concernés par le lancer. La proprioception assure le contrôle du geste. Le rôle de la vue s’achève par le suivi de la balle, celui du mental par la satisfaction d’avoir atteint la cible.

C’est long à raconter mais cette séquence ne dure que 2 à 3 dixièmes de seconde, plus le temps de la réflexion si le sujet hésite quant à la cible à viser.

En conclusion, il est bien certain que le cerveau est une organisation admirable!

En savoir plus …

Coté Livres :

L’oeil, le cerveau, la vision

Auteur : HUBEL David

Editeur : Pour La Science

http://www.lavoisier.fr/notice/frSBOLXSRM63QO63.html

DE L’OEIL A LA VISION

Auteur : FRISBY JOHN P.

Editeur : F. NATHAN

http://www.livres-chapitre.com/-Q0W55M/-FRISBY-JOHN-P./-DE-L’OEIL-A-LA-VISION.html

Une liste d’ouvrages de l’Université « de Boeck »

http://universite.deboeck.com/livre/?GCOI=28011100079610

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Oeil

http://pagesperso-orange.fr/bernard.langellier/m-illusion.htm

http://www.futura-sciences.com/fr/comprendre/dossiers/doc/t/medecine-1/d/loeil-la-vision-au-dela-de-la-vision_667/c3/221/p4/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cortex_c%C3%A9r%C3%A9bral

http://www.chups.jussieu.fr/ext/neuranat/cortex/texte/cadre_contenucortex.html

http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_06/d_06_cr/d_06_cr_mou/d_06_cr_mou.html

http://www.pasteur.fr/ip/index.jsp

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