ACTUALITÉ EN RHUMATOLOGIE

Thèmes: Médecine, Sciences                                                                                                            Conférence du mercredi 5 décembre 1990

 

ACTUALITÉ EN RHUMATOLOGIE

Par Francis Kahn

professeur en rhumatologie à l’hôpital Bichat

venu nous parler de « l’actualité en rhumatologie ».

 

 

M 4 (Extrait du livre « Santé et Médecine » – Ed. La Découverte – Paris 1989)

Jusqu’au XIXème siècle, les rhumatismes constituaient une catégorie vague de phénomènes douloureux plus ou moins invalidants tenus pour être d’origine musculaire. Quant aux maladies articulaires, elles étaient considérées comme une categorie différente et toutes assimilées à la seule affection alors dûment identifiée, la goutte. Actuellement, on y inclut toutes les maladies douloureuses et/ou invalidantes de l’appareil locomoteur : affections articulaires, osseuses, musculaires et tendineuses, et même nerveuses observées en dehors des grands traumatismes, domaines de la chirurgie orthopédique. Pour beaucoup, le rhumatisme est une seule et même maladie : de localisation, de cause et de traitement identiques. Il n’en est évidemment rien.

LA PATHOLOGIE ARTICULAIRE –

Les articulations sont faites d’extrémités osseuses recouvertes de cartilage lisse et élastique qui facilite le glissement et amortit les chocs. L’articulation est enfermée dans une enveloppe fibreuse — la capsule — renforcée de ligaments. À sa face profonde existe un tissu lâche, la synoviale. Elle sécrète le liquide synovial qui assure la lubrification et élimine les débris articulaires.

 

 

 

 

 

 

Les arthrites sont les atteintes inflammatoires de la synoviale. L’inflammation est la réaction d’un tissu, d’un organe ou du corps entier à un stimulus irritatif d’origine extérieure (microbe, virus) ou interne (déchet métabolique). Elle se caractérise par des signes cliniques (les signes cardinaux de l’inflammation : rougeur, chaleur, tuméfaction et douleur), connus depuis l’Antiquité; mais aussi et surtout par des modifications cellulaires, tissulaires et biochimiques, locales et à distance (la fièvre).

Les arthrites aiguës sont définies par leur durée : au maximum quelques semaines. Certaines sont infectieuses, liées à un microbe, plus rarement à un virus, un parasite ou un champignon. De très nombreux agents infectieux peuvent être en cause. Les uns agissent directement au sein de l’articulation (arthrites infectieuses) ; les autres, à distance, par des mécanismes beaucoup moins clairs (rhumatismes dits infectieux). Parmi les rhumatismes infectieux, le plus connu est le rhumatisme articulaire aigu, responsable d’atteintes cardiaques. Il succède aux angines streptococciques. La pénicilline en prévient les rechutes. La maladie tend à disparaître des pays développés, mais continue ses ravages dans le tiers monde.

Une autre catégorie de rhumatismes infectieux est celle des arthrites dites réactionnelles. Les germes en cause sont présents dans l’urètre, l’œil et surtout l’intestin. Elles frappent des individus génétiquement prédisposés par un antigène tissulaire HLA, le B27.

D’autres arthrites aiguës sont liées à l’irruption dans l’articulation de microcristaux d’origine endogène. La plus connue est la goutte. Certains individus, génétiquement prédisposés, en général des hommes, fabriquent trop d’acide urique ou, plus rarement l’éliminent mal. L’accès goutteux, débutant souvent au gros orteil, est connu depuis l’Antiquité. Les dépôts d’acide urique, les tophus, peuvent détruire les articulations et léser le rein. On sait prévenir ces crises et ces dépôts en normalisant le taux d’acide urique dans le sang.

La chondrocalcinose est due à des cristaux de pyrophosphate de calcium. Elle donne aussi des fluxions aiguës. La maladie peut être génétiquement transmise. Ailleurs, elle accompagne des maladies endocriniennes (adénome de la parathyroïde, myxoedème) ou métaboliques. Le plus souvent, elle vient avec l’âge. 30 % des sujets de plus de quatre-vingts ans en sont atteints. Elle peut rester totalement silencieuse et ne se voir que sur les radios. Le rhumatisme à hydroxyapatite est aussi très fréquent (6 à 7 % de la population générale). Il se manifeste par des accès douloureux aigus de l’épaule car ce sel de calcium imprègne les tendons. Mais on sait maintenant qu’on peut en avoir partout chez un même sujet. Cette affection est bénigne.

Les arthrites chroniques, quant à elles, ont des causes beaucoup plus obscures, en dehors de la tuberculose. Il en existe trois grandes catégories :

1 – Le groupe de la polyartite rhumatoïde (PR) :

Cette affection frappe surtout les femmes à l’âge de la ménopause. Entre 0,3 % à 1 % des femmes adultes du monde entier en sont atteintes.Les patientes sont souvent le groupe HLA DR4. La maladie évolue par poussées qui vont déformer et parfois détruire les articulations en commençant par les mains et les pieds. Elle peut toucher l’œil et les différents viscères. Les patients ont dans leur sang un auto-anticorps qui réagit avec leurs propres gammaglobulines (réactions du Waaler-Rose et du latex). On rapproche de la PR les polyarthrites des connectivités et certaines polyarthrites à début infantile.

2 – Le groupe de la spondylarthrite ankylosante :

Cette affection, fréquente elle aussi, frappe surtout les hommes porteurs de l’antigène HLA B27. Elle atteint d’abord les sacro-iliaques. Puis elle frappe la colonne vertébrale, pouvant l’ossifier et l’enraidir. Elle peut aussi toucher les hanches, les talons, l’œil (iritis) et, plus rarement, l’embouchure de l’aorte. Proche d’elle, le rhumatisme accompagnant le psoriasis réalise une atteinte un peu intermédiaire entre la spondylarthrite et la PR.

3 – Le troisième groupe est fait d’affections disparates que le public connaît mal. La pseudopolyarthrite rhizomélique frappe les gens âgés et peut s’associer à une inflammation des grosses artères. Certaines maladies intestinales(rectocolite, maladie de Crohn et de Whipple) ainsi que certaines maladies systémiques s’accompagnent également de polyarthrite. La deuxième grande catégorie de maladies articulaires, outre les arthrites, est constituée par les arthroses. Elles entraînent la dégénérescence du cartilage (on appelle dégénérescence la perte de propriétés spécifiques). Elles sont classées en primitives et secondaires.

Les arthroses primitives comme celles des doigts (nodosités d’Heberden) ont un caractère génétique.

Les arthroses secondaires peuvent être dues à des causes multiples : malformations articulaires usant le cartilage de façon exagérée sur une surface réduite macro ou microtraumatismes de tous ordres.

Le vieillissement s’accompagne souvent d’arthrose qui est peut-être la plus fréquente des maladies humaines. Les arthroses sont nommées d’après leur siège : coxarthrose à la hanche, gonarthrose au genou, etc… Certaines restent isolées, d’autres s’associent.

LES AUTRES PATHOLOGIES –

 – 1 – La pathologie tendineuse et ténosynoviale :

Les tendons des muscles coulissent dans des gaines dont la structure est proche de celle des articulations. Les maladies articulaires peuvent donc les toucher. Mais ils peuvent être aussi atteints mécaniquement par un usage excessif, notamment dans la vie sportive ou professionnelle.

2 – La pathologie musculaire :

Les paralysies musculaires sont du domaine de la neurologie. Les rhumatologues s’occupent des maladies inflammatoires des muscles : les myosites. Certaines sont infectieuses. La plupart accompagnent les maladies articulaires et systémiques.

3 – La pathologie osseuse :

L’os est un tissu très vivant et qui peut être atteint par toutes les affections qui touchent les autres tissus : infectieuses, nécrotiques, tumorales bénignes ou malignes. Parmi ces dernières, certaines peuvent être primitives (sarcomes) ou secondaires (métastase des cancers viscéraux). Mais l’os est le grand réservoir du calcium et du phosphore, minéraux qui lui confèrent sa rigidité. Il existe toute une série de maladies dites métaboliques de l’os que le public connaît sous le terme (plus ou moins correct d’ailleurs) de décalcifications. La plus connue et la plus fréquente est l’ostéoporose. Une maladie fréquente particulière à l’os est caractérisée par un remaniement anarchique mais non cancéreux qui épaissit l’os et le déforme : la maladie de Paget. 10 % des personnes de quatre-vingts ans l’ont, de façon souvent latente.

4 – La pathologie rachidienne et neurologique :

Structure complexe, le rachis comporte de l’os (les vertèbres), des articulations (celles des vertèbres). Il comporte aussi des muscles, des ligaments et des structures nerveuses : moelle épinière, puis nerfs dits de la queue de cheval qui dirigent l’activité des membres inférieurs, des sphincters et du fonctionnement sexuel. Le rachis peut donc souffrir d’atteintes osseuses, musculaires, articulaires, nerveuses et surtout disco-radiculaires.

5 – Les douleurs non systématisés :

Chez beaucoup de patients douloureux réputés rhumatisants, aucune des atteintes ci-dessus ne peut être incriminée avec certitude. Il existe beaucoup de phénomènes douloureux, purement ressentis, sans lésion précise, de nature psychosomatique.

LES GRANDS TRAITEMENTS DES RHUMATISMES –

Il n’existe évidemment pas un traitement polyvalent des rhumatismes. Certains (goutte, problèmes infectieux ou tumoraux, maladies métaboliques de l’os) requièrent des traitements spécifiques. Contre la PR on dispose de produits découverts empiriquement qui parfois stoppent et le plus souvent freinent l’affection (sels d’or, antimalariques, pénicillamine, immunomodulateurs). Ces produits sont malheureusement souvent toxiques. Ils ne sont pas efficaces dans les autres arthrites.

En revanche, on ne dispose pas de thérapeutique efficace pouvant freiner l’évolution de l’arthrose. Dans tous les états inflammatoires et dans les poussées d’arthrose, on utilise à titre symptomatique des anti-inflammatoires polyvalents. Le plus ancien est l’aspirine. Mais il existe aussi toute une gamme d’anti-inflammatoires dits non stéroïdiens. Dans les formes graves et résistantes, on utilise les dérivés synthétiques de la cortisone. Tous ces anti-inflammatoires peuvent être agressifs pour le tube digestif, la peau et le rein. Les médicaments de la douleur sont également très employés, de même que les traitements locaux par injection (cortisonique) ou phsysiothérapies diverses. La rééducation, les cures thermales, sont un complément utile. Dans certain cas, une action chirurgicale est nécessaire sur les articulations (remplacement par prothèse). Une nouvelle méthode, l’arthroscopie, permet, par l’introduction d’un tube dans l’articulation, de l’examiner de l’intérieur et d’y pratiquer des gestes thérapeutiques. Enfin, la prise en charge psychologique et médico-sociale de ces états souvent invalidants est particulièrement importante en rhumatologie. Elle peut diminuer la demande des thérapeutiques charlatanesques qui trouvent chez les rhumatisants des victimes de choix.

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