LE SOMMEIL ET SES SECRETS

Thèmes: Médecine, Sciences                                                                                                              Conférence du mardi 9 février 1993

LE SOMMEIL ET SES SECRETS

 

 

Mardi 9 février 1993, Catherine Mc Cann, psychiatre, spécialiste du sommeil à l’hôpital Raymond Poincaré, nous a parlé du « sommeil et de ses secrets ».

 

 

 

Physiologie

Le sommeil est un état réversible de désengagement perceptif de l’environnement. Mais ce n’est pas un état homogène, il existe au moins deux types de sommeil : le sommeil lent et le sommeil paradoxal. Donc, avec la veille, on peut parler de trois états distincts qui existent dans presque toutes les espèces de mammifères et d’oiseaux.

Les cycles du sommeil

Le sommeil se décompose en cycles réguliers qui se répètent en moyenne toutes les 90 mn. Il comporte quatre phases :

Phase 1 : l’instant de l’endormissement. L’activité cérébrale se ralentit, les mouvements oculaires se calment. Tous les muscles s’apaisent.

Phase 2 : le début du vrai sommeil. Le corps se détend, la conscience s’assombrit.

Phase 3 : le sommeil lent. La fréquence respiratoire se ralentit.

Phase 4 : le sommeil profond proche du coma. Le dormeur est déconnecté du monde.

Le sommeil paradoxal : Les muscles du corps sont comme paralysés, à l’exception de ceux qui animent les yeux. L’activité cérébrale est intense, ce qui est paradoxal. C’est le stade du rêve.

Au sommeil paradoxal succède un retour à la phase 2, état proche de la veille. Cette alternance, sommeil lent – sommeil paradoxal, se répète de trois à cinq fois pendant la nuit, selon les tempéraments.

Chez un individu sain de 25 ans, les phases de sommeil se répartissent en 5 % de phase 1, 50 % de phase 2, 25 % de phases 3 et 4 et 20 % de sommeil paradoxal.

Les rythmes circadiens

Ce sont les rythmes veille/sommeil d’un individu sur un cycle de 24 heures. En fait, ce cycle est plutôt de 25-26 heures. Il existe également des rythmes circadiens tels que ceux de la température et ceux des hormones.

Pour avoir un bon sommeil et un bon niveau de vigilance, ces rythmes circadiens doivent être en phase, c’est-à-dire que l’endormissement doit normalement se produire lorsque la température du corps baisse, et que le sommeil paradoxal est atteint lorsque la courbe de la température est à son minimum.

Evolution du sommeil avec l’âge

Le nouveau-né et l’enfant :

Le nouveau-né n’a pas de rythmes circadiens. Il dort de deux à quatre heures à la fois. Son sommeil est de deux types : le sommeil actif et le sommeil calme. Pendant le sommeil actif, qui est le précurseur du sommeil paradoxal, on voit les mouvements oculaires, les grimaces, les sourires. En sommeil calme, le bébé est immobile avec une respiration peu perceptible. A partir de 2-3 mois, les rythmes circadiens apparaissent ainsi que les différentes phases du sommeil. A 12 mois, le bébé dort toute la nuit et fait une ou deux siestes par jour. Il a encore beaucoup de sommeil actif. La sieste reste encore habituelle à 3 ans. Avec l’approche de l’adolescence, on remarque surtout une diminution de la phase (le sommeil profond).

Les problèmes les plus fréquents chez les enfants sont les cauchemars, les terreurs nocturnes, le somnambulisme, l’énurésie ainsi que les troubles du comportement au moment du coucher et au cours des réveils nocturnes.

L’adolescent :

Les adolescents ont besoin de beaucoup de sommeil, mais leur emploi du temps souvent trop chargé (devoirs, révisions, sorties…) les prive d’une partie de ce sommeil nécessaire.

Les personnes âgées (plus de 65 ans) :

Pour les personnes âgées, les rythmes circadiens deviennent plus fragiles. Elles ont tendance à avancer l’heure du coucher. Comme chez le nourrisson, apparaît une fragmentation des états de veille et dans la journée des moments de somnolence ou un besoin de sieste.

Avec l’âge, on est plus sensible aux bruits, à la température de la chambre, à la lumière. Il faut tenir compte aussi du vieillissement des autres systèmes (besoin d’uriner plus fréquents chez l’homme, arthrose provoquant un éveil avec le changement de position, etc.)

Chez les personnes âgées, on remarque une augmentation du temps passé au lit pendant la nuit et surtout sur 24 heures. Le temps passé en sommeil ne change pas et a tendance à augmenter un peu en 24 heures. Les phases de sommeil se modifient. Le sommeil lent (phase 3) est plus important, ce qui explique la sensibilité aux stimulus externes. Les hommes en particulier perdent leur sommeil profond (phase 4). Le sommeil paradoxal change peu. Le temps entre le coucher et l’endormissement se prolonge, la durée et le nombre des éveils augmentent.

Insomnie

Avec les changements dans les rythmes circadiens et la modification de la structure du sommeil, les personnes âgées souffrent d’insomnie. Une étude récente montre qu’après 65 ans, 50 % des hommes et près de 70 % des femmes ont un ou plusieurs problèmes pour dormir. 16,5 % des hommes et 21,5 % des femmes de cet âge prennent régulièrement ou quotidiennement des somnifères pendant plus de six mois (6 % pour l’ensemble de la population).

Une enquête réalisée à Los Angeles montre que 49 % des personnes âgées de plus de 65 ans n’avaient aucun antécédent de trouble du sommeil, seules 6 % avaient eu des difficultés dans le passé. La consommation des somnifères aux Etats-Unis est beaucoup moins élevée qu’en France. Aux Etats-Unis, 0,3 % de somnifères pendant plus d’un an.

Les causes de l’insomnie :

a) – l’insomnie transitoire : sa durée est inférieure à trois semaines. La cause peut en être une hospitalisation, une période de deuil, ou même quelque chose de positif (vacances).

b) – l’insomnie chronique : sa durée est supérieure à trois semaines. La première cause est psycho-physiologique. Le sommeil a été rendu plus fragile par l’insomnie transitoire.

c) – la dépression et l’anxiété : quelquefois l’insomnie est le seul symptôme de la dépression. Des ennuis spécifiques, le stress, l’anxiété empêchent le sommeil de venir ou provoquent des réveils nocturnes.

d) – les maladies physiques : des rhumatismes, ulcères, angine de poitrine risquent d’entraîner des troubles du sommeil. L’asthme et certains troubles respiratoires sont aussi des causes d’insomnie.

e) – les médicaments : certains médicaments tels que les bétabloquants entrainent de l’insomnie ou des cauchemars, les médicaments contre l’hypertension artérielle provoquent une somnolence diurne et quelquefois des cauchemars, les médicaments pour atténuer les crises d’asthme sont très stimulants et provoquent des difficultés de sommeil s’ils sont pris la nuit. Les antitussifs, les antihistaminiques, certains analgésiques provoquent une somnolence diurne et par la suite des difficultés pour dormir, conduire, etc.

Les somnifères et les anxiolytiques sont souvent très efficaces au début du traitement, mais à moyen terme, ils risquent de ne plus avoir le même effet. En conséquence, le patient augmente la dose et souffre des effets diurnes tels que les troubles de mémoire et la somnolence. En arrêtant ou en diminuant trop vite ces médicaments, un syndrome de sevrage peut survenir et augmenter les insomnies.

Deux conditions spécifiques risquent de provoquer les réveils nocturnes :

. Les apnées (suspension plus ou moins prolongée de la respiration) peuvent réveiller le dormeur plusieurs fois au cours de la nuit avec ou sans sensation d’étouffement.

. L’impatience des jambes caractérisée par des sensations désagréables aux niveau des membres inférieurs, entraîne un besoin irrésistible de bouger les jambes.

L’évaluation de l’insomnie :

Cette évaluation débute par l’interrogatoire du patient, si possible avec son conjoint. La nature de l’insomnie est Importante à déterminer et peut aider pour le diagnostic. Le ralentissement diurne doit être mesuré. Le médecin doit connaître les maladies existantes et les médicaments prescrits. Il doit être attentif à une éventuelle dépression masquée et aux ronflements avec ou sans apnées. Souvent un agenda du sommeil et de la somnolence diurne est très utile, car alors on peut s’apercevoir que la durée du sommeil est normale sur 24 heures. Si la suspicion existe d’un syndrome d’apnées ou d’un syndrome d’impatience dans les jambes sans repos, un enregistrement en laboratoire de sommeil est souhaitable.

Les médecins disposent désormais de différents outils pour sonder le sommeil : l’électroencéphalographie qui capte les ondes émanant du cerveau, l’électrocardiographie qui capte les battements du cœur, l’électromyographie qui compte les contractions musculaires.

Les traitements

Les traitements de l’insomnie sont d’abord non pharmacologiques. Il faut éviter le café, le thé, surtout après 14 h 00, la prise d’alcool, y compris le vin, doit être modérée. Les activités diverses stimulantes sont très importantes, y compris la pratique d’un sport (au minimum la marche). Il ne faut, ni dormir devant la télévision le soir, ni la regarder au lit. En effet, de longues périodes passées au lit (plus de huit heures) sont à éviter. Pour aider à fixer les rythmes circadiens, il est conseillé de se lever toujours à la même heure.

Si un somnifère est vraiment nécessaire, la dose doit être minimale (un demi comprimé est souvent suffisant pour une personne âgée). Une prise alternante, c’est-à-dire toutes les deux nuits diminue les risques d’accoutumance. La durée totale de prescription ne doit pas dépasser trois semaines.

Ronflement

A moins de 30 ans, 10 % des hommes et 5 % des femmes ronflent. Entre 60 et 65 ans, 60 % des hommes et 40 % des femmes ronflent. Cette évolution est progressive chez les hommes, mais peu de femmes ont de vrais problèmes avant la ménopause.

Les causes du ronflement :

Le ronflement est produit par une vibration des tissus au niveau de la gorge et surtout du palais et de la luette. Cette vibration existe quand il y a obstruction des voies aériennes supérieures. Une déviation de la cloison nasale, l’hypertrophie des amygdales, les végétations, l’hypertrophie du palais et l’obésité peuvent être à l’origine du problème. Très fréquemment il existe une combinaison de ces facteurs, mais l’obésité est avant tout un facteur de risque.

Le ronflement est aggravé par une position dorsale car la langue aura tendance à tomber en arrière. La fatigue, l’alcool et les somnifères diminuent le tonus musculaire et favorisent le ronflement.

Les symptômes du ronflement :

Le patient peut s’éveiller avec une sensation d’étouffement, des sueurs excessives, mais dans la plupart des cas, c’est le conjoint qui souffre le plus. Le matin, le patient n’a pas la sensation d’avoir eu un sommeil réparateur et se plaint quelquefois de maux de tête. Le symptôme le plus reconnaissable est la somnolence diurne. Cette somnolence commence après le déjeuner ou devant la télévision, des difficultés pour conduire peuvent apparaître, et dans les cas les plus sévères, une somnolence irrésistible est ressentie à n’importe quelle heure de la journée. Cette somnolence est très invalidante. La mémoire et la concentration baissent. L’irritabilité, l’anxiété, la dépression ou l’agressivité peuvent survenir. Les troubles sexuels sont également plus fréquents.

L’évaluation du ronflement :

Pour cette évaluation, il est nécessaire d’interroger le patient et, si possible son conjoint. Un examen clinique est obligatoire pour la recherche des anomalies au niveau de la gorge et des mandibules.

Le traitement du ronflement :

Si une surcharge alimentaire existe, il est conseillé au ronfleur un régime alimentaire, une diminution de l’alcool, une suppression des somnifères et anxiolytiques. Il est conseillé également d’éviter de dormir sur le dos. Il existe des traitements chirurgicaux, par opérations classiques ou séances de laser, qui éliminent le ronflement.

Apnées

Une apnée est une pause respiratoire d’au moins 10 secondes. Elle se produit quand il y a une obstruction totale des voies aériennes. La majorité des gens qui font des apnées ronflent. Une apnée est donc signalée par une pause dans le ronflement, puis par une reprise sonore.

Le syndrome d’apnée existe quand le patient a au minimum dix apnées par heure de sommeil et qu’il ressent des répercussions dans la journée.

La fréquence des apnées augmente avec l’âge. 18 % des personnes âgées de plus de 65 ans présentent plus de 5 apnées par heure de sommeil.

Les facteurs favorisant les apnées sont les mêmes que ceux entraînant le ronflement, mais les conséquences sont plus sévères. Durant des années, l’oxygène baisse et le cardiaque ralentit. En fin d’apnée, la reprise de la respiration est très forte, le dormeur bouge, le rythme cardiaque s’accélère. Pour mettre fin à cette apnée, le dormeur se réveille, souvent brièvement. Certaines apnées peuvent survenir 60 fois par heure de sommeil et sont accompagnées de chutes importantes d’oxygène.

Le traitement des apnées :

Pour les apnées sévères, il est conseillé une ventilation à l’aide d’un masque nasal. L’air est propulsé par une petite machine dans le masque. Cette pression de l’air garde les voies aériennes ouvertes. Ce système est très efficace.

Le ronflement, les apnées et la somnolence diurne disparaissent. Les conjoints sont beaucoup plus à l’aise et préfèrent le bruit de la machine au bruit du ronflement.

Catherine Mc Cann répondit à de nombreuses questions. On peut résumer sa philosophie ainsi : « Douche chaude le matin, bain frais le soir et surtout réveil à heure fixe ! ».

 

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