VISITE DE L’ARCHE DE LA DEFENSE

VISITE DE L’ARCHE DE LA DEFENSE                                                                                                           Mardi 20 et mercredi 21 février 1990

Paris vu d’en haut,

Paris, vues d’en haut.

II y a cinq cents ans un poète venu des bords de Loire admirait déjà du haut d’une colline environnante « cette ville longue et lée ». Lée, c’est à dire large, vous savez bien Mesdames, habiles à couper les lés d’une étoffe.

Deux cent cinquante ans après, Jean-Jacques Rousseau gravissait dans le même but les pentes conduisant aux hauteurs de Ménilmontant : « Prenant le sentier à travers les vignes et les prairies, je traversais jusqu’à Charonne le riant paysage qui sépare ces deux villages (c’était le 24 octobre 1776). Depuis quelques jours on avait achevé les vendanges : les promeneurs de la ville s’étaient retirés, les paysans aussi quittaient les champs jusqu’aux travaux d’hiver ».

Le Paris des défis : du Rastignac de Balzac aux Normaliens de Jules Romains

Le chemin de Jean-Jacques, un jeune provincial, le reprendra quelques décennies plus tard, non pas animé d’une douceur bucolique (« je m’amusais à le parcourir avec ce plaisir et cet intérêt que m’ont toujours donné les sites agréables et m’arrêtais quelquefois à fixer les plantes dans la verdure » – J.J. Rousseau), mais poussé par l’ardent désir de vaincre, de dominer. Vous reconnaissez le Rastignac du père Goriot, pour lequel Balzac emprunta quelques traits à Thiers, et son provoquant « à nous deux Paris » jeté du haut du Père-Lachaise. Cri lancé à Paris qu’il domine de sa hauteur et qu’il rêve de dominer autrement. Mais son père littéraire, Balzac, ne se livre-t-il pas, ne trahit-il pas son délire, lui qui écrit « En somme, voici le jeu que je joue. Quatre hommes auront eu une vie immense : Napoléon, Cuvier, O’Connel et je peux être le quatrième. Le premier a vécu la vie de l’Europe ! le second a épousé le globe : le troisième s’est incarné au peuple ! moi j’aurais porté une société toute entière dans ma tête ! » (6 février 1844, lettre à l’Etrangère Madame Hanska).

Plus humbles sont les Normaliens de Jules Romains. Des toits de l’école de la rue d’Ulm où Jerphanion vient d’arriver, ils contemplent Paris « Il alla s’adosser au corps d’une cheminée. Il avait le Panthéon derrière le dos, en face de lui le Val-de-Grâce, plus loin, des bulbes vaguement sexuels, dont il ne sut pas que c’était les coupoles de l’Observatoire… » Sa méditation transcende le spectacle : »Ce qui comptait le plus dans cette vision, ce n’était pas l’énergie, ni l’appétit de puissance, « c’était la direction de l’effort ». Nous sommes bien loin de Rastignac Mais les lois scolaires de la IIIème République n’étaient-elles pas passées par là ?

Et le Paris que Gambetta vit de son ballon en octobre 1870 ?

Mais près de 100 ans plus tôt (novembre 1783), Pilâtre de Rozier et le Marquis d’Arlandes avaient effectué le premier survol de Paris. « Ce petit voyage restera éternellement dans l’histoire de l’audace humaine ! (on a fait mieux depuis !). D’Arlandes a tout enregistré « … il me semblait que nous nous dirigions vers les tours de Saint-Sulpice … Je vis sur ma gauche un bois que je crus être le Luxembourg. Nous nous sommes posés sur la Butte aux Cailles entre le Moulin des Merveilles et le Moulin Vieux ».

C’était à bord d’une montgolfière. Dix jours après, le physicien Charles partait du Jardin des Tuileries à bord d’un ballon gonflé à l’hydrogène.

Mais le 7 octobre 1870, il ne s’agit plus d’une expérience scientifique, Gambetta en fin de matinée s’élève dans la nacelle de l »’Armand Barbès » de la place Saint-Pierre à Montmartre pour organiser la levée en masse dans la province.

Victor Hugo l’a noté dans son journal : « J’ai aperçu en effet dans un gros paletot sous une casquette de loutre près du ballon jaune dans un groupe, Gambetta ».

Quelques jours après il s’inquiète : « On n’a pas de nouvelles de Gambetta. » Enfin il est soulagé le 11 octobre : « Bonnes nouvelles de Gambetta, il est descendu à Epineuse près d’Amiens ».

Avait-il eu sur les « fortifs » la même vue que du train de curieux ? « Cinquante centimes… Le tour de Paris sur l’impériale des wagons avec vue sur les fortifications. » Avait-il survolé les forts avancés du N. et N.E. de Paris, de la Briche ou de Romainville ?

Du haut de la toute jeune Tour Eiffel

Mais qui est donc Mr Eiffel ? Gustave naît en 1832 dans une famille d’artisans de Dijon qui accède peu à peu à la petite bourgeoisie. Après de bonnes études – il sera Centralien -, un passage dans une fabrique de chemins de fer, il entre dans une firme belge qui doit construire le pont métallique sur la ligne de Bordeaux.

Gustave a trouvé sa voie et on le retrouve à l’origine des grands viaducs de France sur la Dordogne, la Sioule et surtout sur la Truyère, le viaduc de Garabit à 122 mètres au-dessus du fleuve. En France mais aussi en Europe (Portugal, Autriche, Hongrie) et dans le monde entier (Saigon). C’est lui qui construira également l’ossature de la fameuse statue de la Liberté.

Mais pour 1889, il faut frapper les imaginations et un concours pour une Tour de 1000 pieds (300 mètres) est lancé. Sur sept cents projets, dix-huit seront jugés « valables », et un retenu, celui de Gustave Eiffel qui a depuis près de 20 ans fondé sa propre compagnie.

L’accord est signé avec le ministre et le préfet de la Seine. Vous le connaissez, c’est Monsieur Poubelle, l’homme des poubelles.

L’accord technique est unanime, mais pour l’accord esthétique c’est l’habituelle levée de boucliers : Messieurs Gounod, Garnier, Maupassant, Dumas, Lecomte de l’Isle… joignent leurs protestations à celles des artistes officiels de l’époque. Ils reçoivent l’ironique réponse du ministre Lockroy : « Je suis profondément peiné, mais j’aurais pu sauver la seule partie de la grande ville qui fût sérieusement menacée : cet incomparable carré de sable qu’on appelle Champ de Mars si digne d’inspirer les poètes et de séduire les paysagistes ».

Ce spirituel ministre avait signé, mais vous serez peut-être surpris quand je vous dirai le nom du rédacteur : Georges Moineaux. Vous le connaissez mieux sous le nom de Courteline.

Le record des 300m. sera tenu pendant 40 ans et on devra attendre 1929 et la construction du Chrysler Building de New-York pour atteindre 313 mètres de hauteur.

Les Ciels de Paris vus par Anatole France

Quand il ne s’attendrissait pas sur les bouquinistes des quais « les braves marchandes d’esprit », ou sur les jeux de l’enfant qui traversait le Luxembourg les matins d’octobre pour aller à l’école, Anatole France savait regarder les ciels parisiens « j’aime à regarder de ma fenêtre la Seine et ses quais par ces matins d’un gris tendre qui donnent aux choses une douceur infinie. J’ai contemplé le ciel d’azur qui répand sur la baie de Naples sa sérénité lumineuse. Mais notre ciel de Paris est plus animé, plus bienveillant et plus spirituel. Il sourit, menace, caresse, s’attriste et s’égare comme un regard humain. Il verse en ce moment une molle clarté sur les hommes et les bêtes de la ville qui accomplissent leur tâche quotidienne ».

Et ce Paris qu’un jeune et audacieux américain découvrit le 21 mai 1927 du haut d’un ciel tout neuf ?

Ce furent les trente-trois heures au-dessus de l’Atlantique de Charles Lindbergh … C’était l’âge des raids, des exploits, c’était celui de l’Aéropostale à ses débuts, mais il reste l’exploit à accomplir : la traversée de l’Atlantique Nord. La radio (la T.S.F.) déjà annonçait les nouvelles d’une rive à l’autre. On apprit à Paris le départ du Spirit of Saint-Louis, son passage à Terre-Neuve, celui en vue des côtes d’Irlande, le survol du Cotentin. L’Aéroport du Bourget n’était pas, ou si peu éclairé,

L’accueil fut délirant, le héros porté en triomphe, mais le malheureux avion, lui, fut dépecé. Oui ! dépecé ! Recouvert de toile d’avion, il avait dû subir l’assaut des spectateurs enthousiastes désireux de rapporter un souvenir de l’exploit et c’est le squelette de son avion que Lindbergh ramena aux U.S.A.

Enfin le nôtre, celui du C.D.I. vu de J’Arche

… où Paris en ses lieux se montrait si divers dans les gris argentés de sa brume automnale, où le dôme doré, les dentelles de pierres, la flèche arrogante de la Tour centenaire et la blanche coupole qui couronne Montmartre, montraient la voie royale qui conduisait à l’Arc.

Avant de redescendre au ras du pave ou, il y a 300 ans déjà Boileau vitupérait :

« Là, sur une charrette une poutre branlante

Vient, menaçant au loin la foule qu’elle augmente ;

Six chevaux attelés à ce fardeau pesant,

Ont peine à l’émouvoir sur le pavé glissant

D’un carrosse en tournant il accroche une roue

Et du choc le renverse en un grand tas de boue ;

Quand un autre à l’instant s’efforçant de passer,

Dans le même embarras se vient embarrasser

Vingt carrosses bientôt arrivant à la file y sont en moins de rien suivis de plus d’un mille … »

(Les Embarras de Paris)

Et sur les Hauts-de-Seine, de Suresnes à Garches nous retrouvons un autre poète, contemporain celui-là, Aragon :

« Des hauteurs de Saint-Cloud, les lumières ont-elles

Cette légèreté qui leur donnaient vingt ans.

Lumières du passé, roses de Bagatelle

On ne saura jamais comme il faisait beau temps. »

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