ROYAUMES OUBLIES : LES HERITIERS DE L’EMPIRE DES HITTITES.

Thèmes: Civilisation, Histoire                                                                                                                             Conférence du mardi 9 mars 2020

ROYAUMES OUBLIES : LES HERITIERS DE L’EMPIRE DES HITTITES.

Par Madame Lully KOUYATE, guide conférencière, élève à l’Ecole du Louvre et diplômée de l’Université de Lille en histoire de l’art.

INTRODUCTION

Les Hittites sont un peuple d’origine indo-européenne. Ils vivaient en Anatolie actuelle avec quelques variantes dues aux expansions ou aux pertes de territoires. Le nom des Hittites est déjà mentionné dans la Bible, en hébreu, mais il s’agissait des Hattis, peuple autochtone de la région avant l’arrivée des Hittites originaires du Sud-est de l’Europe et indo-européens. Bien que les Hittites soient contemporains des Egyptiens, la civilisation de ces derniers est passée à la postérité alors que celle des Hittites a été oubliée. Très longtemps les historiens, les chercheurs et les archéologues ont délaissé cette civilisation antique. On distingue trois périodes : l’ancien royaume (1625 – 1500 av. J-C), le moyen royaume (1500 – 1353 av. J-C), le Nouvel Empire (1353 – 1190 av. J-C) puis c’est la chute et la période dite néo-hittite . En ce qui concerne la religion et la langue, l’empire hittite présente des particularités intéressantes.

I – L’ancien et le moyen royaume (1650 – 1353 av. J-C)

A la fin du XIXe siècle avant J-C, Anitta, roi de Kussar, s’empare de Hattusha, c’est la première apparition des Hittites en Anatolie. Nous n’avons pas de trace de ce règne ce qui amène certains historiens à penser qu’il s’agit d’un roi légendaire. Le premier roi hittite est Labarna Ier et tous les rois qui lui succéderont porteront le titre de Labarna selon une méthode similaire à celle des empereurs romains qui utiliseront les titres de César et Auguste à la suite de Jules César.

Entre 1680 et 1650 av. J-C, l’ancien royaume est circonscrit à l’Anatolie centrale. Entre 1650 et 1620 av. J-C le roi Hattusili Ier, appelé aussi Labarna II, établit sa capitale à Hattusa et engage l’expansion vers la Syrie. Il est le premier roi hittite à franchir les monts Taurus séparant l’Anatolie et la Syrie actuelle. Il détruit Alalakh en Syrie mais échoue à Alep. Son royaume s’étend jusqu’à la mer Noire, au Sud jusqu’à l’Arzawa et à l’Est jusqu’à l’Euphrate. Ses annales et son Testament politique ainsi que plusieurs documents de chancellerie indiquent qu’il a mis en place une administration solide. Mursili Ier qui succède à son grand-père en 1620 av. J-C  fut lui aussi un grand guerrier. Il réussit à prendre Alep, capitale du royaume de Yamhad. Il poursuit ses conquêtes vers Babylone. L’empire paléo-babylonien se retrouve réduit à cette époque à la seule Babylonie centrale. A la mort de Mursili Ier vers 1590 av. J-C, son beau-frère Hantili Ier lui succède, c’est le début d’une longue période trouble. En effet, des luttes nobiliaires et des révoltes dans les différentes provinces déstabilisent l’empire.

Entre 1525 et 1500 c’est le règne de Télépinu (ou Télibinu) qui tente d’introduire dans l’exercice du pouvoir mansuétude et grandeur d’âme au lieu de la brutalité et de la cruauté habituelle.

Vers 1465 av. J-C, la dynastie fondée par Labarna est renversée, conséquence des troubles des règnes précédents. C’est le début du moyen royaume. Le nouveau roi Tudhaliya Ier possède des ascendances hourrites et kizzuwatnienne. Il remporte différentes victoires contre les Hourrites ce qui lui permet de replacer le Kizzuwatna sous la domination d’Hattusa et de détruire Alep. Tudhaliya renouvelle profondément les élites du pays : dès son règne de nombreux personnages pourtant d’origine hourrite occupèrent des postes importants. Cela montre la capacité d’assimilation du royaume hittite. L’Etat a toujours intégré des éléments venant de divers horizons et peut être caractérisé de pluriethnique et pluriculturel.

II – Le nouvel Empire (1353-1190 av. J-C) et les néo-royaumes (1190-717 av. J-C)

C’est durant cette période que l’empire est le plus vaste mais aussi qu’il entre en concurrence avec l’Egypte des pharaons.

Après l’assassinat de l’héritier du trône, le prince Suppiluliuma Ier accède au trône. Il est considéré comme le plus grand roi hittite et c’est avec lui que commence la période impériale. Il réforme complètement le royaume hittite et rétablit le royaume dans son rôle de pièce majeure de l’échiquier du Proche-Orient. En effet, les Hittites et les Egyptiens y exercent une lutte d’influence afin de contrôler le couloir commercial passant entre la Syrie et la Palestine. Ce passage est capital pour l’Egypte qui doit s’approvisionner dans divers pays du pourtour méditerranéen notamment le bois du Liban ou les métaux des mines turques.

Les Hittites passent des traités avec ses voisins et réussissent à cantonner les Egyptiens au Sud de Qadesh qui bien que vassal de l’Egypte tombe aux mains hittites. Mursili II bénéficie du relatif retrait des Egyptiens durant les années de transition entre la XVIIIe et la XIXe dynastie. Le pharaon Toutankhamon (1345-1327 av. J-C) meurt prématurément sans héritier. Les Hittites envoient un prince pour former une nouvelle dynastie mais il meurt de la peste sur la route. L’alliance est compromise et la peste qui affaiblit considérablement l’Egypte pousse Akhenaton à reconquérir les terres perdues, par conséquent il entre à nouveau en conflit avec l’empire hittite. En dehors des assauts du pharaon Ramsès II, Muwatalli qui a succédé à Mursili doit faire face aux troubles de sa cour.  Le roi suivant est Hattusili dont la grande réussite diplomatique est l’accord de paix qu’il conclut avec Ramsès II en 1258 av.J-C, mettant ainsi un terme à une longue période de conflits entre les deux puissances.

Aux XIIIe et XIIe siècles de très nombreux conflits affaiblissent le royaume hittite ce qui aboutit vers 1100 av. J-C à un morcellement de l’empire donnant naissance aux royaumes néo- hittites.

Aux alentours du XIIe siècle av. J-C, les Phrygiens, un peuple indo-européen, envahissent le plateau central d’Anatolie et y établissent leur royaume et leurs cités. La civilisation hittite survit à la chute de son centre. Dans le sud de l’Anatolie ainsi qu’en Syrie plusieurs royaumes de langue louvite sont fondés et Karkemish, où règnent des descendants de la dynastie de Suppiluliuma Ier, reprend le rôle de capitale culturelle du monde hittite puisque Hattusa est abandonnée. Un nombre important de petits royaumes voient le jour en Cappadoce. Ces royaumes ne jouent certes aucun rôle politique majeur mais ils prospèrent du XIIe au IXe siècles av. J-C. Ce n’est qu’entre 745 et 708 av. J-C que les derniers royaumes disparaissent, l’un après l’autre sous les coups des Assyriens. Le plus puissant, le royaume de Karkemish disparaît en 717 av. J-C et marque la fin de la civilisation hittite.

III – Langue et religion des Hittites. 

Le panthéon hittite tout comme sa langue sont très complexes. On parle d’une religion aux mille dieux. Cela est dû à l’assimilation des panthéons des peuples conquis ou de ceux qu’ils côtoient. Ainsi un même dieu peu avoir plusieurs noms. C’est le cas du plus important dieu hittite, le dieu de l’orage , Teshub appelé aussi Tarhunt. Teshub est symbolisé par le taureau et fut aussi le dieu de la guerre. Autre dieu important, Telebinu, qui est le dieu de l’agriculture. En ce qui concerne les déesses on peut évoquer Hebat qui apparaît sur un bas relief de Firatkin et à qui la reine Puduhepa rend hommage. A Hattusa on retrouve aussi des fragments de tablettes rituelles du XIVe siècle, prouvant ainsi que les rites étaient codifiés. A Karkemish on retrouve quelques 700 textes religieux ainsi que des objets rituels mais aussi une statue d’orfèvrerie d’une déesse avec un enfant sur ses genoux. L’enfant était celui d’une autre déesse montrant les liens entre les dieux. Grâce aux fouilles on remarque que le taureau remplace petit à petit le lion symbole du soleil pour les Hattis (peuple autochtone d’Anatolie) comme le montre la tête de taureau de Bogazköy (à l’Est de l’actuelle ville d’Ankara) exposée au Louvre. On trouve aussi plusieurs rhytons en forme de taureau. Le cerf, quant-à lui, est rattaché à la chasse et au monde sauvage. Nous ne disposons que de peu d’objets en métal car ils étaient refondus après leur utilisation lors des cérémonies.

Globalement trois phénomènes fondamentaux caractérisent la religion des Hittites. Tout d’abord c’est le résultat d’un syncrétisme entre la religion originelle de ce peuple et celle pratiquée par les Hattis autochtones. C’est aussi le fait qu’il n’y a pas de panthéon officiel, chaque région et localité ayant son propre panthéon qui variait au gré des conquêtes et des défaites. Enfin, on note que les dieux adorés par les Hittites ont considérablement variés au cours des siècles. Par ailleurs, à l’inverse des autres grandes civilisations orientales, les prêtres n’avaient pas une grande importance dans la vie religieuse et sociale car leur rôle était modeste.

D’un point de vue culturel, le travail d’orfèvrerie et de sculpture des Hittites est remarquable. On reconnaît aisément le travail des Hittites à la précision des détails, muscles saillants par exemple, qui donnent un aspect très réaliste aux oeuvres. Ils utilisent également des matériaux comme le lapis lazuli que n’utilisaient pas les Egyptiens. L’influence artisanale des Hittites touchera les peuples postérieurs à la civilisation hittite, notamment au nord de la Syrie et de l’Irak actuels.

Tout comme la religion, le système linguistique des Hittites est complexe. Très longtemps les chercheurs ont étudié les écrits des Hittites en cherchant une similitude avec les langues sémites, notamment l’arabe et l’hébreu. Le déchiffrage s’avère impossible et finalement ce ne sera que lorsque des chercheurs anglo-saxons changeront leurs critères et travailleront en référence avec les langues indo-européennes qu’ils comprendront que les Hittites parlaient une langue indo-européenne et non sémite. La langue subie de nombreuses influences notamment de l’araméen car c’est au contact de ce peuple que l’écriture apparaît chez les Hittites. Ils utilisent deux graphies: les caractères cunéiformes mais aussi les hiéroglyphes. Ces derniers différents de ceux des Egyptiens ce qui là encore compliqua le travail des chercheurs. Si avec l’écriture la langue se fixe et devient un outil de communication, de très nombreuses langues continuent d’être utilisées.

Même à l’écrit on utilise plusieurs langues, bien que la langue officielle soit le hittite-nezik, l’akkadien par exemple est la langue diplomatique du second millénaire.

Pour ajouter à la complexité certaines langues s’écrivent avec des caractères cunéiformes et d’autres comme le louvite avec des hiéroglyphes.

CONCLUSION

Grande civilisation du Proche-Orient, les Hittites ont durant très longtemps souffert d’un certain abandon de la part des historiens et des archéologues qui se sont focalisés sur l’Egypte. On va jusqu’à dire qu’Agatha Christie, dont le mari était archéologue, influença les recherches en mettant en avant le pays des pharaons. Pourtant, tout au long de leur histoire, les Hittites ont su assimiler plutôt que détruire comme le montre la variété de son panthéon et de ses langues. De plus, le raffinement de leur art a influencé les civilisations postérieures de la région.

 

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