L’HISTOIRE DU CHÂTEAU DE SAINT-CLOUD

Thèmes: Histoire                                                                                                                                            Conférence du mardi 17 mai 2022.

L’HISTOIRE DU CHÂTEAU DE SAINT-CLOUD

Par Monsieur Richard FLAHAUT, Président des Amis du Parc de Saint-Cloud, Conservateur du ministère des Affaires Étrangères.

INTRODUCTION

Le château de Saint-Cloud était un des plus beaux fleurons des châteaux français et Charles X alors qu’il était en exil dira que ce château était une des choses qui lui manquait le plus. Le château était situé dans un parc d’environ 500 hectares qui de nos jours est dénommé domaine national de Saint-Cloud.

L’histoire du château commence en 1577 avec l’achat par Catherine de Médicis d’une propriété qui alors n’était qu’un pavillon, l’hôtel d’Aulnay, et se termine en 1870 par le bombardement des Français lors de la guerre avec la Prusse.

Actuellement l’association des Amis du Parc de Saint-Cloud propose des visites virtuelles du château et travaille à la diffusion de la connaissance de ce bâtiment historique perdu. De plus, depuis 2006, l’association Reconstruisons Saint-Cloud! milite en faveur de la reconstruction du château.

I – De l’hôtel des Gondi au château de Monsieur.

En 1577 Catherine de Médicis achète à titre personnel une propriété à l’Ouest de Paris appelée alors « hôtel d’Aulnay » avec un terrain de deux hectares. Quelques années plus tard, elle offre cette propriété à son banquier, Jérôme de Gondi, membre d’une riche famille de financiers florentins qui avaient suivi Catherine de Médicis en France.

Jérôme de Gondi réalise d’importants travaux. Il y fait bâtir autour de l’hôtel d’origine un château en « L » bordant une terrasse. A cette époque, le château et le parc sont à « l’italienne ». Les bâtiments étaient couverts de toits plats et les façades étaient peintes à fresque. Les jardins, qui descendaient en terrasses jusqu’à la Seine, étaient dotés de toutes les attractions alors à la mode en Italie: cascades, grottes et fontaines. On peut mentionner la grotte du Parnasse dédiée à Apollon et aux muses, aux parois couvertes de coquillages mais qui disparut dès le XVIIIe siècle. Autre élément remarquable de cette époque : le bassin carré du Grand Jet dont la hauteur et la puissance du jet d’eau surprenaient les spectateurs.

Rapidement ce château est le cadre d’événements historiques. Ainsi, c’est dans le château de Saint-Cloud qu’Henri III s’installe pour conduire le siège de Paris, tenu par les Ligueurs et c’est également là qu’il est assassiné le 1er août 1589 par le moine Jacques Clément. À la suite de cet événement Henri de Navarre devient roi et se convertit au catholicisme, condition impérative pour régner, ce qui amènera le futur Henri IV à dire sa célèbre phrase: « Paris vaut bien une messe ».

A la mort de Jérôme de Gondi, le château reste dans la famille Gondi qui comptera trois évêques de Paris et qui embelliront le domaine.  En 1655, Henri de Gondi, duc de Retz, vend le domaine à Barthélemy Hervart, financier d’origine allemande, et surintendant des Finances de Louis XIV. Hervart agrandit le parc jusqu’à douze hectares et fit construire une grande cascade grâce aux divers rus présents dans le domaine ainsi qu’à l’étang qui était la réserve de pêche des moines clodoaldiens. On peut rappeler que le monastère avait été fondé par le petit-fils de Clovis, Clodoald, qui sera canonisé peu de temps après sa mort en 560, plusieurs miracles ayant eu lieu près de sa tombe. À la suite de ces événements bon nombre de pèlerins affluent à Saint-Cloud.

Hervart fait agrandir le domaine et modernise la propriété en améliorant notamment le réseau hydraulique. Les rénovations finies, Hervart organise une somptueuse fête qui compte avec la présence du Roi, de Mazarin et de nombreux membres de la Cour. Subjugué par ce faste, Mazarin aurait supposé que le coût de cet ouvrage eût dû être colossal. Hervart soucieux de ne pas être vaniteux face à Mazarin, lui aurait avoué un prix beaucoup plus bas que le prix réel. Mazarin, souhaitant acquérir une propriété pour le frère du Roi, Monsieur, qui allait se marier avec Henriette d’Angleterre, oblige Hervart à lui céder son domaine pour le prix que ce dernier lui avait dit. En 1658, le château devient donc propriété de Philippe d’Anjou qui y fait entreprendre des travaux d’agrandissement du château et du parc. Antoine Le Pautre commence à diriger les travaux puis Jules Hardouin-Mansart lui succède, ce dernier, comme le peintre Mignard, travaillera d’abord au château de Saint-Cloud avant Versailles. Le jardin est redessiné par André Le Nôtre et le parc est considérablement agrandi entre 1659 et 1695 passant de 12 à 590 hectares. Cependant, l’expulsion n’existant pas alors, certaines parcelles restent aux mains de leurs propriétaires au milieu du domaine de Monsieur. En ce qui concerne le parc, le plus remarquable est l’aménagement d’un grand axe Est-Ouest dont le point de départ est la terrasse de l’Orangerie. Les espaces s’enchaînent suivant une pente ascendante. L’allée de l’Orangerie, les 24 Jets, le Tapis Vert, le rond-point de la Grande Gerbe puis l’allée de Marnes se succèdent ainsi sur plus de deux kilomètres. Le Nôtre aménage aussi l’allée de la Balustrade qui reliait la façade sud du château au coteau de Sèvres.

Le château de Monsieur a la forme d’un U, ouvert vers l’Est c’est-à-dire vers la Seine. Parmi les innovations de cette époque on peut mentionner la construction de la galerie Apollon, longue de 45 mètres, située dans l’aile droite et entièrement décorée par Pierre Mignard. La galerie doit son nom aux peintures du plafond, consacrées au mythe d’Apollon. La magnificence de cet ensemble vaudra au peintre de supplanter à Versailles son rival Le Brun qui avait effectué un travail similaire dans la galerie Apollon au Palais du Louvre. La galerie Apollon de Saint-Cloud inspirera la Galerie des Glaces de Versailles. Les cuisines sont situées dans un pavillon annexe qui deviendra le pavillon de l’Intendance et dont l’accès se fait par un couloir souterrain. Monsieur fait également construire une ménagerie près de la Seine et un trianon qui de nos jours est le pavillon Breteuil des poids et mesures.

C’est au château de Saint-Cloud que meurt en 1670 Henriette d’Angleterre, première épouse de Philippe d’Anjou, dont Bossuet a prononcé la très célèbre oraison funèbre, ainsi que le Duc d’Orléans lui-même en juin 1701, d’une crise d’apoplexie.

II – Le château de Saint-Cloud, propriété de Marie-Antoinette.

En 1784, le château de Saint-Cloud est acquis par Louis XVI à son cousin, pour la Reine Marie-Antoinette. La tradition voulait que le fils aîné succède à son père sur le trône alors que le cadet héritait des biens de sa mère. Ayant deux fils, Louis XVI souhaite offrir ce domaine à la Reine qui le transmettrait à son fils cadet. Sur les grilles du parc on pouvait lire « Par l’ordre de la Reine » et non « Par l’ordre du Roi ».

Marie-Antoinette fait transformer le château par son architecte attitré, Richard Mique. Ce dernier élargit le corps de logis et la moitié adjacente de l’aile gauche et refait les façades côté jardin de ces parties. Il fait aussi démolir l’escalier construit par Hardouin-Mansart et construit un nouvel escalier en pierre pour accéder aux appartements de parade. Une chapelle est également construite. De nouveaux espaces intérieurs sont aménagés et Séné et Georges Jacob fournissent chaises ou fauteuils tandis que les commodes, consoles et dessertes sortent des ateliers de Riesener, Benneman et Weisweller.

Comme tout au long de son histoire, le château de Saint-Cloud est le cadre d’événements clés pour la France. Ainsi, après la Révolution en juillet 1789, la famille royale est assignée à résidence aux Tuileries mais est autorisée à séjourner à Saint-Cloud pendant l’été. C’est aussi à Saint-Cloud que Marie-Antoinette a un entretien avec Mirabeau. En avril 1791, la famille royale est empêchée par les émeutiers de venir à Saint-Cloud, ce qui sera un élément déterminant dans la fuite de Varennes, deux mois plus tard.

III – Le château de Saint-Cloud au XIXe siècle.

Le château de Saint-Cloud continue d’être le théâtre d’événements importants de l’histoire de France. En effet, c’est à Saint-Cloud que Napoléon Bonaparte y réalise son coup d’Etat du 18 brumaire an VIII qui abolit le Directoire au profit du Consulat. Il fait de Saint-Cloud sa résidence favorite et dès 1801, il ordonne de remettre en état le château tout comme ses jardins. Il fait restaurer les Grandes Cascades et ériger une sorte de phare au sommet duquel on place la lanterne de Démosthène que l’on allumait lorsque Napoléon était dans le domaine. Par ailleurs, c’est dans la galerie Apollon que le 18 mai 1804 Napoléon sera proclamé Empereur.  De nombreuses fêtes somptueuses sont organisées au château : en 1806, lors de la victoire d’Austerlitz, en 1810, pour le mariage civil de Napoléon avec Marie-Louise d’Autriche, en 1811, à l’occasion du baptême du roi de Rome etc. En ce qui concerne les travaux, Napoléon Ier fait construire un petit théâtre de 300 places au bout de l’Orangerie. Ce théâtre sera détruit par son neveu en 1862 qui souhaitait en construire un beaucoup plus grand. Les événements historiques ne lui laisseront pas le temps de réaliser son projet.

Trois décennies plus tard, le Président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, séjourne à Saint-Cloud et tout comme son oncle c’est dans le château de Saint-Cloud qu’il sera proclamé Empereur des Français, le 7 novembre 1852. Il y recevra de nombreuses personnalités notamment la Reine Victoria, son époux et deux de leurs enfants en août 1855.  A cette occasion, une anecdote nous est parvenue. Le futur Edouard VII, alors âgé d’une dizaine d’années, au moment du départ aurait demandé à l’impératrice Eugénie de l’adopter, la trouvant extrêmement sympathique.

Pour ce qui est des nouveaux aménagements on peut mentionner la création d’un jardin privé à l’anglaise (les jardins à la française n’étant plus à la mode), le jardin du Trocadéro qui tire son nom d’une victoire française de 1823 dans cette ville du Sud de l’Espagne. Ce jardin comporte un pavillon de style mauresque, une volière et une pièce d’eau dite Lac du Trocadéro. Charles X fera ajouter une passerelle suspendue pour accéder directement au château. Napoléon III et l’Impératrice Eugénie feront faire des transformations de décoration intérieure, par exemple la chambre de Marie-Antoinette deviendra celle de l’Empereur, mais pas de grands travaux dans la structure du château.

Hasard de l’histoire, c’est à Saint-Cloud que Napoléon III déclare la guerre à la Prusse, guerre qui entraînera la destruction du château. C’est aussi le point de départ de l’Empereur pour l’armée car il avait fait installer une voie de chemin de fer dans le parc.

IV – La guerre de 1870 et le domaine de Saint-Cloud actuellement.

Alors que la guerre à la Prusse est déclarée le 18 juillet 1870, deux mois plus tard, le 21 septembre le château est investi par les troupes prussiennes qui chassent le régisseur et son personnel. Plusieurs pièces de mobilier et les plus belles œuvres d’art, notamment un tableau de Murillo, avaient été transférées au Louvre et nous sont donc parvenues jusqu’à nos jours. Cependant, la majorité des biens est saccagée par l’armée prussienne. Dès leur arrivée les Prussiens avaient démoli la tour et la lanterne de Démosthène au sommet car c’était un repère pour les tirs des Français. Parce qu’il était devenu le quartier général de l’armée allemande, le château prend feu le 13 octobre 1870, alors qu’il est la cible des canons français postés au fort du Mont-Valérien. L’incendie ne peut pas être éteint en dépit des réserves d’eau du domaine car les Allemands avaient percé le système d’irrigation. Après la guerre, Saint-Cloud reste à l’état de ruines pendant plus de vingt ans, jusqu’à ce qu’elles soient rasées en 1892. Cette décision a été prise à la suite de l’enlèvement des ruines des Tuileries que l’on avait décidé de ne pas reconstruire. En effet, le château de Saint-Cloud, tout comme les Tuileries, était trop intimement lié aux souvenirs de la monarchie et de l’Empire pour être reconstruit. Quelques morceaux des ruines du château ont été récupérés. Ainsi, la grille du parc du château de la Punta en Corse provient du château de Saint-Cloud et les bas-reliefs de la cage d’escalier ont été remontés au palais royal de Laeken à Bruxelles. Quant aux commodes de Benneman de la chambre de l’Impératrice, elles sont au château de Compiègne et la console du salon de La Vérité est à l’Elysée dans le salon du Conseil.

Le domaine national de Saint-Cloud est aujourd’hui affecté au ministère de la culture et donné en gestion au centre des monuments nationaux.

La Grande Cascade est préservée dans son état d’origine et reste un des ouvrages hydrauliques les plus remarquables de France. Par ailleurs, de la terrasse on embrasse une vue spectaculaire sur les boucles de la Seine et Paris. Il faut ajouter que des visites virtuelles du château sont possibles.

Depuis 2006 l’association « Reconstruisons Saint-Cloud! » milite activement en faveur de la reconstruction du château dont subsiste l’ensemble des fondations, soit 25% de l’édifice que ce soit en termes de volume ou de coût financier.

CONCLUSION

Le château de Saint-Cloud a été durant plus de trois siècles le cadre d’événements importants de l’histoire de France et a été le lieu de villégiature de nombreux Rois et de deux Empereurs. Le fait que le domaine soit situé à l’Ouest de Paris sur la route de Versailles lui a conféré un rôle très particulier. Même si quelques pièces du mobilier ont pu être sauvées, la guerre de 1870 a causé la destruction d’un des plus beaux châteaux français.

De nos jours, l’association « Les amis du Parc de Saint-Cloud » travaille à la sauvegarde, à l’embellissement et promotion du domaine national de Saint-Cloud en enrichissant la collection du musée historique qu’elle a fondé en 1981, en restaurant des œuvres d’art et en replantant des espaces arborés. L’association organise également des rencontres, des visites et des événements dans le domaine.

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