LE NORMANDIE-NIEMEN, UN GROUPE DE CHASSE DES FAFL SUR LE FRONT DE L’EST 1942-1945

Thèmes: Histoire                                                                                                                                  Conférence du mardi 18 octobre 2022

LE NORMANDIE-NIEMEN, UN GROUPE DE CHASSE DES FAFL SUR LE FRONT DE L’EST 1942-1945

Par Michel BRUNETON, conférencier, membre du conseil d’administration de l’association Mémorial Normandie-Niémen.

 

INTRODUCTION

Après la défaite de la France face aux Allemands en mai 1940, le Général de Gaulle refuse la fatalité et lance son appel du 18-Juin. Peu à peu les Forces de la France Libre s’organisent et quelques pilotes se rallient à cette nouvelle forme de force, et ce sera les Forces Aériennes Françaises Libres. A la suite de l’opération Barbarossa qui rompt le pacte germano-soviétique, la France de Vichy rompt ses relations avec l’URSS. Le Général de Gaulle convainc alors Staline d’accepter un Groupe de chasse.

Ce Régiment de Chasse qui a remporté de très nombreux combats (273) sur le front de l’Est entre 1943 et 1945 existe toujours de nos jours sous le nom de EC 2/30 (Escadron de Chasse) « Normandie-Niémen ». Il est basé à Mont-de-Marsan et vole sur Rafale.

I – Le contexte historique.

Le 18 juin 1940, le Général de Gaulle fait son appel à la BBC et propose à tous ceux qui le souhaitent de le rejoindre et poursuivre le combat contre l’Allemagne nazie. Certains pilotes se rallient au Général et combattent avec la Royal Air Force. D’autres pilotes rejoignent la France libre lorsque l’Allemagne envahit l’URSS le 22 juin 1941. Ils veulent fuir la France de Vichy et continuer le combat. Ainsi, fin 1941, le lieutenant-colonel Luguet, qui était attaché de l’Air à l’Ambassade de France à Moscou rallie la France libre et convainc le Général de Gaulle d’envoyer une force combattante française en URSS. Pour le fondateur de la France libre, l’enjeu d’une telle démarche ne se limite pas au plan militaire. Par cette présence française, le général de Gaulle souhaite être reconnu comme le chef de tous les Français libres et ainsi se positionner dans les discussions de l’après-guerre. Tout d’abord, de Gaulle pense proposer aux Soviétiques l’envoi sur le front de l’Est d’une division mécanisée, prélevée sur les forces françaises stationnées au Levant. Mais, c’est finalement l’idée d’un groupe de chasse qui est retenue.

Au printemps 1942, Staline donne son accord de principe à l’envoi d’un groupe de chasse en URSS avec 14 pilotes, une quarantaine de mécaniciens et du personnel administratif, soit 72 volontaires. Le groupe de chasse, GC3 ‘Normandie’,  sera une unité française sous commandement français, intégrée à une division soviétique. Les 14 premiers pilotes de chasse du GC3 proviennent d’une part, d’unités de la Royal Air Force, du groupe de chasse ‘Ile-de-France’ installé en Angleterre, surnommés « Les Anglais » et d’autre part du groupe de chasse ‘Alsace’, alors installés au Levant surnommés « Les Libyens ».

Chaque unité des FAFL prend le nom d’une province française. C’est « Normandie » qui sera retenu.

Les premiers pilotes de ce GC arrivent à Ivanovo, leur base d’entraînement, à 250 kilomètres au nord-est de Moscou, après un long périple depuis la base de Rayak au Liban, via la Syrie et l’Iran. Ces volontaires connaissent de grandes difficultés d’adaptation dues au climat, leurs vêtements ne sont pas adaptés au rude climat russe; à la langue, aucun d’eux ne parle russe; et au matériel, les Français doivent apprendre à maîtriser les YAK (abréviation de Yakovlev), avions soviétiques différents des avions de l’armée française.

Les pilotes français s’entraînent d’abord sur des YAK-7 puis sur des YAK-1, mieux adaptés à l’hiver. Le froid est si intense que chaque soir les mécaniciens doivent vider les avions aussi bien de l’huile que du carburant. Enfin, les avions des Français sont personnalisés en peignant la casserole de l’hélice aux couleurs tricolores. L’instruction des Français va durer du 2 décembre 1942 au 14 mars 1943.

II – L’épopée du Normandie-Niémen.

A/ Première campagne (22 mars 1943 – 6 novembre 1943).

Début 1943, des renforts viennent grossir les effectifs et permettent la création des escadrilles « Rouen » et « Le Havre ». Le GR3 est envoyé au front pour la première fois suite à des missions de soutien ou d’accompagnement. Le GR3 combat aux côtés du 18e Régiment de la Garde avec qui une relation amicale particulière s’installe.

Les batailles s’enchaînent tout comme les victoires. Ce sont aussi les premières disparitions. Ainsi le 17 juillet 1943, c’est la disparition du commandant Tulasne lors d’une mission de couverture de troupes au sol dans la région de Lagodnia, à 300km au sud de Moscou. Le commandant Pierre Pouyade lui succède, tandis que le sous-lieutenant Albert et le capitaine Preziosi obtiennent la trentième victoire du groupe. Le 19 juin pour la première fois le quotidien La Pravda publie le nom de cinq officiers français décorés de l’Ordre de la guerre pour la Patrie. A la fin de cette première campagne, on compte la perte de 21 pilotes. Le GC3 est affaibli et en novembre 1943 il ne compte plus que quatre pilotes de l’unité issue de l’unité formée à Rayak.

B/Deuxième campagne (26 mai 1944 – 7 décembre 1944).

Renforcé pendant l’hiver, le Régiment aux 77 victoires débute sa deuxième campagne avec quatre escadrilles « Rouen », « Le Havre », ‘’Caen’’ et. En mai 1944, le GC Normandie part pour Doubrovka afin de participer à l’offensive soviétique contre les troupes du Reich déployées en Biélorussie. En juillet, l’unité vole vers la Lituanie et appuie l’offensive des Soviétiques, lesquels franchissent le fleuve Niémen, le 23 juin 1944. En récompense Staline distingue le Normandie en y accolant le nom ‘Niémen’. Le 1er août 1944 les YAK-3 remplacent les YAK-9. Le 16 octobre 1944, le Normandie-Niémen commence l’offensive contre la Prusse orientale en remportant 29 victoires en une seule journée. C’est la première unité française à fouler le sol allemand.

Cependant cette deuxième campagne connaît là encore de nombreuses pertes. Ainsi, le 28 mai, le YAK-9 de Marcel Lefèvre, une des figures emblématiques du groupe, prend feu à l’atterrissage à la suite d’une fuite de carburant. Transformé en torche, le pilote meurt de ses brûlures à l’aube du 6 juin 1944 alors que les Alliés débarquent sur les plages de sa Normandie natale. Les autorités soviétiques lui organisent des obsèques en grande pompe à Moscou. Un nouveau drame marquant survient le 15 juillet 1944 : à son tour victime d’une fuite de carburant, le lieutenant Maurice de Seynes cherche à atterrir mais les vapeurs d’essence qui envahissent son cockpit l’empêchent de poser son appareil. Les Soviétiques lui ordonnent de sauter mais il ne veut pas abandonner à une mort certaine son mécanicien Vladimir Bielozub qui lui n’avait pas de parachute. Après plusieurs tentatives infructueuses, le YAK-9 s’écrase et explose, tuant ses deux occupants. Ces derniers seront enterrés ensemble à Doubrovka et vont symboliser les liens franco-soviétiques du front de l’Est.

Fin novembre 1944, le colonel Pierre Pouyade donne l’ordre de faire repeindre sur les YAKs l’emblème du Normandie-Niémen en y ajoutant l’éclair blanc qui est l’emblème de la 303e division aérienne de chasse unité de la 1ere armée soviétique à laquelle le régiment Normandie-Niémen appartient.

Retiré du front à l’approche de l’hiver, le régiment se déplace à Moscou afin d’accompagner la visite diplomatique du Général de Gaulle et y reçoit médailles et honneurs. Un quart des pilotes obtiennent également une permission en France, ce qui réduit le groupe à trois escadrilles.

C/Troisième campagne (12 janvier -8 mai 1945).

Durant cette campagne, le Normandie-Niémen, sous les ordres du commandant Louis Delfino, participe à l’invasion de la Prusse-Orientale et au siège de Königsberg, future Kaliningrad. Si au début de cette épopée les aviateurs français étaient peu expérimentés et en situation défavorable par rapport aux aviateurs allemands, c’est désormais le contraire. Le dernier pilote français tué sera Maurice Challe lors d’un combat aérien, le 27 mars 1945 après 10 victoires. La dernière victime est George Henry, mort de ses blessures reçues au sol le 12 avril 1945

Début 1945, un décret de Staline accorde aux combattants le droit de s’en retourner avec leurs avions. Le 15 juin, aux ordres du Général Zakharov, les 40 appareils du Normandie-Niémen s’envolent pour Poznan. Le 16, les pilotes sont à Prague et le lendemain ils sont reçus par le Général de Lattre de Tassigny à Stuttgart. Le 20 ils arrivent à Saint-Dizier. Ils repartent le 25 pour Le Bourget où ils sont accueillis en héros (vers 18H30).

En tout, les pilotes français ont effectué 5 240 missions de guerre, ont cumulé 4 354 heures de vol et remporté 273 victoires confirmées et 37 probables. Par ailleurs, 21 aviateurs sont faits compagnons de la Libération par le Général de Gaulle. Enfin quatre pilotes ont été élevés à la dignité de « Héros de l’Union Soviétique » : Marcel Albert, Roland de la Poype, Jacques André et Marcel Lefèvre à titre posthume. Sur les 97 pilotes qui ont participé aux trois campagnes, 42 sont morts.

CONCLUSION

Le groupe de chasse Normandie-Niémen est la seule force occidentale à s’être battue aux côtés de l’Armée rouge sur le sol soviétique durant la Seconde Guerre mondiale. En remportant de nombreuses batailles elle a permis aux forces de la France libre de briller au combat et au Général de Gaulle d’être le seul interlocuteur légitime de la France à la fin de la guerre.

Les liens entre le Normandie-Niémen et l’URSS perdurent après-guerre et des cérémonies conjointes sont organisées comme celle célébrant les 50 ans de sa création, le 18 septembre 1992. Par ailleurs, les vétérans de l’escadron participent aux célébrations ‘Les Immortels’ de la Victoire de 1945 sur la Place Rouge à Moscou le 9 mai 2010.

Pour en savoir plus : https://memorial-normandie-niemen.fr

 

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