DES ORDRES DE LA CHEVALERIE A LA LÉGION D’HONNEUR, HISTOIRE DES RÉCOMPENSES HONORIFIQUES

Thèmes: Histoire – Société                                                                                                                           Conférence du mardi17 janvier 2023

DES ORDRES DE LA CHEVALERIE A LA LÉGION D’HONNEUR, HISTOIRE DES RÉCOMPENSES HONORIFIQUES

Par Monsieur Bertrand GALIMARD FLAVIGNY, journaliste, ancien chroniqueur au Figaro Littéraire, auteur de nombreux ouvrages. Spécialiste des ordres de chevalerie.

INTRODUCTION

Les distinctions honorifiques sont destinées à récompenser des services éminents rendus à un pays ou l’attitude particulière d’une personne. Les récompenses sont essentiellement attribuées à titre personnel mais elles peuvent être attribuées à une ville, un régiment ou un groupe de personnes.

Bien longtemps réservées aux élites et à l’aristocratie, les distinctions sont de nos jours accessibles à tous : artistes, professeurs, sportifs ou migrants car il n’est pas nécessaire d’être français pour recevoir une décoration.

Au Moyen-Âge apparaissent les premiers ordres de chevalerie, viendront ensuite les ordres royaux, puis la Légion d’honneur créée par Bonaparte qui est ouverte à tous quelle que soit la naissance, le métier ou le sexe de la personne et enfin l’Ordre National du Mérite créé par le Général de Gaulle. L’évolution des récompenses reflète parfaitement l’histoire de France.

I – Les Ordres de chevalerie et les Ordres royaux.

L’époque des croisades à la fin du Moyen-Âge marque la naissance des Ordres religieux, militaires et hospitaliers. Les moines-soldats assurent la sécurité et la défense des hospices et des lieux saints. Ces combattants portaient des vêtements ornés d’une croix, chaque institution avait sa propre croix de forme et de couleur particulières. En 1113 est créé l’Ordre St Jean de Jérusalem qui perdure jusqu’à nos jours sous le nom d’Ordre de Malte. En ce bas Moyen-Age d’autres Ordres existaient comme l’Ordre du Temple qui connaîtra un sort tragique en France, ou l’Ordre teutonique créé en 1156. Les membres de ces Ordres religieux quittent le Levant après la chute des Saint-Jean d’Acre, en 1291. Philippe le Bel proposera la fusion entre les Templiers et les Hospitaliers mais ils refusent.

Entre les XIVe et XVIe siècles, les rois s’inspireront de ces prestigieux Ordres religieux pour créer leurs Ordres de chevalerie. Ces Ordres royaux deviendront des armes politiques qui permettent de fidéliser les nobles autour du Roi, grand maître de l’Institution, et de montrer la puissance de ce dernier.

Ainsi en France pour faire le pendant de l’Ordre de la Toison d’or fondé en 1430 par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, Louis XI créé l’Ordre de St Michel en 1469.

La chevalerie est à son apogée aux XIVe et XVe siècle et l’esprit chevaleresque se traduit dans la littérature et les chansons des troubadours. Des Ordres se créent partout en Europe, un des plus célèbres étant l’Ordre de la Jarretière fondée par Edouard III d’Angleterre en 1348. La légende dit que cet Ordre doit son nom à un incident survenu lors d’un bal donné à Calais (alors sous contrôle anglais) par roi Edouard III. Jeanne de Kent, comtesse de Salisbury qui était sa maîtresse, perdit la jarretière de sa jambe gauche. Rendue furieuse sous les quolibets, elle décide de quitter le bal. C’est alors que le souverain ramasse la jarretière, s’agenouille et coupant court aux railleries déclare : « Messieurs, honni soit qui mal y pense. Ceux qui rient maintenant seront très honorés d’en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le chercheront avec empressement ». L’Ordre de la Jarretière était né, et il existe toujours de nos jours en Grande-Bretagne.

L’Ordre du Saint-Esprit créé en 1578 par Henri II est le premier Ordre à disposer de statuts. Cet Ordre est destiné à défendre la foi catholique mais surtout à fidéliser les élites du royaume. En effet, on peut rappeler que c’est une période qui connut de nombreuses guerres de religions et le Roi devait pouvoir s’appuyer sur les princes catholiques pour combattre les dissidents protestants.

En 1608, le Pape Paul V confirme l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, crée par Henri IV sans doute comme une preuve de la sincérité de sa conversion à la foi catholique en 1593. Quelques mois plus tard, le Roi fusionne cet Ordre avec l’Ordre de Saint-Lazare entré en déshérence. Toutes ces distinctions sont réservées aux personnes de haute naissance mais une évolution importante aura lieu grâce à Louis XIV qui créé en 1693 l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis qui récompense les officiers catholiques nobles et roturiers. C’est un premier pas vers la démocratisation dirions-nous de nos jours, des critères d’attribution. Cependant ce nouvel Ordre reste restrictif sur le plan religieux, et pour remédier à cela, Louis XV créé en 1759, l’Institution du Mérite militaire pour les officiers protestants. Par ailleurs, de plus en plus de civils sont récompensés, ainsi Le Nôtre, Le Vau ou Mansard reçoivent l’Ordre de Saint-Michel, présageant le futur Ordre des Arts et Lettres.

La Révolution fait table rase sur toutes les récompenses et abolit tous les ordres, même la médaille des vainqueurs de la Bastille.

Sous le Directoire faute de récompenses, on attribue aux soldats des armes de récompense. Le premier Consul institue ensuite les armes d’honneur telles que la Hache d’honneur, le Fusil d’honneur ou le Sabre d’honneur.

Peu avant son accession au trône impérial, Napoléon Bonaparte fonde en 1802 un Ordre consacrant le principe de l’égalité entre tous les services rendus à la nation : la Légion d’honneur.

II – La Légion d’honneur et les ordres du XXe siècle.

C’est au cours de l’année 1802 qu’à lieu la naissance de l’archétype de l’Ordre de mérite moderne la Légion d’honneur que l’on doit au premier Consul Napoléon Bonaparte. La contrainte religieuse disparaît mais le chevalier est toujours astreint à prêter serment de fidélité, serment qui ne sera définitivement abrogé que sous la IIIe République. Les premières nominations sont publiées en septembre 1803. Quatre grades sont créés : légionnaire, officier, commandant et grand officier. La toute première remise de la Légion d’honneur a lieu le 15 juillet 1804 dans la chapelle des Invalides et récompense des civils. Les premiers militaires seront quant à eux décorés le 16 août 1804 au camp de Boulogne.

La chute de l’Empire et le retour d’un roi sur le trône de France vont marquer le retour des anciens Ordres de la monarchie (Saint-Esprit, Saint-Louis, Saint-Michel, Saint-Lazare et Notre-Dame- du Mont Carmel). En 1830, le roi Louis-Philippe abolit définitivement tous les Ordres royaux, à l’exception de la Légion d’honneur, définitivement consacrée comme la plus haute récompense nationale, militaire et civile.

En 1853, Napoléon III crée la médaille militaire pour récompenser les sous-officiers.

Lors de la guerre de Crimée (1853-1856) la France étant l’alliée de la Grande-Bretagne contre la Russie, les combattants français sont autorisés à porter la médaille de Crimée, récompense anglaise à l’effigie de la reine Victoria. Elle la première médaille commémorative.

En 1914 contrairement à la Grande-Bretagne ou à l’Allemagne, la France ne possède aucune distinction pour honorer de façon spécifique les actes de bravoure en temps de guerre. Dès l’automne 1914 Maurice Barrès lance l’idée d’une distinction particulière et en décembre, un projet de loi est présenté à l’Assemblée Nationale ; la loi instituant la Croix de Guerre sera adoptée en avril 1915

Le général de Gaulle sera à l’origine de deux nouvelles décorations : l’Ordre de la Libération et l’Ordre national du Mérite. L’Ordre de la Libération a été créé par de Gaulle en 1940 alors qu’il était en Angleterre et destiné « à récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans l’œuvre de libération de la France et de son Empire ». Cet ordre limité dans le temps, compte 1038 Compagnons et n’est plus décerné depuis 1946. Le dernier, Hubert Germain est décédé le 12 octobre 2021.

En décembre 1963, le général de Gaulle créée l’Ordre national du Mérite. Avec cette distinction, tous les Ordres ministériels sont supprimés sauf ceux des Palmes académiques, l’Ordre du Mérite agricole, l’Ordre du Mérite maritime et celui des Arts et Lettres.

De nos jours, les diverses décorations et récompenses françaises sont au nombre de 68. La légion d’honneur, premier ordre national peut jouer un rôle diplomatique important car les étrangers peuvent être décorés de la Légion d’honneur pour services rendus à la France ou par échange diplomatique, mais ils ne peuvent pas devenir membres de l’ordre.

Chaque ministère dispose d’un « bureau de décorations »,  pour attribuer, notamment, la Légion d’honneur. Le Président de la République en est le grand maître de l’Ordre, cependant s’il peut rayer un nom de la liste de propositions, il ne peut ajouter aucun nom.

Seule la Légion d’honneur attribuée à titre militaire donne droit à une petite gratification annuelle. Par ailleurs, les filles et petites-filles de décorés peuvent demander à intégrer les maisons d’éducation de la Légion d’Honneur.

L’obtention de la Légion d’honneur suppose un comportement exemplaire. Dans le cas d’un écart, un Légionnaire peut recevoir un blâme, être suspendu pour une certaine période, voire radié à la suite d’une condamnation à plus d’un an de prison.

On peut enfin mentionner quelques personnalités ayant refusé leur décoration, comme le compositeur Maurice Ravel, ou l’actrice Brigitte Bardot.

CONCLUSION

Selon un vieil adage, « une décoration ne se demande pas, elle ne se refuse pas, elle se porte … ». Si les Ordres chevaleresques étaient réservés à l’aristocratie, Louis XIV initiera l’évolution des décorations en attribuant aussi l’Ordre de St-Louis à des roturiers. Avec Napoléon Bonaparte, la Légion d’honneur s’ouvre à tous. Depuis sa création en 1802, environ un million de personnes a été décoré et on compte environ 93 000 membres vivants.

Bibliographie :

-Histoire des décorations. Du Moyen-Age à nos jours, par Bertrand Galimard Flavigny, collection Tempus pour l’Histoire, Perrin

La Légion d’honneur. Un Ordre au service de la Nation, par Anne de Chefdebien et

Bertrand Galimard Flavigny Collection Découvertes/éditions Gallimard.

La Légion d’Honneur, par Bertrand Galimard Flavigny et Aliette Desclée de Maredsous

 

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