LES 130 ANS DES ALLIANCES FRANCAISES

Thèmes: Société                                                                                                                                    Conférence du mardi 8 novembre 2022

LES 130 ANS DES ALLIANCES FRANCAISES

Par Madame Joëlle IYNEDJIAN, professeure de français langue étrangère à l’Alliance française de Paris

et Madame Marie HUMBERT DIALLO, ex directrice de l’Alliance française de Diego-Suarez à Madagascar

« LES 130 ANS DES ALLIANCES FRANÇAISES » par Madame Joëlle IYNEDJIAN, professeure de français langue étrangère à l’Alliance française de Paris et Madame Marie HUMBERT-DIALLO, ex directrice de l’Alliance française de Diego-Suarez à Madagascar.

INTRODUCTION

L’Alliance française est une organisation reconnue d’utilité publique dont l’objectif est de faire rayonner la langue et la culture française à l’extérieur de la France.

L’idée de promouvoir la langue et la culture françaises germe après la défaite de Sedan en 1870. Un groupe de patriotes éclairés décide d’agir et le 21 juillet 1883 est créée l’Alliance française au 215 boulevard Saint-Germain dont le siège social s’établira après la seconde guerre mondiale au 101 Boulevard Raspail toujours dans le quartier latin.

Le succès de cette institution ne cesse de croître au fil des décennies et de nos jours on compte 832 alliances françaises dans 136 pays. C’est la plus grande ONG culturelle du monde.

Un bel exemple du précieux travail des Alliances françaises est celui de l’Alliance d’Antsiranana (aussi appelée Diego-Suarez), au nord de Madagascar.

I – Histoire de l’Alliance française.

Suite à la débâcle de 1870 face à la Prusse, la France cherche à compenser son déclin politique par une diffusion de sa langue et de sa culture. De nombreux intellectuels pensent que le rapprochement des peuples par des échanges culturels permettra d’éviter des conflits futurs.

L’Alliance française a été créée le 21 juillet 1883 à l’initiative de Pierre Foncin, géographe, historien et inspecteur général de l’enseignement secondaire et de Paul Cambon, alors chef de cabinet de Jules Ferry. Un comité où l’on trouve des personnalités telles que Louis Pasteur, Ernest Renan, Jules Verne ou Ferdinand de Lesseps (à l’origine de la percée du canal de Suez), appuie cette institution et la création officielle a lieu le 10 mars 1884. Le nom d’Alliance française a été inspiré de l’Alliance israélite, fondée en 1860 dont le but était de promouvoir l’enseignement et la culture juive.

Le statut de l’Alliance française est apolitique et non religieux. Ainsi le premier bureau est composé d’un catholique, d’un protestant, d’un dignitaire israélite et d’anticléricaux. En 1889, l’Alliance française est présente à l’exposition universelle de Paris et une revue est créée afin de mieux diffuser les informations en lien avec les Alliances et la culture française.  

En dix ans seulement étaient instituées des Alliances dans huit pays, sur les cinq continents, notamment en Inde, à Pondichéry alors comptoir français, dont l’Alliance date de 1886. 

En 1902 s’ouvre la première Alliance à Montréal et se crée une Fédération des Alliances françaises aux Etats-Unis.

Après la première guerre mondiale, l’Alliance est dirigée par de grands noms notamment Raymond Poincaré, futur président de la République. En 1919 a lieu l’ouverture de l’Ecole pratique de langue française au 101 boulevard Raspail. 

En 1940, Paris est occupée, les Nazis ferment l’Alliance française et emportent toutes les archives à Berlin. A la fin de la guerre elles seront volées par les Soviétiques qui ne les rendront qu’en 2010 mais incomplètes.

En octobre 1943, on fête le 60e anniversaire de l’Alliance et le Général de Gaulle, toujours soucieux du rayonnement de la France, prononce à Alger un discours où il réaffirme la vocation de l’Alliance. En 1944, la libération de Paris permet la réouverture de l’Alliance et après-guerre la création de nouvelles alliances à travers le monde se poursuit. 

Ce dynamisme est dû essentiellement à un homme, Marc Blancpain, écrivain, journaliste et enseignant, qui sera Secrétaire général de 1944 à 1978 puis président de l’Alliance de 1978 à 1994.

En 1983 François Mitterrand, alors Président de la République,  pour le centenaire de l’institution, prononce un discours réaffirmant l’importance de la langue française dans le monde tout comme dans les institutions internationales (ONU, Jeux Olympiques etc.).

L’année prochaine on s’apprête à fêter les 140 ans de cette institution.

II – Fonctionnement des Alliances en France et à l’étranger. 

La grande innovation des Alliances est qu’elles ont un statut basé sur le droit local et non français, de plus le fonctionnement des institutions est confié à des hommes et des femmes du pays d’accueil. Chaque Alliance est autonome et administrée par un comité local composé de personnalités du monde économique, scientifique et culturel. Pour les soutenir, l’État français envoie quelques 230 agents à des postes de direction, tous les autres salariés (professeurs inclus) sont quant à eux employés sous contrat local. Financièrement les Alliances sont autonomes ce qui les distingue d’organismes étrangers équivalents tel que l’Institut Cervantes, le British Council ou le Goethe Institut. 

Trois grands principes régissent l’Alliance française :

– C’est une association non étatique qui vise à mettre en œuvre une politique d’influence culturelle et éducative.

-C’est une tentative de réparer l’échec des armes par la culture.

-C’est une institution de droit local animée par des amoureux de la langue française.

Les Alliances françaises ne sont pas toutes situées à l’étranger, 30 d’entre elles sont en France parmi lesquelles 7 ont une vocation exclusivement culturelle.

Les Alliances ont trois grands objectifs : proposer des cours de français, en France et dans le monde et délivrer des diplômes (DELF et DALF) ; mieux faire connaître la culture française et les cultures francophones; et enfin favoriser la diversité culturelle en mettant en valeur toutes les cultures. Ces établissements accueillent plus de 460 000 étudiants et près de 6 millions de personnes à leurs manifestations culturelles (théâtre, projection de films, lectures, concours de poésie, conférences etc). Les Alliances situées à l’étranger sont généralement nées d’initiatives locales et sont intégrées dans la vie des pays d’accueil.

Si chaque Alliance est autonome et organise ses propres activités, certains événements marquants de la culture française sont célébrés à date fixe dans toutes les institutions. C’est le cas de la journée internationale de la femme, la semaine du film documentaire, la semaine de la B.D, ou la fête de la musique. 

III – L’Alliance française d’Antsiranana à Madagascar.

Madagascar est une île de 29 millions d’habitants et la ville d’Antsiranana, une ville portuaire à l’extrême nord nord compte 130 000 habitants. Madagascar obtient son indépendance le 26 juin 1960, et en dépit de ses richesses naturelles reste un pays très pauvre. Etonnamment, l’île comprend proportionnellement le plus important réseau d’Alliances françaises du monde. La première Alliance a été fondée en 1947 à Tana, et actuellement on compte 29 établissements répartis sur tout le territoire. Les Alliances bénéficient d’une excellente image auprès de la population et des partenaires publics et privés, le français reste la langue de l’éducation et de l’accès à l’emploi, mais cohabite avec le malgache officiel et d’autres langues parlées au quotidien par la population. 

Les Malgaches sont les acteurs et les bénéficiaires des Alliances françaises contrairement à une idée reçue selon laquelle les Alliances à l’étranger sont des lieux pour la communauté expatriée. Les Alliances ne sont pas des institutions pour les Français mais bien des établissements qui proposent un accès gratuit à la culture française et aux livres aux populations locales.  L’Alliance française favorise le dialogue entre les cultures et préconise la diversité culturelle (de nombreux projets avec les artistes de la Réunion ou de Mayotte en sont l’illustration). Dans les pays en voie de développement, les Alliances françaises jouent un rôle essentiel pour la culture et la professionnalisation des artistes car les gouvernements nationaux n’en font pas une priorité et consacrent peu de budget à ce secteur d’activité.

A Antsiranana, l’Alliance a une équipe 100% malgache composée de 25 professeurs et 20 salariés administratifs. L’Alliance rend des comptes à son Conseil d’Administration, au SCAC et à l’Ambassade de France.

L’Alliance d’Antsiranana, comme toutes les Alliances du monde, est autonome financièrement et ne vit que grâce à ses revenus propres : cours, certificats de niveaux de langue, produits dérivés etc. A cela viennent s’ajouter les dons des mécènes et des sponsors (Orange, les banques …) pour certains grands événements. Pour financer des programmes précis, l’Alliance répond à des appels à projets, ce qui lui permet de toucher des subventions dites de fonctionnement et des subventions dites d’investissement. L’Ambassade de France soutient beaucoup les Alliances sur projets, mais aussi d’autres partenaires notamment la principauté de Monaco et la coopération allemande, sans oublier la coopération décentralisée, Antsiranana a historiquement de nombreux projets financés par le Finistère.

L’Alliance d’Antsiranana se situe dans un ancien hall de marché prêté gracieusement par les autorités locales. C’est une grande structure qui comporte une médiathèque, une cafétéria, une salle de spectacle, des bureaux et de nombreuses salles de classes.

Madagascar connaît une véritable pénurie de livres et de librairies et Antsiranana n’échappe pas à la règle. L’Alliance est donc un lieu crucial pour permettre aux habitants et surtout aux enfants d’accéder aux livres et donc à la lecture. On peut souligner qu’à l’école, les enfants n’ont ni livres, ni même souvent de cahiers. Par ailleurs, il n’y a aucune librairie dans la ville. 

A la pénurie de livres, s’ajoute le peu de mobilité de la population alors des initiatives comme le « Culturbus » (véritable annexe mobile de l’Alliance) sont essentielles afin d’apporter la culture dans les quartiers éloignés et isolés (livres en libre accès, jeux de société, chansons françaises…). C’est l’occasion de chanter en français, d’avoir accès au cinéma français et à la lecture de contes en français.

D’autres programmes favorisent l’accès au livres, par exemple  » les valises à lire », elles sont organisées et prêtées aux institutions dépourvues de livres (associations, maisons de quartier, écoles, maison d’arrêt, orphelinat…). Également l’équipe médiathèque et culture organisent des projections de film en plein air, des spectacles de danse ou des concerts, des expositions, des conférences, etc. A Madagascar toutes les activités culturelles sont gratuites, les parents n’ayant pas les moyens de payer des loisirs à leurs enfants.

L’Alliance effectue aussi un travail pédagogique important en proposant des cours de soutien aux enfants qui, s’ils bénéficient de l’enseignement scolaire en français, n’ont pas le français comme langue maternelle. Des cours pour adultes et adolescents sont aussi proposés. Ils sont payants mais les tarifs restent bas.

L’Alliance française a une très forte utilité sociale, c’est un acteur militant et solidaire, un lieu indispensable et unique qui crée du lien culturel mais aussi social car l’Alliance regroupe des personnes de tous âges et de toutes catégories sociales. 

Depuis 1883, sur cinq continents, le réseau des Alliances françaises a tissé des liens d’amitié avec 135 pays et accueille plus d’un demi-million d’étudiants dans ses 850 écoles de langue et de civilisation françaises.

Le travail des Alliances françaises est remarquable puisqu’il s’inscrit dans une tradition d’humanisme, de tolérance, d’universalisme et de liberté.

Pour faire suite aux questions réponses : 

Les 13 Alliances Françaises situées en Russie poursuivent leur mission, alors que celles situées en Ukraine ont temporairement fermé depuis le début de la guerre.

De nouvelles Alliances Françaises ouvrent sans cesse, telle que celle située au Havre, inaugurée le vendredi 11 mars 2022 ou celle d’Amsterdam, la 34ème du très dense réseau des Pays-Bas, qui a démarré son activité en janvier 2018, pour ne citer que celles-ci.

 

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