LE TRANSSAHARIEN, sur les traces des missions Flatters

Thème : HISTOIRE ET GEOGRAPHIE                                                                                                                                               Mardi 14 Mars 2006

Le Transsaharien, sur les traces des missions Flatters

Par Marcel Cassou –  Ingénieur

En 1879, le gouvernement français décida d’étudier la création d’une voie ferrée entre l’Algérie et le Soudan français (l’actuel Mali) pour favoriser l’essor de la colonisation en Afrique noire. Cette idée était née en 1850, soit vingt ans après le début de la colonisation de l’Algérie, mais ne fut réellement développée qu’à partir de 1875 quand Alphonse Duponchel, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, conçut le moyen de construire cette ligne à travers le désert. A l’époque, les voitures et les camions n’existaient pas et le chemin de fer était un moyen de transport parfaitement maîtrisé. M. De Freycinet, ministre des Travaux Publics, décida d’envoyer des missions dans le Sahara pour étudier le parcours possible du Transsaharien. Un telle construction représentait un coût considérable pour le budget de la France : 400 millions de francs de l’époque, soit 8 milliards de francs actuels. Le lieutenant-colonel Flatters, en raison de l’expérience acquise en sa qualité d’administrateur du secteur de Laghouat, fut désigné comme chef d’une mission ayant pour objet de rechercher le parcours le plus favorable à l’établissement de la voie ferrée et d’en établir le relevé topographique. Sa première mission fut un échec ; la seconde fut massacrée par les touaregs dans le Hoggar.

L’échec de la première mission

Pour Flatters et ses hommes, traverser le Sahara signifiait qu’il fallait passer par une zone contrôlée par les touaregs. Ces derniers avaient alors mauvaise réputation. Armés de lances et d’épées, ils étaient considérés comme des pillards, des bandits de grand chemin. La première mission du colonel Flatters, forte de 105 hommes dont 15 Français, partit en 1880 de Touggourit vers le sud, vers l’inconnue. Les ordres de la hiérarchie étaient clairs : c’était une mission pacifique. Pas question de se servir de ses armes à moins d’être attaqué. Après avoir atteint le Lac Menthough, au sud de Temassinin, Flatters rencontra des chefs touaregs qui empêchèrent la mission d’aller plus loin. Les Français durent même monnayer leur retour pour ne pas être attaqués en chemin. Ce premier échec laissait mal augurer de la réussite d’une seconde tentative. Reste qu’elle fut utile d’un point de vue topographique car elle révéla que peu de dunes se trouvaient dans le secteur.

Le désastre de la seconde mission

C’est le cours à sec de l’oued Mya, au sud sud-ouest de Ouargla qui fut retenu pour ce second départ. Quittant Ouargla le dimanche 5 décembre 1880 la colonne avait suivi la vallée de l’oued Mya jusqu’à Hassi Inifel, puis longeant le bord oriental du plateau du Tademaït, elle avait rejoint la vallée de l’oued Igharghar. Là encore, il s’agissait d’une mission pacifique avec une organisation militaire. A partir du 29 janvier 1881, il n’y a plus d’écrits de Flatters. Pour tenter de reconstituer les dernières semaines de la mission, il faut se baser uniquement sur les témoignages des onze survivants dont aucun Français.

Arrivé à l’est de Serkout, Flatters s’était rendu compte que ses réserves d’eau ne lui suffisaient pas pour atteindre le Niger. Des guides lui indiquèrent la présence d’un puits non loin du campement, à bir-el Garama (le puits du péage), aujourd’hui appelé Tadjenout tan koufar (puits des infidèles). C’est là, à 13 heures en ce 16 février 1881, que l’expédition fut décimée par des combattants touaregs. Comble de malheur pour les survivants de l’attaque : les chameaux avaient été capturés. Ils purent retourner au camp avertir les autres du drame qui venait de se jouer. Moins de vingt-quatre heures plus tard, les cinquante-six rescapés de l’expédition entreprirent de rejoindre l’oasis d’Ouargla. Mille sept cent kilomètres de désert hostile les en séparaient, et ils devaient le traverser à pied. Cette marche allait se poursuivre près de deux mois, jusqu’au 5 avril. Outre la faim, la soif et l’épuisement, ils durent affronter quelques attaques des touaregs. Seules onze personnes (sur les 97 que comptait la mission au départ) survécurent. Des scènes de cannibalisme eurent lieu. Le maréchal des logis Pobéguin, le dernier rescapé français, fut tué et mangé le 31 mars. A cinq jours près, il aurait survécu et aurait pu raconter dans le détail l’épopée de la mission Flatters. On découvrit bien plus tard que le campement initial se trouvait à moins de vingt kilomètres d’une autre oasis alors inconnue, Tin Tabrahine.

Pourquoi un tel échec ?

La nouvelle de la mort du colonel Flatters fut douloureusement ressentie par l’opinion publique. Le 28 avril, une messe solennelle fut célébrée en sa mémoire. En juillet, l’Assemblée nationale vota l’attribution de pensions pour toutes les veuves de cette expédition. Un certain nombre de mémoriaux furent érigés en France, dans les villes natales des victimes ou encore au parc Montsouris.

L’échec de la mission peut être attribuée en premier lieu au gouvernement français, responsable d’avoir envoyé Flatters et ses hommes à une mort certaine. Partout, la colonisation s’était faite au son du canon. La mission n’était pas assez équipée, pas assez armée pour se défendre. Le colonel Flatters lui-même a commis des erreurs. En premier lieu il n’a pas su résister aux pressions d’une hiérarchie civile, lointaine et incompétente, qui mésestimait les exigences particulières d’une expédition aussi importante en pays inconnu et qui le pressait d’agir. Il n’a tenu compte ni du veto sans ambiguïté que lui a signifié le chef Hoggar ni des différentes mises en garde au sujet des touaregs. Faute inexcusable pour un militaire, il a dispersé ses forces (les tirailleurs étaient dépourvus de cartouches !) pour se rendre à Bir-el-Garama, alors que les feintes hésitations des guides et la configuration des lieux propres à un traquenard auraient dû l’alarmer.

Cette superbe région du Hoggar, où l’on trouve des roches aux formes surprenantes dues à l’érosion par le vent, est maintenant fréquentée par des touristes. Tamanrasset, la ville ocre, qui n’était qu’un petit village au XIXe siècle compte 15 000 habitants et des hôtels pour accueillir les visiteurs. Mais l’endroit où fut attaquée la mission Flatters reste difficile d’accès. Pour s’y rendre il faut suivre une piste et bivouaquer dans le désert. Le puits, longtemps bouché, est maintenant accessible. Notre but est maintenant d’en faire un puits pérenne qui serve aux touaregs qui vivent encore cette région.

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Coté Livres :

Le transsaharien

Marcel Cassou

Editeur : L’Harmattan, Paris

ISBN-10: 2-7475-7686-8

http://www.mollat.com/livres/marcel-cassou-transsaharien-echec-sanglant-des-missions-flatters-9782747576864.aspx

Coté Web :

http://www.geneawiki.com/index.php/FLATTERS_Paul

http://aj.garcia.free.fr/Livret2/PageGardeLivret2.htm

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