DE L’ISLAM A L’ISLAMISME

Thème : HISTOIRE – GEOGRAPHIE                                                                                                                                                Mardi 27 janvier 2004

DE L’ISLAM A L’ISLAMISME

par Antoine SFEIR – Directeur de la Rédaction des Cahiers de l’Orient, Journaliste, Enseignant à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris

Depuis le 11 septembre 2001, il est difficile de parler de l’islam tant les amalgames sont nombreux : tous les arabes sont des musulmans, ce qui est une erreur puisque 10% ne le sont pas ; tout musulman est islamiste, ce qui est une erreur puisque les islamistes ne représentent que 15% du monde musulman ; tout islamiste est devenu un terroriste, ce qui est faux puisque entre les dogmatiques et les terroristes il y a un pas que très peu franchissent.

Mahomet proclame l’unicité de Dieu

Que veut dire  » islam « ? Ce mot vient d’une racine arabe faite de trois consonnes, « s », « l »,  » m  » pour « selem » qui veut dire « paix », qui a donné « aslem » : s’abandonner à Dieu.

En 610, la péninsule arabique est livrée au polythéisme pour des raisons avant tout mercantiles. L’empire byzantin et l’empire perse se livrent une guerre sans merci. Les populations sont opprimées. A cette époque, Mahomet livre des produits de l’Inde à la Mésopotamie et vit à La Mecque, qui avait une importance mercantile car c’était un noeud routier où s’arrêtaient les caravanes. A 40 ans, cet homme illettré entendit des voix qui lui dirent de réciter. La première chose qu’il récita fut : » Il n’y de Dieu que Dieu « . C’est fondamental. Mahomet insiste sur le caractère monothéiste et surtout sur l’unicité de Dieu. Dieu n’a pas d’associés. De 610 à 622, le prophète prêche les relations de l’homme avec son Créateur. Pour se différencier des chrétiens, il les surnomme « les associateurs » car ils associent Dieu à ceux qu’Il a engendré. Pour autant, comme les autres religions monothéistes, ses prières se font alors en direction de Jérusalem.

619 est l’année du chagrin. Mahomet perdit ses deux protecteurs – son oncle et sa femme – et il est de plus en plus rejeté par les dirigeants de La Mecque. Partout où il va, il subit le même traitement. Trois ans plus tard, dans une ville qui deviendra Médine, deuxième ville de l’Islam, on l’accueille et on lui demande d’arbitrer entre les tribus, de parler des relations administratives, sociales, économiques et surtout politiques. C’est le début de la confusion du sacré et du temporel dans l’islam.

En 622, l’islam devient englobant et regroupe toutes les activités de l’humain.

L’islam repose sur cinq piliers : le témoignage -je proclame que je m’abandonne à Dieu – la prière, le jeûne, l’aumône et le pèlerinage. Il existe une relation directe entre le croyant et le Créateur. Il n’y a pas de curé, pas de rabbin. Nul n’a le droit de parler au nom de l’islam et, concomitamment, chaque croyant a le droit de s’exprimer. Seuls ceux qui possèdent le savoir ont le droit d’enseigner et d’interpréter : les oulémas.

Mahomet était resté fidèle à sa femme jusqu’à la mort de celle-ci en 619 mais dans les années suivirent, il eut jusqu’à onze épouses. Le prophète précise pourtant quel doit être le rôle de la femme, ce qui est un énorme progrès par rapport à la sociologie de l’époque. La femme n’était alors qu’un objet, on prenait femme autant qu’on voulait. Le prophète interdit cela. Il professe qu’un homme peut prendre quatre épouses  » à condition qu’il les traite et les honore équitablement « . Le prophète institut l’héritage et donne un statut aux femmes. Il faut rappeler que dans certains pays arabes, les femmes ont eu le droit de vote et ont pu exercer des métiers nobles bien avant les Françaises.

Les quatre califes  » bien orientés  » et les schismes qui suivirent

A la mort du prophète, en 632, les quatre califes ( » commandeurs de croyants « ) qui lui succèdent eurent une importance considérable, ce sont les califes  » bien orientés « , incontestés et incontestables par toutes les familles de musulmans. Le premier Abou Baqr, de 632 à 634, était l’un des beaux-pères de Mahomet. De 634 à 651, Omar porta très loin la conversion et le prosélytisme. Puis Osman fit écrire la parole du prophète, vingt ans après son décès. En 652, le Coran ( » récitation des paroles divines transmises par l’archange Gabriel à Mahomet « ) devient le Livre. Ali succéda à Osman en 656 jusqu’en 661. Dès sa cooptation, il fut contesté par ceux qui pensaient qu’il avait trempé dans l’assassinat d’Osman. On assista à la première dissidence au sein de l’islam. Les partisans de Hussein, martyrisé à Kerballa, deviendront les chiites. Les partisans de la tradition deviendront les sunnites. Aujourd’hui, 90% des musulmans sont sunnites, 9% chiites, le reste sont issus d’autres dissidences.

Des schismes naissent des différentes interprétations du Coran. Quatre écoles juridiques se sont imposées, l’une d’elle, très réductrice ( » après le prophète rien de nouveau « ) est l’ancêtre de l’islamisme actuel. Cinq critères d’interprétation sont valables selon les écoles juridiques : le Coran (seul critère reconnu par les islamistes), la tradition, le consensus – critère qui est tombé en désuétude -, le raisonnement analogique et, pour une seule des écoles, l’opinion personnelle ( » l’intime conviction « ). Pour les sunnites, l’interprétation s’achève au XIème siècle quand un imam décida d’y mettre un terme. Les chiites, en revanche, décideront de poursuivre l’interprétation des textes sacrés.

L’islamisme : la dérive moderne d’une conception ancienne

Qu’est-ce que c’est que l’islamisme ? C’est un terme inventé par des chercheurs français en 1983 pour désigner ceux qui cherchent à islamiser ou ré islamiser des pays arabes et occidentaux. Islamiser par le bas – par l’école, la famille, les associations… et islamiser par le haut – par l’administration, le pouvoir, les hauts fonctionnaires. On le voit, c’est en fait un phénomène qui existe depuis le début de l’islam. Mais aujourd’hui les islamistes ont à lutter contre des frontières instaurées par les occidentaux en 1916 dans des zones qui n’en connaissaient pas depuis le temps des pharaons. Pour lutter contre cela et contre la présence d’étrangers, il y eut l’émergence de courants de pensée qui revendiquaient le retour au Coran et aux sources de l’islam. Les islamistes adoptent une méthodologie, un encadrement dogmatique, à travers des courants de pensée visant à ré islamiser les sociétés où ils vivent.

L’occident n’est pas tout à fait innocent dans l’émergence de mouvements islamistes. L’expédition de Suez est une erreur que l’on paie encore aujourd’hui. Cette guerre mercantile menée en faveur la compagnie de Suez fut suivie d’une débâcle politique. A cette époque, le monde arabe n’était pas éclaté comme aujourd’hui, deux conceptions s’opposaient. Celle de Nasser, qui voulait construire un Etat nation sur le modèle occidental. En face, un autre concept philosophiquement opposé – celui de l’Arabie Saoudite – qui dénigrait les frontières installées et qui voulait reprendre le prosélytisme. Après Suez, les Etats-Unis vont entraîner le monde occidental dans une alliance avec l’Arabie Saoudite pour ses 100 milliards de barils de pétrole. Depuis, la sécularisation des sociétés arabes n’a fait que reculer par rapport à l’islamisation sous le système saoudien dont le courant wahhabite qui est l’un des six courants islamistes existant.

Les wahhabites sont devenus les gardiens de La Mecque et de Médine en 1924-1926. Ils ont mis au point un système sur chaque continent une ligue islamique mondiale, avec notamment une banque qui finance des projets islamiques. En 1979, Turki al Fayçal va créer avec l’aide des Pakistanais et des Américains la légion islamique mondiale, chargée de se battre en Afghanistan contre les athées soviétiques. Pour financer cette guerre, une banque islamique est créée à Genève, la DMI International, mais la holding est installée aux Bahamas.

Pour livrer des armes non conventionnelles aux rebelles afghans, des sociétés écrans appartenant à Ousama Ben Laden sont utilisées.

Les six courants islamistes, qui réclament ce retour au Coran et aux sources de l’islam, sont implantés en France et en Europe.

En savoir plus …

Coté Livres :

Les islamismes aujourd’hui

Auteur : Antoine Sfeir

Editeur : Lignes De Reperes

ISBN 2915752184

http://www4.fnac.com/Shelf/article.aspx?PRID=1878876&Mn=13&Ra=-1&To=0&Nu=1&Fr=3

Brève histoire de l’islam à l’usage de tous

Auteur : Antoine Sfeir

Editeur : Bayard Culture

ISBN 222747713X

http://www4.fnac.com/Shelf/article.aspx?PRID=1983411&Mn=13&Ra=-1&To=0&Nu=2&Fr=3

Dossier Audio :

Le conflit vu par Antoine Sfeir

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=12016

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Sfeir

http://www.lexpress.fr/info/france/dossier/francsmacons/dossier.asp?ida=394092

http://www.atheisme.org/tariqramadan.html

Dossier Voyage:

A la Recherche de L’Islam des Lumières

Une croisière avec Antoine Sfeir

http://www.intermedes.com/voyage-a-la-recherche-de-l-islam-des-lumieres-croisfeis8.htm

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