UN NOUVEAU TGV EN 2023 ? QUOI ? POURQUOI ? COMMENT ?

Thèmes: Economie, Société                                                                                           Conférence du mardi 9 mai 2023

UN NOUVEAU TGV EN 2023 ? QUOI ? POURQUOI ? COMMENT ?

Par Monsieur Jean-Marie METZLER, Ancien responsable du matériel roulant du 1er TGV, ancien directeur commercial voyageurs de la SNCF.

INTRODUCTION

La vitesse sur rail, une quête historique, dès le départ entourée pourtant de scepticisme, à telle enseigne qu’au printemps du XIXème siècle, Arago, Proudhon, Thiers, des sommités médicales aussi, dénonçaient de concert les risques d’épilepsie dues aux trépidations et les lésions oculaires causées à coup sûr par une trop grande vitesse terrestre, à savoir … les 40 km/h des premiers trains de voyageurs…

Nonobstant, aller plus vite sera obsession constante, 100, 140, 160, 200 km/h seront progressivement atteints et exploités.

Et même en 1955 un record fou, 331 km/h, fou, parce que, derrière les deux trains de l’exploit, la voie, déformée, est impraticable.

Mais au milieu des années 60, le développement des autoroutes, l’essor du transport aérien, font réagir la SNCF et émerger le concept de la « très grande vitesse ferroviaire » ou TGV.

Un TGV capable de 260 km/h redessinera la carte de l’Hexagone en réduisant de façon drastique les temps de parcours entre villes desservies. Lyon ne sera plus qu’à 2 heures de Paris (et inversement !) …

Toutes les ressources de l’ingénierie ferroviaire se mobilisent, tant « le chemin de fer se conjugue au pluriel » selon les propres termes employés par Jean Dupuy, ingénieur hors pair puis Directeur Général de la SNCF, et longtemps citoyen de Garches, pour construire un système nouveau englobant Voie, Matériel Roulant, Exploitation.

Le concept a prouvé sa robustesse commerciale et économique et convaincra le Monde entier. 2000 km de lignes TGV en France, 60 000 km de lignes à grande vitesse dans le monde, dont les deux tiers en Chine construits en moins de 20 ans …

I – Les développements

La mise en service de Paris Lyon TGV en 1981 avait été marquée par le record de 380 km/h atteint sur la ligne toute neuve. Il était destiné à conforter et rassurer définitivement le public : techniquement, on peut aller encore plus vite … Au reste on porta déjà la vitesse d’exploitation de Paris-Lyon dès 1983 à 270 km/h … Ceci assurait de bien relier Paris à Lyon en 2 heures,

Après le succès de Paris-Lyon, SNCF et l’industrie ferroviaire française ont continué à utiliser les progrès scientifiques (méthodes de calcul entre autres) et technologiques (progrès de l’électronique par exemple). Un bond est effectué à 515 km/h en 1989 pour marquer cette fois l’achèvement de la ligne Atlantique.

La possibilité d’une exploitation à 300 km/h est amplement démontrée.

Insatiables, les ingénieurs sont convaincus qu’il y a encore une bonne marge. Ainsi en février 2007, sur la ligne TGV Paris Strasbourg qui va être mise en service, on établit un nouveau record à 574,8 km/h.

De fait, les lignes TGV suivantes (Méditerranée, Est), comme le matériel roulant à construire seront prévus à exploiter à 320 km/h, voire permettre peut-être un jour 350 /360.

« Petit » miracle physique que pouvoir assurer une sécurité totale, avec les 52 roues d’un TGV qui sont en contact avec les rails par une surface de 60 cm², moins de la surface de trois tickets de métro, et que la force motrice est délivrée par le contact électrique pantographe – caténaire, équivalent de la superficie d’une pièce de 2 euros.

D’un point de vue technique l’architecture technique de 1976 est conservée. L’ensemble se compose d’une rame indéformable à deux motrices encadrant huit (ou 10 pour le TGV Atlantique) « caisses » ou « voitures » voyageurs, à traction électrique, chaîne de traction dérivée de celle des 500 locomotives de ce type commandées à l’époque, à structure classique en acier, pour résister à la fatigue et à la corrosion de 40 ans d’exploitation, et « articulée » c’est-à-dire avec un bogie commun à deux voitures adjacentes.

Cette architecture sera reprise dans les six générations de TGV : en 1989 sur le TGV Atlantique, en 1993 sur le TGV Nord-Europe, en 1994 sur le TGV Eurostar, en 1995 sur la rame Duplex (à deux étages), en 2006 sur le POS (Paris – Ost Frankreich – Süd Deutschland) … en attendant la septième, le TGV M, en cours d’essais avant sa mise en service en 2025 ….

Si de fait, le TGV est finalement plus « évolutionnaire » de « révolutionnaire », au fil des années et des différentes générations, des progrès techniques ont été cependant adoptés, résultats d’ailleurs des enseignements essais à très haute vitesse, de ceux de 2007 notamment, particulièrement dans les domaines de l’aérodynamisme, du captage de courant et du freinage.

La numérisation ou plutôt la révolution numérique est venue apporter son « tribut » à un saut de performance dans la maintenance, désormais largement prédictive et non plus seulement essentiellement préventive …

Le futur TGV M a comme cahier des charges une réduction de coût d’acquisition de 20%, de 20% de consommation énergie et de 30% de coût maintenance.

Il a été étudié – conçu – en commun par SNCF et Alstom, réunis sur un « plateau d’étude commun » à l’issue d’une compétition qui mit en concurrence internationale les acteurs industriels européens, conformément aux dispositions en vigueur dans l’Union.

Compétition finalement gagnée par Alstom, qui s’est révélée très fructueuse.

Initiée par la « feuille blanche » des souhaits de l’exploitant et de l’industriel, la prise en compte des optimisations possibles mises en évidence essentiellement lors des marches d’essai du record de 2007, des progrès technologiques comme ceux concernant dans les équipements électriques pour une part habituellement en toiture, mais ici « miniaturisés », et descendus dans la caisse de chaque motrice, plus compacte et raccourcie de près de 11 mètres. Les auxiliaires électriques (éclairage, climatisation), de volume de même réduit, peuvent être répartis dans chaque voiture rendue indépendante ; la digitalisation fournie par 600 points de mesure fait passer à cette maintenance « prédictive » : l’état de chaque organe sous surveillance étant individualisé avec précision, d’où une immobilisation des rames fortement diminuée. Toutes évolutions annonciatrices de transformations profondes des métiers de l’exploitation et de la maintenance.

II – La « commercialisation »

Si techniquement le TGV est une brillante réussite, il devait être aussi une réussite commerciale.

Le cauchemar du transporteur public est de satisfaire le plus grand nombre de clients ou d’usagers, sans perdre d’argent. Et donc d’attirer le maximum de monde lorsque la demande est faible, et refuser le moins possible de clients en période de forte demande. Pour ce faire, un système de prix doit être finement géré. Le TGV devait requérir une tarification flexible, plus adaptée que la tarification SNCF « classique », purement kilométrique, donc assez rigide. La réservation associée au billet avait été établie obligatoire dès 1981 pour des raisons de qualité du service à offrir. Le « yield management », adopté par les compagnies aériennes dans les années 60, offrait cette possibilité de flexibilité de prix pratiqués, selon la période de voyage, la date de réservation …

Certes, la résistance à l’adoption de ce nouveau modèle d’achat généralisé en 1995, a été importante. Il reste que l’avantage économique, démontré par le taux d’occupation des trains à grande vitesse français, supérieur à celui observé partout ailleurs en Europe, est finalement reconnu assez unanimement. Et la souplesse tarifaire permet de répondre instantanément à un avatar de la demande. Tel que celui qu’a connu le transport public pendant la crise sanitaire Covid.

Et aussi, d’offrir un service low cost comme le produit OUIGO qui touche aujourd’hui 50 destinations domestiques, et a été brillamment été exporté en Espagne.

En guise de conclusion

Le projet d’un train à grande vitesse initié dans les années 1960 s’est concrétisé en 1981 avec la ligne Paris-Lyon. Le TGV permet de réduire les distances et de concurrencer efficacement l’avion. Le succès est incontestable et plusieurs générations de TGV se succèdent. Succès est non seulement technologique mais aussi commercial concept est exporté à travers le monde. La France, grâce au TGV et à Alstom, détient un de ses plus beaux fleurons industriels.

En savoir plus…

  • La conférence du mardi 13 janvier 2009, également conduite par Mr Jean-Marie Metzler, est disponible sur le site du CDI de Garches. Elle vous apprend comment la Ville de Garches est liée à la conception du TGV… « Elle a été pensée non loin d’ici, M. Dupuy habitait rue Jean-Mermoz, et j’étais avec lui en 1975 quand il a pris la décision de construire un train à rames articulées, une innovation française… » Ce texte est à votre disposition sur ce lien.
  • Une belle journée TGV, pour 400 garchois, à eut lieu le 18 mars 1986 avec le voyage aller et retour en TGV depuis la gare SNCF de Garches… Ce texte est à votre disposition sur ce lien.
  • Désormais vous ne prendrez plus le TGV sans une pensée pour le CDI de Garches

Bonne lecture à vous

 

+ de 1000 textes des conférences du CDI sont disponibles sur le site du CDI de Garches  et via le QRCode   

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