SÛRETÉ NUCLÉAIRE

Thème : Economie – Géopolitique – Société                                                                                                                               Mardi 1er Octobre 2013

SÛRETÉ NUCLÉAIRE

Analyse des principaux accidents survenus sur des réacteurs nucléaires dans le monde

Par Michel MABILE –  Ancien élève de l’Ecole Polytechnique DEA de Physique des réacteurs nucléaires, ancien ingénieur au CEA et à Technicatome. Co-auteur du livre « Sureté Nucléaire, droit et gouvernance mondiale »

Le nucléaire est une énergie récente qui a toujours fait peur car elle s’est révélée au public à travers les terribles bombardements de 1945.  Aujourd’hui l’énergie nucléaire est une réalité importante en France et à travers le monde avec ses 437 réacteurs en service dans le monde dont 64 en construction.  Les accidents survenus dans les centrales telles que Three Miles Island (1979) Tchernobyl (1985) ou Fukushima (2011) ont eu une incidence très forte sur le développement de cette industrie. Toute nouvelle activité présente sa part de risque. Ces accidents ont permis d’améliorer la compréhension et donc la sûreté des réacteurs existants ou en construction.

Pourquoi de tels accidents ?

La spécificité de l’énergie nucléaire réside dans une extrême concentration de puissance  lorsqu’on la compare aux autres formes d’énergie. Les atomes sont constitués d’un noyau, assemblage de protons et de neutrons, autour duquel gravitent des électrons. Le nucléaire correspond à l’énergie de liaison qui assure la cohésion des protons et des neutrons au sein du noyau. Celle ci est effectivement libérée lors des phénomènes de fission nucléaire ;  elle est énorme par rapport à la masse de matière subissant la transformation. En outre, la réaction de fission transforme le combustible avec la création de produits de fission s’accumulant avec le temps. Ces produits en grand nombre émettent sur de longues périodes des rayonnements α, β et γ, générateurs de la radioactivité. Cette radioactivité génère une forte puissance, appelée puissance résiduelle même une fois la réaction nucléaire stoppée.  En définitive, les réacteurs nucléaires sont semblables à de grandes chaudières dont la puissance résiduelle ne s’arrête jamais complètement et pour lesquelles il est indispensable d’assurer en permanence un refroidissement du réacteur.

1- Three Miles Island

L’accident de Three Miles Island est intervenu le 28 mars 1979, à 8 heures du matin suite à  un enchaînement de défaillances mécaniques et surtout d’erreurs humaines et de défaut de conception. Malgré la gravité extrême de l’accident entraînant la détérioration complète du cœur du réacteur, l’enceinte de confinement est restée intègre et le relâchement de produits radioactifs dans l’environnement aussi est resté faible.

Pour autant, cet accident a été un tournant considérable dans le développement mondial de l’industrie nucléaire mondiale. Il amena les exploitants de centrales de conception similaires à de profondes réflexions (notamment EDF en France) et a permis de faire avancer la sûreté, en particulier sur les points suivants : l’importance du facteur humain, la nécessité de se prémunir contre les risques liés à l’hydrogène produit dans le cœur du réacteur suite à sa destruction, le renforcement de la formation du personnel, la nécessité d’une aide aux opérateurs, l’importance des plans de prévention et d’évacuation, et enfin le partage d’expérience entre les acteurs.

2- Tchernobyl :

La catastrophe nucléaire de Tchernobyl a eu lieu le 26 avril 1986 en Ukraine (Ex-URSS).  Il s’agit du premier accident classé au niveau 7 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (le second étant la catastrophe de Fukushima du 11 mars 2011).

A l’origine de cette accident, on remarque de nombreux dysfonctionnements importants : l’incompétence des équipes chargées de la conduite du réacteur , l’irresponsabilité du chef qui supprime des sécurités censées protéger le réacteur contre les accidents de criticité, la mauvaise conception du réacteur (instabilité, pas d’enceinte de confinement…), et le manque de considération pour le risque nucléaire. Ces facteurs sont en grande partie à attribuer à l’incurie du système soviétique alors à bout de souffle. L’enchaînement des événements conduira à une véritable explosion nucléaire impossible à produire dans les réacteurs de type PWR en service en france et majoritairement dans le monde. Cette explosion entraîne des dégâts considérables, provoquant par exemple la projection de la dalle de béton de plusieurs centaines de tonnes à prés de 30 km du site et conduisant à l’incendie du combustible nucléaire et du graphite qui l’entoure.

Les conséquences de cette catastrophe sont importantes aussi bien au plan sanitaire, écologique que politique. En 10 jours seulement, près de 12 milliards de milliards de becquerels sont partis dans l’environnement (30 000 fois l’ensemble des rejets radioactifs atmosphériques émis en une année par les installations nucléaires alors en exploitation dans le monde), la population de Prypiat (60 000 habitants) n’a été évacuée que 3 jours après l’accident. Environ 25 000 « liquidateurs » ont subi des doses très supérieures à la normale admissible et l’augmentation de la fréquence des cancers de la thyroïde a été très nettement remarquée, surtout chez les enfants en Ukraine et en Biélorussie. La France a été plutôt épargnée par le nuage des retombées radioactives qui s’est répandu principalement au dessus de l’Europe du Nord et de l’Est. Enfin, au niveau politique, cet accident marqua le début de la fin du régime communiste en URSS.

3- Fukushima :

Le dernier accident nucléaire à ce jour est celui de Fukushima qui a eu lieu le 11 mars 2011 sur la côte Est du Japon. La centrale de Fukushima Daiichi a été touchée suite à un fort séisme suivi d’un tsunami d’une ampleur exceptionnelle . Le bilan a été de plus de 20 000 morts et disparus dans des vagues pouvant s’élever entre 15 et 38 mètres.

Le déroulement  de cette catastrophe nucléaire se déroula en plusieurs étapes : l’arrêt automatique des trois réacteurs en service suite au séisme, la vague du tsunami qui submergea les murs de protection envahissant le site et entraînant la perte immédiate de toute alimentation électrique extérieure. Puis, la perte des diesels de secours, la perte des gas-oil ayant été emportés par la vague, l’obturation des conduits de refroidissement d’eau de mer et la destruction des réserves d’eau douce permettant le refroidissement ultime des réacteurs.

Les réacteurs et les piscines de stockage se trouvèrent alors privées de réfrigération entraînant l’augmentation de la pression dans la cuve du réacteur.  Le combustible dans le cœur des réacteurs 1, 2 et 3 a pris feu  suite à l’augmentation sa température, libérant de l’hydrogène en grande quantité dans les enceintes de confinement engendrant de fortes explosions. S’en suivit le rejet important de particules radioactives dans l’atmosphère et le rejet d’eau contaminée en produits radioactifs dans la mer.

L’ordre d’évacuation des populations intervint alors dans un rayon de 3 puis de 20 km autour de la centrale. Aujourd’hui, même si aucun cas de décès direct n’a encore été causé par la radioactivité, on recense  des territoires entiers contaminés et un rejet massif de déchets en mer. Le démantèlement des réacteurs prendra plusieurs dizaines d’années.

Suite à ce dernier accident, les centrales Japonaises ont été mises à l’arrêt et les autorités de sûreté ont pris en compte le scénario du pire. Des modifications importantes ont eu lieu sur le parc de centrales existantes partout dans le monde,  l’Allemagne a décidé d’arrêter son programme nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs dans le monde a été ralenti.

Quels enseignements  doit-on tirer de ces accidents ?:

Aujourd’hui le pire doit être considéré comme possible. Pour éviter ce genre de situation, il faut essayer de mieux garantir la sécurité des centrales, et ce en se penchant prioritairement sur le choix du site et du réacteur tout en offrant  la garantie de la continuité de refroidissement des réacteurs en toutes circonstances. Pour cela il est indispensable d’avoir une force d’intervention rapide en cas d’accident.

Les conséquences d’un accident nucléaire dépassent parfois les frontières des états ; cela a été le cas pour Tchernobyl et Fukushima. Le renforcement de la sécurité passe probablement par la mise en place d’une gouvernance mondiale visant à garantir l’indépendance des autorités de sûreté nucléaire des états souhaitant s’équiper de réacteurs nucléaires. Il est également recommandé de mettre en place une équipe internationale d’experts capables d’assister les opérateurs des les premières minutes après l’accident.

EN SAVOIR PLUS…

Coté livre :

Sûreté Nucléaire : Droit et Gouvernance mondiale

  • Broché: 250 pages
  • Editeur : Emile Bruylant (10 avril 2012)
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 280273721X
  • ISBN-13: 978-2802737216

http://www.amazon.fr/S%C3%BBret%C3%A9-nucl%C3%A9aire-Droit-gouvernance-mondiale/dp/280273721X