QUI A PEUR DE LA CHINE ?

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                             Mardi 10 Octobre 2006

Qui a peur de la Chine ?

Par Jean Esmein –  Capitaine de frégate, historien et ancien directeur de banque en Extrême-Orient

Il y a quelques années, les Occidentaux craignaient le Japon et sa force commerciale mais ce danger a été « absorbé ». Aujourd’hui nous craignons la Chine. Vont-ils nous envahir par leurs produits, comme on le pensait du Japon autrefois ? Après tout, la Chine est un pays énorme au taux de croissance impressionnant (10% l’an). Sa première faiblesse est d’ailleurs celle-là : d’être trop grand, d’où d’énormes différences entre les provinces de l’Ouest et les provinces maritimes, entre les citadins et les ruraux, entre les différentes ethnies. Les difficultés de la Chine sont en elle-même. Ce pays d’un milliard 300 millions d’habitants – officiellement, car on estime à 300 millions le nombre d’enfants non déclarés – est un pays sans lois. Traditionnellement les Chinois vivent sur une morale qui supplée la loi.

L’expansion chinoise en doute : quelle stratégie militaire ?

Avant d’avoir peur d’un pays, il convient de vérifier dans son histoire s’il s’agit d’une nation belliqueuse. Le Japon a longtemps eu des visées expansionnistes. Ce n’est pas le cas de la Chine, qui n’a pas de propension à déclarer la guerre. C’est plutôt elle qui s’est faite attaquer dans le passé (par la Grande-Bretagne lors des guerres de l’opium, par le Japon en 1894-1895 et en 1937-1945 ; par la France en 1881-1885). La nature belliqueuse de la Chine a été davantage tournée contre elle-même, comme le montrent les différentes guerres civiles qui ont jalonné son histoire. Les seigneurs de la guerre se battent entre eux, pas à l’extérieur.

Il est pourtant intéressant de s’intéresser au succès en Chine du livre d’Edward Timberlake Showdown qui s’intéresse aux conditions provoquant une guerre entre la Chine et les Etats-Unis. Le Japon serait l’élément déclencheur d’une telle escalade. Des escarmouches ont bien lieu au sujet des six champs de pétrole situés en mer de Chine orientale, entre la Chine et le Japon. Et l’on peut craindre que cette crise ne provoque l’étincelle mettant le feu aux poudres.

Néanmoins, en imaginant qu’à la suite d’événements malheureux le Japon et la Chine en viennent aux armes, qui l’emporterait ? A l’heure actuelle, et ce malgré le poids grandissant de la Chine et les moyens réduits dont disposent les Japonais, on pense que ces derniers imposeraient leur loi en peu de temps. Pour la nouvelle garde de dirigeants chinois, leur pays a tout intérêt à s’entendre avec le Japon et chercher à détourner son voisin de son amitié avec les Etats-unis.

Concernant Taiwan, il faut noter qu’au sein même du parti de Tchang Kaï-chek, une nouvelle approche voit le jour. Certains hommes politiques souhaitent une réunification avec le grand frère chinois sur le modèle de celle faite à Hong-Kong. Un motus vivendi permettrait la coexistence de deux régimes différents au sein de ce grand pays. Cela n’aurait rien d’irréalisable puisque cela s’est déjà fait.

La Corée du Nord est une autre graine de conflit considérable qui risque de déstabiliser la région. Comment les pays voisins (Japon, Chine, Corée du sud) et les grands pays (USA, Russie) se positionneront par rapport aux menaces nord-coréennes ?

En fait, la Chine craint plus qu’elle ne menace. Une preuve récente l’atteste : les consignes données  aux agences de presse étrangères de passer par l’agence Chine Nouvelle pour transmettre leurs messages. Ce pays est sans cesse préoccupé par ses crises internes et sur ce qui pourrait entamer la cohésion nationale.

Les rivalités de Chinois et des étrangers dans le commerce et l’industrie

Est-il intéressant pour des industriels occidentaux d’aller en Chine ? Cela peut l’être, à condition toutefois de se trouver au bon endroit, avec les bons associés et dans un environnement favorable, ce qui n’est pas gagné d’avance. Voir la Chine comme un pays d’un milliard 600 millions de consommateurs potentiel est un leurre. Des experts japonais ont calculé qu’à peine 40 millions de Chinois pourraient acheter des produits étrangers, soit l’équivalent du marché polonais.

De plus, l’organisation chinoise, sans lois, qui peut voir de nouveaux impôts apparaître tous les ans, provoque un environnement économique des plus instables, ce qui n’est pas pour rassurer les entreprises étrangères. Pour résoudre les conflits dans les joint-ventures (sociétés détenues conjointement par des étrangers et des Chinois), les Japonais – qui investissent beaucoup en Chine – ont créé deux associations. Celles-ci classent les problèmes de mésentente. Il en ressort que les litiges concernent principalement la copie et les paiements. Comme le Japon autrefois, la Chine copie énormément de produits étrangers. Pour tenter de remédier à ce problème, les Japonais forment chaque année, au Japon – preuve que les relations entre ces deux nations ne sont pas si mauvaises qu’on le décrit – environ cinq cents juges de commerce chinois pour qu’ils fassent respecter les règles du commerce international chez eux. Mais pour que cela soit efficace, il faudrait en former 25 000. Cela prendra du temps.

En matière de paiements, le grand art chinois est de ne pas payer, ou de le faire le plus tard possible. Un comptable peut se faire une belle réputation en réussissant à retarder tellement les paiements de son employeur qu’il suscitera la convoitise des autres entreprises. Cette mentalité pose de réels problèmes avec les investisseurs étrangers. Dans le cadre d’une joint-venture, ils ne doivent jamais avancer la part de leur associé chinois car ils risquent de ne pas revoir leur argent de si tôt.

Un pays qui subit des désordres

Le nombre de rixes, de batailles au sein du peuple, est bien plus impressionnant que les Occidentaux ne peuvent l’imaginer. Les journaux n’en parlent pas mais on trouve ces informations dans les petits bulletins locaux (scrutés par des observateurs japonais). Un chiffre éloquent : en 2005, on a dénombré 87 000 incidents violents contre des cadres du parti ou de l’administration. Les Chinois n’hésitent pas à faire de grandes manifestations. Le déclencheur est parfois un événement minime, comme cette femme malmenée par une interpellation et dont les grèves de soutien paralysèrent une grande ville pendant plusieurs jours.

Autre forme de désordre : celui des prix et des salaires. Certes, la main d’œuvre est bon marché mais les prix sont libres pour une majorité de produits. Les entreprises étrangères peuvent être attirées par les salaires chinois, mais il faut savoir que ceux-ci augmentent plus vite que les prix. A Shenyang, les salaires ont augmenté de 45% en 2005. Les entreprises n’ont donc aucune assurance sur le coût de leur main d’œuvre.

L’exténuation de certains secteurs de l’industrie chinoise provoque d’ailleurs des faillites en chaîne, comme dans le secteur du compact-disc. Il y a tellement de fabricants que le marché est saturé et l’industrie s’effondre.

La Chine est déstabilisée par ses querelles intestines. Nous n’en sommes plus à l’époque des seigneurs de la guerre mais les gouvernements locaux sont des roitelets qui font ce qu’ils veulent. Ils ne sont pas assez soumis au contrôle central.

Par peur de casser cet équilibre précaire, l’éducation du peuple est très lente car ce serait dangereux pour la Chine elle-même. L’instruction n’est pas obligatoire, elle est même payante. L’école est chère, donc seuls les enfants riches peuvent étudier, et progresser. La classe moyenne demeure très faible par rapport au reste de la population. Finalement, seule une minorité profite de la croissance économique du pays.

En savoir plus …

Coté livres :

FAUT-IL AVOIR PEUR DE LA CHINE ?
Auteur : Boris Cambreleng
Éditeur : Milan Actu

http://www.amazon.fr/Faut-avoir-Chine-Boris-Cambreleng/dp/2745921681

Quand les Chinois cesseront de rire le monde pleurera

Auteur : José Frèches

Editeur: 1ère edition

ISBN-10: 2-84563-338-6

http://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/9782845633384/livre-quand-les-chinois-cesseront-de-rire-le-monde-pleurera.php?xd=1a9aa1ee03ebed8ae630b5df47f9d374

Coté Web :

http://cahiersdhistoire.net/cours-terminale/histoire/la-chine-et-le-monde-depuis-1949/

Le CDI ne peut être tenu responsable des dysfonctionnements des sites visités. Vous pouvez toutefois en aviser le Webmaster pour information et mise à jour