QUELQUES ASPECTS DU TERRORISME

Thème : ECONOMIE – SOCIÉTÉ                                                                                                                                                            Mardi 27 Mai 2008

Quelques aspects du terrorisme

Par André Bossard – Contrôleur Général honoraire de la Police Nationale, ancien secrétaire général de l’OIPC Interpol

Le 11 septembre 2001 s’est produit un phénomène extraordinaire (dans le sens étymologique du terme) : une poignée d’hommes armés de cutters sont parvenus à faire plus de 3 000 victimes en mettant à bas les deux tours du World Trade Center, symbole de la puissance économique des Etats-Unis, et à écorner le Pentagone. Il s’en est suivi deux guerres, qui ne sont toujours pas terminées. Est-ce le triomphe des terroristes ? Mais qu’est-ce que le terrorisme ? En fait, on  ne sait pas, il n’y a pas de définition universellement admise, les Nations n’ayant pas réussi à trouver un consensus. Ce sont les législations nationales qui ont essayé de trouver des définitions. En France, l’article 421.1 du code pénal stipule que le terrorisme est une circonstance aggravante de certains crimes spécifiés (attentats contre des personnes, enlèvements, meurtres, séquestrations, détournement d’avion…) en liaison avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur.

Une violence médiatisée pour effrayer le plus grand nombre

Cette définition ne me satisfait pas complètement. Elle ressemble au terrorisme mais elle n’en a pas le goût. Pour retrouver le goût du terrorisme, il faut dépasser la définition juridique pour aller du côté des modes opératoires criminologiques. Contrairement aux criminels habituels qui cherchent à cacher leurs méfaits, les terroristes tuent en plein jour, dans la rue, à la vue de tout le monde ou s’arrangent pour qu’on retrouve les cadavres. Les actions terroristes sont ostensibles. De même, tous les attentats par explosif ont ce caractère commun : ça fait du bruit. L’action terroriste est une violence médiatisable, médiatisée, voire hyper médiatisée.

Dans le cas des enlèvements, des séquestrations et des détournements, l’action vise à distiller le suspense, l’angoisse. Les médias en parlent, et l’opinion finit par faire pression sur son  gouvernement pour qu’il intervienne. Les deux mamelles du terrorisme sont la frayeur et l’angoisse, le tout sur fond de médiatisation forcenée. Sans médiatisation, il n’y a pas de terrorisme. Le but est de se servir de la violence pour appliquer la terreur, et de se servir de la terreur pour obtenir quelque chose que l’on n’obtiendrait pas sans cela. Le terrorisme est une technologie de la peur à la portée de tous car les coûts sont relativement faibles. D’après les estimations, les attentats du 11-Septembre ont coûté 2 millions de dollars, ce qui, au regard des dégâts provoqués et de la fortune de Ben Laden, est très bon marché. Par ailleurs, n’importe quel élève un peu doué en chimie peut fabriquer une lettre piégée pour presque rien.

Qui sont les terroristes ?

Parmi les terroristes, on trouve de tout. Beaucoup d’individuels – des pères de famille qui détournent des avions pour récupérer la garde de leurs enfants, des malades mentaux (Human Bomb qui avait pris en otage une maternelle à Neuilly) – la mafia, des idéologues politiques (révolutionnaires radicaux comme Action Directe, la Fraction Armée Rouge en Allemagne, les Brigades Rouges en Italie, des mouvements d’extrême-droite), des mouvements de libération (Palestine Corse, Pays basque, Irlande…), des fous de Dieu comme les islamistes radicaux d’Al Qaïda. Al Qaïda, ce n’est pas vraiment un mouvement terroriste mais plutôt une mouvance qui fonctionne un peu sur le modèle de boutiques franchisées.

Qu’est-ce qui réunit tous ces gens ? Ils se prétendent militants, combattants ou bien martyrs. L’une des clés est fournie par Theodore Kaczynski, alias Unabomber, qui, pendant dix-huit ans a terrifié les Etats-Unis en envoyant des paquets piégés à des directeurs d’université et à des professeurs. Lui-même était un ancien professeur de mathématiques à Berkeley qui, dans un mémorandum, a théorisé la démarche du terroriste. Il explique en substance que la grande cause, c’est la frustration. « Chacun d’entre nous a une aspiration vers un certain pouvoir, dit Kaczynski. Lorsque la société bride, comprime, empêche l’exercice de ce ‘’power process’’, il se produit une frustration telle que, pour arriver à retrouver son petit morceau de pouvoir, on est amené à faire pression sur la société, en forçant à renoncer à brider cette aspiration de pouvoir, d’où le terrorisme. » Cette analyse très intéressante peut nous conduire à nous poser au moins deux questions. Est-ce que les jeunes occidentaux qui s’engageaient dans le marxisme révolutionnaire, ou encore ceux qui se convertissent à l’islam et qui partent apprendre le jihad en Afghanistan sont frustrés de la même manière qu’Oussama Ben Laden ? Les vrais terroristes ne sont-ils pas une autre forme de criminel de l’extrême, à rapprocher de ces serial killers, dont on sait qu’ils affirment leur puissance en réduisant autrui à l’état de chose ?

Comment lutter contre le terrorisme ?

Dès lors, peut-on se débarrasser des terroristes ? Il y a trois grandes possibilités.

La première méthode, juridique, a été de créer des lois visant à faciliter les enquêtes, à utiliser des procédures d’exception (garde à vue, perquisition…). L’importance du renseignement est primordiale pour trouver les terroristes : exploitation du renseignement, pénétration du milieu, intervention au bon moment. Cette méthode juridique, qui a rendu de grands services et qui continue à en rendre dans le cas des individuels et des groupes radicaux (ex : l’arrestation du chef d’ETA à Bordeaux), implique qu’il faut une coopération étroite entre les polices (Interpol) et les justices. Mais cette méthode achoppe sur les grands mouvements terroristes internationaux.

Deuxième solution : l’utilisation de moyens militaires. Après les attaques dont ils ont fait l’objet, les Etats-Unis ont répondu en déclenchant une guerre contre les pays de « l’axe du mal » dont on disait qu’ils étaient liés aux attentats (l’Afghanistan et l’Irak). Dans cette optique, le terrorisme est devenu une technologie au service de la guerre non conventionnelle. Personne dans l’Histoire, depuis l’empereur Napoléon, n’a pu venir à bout de la guérilla. Elle ignore les règles traditionnelles de la guerre car elle oppose une armée à des civils armés. Mais, tandis que la guérilla s’attaque aux soldats ennemis, le terrorisme s’en prend aux civils. La solution militaire est battue en brèche par cette guerre non conventionnelle. Si on veut en venir à bout, cela nécessite une synthèse entre les techniques de guerre et les techniques policières de recueil de renseignements. Il faut faire une révolution sur le plan policier et sur le plan militaire, même si c’est compliqué parce que cela se passe à l’échelle du monde. Il faut avoir des gens susceptibles de parler et de comprendre les langues lointaines, d’où le nécessaire enseignement de langues rares et l’indispensable intégration de nos minorités ethniques, comme les Pakistanais en Angleterre qui doivent se sentir anglais, et pas pakistanais en exil. Si on veut que nos armées puissent l’emporter dans les guerres non conventionnelles, il faut commencer par comprendre le pays où l’on intervient, la langue parlée, les habitudes de ses habitants…

Dernière méthode : la solution politique. En Irlande, où protestants et catholiques se sont battus depuis des siècles, il semble bien que l’on soit arrivé à un point d’équilibre. Le processus est long mais c’est un processus pacifique.

Il y aura toujours des terroristes, des jusqu’au-boutistes, des frustrés. Il faut essayer que cela reste dans les limites du raisonnable et que cela ne prenne pas d’extension extraordinaire. Mais, tout compte fait, le terrorisme n’est-il pas un révélateur de notre monde ? Les causes de la frustration ne sont-elles pas réelles ? A Haïti, on a vu des gens tout casser, suite à l’augmentation du prix des denrées alimentaires. L’une des raisons de cette hausse des prix est, dit-on, la spéculation, ce que l’on appelait l’accaparement. Regardons le monde et interrogeons nous. Toutes les frustrations politiques, sociales, religieuses qui engendrent le terrorisme reposent également sur l’inégalité économique. Et si on essayait de couper l’herbe sous le pied des terroristes. Bien sûr, on nage dans l’utopie. Arrivera-t-on à le faire ? C’est une autre histoire…

En savoir plus …

Coté livres :

LA CRIMINALITE INTERNATIONALE

Auteur : Andre Bossard

Editeur : PUF

ISBN-10: 9780004195261
http://www.alapage.com/-/Fiche/Livres/9780004195261/LIV/la-criminalite-internationale-andre-bossard.htm?id=118561220981723&donnee_appel=GOOGL

Coté Web :

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/article-imprim.php3?id_article=50673

http://www.fidh.org/spip.php?article5468

http://ecoterror.wordpress.com/presentation/histoire-du-terrorisme/

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