L’ESPACE, où en sommes-nous cinquante ans après le Spoutnik ?

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                                         Mardi 18 Mars 2008

L’espace, où en sommes-nous cinquante ans après le Spoutnik ?

Par Patrick Eymar – Ingénieur SupAero, consultant. Ancien vice-président Stratégie EADS Astrium

Le 4 octobre 1957, l’Union Soviétique est le premier pays à envoyer un satellite en orbite. Le Spoutnik n’est qu’une boule de 83 kilos équipée d’un thermomètre et de deux émetteurs, dont le seul but est de faire « bip bip ». Dans un contexte de Guerre Froide, ce lancement est une grande réussite pour l’URSS, qui a réussi à prendre de l’avance sur les Etats-Unis dans la conquête de l’espace. Avant d’aboutir, de nombreux essais avaient été menés par les deux superpuissances. Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, en 1946, les Etats-Unis profitent des connaissances de Von Braun, ancien responsable allemand passé à l’Ouest avec une centaine de fusées V2 dans ses bagages, pour tirer le premier V2 américain dans le désert du Nouveau-Mexique. En 1947, l’URSS lançait à son tour un V2 reconstitué.

La course à l’espace

En 1954, les Etats-Unis lancent le Redstone, première amélioration tangible de la fusée allemande. Le 15 mai 1957, le premier lancement du missile R7 soviétique – qui deviendra plus tard un lanceur spatial – est un échec. L’essai suivant, en août 1957 sera une réussite. Les Soviétiques ont pris une avance certaine. Moins d’un mois après le lancement de Spoutnik, ils envoient Spoutnik 2 avec à son bord la chienne Laïka. Le premier satellite américain, Explorer 1, qui lui a un but scientifique, est finalement envoyé en orbite  en janvier 1958 grâce au lanceur Redstone. Neuf mois plus tard, les Etats-Unis  créent la Nasa. Mais, en avril 1961, les Soviétiques reprennent l’avantage avec le premier homme dans l’espace, Youri Gagarine, dont le vol précède d’un mois celui de l’Américain Alan Shepard.

Depuis Spoutnik, la conquête de l’espace a été marquée par une série d’avancées : 1959, premiers satellites militaires (Kosmos 4, Discovery) ; 1964, premier vol vers Mars ; 1965, premier satellite français (« Diamant A/Asterix »), première sortie dans l’espace (Leonov) ; 1969, premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune ; 1971, première station orbitale Salyut 1 ; 1976, première images satellitaires ; 1979, premier lancement d’Ariane 1 ; 1981, premier vol d’un vaisseau partiellement réutilisable (la navette Columbia)…

En cinquante ans, plus de 4 500 lancements ont permis de mettre en orbite plus de 3 200 satellites autour de la Terre (mais pas plus de 600 fonctionnent, certains sont hors service, d’autres se sont désagrégés) et d’envoyer de sondes vers les autres planètes de notre système solaire, et même au-delà. Mais, avec la chute du mur de Berlin en 1989 et la fin de la Guerre Froide, véritable moteur de la compétition spatiale, l’espace a perdu de son attrait pour les pouvoirs publics. Alors qu’on comptait 140 lancements en 1971, il n’y en a eu qu’une soixantaine en 2007 et cela ne risque pas d’augmenter radicalement dans les années à venir.

Un certain désintérêt

En 2008, l’espace fait plus que jamais partie de notre vie quotidienne, que ce soit pour les GPS, la télévision, les prévisions météo, les transmissions de données, etc. Mais le spatial fait moins rêver, et les politiques s’en désintéressent. Ce manque d’intérêt des Etats a des conséquences directes sur l’activité. L’espace regroupe en effet trois grands secteurs : les lanceurs, les satellites et les moyens sol (centres de recherche et d’essais, usines de fabrication, centres de tir, moyens de suivi des lancements, moyens de réception, de contrôle et de commande des satellites, sites de réception et d’exploitation des données satellitaires). Tout ceci coûte très cher. Seuls les Etats ont les moyens financiers pour décider de construire un lanceur. Il n’existe aucun retour sur investissement possible dans ce secteur et aucun industriel privé ne s’est risqué à concurrencer Ariane ou la Nasa. Les coûts de développement sont énormes et, contrairement à l’automobile, on ne fabrique pas des lanceurs en grande série. Sans un soutien gouvernemental pérenne, les industries spatiales ne pourraient pas survivre. Seuls dix Etats ont réussi à envoyer par leurs propres moyens leurs satellites dans le ciel.

Sans surprise, les grands acteurs de l’espace sont donc des organisations étatiques, qu’elles soient des agences (CNES, ESA, DLR…) ou, directement, les ministères de la Défense. Le secteur est si sensible qu’en Europe, chaque Etat a son/ses agences. Cet émiettement provoque des imbroglios qui ne favorisent pas les choses, d’autant que ces agences entrent souvent en concurrence avec l’agence spatiale européenne (ESA). Le projet Galileo, le GPS européen, a bien du mal à voir le jour en raison de différends entre Etats et de divergences entre industriels sur le type se satellite. La France et l’Allemagne sont les deux plus gros contributeurs de l’ESA. Cet argent public permet à l’ESA de financer ses industriels (Arianespace, EADS-Astrium, Thales). Les applications civiles et militaires sont très nombreuses : télecom, observation de la Terre (météo) surveillance des océans, des marées noires, aide au sauvetage en cas de catastrophes naturelles…

Aujourd’hui, nous assistons à une nouvelle course à la Lune. Outre les Etats-Unis, l’Inde, la Chine et le Japon ont lancé des programmes pour retourner sur notre satellite naturel. Parallèlement, la construction de la station spatiale internationale ISS progresse lentement. La fin annoncée de la navette américaine en 2010, suite aux accidents mortels de Challenger en 1985 et de Columbia en 2003, risque de lui porter un coup sévère. Car, hormis l’apparition de la navette, il n’y a eu que peu de nouveautés dans le domaine des lanceurs et peu de progrès en propulsion. Le futur lanceur américain ressemblera beaucoup au premier lanceur Soyouz, plus rustique mais finalement plus sûr que la navette américaine.

Quel avenir pour le spatial ?

Le grand pouvoir du spatial est, pour un Etat, de montrer sa force et de démontrer son savoir-faire technologique au reste de la planète. C’est encore un formidable instrument de pouvoir. Mais la grande faiblesse du spatial est d’être encore très cher et donc de dépendre énormément des Etats. Les nouvelles rivalités mondiales entre les USA, la Russie et les pays asiatiques offriront peut-être de nouvelles opportunités au secteur. Toutefois, les espoirs de croissance restent limités tant qu’il n’y aura pas eu de révolution technologique dans le domaine des lanceurs. Un lancement coûte encore, au bas mot, 100 millions de dollars.

Autre source de développement possible : le tourisme suborbital. Plusieurs industriels, dont l’un soutenu par le très médiatique Richard Branson, proposeront bientôt (dès 2009) de courts vols spatiaux pour que les voyageurs aient le frisson de découvrir la Terre vue de l’espace. Mais il existera toujours le risque d’accident et les conséquences économiques et technologiques du tourisme suborbital sont encore difficiles à évaluer.

Le problème des débris est loin d’être négligeable. Parmi les milliers de satellites lancés en cinquante ans, beaucoup se sont désagrégés et on estime que plus de 12 500 débris de dix centimètres et davantage tournent au dessus de nos têtes. L’espace est pollué ; il est aussi embouteillé. L’orbite géostationnaire est très encombrée, si bien que plusieurs satellites doivent être positionnés au même endroit.

Reste bien entendu la question des vols vers les autres astres. Des sondes ont déjà été envoyées au-delà de notre système solaire, mais la difficulté d’envoyer des hommes aussi loin est immense. Faire voyager des hommes implique qu’il faut transporter de la nourriture et de l’oxygène, ce qui rajoute énormément de poids à un vol spatial. Mais cela reste un défi pour l’humanité, et c’est ce qui frappe le plus le commun des mortels. On ira très probablement sur Mars d’ici 2030. L’homme retournera probablement sur la Lune aux alentours de 2020. Mais pour y faire quoi ? Toute la question est là.

En savoir plus …

Coté livres :

Le livre sur les 50 ans du lancement du Spoutnik !

Auteur : Yves Vandeput
http://www.spoutnik50.be/

La conquête de l’espace

Auteur : Mark Traa
Éditeur : Gründ

ISBN-10: 2-7000-1797-8

http://www.eyrolles.com/Sciences/Livre/9782700017977/livre-la-conquete-de-l-espace.php

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Spoutnik

http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/sputnik/index.html

http://www.futura-sciences.com/fr/sinformer/actualites/news/t/astronautique/d/il-y-a-cinquante-ans-spoutnik-le-premier-satellite-artificiel-de-la-terre_13062/

http://www.capcomespace.net/dossiers/espace_sovietique/debut.htm

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