LA MISSION DES SONDES VOYAGER RÉTROSPECTIVES ET DERNIERS RÉSULTATS SUR NEPTUNE

Thèmes: Sciences, Société                                                                                                                          Conférence du mardi 10 octobre 1989

LA MISSION DES SONDES VOYAGER: RÉTROSPECTIVES

ET DERNIERS RÉSULTATS SUR NEPTUNE

Par RÉGIS COURTIN

Chargé de recherche au CNRS au centre des faibles radioactivités, Régis Courtin, nous a parlé de la mission des sondes Voyager. Il nous a montré de très belles photographies de l’Univers./

Du temps de sa splendeur, des sixties-seventies, la NASA décide d’embarquer un concentré de savoir-faire à bord des sondes automatiques./

Si l’homme avait pu prétendre, dès 1969, poser le pied sur la lune, il ne pouvait espérer voyager beaucoup plus loin./

Aujourd’hui encore, une visite humaine sur Mars, la planète rouge, ne saurait être envisagée avant un quart de siècle.

Alors, comment développer la connaissance des planètes du système solaire, sans visite rapprochée ?

Les planètes ne sont pas des étoiles dont les rayonnements viennent frapper les détecteurs ultra-sensibles des télescopes modernes. Ce ne sont que des boules de roche ou de gaz éclairées par le soleil.

Même observées à travers les télescopes les plus puissants, elles conservent leur mystère.

En 1972, la NASA adopta un grand projet. Deux sondes interplanétaires seraient lancées en 1977, profitant d’un alignement rare des planètes, ne survenant que tout les 175 ans. Ainsi ces engins pourraient utiliser à leur profit la force cosmique, la force gravitationnelle.

Fonçant d’abord vers la supergéante Jupiter, ils capteraient un peu de son énergie en se laissant attirer puis détourner par elle, et ils continueraient leur route vers Saturne.

À chaque nouvelle planète, ce jeu de billard planétaire recommencerait. C’est ainsi que Voyager 2 a pu visiter Neptune, 12 ans après son lancement, et non après 30 ans, durée du voyage si la sonde n’avait pas bénéficié d’une navigation « assistée par la gravitation ».

Structure de Voyager

Au centre, la pièce maîtresse est l’antenne parabolique de 3,7 m de diamètre, qui assure la communication avec la Terre ; elle doit rester constamment dirigée vers les stations de réception terrestres. Pour cela, deux batteries de réacteurs peuvent corriger l’orientation de l’antenne (ainsi que la trajectoire de la sonde). Le carburant de ces réacteurs est de I’hydrazine liquide (mélange d’hydrogène et d’azote), qui produit des poussées de gaz. De cette partie centrale sont déployés deux bras mécaniques. Le premier est doté des trois générateurs thermoélectriques constituant une source d’énergie autonome et très économe.

En effet, à de telles distances du Soleil, il était impossible d’utiliser des panneaux solaires (le flux de lumière est 900 fois plus faible qu’au voisinage de la Terre).

Les générateurs ont donc été munis d’oxyde de plutonium radioactif, dont la désintégration produit de la chaleur. Celle-ci est alors transmise à un dispositif thermoélectrique qui la transforme en électricité./

Le second bras électrique est lui, exclusivement réservé aux instruments scientifiques : deux appareils de prise de vue, un photopolarimètre pour mesurer l’intensité de la lumière et deux spectromètres pour analyser les rayonnements électromagnétiques : l’un dans l’infrarouge, l’autre dans |’ultraviolet. Voyager possède aussi un mat surmonté de deux magnétomètres, à champs fort et faible. Deux petites antennes servent à l’observation des ondes radio et du plasma*.

* Plasma : état d’un gaz dont la majeure partie des atomes est ionisée, c’est-à-dire a perdu une partie de ses électrons.

 

Le voyage

Les deux sondes Voyager traversent |’espace interplanétaire depuis 12 ans. Le 20 août 1977, Voyager 2 s’élevait au-dessus de Cap Kennedy, et le 5 septembre, c’était au tour de Voyager 1 (baptisé ainsi en raison de sa grande rapidité). Voyager 1 découvrit en mars 1979 des éclairs proprement fantastiques dans les nuages de JUPITER (10 000 fois plus puissants que les éclairs terrestres). Les sondes ont révélé qu’à l’équateur, les vents dépassaient 500 km/h, et que de formidables courants plongeant vers le cœur de la planète atteignaient des zones très chaudes. L’éventail de température sur Jupiter est très large : – 130°C au sommet des nuages, 24 000°C au centre de la planète.

Comment la « Grande Tache Rouge », infernal ouragan de soufre, de phosphore, d’oxyde de germanium, trois fois le diamètre de la Terre, tournant sur elle-même en six jours, se maintient-elle ainsi, à travers des années et des siècles ?

Voyager n’a pu apporter cette réponse.

Voyager a confirmé l’existence d’anneaux autour de Jupiter. Des anneaux très diffus principalement composés de grains ne dépassant pas un micron. Ils sont au nombre de 4 : IO, EUROPE, GANYMEDE, CALLISTO, toutes conquêtes amoureuses du premier des dieux.

Io est un enfer de volcans en activité. Neuf d’entre eux projetaient du soufre lors du passage des sondes et l’un d’entre eux jusqu’à 300 km d’altitude. Chaque année, 10 milliards de tonnes de matériaux s’échapperaient ainsi de Io, pour retomber ensuite et recouvrir la surface du satellite. Ce volcanisme serait provoqué par l’action de marées, dues à Jupiter et à Europe.

La surface de glace d’Europe recèle d’étranges griffures. Au-dessous, on pourrait bien trouver un océan d’eau liquide.

Ganyméde est le plus grand satellite du système solaire. Elle serait à moitié composée d’eau et pourrait bien être agitée par des mouvements tectoniques, un peu comme notre Terre.

Callisto, elle, présente la surface la plus envahie de cratères de tout le système solaire, se révélant ainsi comme un corps extrêmement ancien, ne s’étant que peu renouvelé au cours des 4,5 milliards d’années des planètes.

Saturne est une gigantesque boule de gaz essentiellement composée d’hydrogène et d’hélium. Ses vents équatoriaux sont les plus violents jamais détectés, plus de 1 700 km/h.

Saturne est formée d’un réseau complexe d’anneaux circulaires, excentriques, denses, fins atteignant 60 000 km de diamètre (5 fois le diamètre de notre Terre) faits de blocs de glace satellisés. Saturne possède le plus grand nombre de satellites connus, 17 en tout, dont l’un des plus passionnants corps du système, TITAN.

Plus grand que la planète Mercure, sa surface est cachée par une atmosphère dense, plus dense que celle de notre planète, ce qui le rend unique parmi tous les satellites./

Cette atmosphère est essentiellement composée d’azote, comme la nôtre. En dehors de Titan, on peut nommer Dione, Mimas, Iapetus, Thethys. Ils apparaissent tous avec beaucoup de cratères.

C’est après avoir examiné Titan de près que Voyager 1, détourné par l’attraction gravitationnelle, est sorti du plan de !’écliptique, ce plan ou circulent toutes les planètes (sauf Pluton, dont l’orbite est très inclinée). En revanche, Voyager 2, à qui on avait fait suivre un autre chemin, pouvait des 1981 s’échapper vers Uranus.

Elle a rencontré au début de l’année 1986 cette planète verte dont |’axe de rotation est curieusement couché sur son orbite autour du soleil. Elle reçoit la lumière du soleil pendant 40 ans et reste dans l’ombre pendant 40 autres années.

Cette planète vert-bleu (a cause du méthane de son atmosphère qui absorbe les radiations rouges) a un gros cœur composé d’un mélange de roches, de glace et de gaz, le tout enveloppé d’une épaisse atmosphère d’hydrogène et d’hélium.

Uranus a un champ magnétique, ce que l’on ne savait pas auparavant. Voyager l’a en outre dotée de deux anneaux supplémentaires (onze anneaux en tout) par rapport à ceux que l’on avait aperçus depuis la Terre, anneaux bien différents de ceux de Saturne.

Avant de s’envoler vers Neptune, Voyager a photographié dix nouveaux satellites (en tout, il y en a 15 autour d’Uranus), et examine Miranda qui présente une morphologie très complexe, avec des reliefs extrêmement variés : plaines piquetées de cratères, enserrant trois zones trapézoïdales labourées par des canyons concentriques.

25 août 1989, Voyager 2 marque |’apothéose d’une mission révélant le monde de la huitième planète du système solaire.

C’est sur la « Grande Tache Sombre » que sont braquées les caméras de Voyager 2. C’est une réplique de la « Grande Tache Rouge » de Jupiter.

La tache de Neptune semble plate si l’on en juge par la présence sur sa périphérie de nuages blancs (sans doute des cirrus de méthane). Si la tache de Jupiter est bien déterminée, celle de Neptune ne l’est pas, se prolongeant vers l’est par un assez long filament qui constitue sa « queue » terminée par de multiples petites taches. C’est l’indice que des vents violents soufflent à la surface de Neptune.

Neptune émet approximativement 2,8 fois plus d’énergie que le soleil ne lui envoie. Ce coefficient est peut-être moins impressionnant qu’il n’y paraît si l’on songe qu’au mètre carré Neptune reçoit 900 fois moins de chaleur du soleil que la Terre et 35 fois moins que Jupiter.

Neptune possède des satellites. Le principal est Triton. L’atmosphère de Triton ne contient pas seulement du méthane. La sonde révèle une abondance particulière d’azote. Sur ce satellite plus petit que la lune, on observe des taches sombres, bleues ou rougeâtres, les autres claires, comme si on avait à faire à des champs de neige méthanique plus ou moins rosis par le bombardement de particules auquel se trouve exposé Triton. Sur Triton, on observe des lacs gelés et des formations prouvant qu’une source de chaleur existe au cœur de ce monde.

Régis Courtin termine son exposé par une photographie de Triton en contre-jour avec dans le champ de vue, le bord de Neptune.

 

ANNEXE

L’Avenir –

Depuis 1962, Américains et Russes ont envoyé 19 missions sur Mars, dont 8 seulement furent un succès. Sur ces missions réussies, 6 sont à l’actif des Américains. Ce sont les missions Mariner puis Viking qui ont bouleversé nos connaissances sur Mars.

La dernière mission sur Mars fut la mission soviétique Phobos. Cette mission était très ambitieuse. Avec 28 expériences à bord, elle était destinée à l’exploration de Mars et de son satellite Phobos. Cette mission comportait deux sondes, malheureusement l’une d’elle fut perdue par le système de poursuite et l’autre eut une durée de vie beaucoup plus courte que prévu. Cependant, au cours de cette courte durée, les expériences ont bien fonctionné et donné des résultats sur l’atmosphère et la surface de Mars et sur le satellite Phobos.

La prochaine mission vers Mars est programmée pour 1992 par la NASA. C’est Mars Observer qui sera lancé par la navette. L’un des objectifs est d’établir une cartographie complète de Mars et d’étudier le système atmosphérique. Ce sera une mission de longue durée.

Cette mission permettra de préparer les missions suivantes
dont les objectifs sont le retour d’échantillons du sol de Mars et peut-être la colonisation de Mars dans les prochaines décennies.

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EXTRAITS DE « L’ASTRONOMIE POPULAIRE »

CAMILLE FLAMMARION – 1880

..[Les naturalistes myopes qui croyaient tout connaître il y a dix ans enseignaient doctoralement qu’une pression de tant d’atmosphères empêche la vie de se produire, que tel degré de lumière est indispensable a la vie, et que les profondeurs océaniques sont absolument dépourvues de toute manifestation vitale. Un navire s’élance sur l’immense plaine liquide pour visiter les zones équatoriales et polaires, jette la sonde à deux mille brasses, à trois mille mètres de profondeur, dans la nuit éternelle, obscurité noire ou la pression est telle qu’un homme descendu là aurait à supporter un poids égal à celui de vingt locomotives accompagnées chacune d’un train de wagons chargés de barres de fer ; évidemment il n’y a rien là ; … on retire la sonde et l’on ramène des êtres charmants, délicats, que la légère pression du doigt de Psyché éveillant l’amour ferait mourir : ils vivent la tranquilles, heureux « comme le poisson dans !’eau », et puisqu’il n’y a pas de lumière, ils en fabriquent !]…

..[Le Verrier ne doute pas un seul instant de l’exactitude de la loi de la gravitation universelle… Il aborde hardiment l’hypothèse d’une planète agissant d’une manière continue sur Uranus, et changeant son mouvement d’une manière très lente. Le fait de l’existence d’une planète extérieure étant désormais certain, il suppose, d’après la série de Titius que cette planète doit être à la distance 36 et par conséquent graviter en 217 années autour du Soleil, et, dans cette hypothèse, il calcule quelles positions elle a du avoir dans le ciel, derrière Uranus, pour produire . par son attraction les écarts observés, et quelle doit être sa masse pour expliquer la grandeur de la déviation. Il recommence alors le calcul de l’orbite d’Uranus en tenant compte des perturbations ainsi produites par la planète troublante, et trouve que toutes les positions s’accordent avec la théorie (les plus grandes différences entre les positions observées et les positions calculées ne dépassaient pas 5″,4). Dès lors, le problème était résolu ; le 31 août 1846, Le Verrier annonça à |’Académie des sciences que la planète devait se trouver à la longitude 326°, ce qui la plaçait à 5° à l’est de l’étoile « delta » du Capricorne. Le 18 septembre, il écrivit au Docteur Galle, de |’Observatoire de Berlin, où l’on construisait des cartes d’étoiles pour le prier de chercher la planète. Cet astronome reçut la lettre le 23 ; il faisait beau ce soir-la ; il dirigea sa lunette vers le point indiqué et aperçut une étoile qui n’était pas sur la carte et qui offrait un disque planétaire sensible : sa position dans le ciel était 327°24′ ; le calcul était indiqué 326°32′ ; la longitude avait donc été précisée, à moins de 1 degré près !]…

…[Cette succession rapide de la lumière et des ténèbres doit exercer une grande influence sur la manière de vivre des habitants. L’astronome Littrow se demandait s’ils ont consacré comme nous leurs journées à leurs travaux et à leurs plaisirs, la nuit à leur repos et au sommeil. « Ils doivent, assurait-il posséder une singulière élasticité d’esprit et de corps. Combien peu de nous, en effet, seraient satisfaits si les nuits ne duraient que cinq heures, et si nous devions nous éveiller aussi rapidement ! Les gourmets surtout doivent être fort embarrassés, si, dans |’espace de cinq heures, ils sont obligés de prendre trois ou quatre repas. Et nos dames donc (l’auteur est Viennois), combien n’auraient-elles pas à se plaindre de ces nuits si courtes, et des bals plus courts encore ! elles qui demandent pour les préparatifs de leur toilette presque le double du temps d’une nuit de Jupiter ! Mais, par contre, les astronomes officiels des observatoires de ce monde doivent être enchantés, — si même l’atmosphère jovienne leur permet de travailler — ils ne doivent jamais être fatigués « ]…

…[Mais comme le diamètre de ce globe est 11 fois plus grand que celui de notre planète, l’intensité de la pesanteur doit être réduite dans la proportion du carré de ce nombre, ou de 121 à 1 (exactement de 124, car 11,15 X 11,15 = 124). Divisons 310 par 124, nous trouvons 2,5 ou 2 ½. Nous savons donc par là que l’intensité de la pesanteur est deux fois et demie plus forte sur Jupiter que sur la Terre]…

… [Ainsi, sur Jupiter, les matériaux constitutifs des choses et des êtres sont composés de substances plus légères, moins denses, que celles des objets et des corps terrestres ; mais la planète attire plus fortement, et en réalité ils sont plus lourds, tombent plus vite vers le sol, pèsent plus. C’est l’opposé de ce que nous avons remarqué sur Mercure ; et c’est bien ici le cas de dire « qu’il n’y a rien d’absolu ». Vraiment, tout est relatif, et nous vivons dans le relatif. Rien ne semble plus brutalement absolu au vulgaire qu’un boulet de canon de vingt kilogrammes. Eh bien ! ce boulet n’est tel qu’à cause de sa situation sur la Terre. Portons-le sur une petite planète, c’est une plume ; imaginons-le sur le Soleil, c’est une montagne de fer massif impossible à remuer ; ici il tue, là c’est un jouet. Nous vivons au milieu du relatif, et nous voudrions que l’univers fût réduit à notre taille]…

C.Flammarion (1880)

Nous vous laissons apprécier le style, |’humour de Flammarion et méditer sur la « relativité de nos connaissances »./

Relativité : l’année précédente était né à Ulm dans la famille Einstein, un bébé que ses parents prénommèrent « Albert »…

 

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