LA LUTTE BIOLOGIQUE CONTRE LES INSECTES RAVAGEURS DE CULTURES, de Pasteur aux OGM

Thème : MEDECINE ET SCIENCES NATURELLES                                                                                                                                Mardi 15 Mai 2007

La lutte biologique contre les insectes ravageurs de cultures, de Pasteur aux OGM

Par le Professeur Maxime Schwartz – Directeur général honoraire de l’Institut Pasteur

Les insectes ont un rôle essentiel dans la nature. Ils font partie de l’écosystème, participent à la pollenisation des plantes, et peuvent produire des denrées utiles à l’homme (la soie ou le miel). Si 80% des insectes sont utiles, il n’en demeure pas moins que certains sont vecteurs de maladies (paludisme…) et que d’autres posent de gros problèmes à l’agriculture.

La lutte contre les insectes, un enjeu millénaire

Dès que l’homme a commencé à cultiver, les insectes nuisibles ont été une source de problèmes. Dans l’Ancien Testament, la huitième des dix plaies d’Egypte est constituée de sauterelles qui dévorent les cultures. Plus récemment, en 2006, une partie de la France a dû affronter une pullulation de criquets italiens. Dans les siècles passés, la vigne française a été attaquée par le phylloxera et les pommes de terre l’ont été par les doryphores. Chaque année, 30% de la production mondiale de riz est perdue du fait des insectes.

Très tôt, l’homme s’est interrogé sur la façon de se protéger des insectes. En l’an 70, Pline l’Ancien donne ainsi une « recette » pour protéger les pommiers, en utilisant les lézards verts. Mais, pendant longtemps, les hommes ont préféré s’en remettre à Dieu. En 1120, l’évêque de Laon excommunie les mulots et les chenilles pour avoir abîmé les récoltes. Les procès contre les insectes ont jalonné les siècles, sans beaucoup de succès toutefois. Le dernier procès s’est déroulé en 1830, au Danemark.

L’approche chimique

Voilà plus de 2 000 ans, les Chinois se sont rendus compte que les pucerons ne s’attaquaient pas au pyrèthre. Ils ont eu l’idée d’en faire de la poudre, de répandre cette poudre de pyrèthre sur d’autres plantes pour éviter qu’elles soient à leur tour attaquées. Autres moyens utilisés au fil des siècles : la chaux, la décoction de plantes, la cendre, l’urine… A partir du XIXe siècle, la chimie minérale a supplanté ces anciennes « recettes de grand-mère ». Le sulfure de carbone, fabriqué à base d’arsenic et de souffre, été utilisé contre les doryphores. Le professeur suisse Muller découvre, en 1938, que le DDT possède d’excellentes propriétés insecticides. Très utilisés, les insecticides chimiques ont, à force, provoqué des désastres écologiques. Ils ont tué, sans distinction, toutes sortes d’insectes, même les plus utiles. Bien que les effets toxiques à long terme restent mal connus, on sait que la toxicité des insecticides touche les êtres humains, puisqu’ils traversent toute la chaîne alimentaire.

Pour éviter de continuer à contaminer l’environnement, les scientifiques s’intéressent depuis longtemps à d’autres moyens de lutter contre les insectes

Louis Pasteur, précurseur de la lutte biologique

En 1865, Louis Pasteur est appelé pour venir en aide à l’industrie de la soie, très ralentie en raison d’une maladie mystérieuse qui s’attaque aux vers à soie. Après cinq ans de recherches, il se rend compte que les insectes sont victimes du virus de la pébrine et d’une bactérie. Il prouve que la pébrine est non seulement contagieuse, mais aussi héréditaire. Il conclut que seulement les oeufs vivants et atteints de la maladie peuvent propager la maladie. Par conséquent, la solution est de choisir des oeufs qui ne sont pas atteints de la maladie pour créer des cultures saines. En adoptant le grainage, une méthode de sélection inventée par Pasteur,  la sériciculture en France a été sauvée d’un désastre économique.

En 1880, suite à ses recherches sur le phylloxera, l’insecte mangeur de vignes, Pasteur estime que la solution est de trouver le poison qui se développera plus vite que l’insecte. Il faut trouver la maladie naturelle qui éliminera le phylloxera. Mais c’est finalement sur des lapins que Pasteur utilise pour la première fois ce concept de contrôle biologique. En disséminant du choléra des poules dans le vignoble des champagnes Pommery menacés par les terriens, il réussit à éradiquer tous les lapins de la propriété.

Ses successeurs poursuivront ses recherches sur la lutte biologique contre les insectes. En 1910 au Mexique, Félix d’Hérelle découvre un microbe qui peut s’attaquer aux criquets, eux-mêmes responsables de vastes dommages dans les récoltes. C’est le premier succès de la lutte biologique. En 1911, on découvre le bacillus turingiensis, un agent pathogène pour les insectes. Des spores et toxines de cette bactérie sont répandus sur les forêts et les cultures. Le résultat est très efficace, sans risques sur l’homme, mais cette bactérie présente l’inconvénient de ne pas durer dans le temps, il faut donc en répandre régulièrement.

La fabrication de plantes modifiées produisant des toxines

Autre méthode désormais utilisée pour lutter contre les insectes : le génie génétique. L’idée est d’utiliser le gène de la bactérie qui crée la toxine pour l’implanter dans la plante qui, en retour, créera directement cette toxine.

Nos gènes sont les dépositaires de toutes les informations de ce que nous sommes. Ils sont formés de chromosomes qui contiennent notre ADN. L’ADN est traduit en acides aminés et l’enchaînement de vingt acides aminés produit une protéine, qui est un catalyseur chimique. La nature elle-même fait du génie génétique, comme l’atteste la maladie de la galle du collet, qui atteint de nombreuses plantes cultivées. La bactérie s’insère dans le chromosome de la plante et produit une hormone qui va provoquer une prolifération anarchique des cellules et fabriquer un aliment spécifique à la cellule.

En insérant le plasmide d’une bactérie dans le gène de la plante, on va pouvoir recréer une plante génétiquement modifiée à partir de ce seul gène. La première expérience réussie l’a été en 1984 en France par l’INRA sur un plant de tabac, devenu résistant aux larves de lépidoptère. La même technique a ensuite été appliquée avec succès sur des plantes alimentaires, comme le maïs.

La victoire de la lutte biologique est d’avoir donné les moyens aux plantes de se défendre elles-mêmes contre les attaques des insectes qui leur sont nuisibles. Dans de nombreux pays du monde, les OGM se sont développés depuis dix ans. Cent millions d’hectares sont maintenant cultivés dans le monde, dont trente dans les pays en développement. Avec cinquante millions d’hectares, les Etats-Unis concentrent la moitié de la production mondiale (contre 50 000 hectares en France). Il n’en demeure pas moins que la controverse entoure toujours les OGM, essentiellement en Europe.

La controverse autour des OGM

Les opposants aux OGM avancent plusieurs arguments : sa consommation est dangereuse pour la santé, sa culture est dangereuse pour l’environnement, sa production est anti-naturelle, ses effets sur l’économie sont mauvais, et les OGM sont inutiles.

L’argument concernant le risque pour la santé est le plus répandu. Pour autant, aucune donnée scientifique ne permet d’étayer une telle allégation, d’autant qu’aucun gène potentiellement dangereux pour la santé n’est utilisé. Des examens extrêmement rigoureux (tests de toxicité, d’allerginicité, sur des effets imprévus…), bien plus rigoureux que pour tout autre aliment, sont menés. Ces tests n’ont montré aucun risque. D’ailleurs, en dix ans d’utilisation intensive aux USA (plus de la moitié de leur maïs est OGM), aucun problème de santé suite à la consommation d’OGM n’a été rapporté.

On évoque souvent un risque pour l’environnement, à savoir qu’un gène d’une plante OGM peut se transmettre à d’autres plantes sauvages et se répandre dans la nature. Ce n’est pas si simple. Un gène ne peut se transmettre qu’à une plante de la même famille. En France, un maïs OGM ne peut pas se transmettre dans la nature, mais le pourra en Amérique du sud. Selon les plantes, il peut y avoir risque de transmission. Mais est-ce si grave qu’une plante sauvage ou d’un champ voisin soit contaminée par une plante OGM et puisse se défendre contre certains insectes ? En soi, non. Mais cela peut être un problème pour les plantes à label biologique, garantie sans OGM.

Est-ce anti-naturel ? On reproche aux scientifiques de modifier l’ordre naturel. Pour autant, il faut avoir conscience que cela existe depuis des milliers d’années. De tout temps, l’homme a fait des sélections, des croisements… et aucun de nos végétaux actuels n’existerait au naturel.

Les OGM engendrent-ils des problèmes économiques ? Tel est, en fait, le nœud de la question. Les semences OGM font l’objet de licences en grandes multinationales, essentiellement américaines comme Monsanto. De nombreux OGM sont stériles, obligeant les agriculteurs à racheter des graines années après années, ce qui peut poser problème dans les pays en développement.

Les OGM sont-ils inutiles ? Si c’était le cas, pourquoi les produire ? Ils sont au contraire très utiles pour l’agriculture car ils permettent de réduire l’utilisation d’insecticides et d’herbicides, ce qui est bon également pour la santé des consommateurs. De plus, certains OGM en préparation visent à apporter des bienfaits directs sur la santé.

En savoir plus …

Coté Livres :

Des microbes ou des hommes, Qui va l’emporter ?  

Auteur : Maxime Schwartz, François Rodhain

Editeur : Odile Jacob

ISBN : 2738120482

http://livre.fnac.com/a2054093/Maxime-Schwartz-Des-microbes-ou-des-hommes

Comment Les Vaches Sont Devenues Folles

Auteur : Maxime Schwartz

Editeur : Odile Jacob

ISBN : 9782738109583

http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/schwartz-maxime/comment-les-vaches-sont-devenues-folles,1255127.aspx

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Insecte_ravageur

http://www.inra.fr/la_science_et_vous/dossiers_scientifiques/changement_climatique/evaluer_predire_les_impacts/ravageurs_et_maladies_dans_un_contexte_de_rechauffement_climatique

http://www.pasteur.fr/ip/index.jsp

http://www.pasteur.fr/sante/

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