SOLIMAN LE MAGNIFIQUE

Thèmes: Art, Civilisation, Société                                                                                                                     Conférence du mardi 10 avril 1990

 

SOLIMAN LE MAGNIFIQUE

Par Annick Leclerck, chargée de mission au Musée du Louvre, spécialiste de la section islamique, a participé à l’organisation de l’exposition consacrée à Soliman le Magnifique.

A l’aide de diapositives, elle fait revivre pour nous la Turquie du 16ème siècle.

Qui sont les Turcs qui donnent naissance à la dynastie ottomane ou comment un empire se construit-il ?

Des tribus nomades originaires d’une région d’Asie Centrale appelée Turkestan sont arrivées en Anatolie ou en Turquie d’Asie et se sont installées aussi, en partie en Europe. Dès le 9ème siècle, elles ont été progressivement englobées dans l’Empire arabo-musulman.

A cette époque, d’autres tribus nomades, composées à la fois de bergers et de guerriers s’avancent vers l’Anatolie, l’une d’elles établit sa capitale à Konya : les Seldjoukides instaurent un pouvoir raffiné qui connaît son apogée au l3ème siècle. Ils sont alors balayés par les Mongols.

Mais parmi les tribus d’Anatolie, se trouve une petite tribu installée dans le Nord-Ouest face à Constantinople. Osman, le chef de cette tribu des Osmanh étend son pouvoir de plus en plus vers l’Asie et l’Europe. En 1453, Mekmet Fahti prend « en sandwich » Constantinople qui était devenue la capitale d’un empire réduit à la peau de chagrin. La civilisation de l’ancienne Byzance avait toujours été le rêve des Musulmans. La victoire ottomane marque fin de l’Empire Byzantin.

Quelques 70 ans plus tard, en 1520, le règne de Soliman le Magnifique commence. A son avènement, il possède l’Anatolie, la Syrie et l’Egypte conquises par son père Soliman 1er, une partie des terres européennes des Balkans.

Il porte la guerre aux deux fronts : vers l’Europe Centrale face à la politique d’extension des Habsbourg -Ferdinand 1er, frère de Charles Quint a épousé la fille du roi de Hongrie et prétend au trône de Hongrie -Soliman veut faire de la Hongrie un état vassal des Ottomans, tampon entre les Habsbourg et lui-même.

Il porte aussi la guerre vers l’Est, l’Irak et l’Iran. Le Shah d’Iran fomentait des troubles parmi les tribus nomades mal assujetties à la « Sublime Porte ».

Soliman prend l’Irak jusqu’au golfe persique par ou arrivent les matières précieuses de l’Orient.

Vers le Yémen, il vise également un double but : être le protecteur des Lieux Saints, Médine, La Mecque et avoir le passage qui donne l’autorité sur la Mer Rouge.

En Méditerranée, l’île de Rhodes est dominée par les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Rhodes est bien située entre Alep en Syrie et Alexandrie en Egypte : 2 ports par où passaient les marchandises et les pèlerins. Soliman s’empare de Rhodes et s’assure le contrôle de cette partie de la Méditerranée où les pirates occidentaux arraisonnent des bateaux.

Pendant une grande partie du 16ème siècle, la Méditerranée est considérée comme un lac ottoman grâce à la flotte puissante de Soliman.

A cette époque, l’empire ottoman est la première puissance tant en Europe Centrale qu’en Méditerranée et en Orient. Il joue le rôle d’arbitre en Europe Occidentale entre François 1er et Charles Quint.

 

Soliman, guerrier religieux, amateur de luxe

Grand chef de guerre, il a dirigé personnellement 12 campagnes militaires. C’est au cours de la dernière, alors qu’il marchait sur Vienne, qu’il est mort à l’âge de 72 ans.

Madame Leclerc nous présente une diapositive : une boîte en bois revêtue d’or. Elle abrite un manteau ayant appartenu à Mahomet. Soliman emportait ce manteau sur les champs de bataille pour donner courage à ses troupes. Elle rappelle qu’à la même époque, en 1520, Cortes conquiert le Mexique, derrière la bannière de la vierge, au cri de Santiago Saint-Jacques. C’est la guerre sainte d’un côté comme de l’autre.

Lorsque les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem quittent l’île de Rhodes, Soliman les autorise à emporter leurs trésors : il demande à garder une icône de la vierge : il faut savoir que trois femmes sont vénérées dans l’Islam : Khadidja, la première femme du prophète, Fatima leur fille et Marie, mère de Jésus.

Le goût de Soliman pour les pierreries, sa fascination pour l’orfèvrerie se retrouvent dans l’apparat de campagne. Le trône de campagne est en bois de noyer plaqué d’ébène, incrusté de nacre, il faut l’imaginer recouvert de coussins de soieries. A l’exposition, les casques de parade incrustés de chaque côté, d’or et de pierres précieuses sont présentés de chaque côté du trône. C’est dans ce décor que le Sultan recevait, dans sa tente, les émissaires des religions, qu’il « visitait » lors de ses conquêtes.

Parmi les pièces maîtresses de l’exposition, figure le Yatagan, sabre à poignée d’ivoire ornée d’une arabesque bleue, portant à son sommet une autre arabesque en or ornée d’une pierre précieuse.

Soliman, le chef religieux

Musulman sunnite convaincu, il est le protecteur des Lieux Saints de la Mecque et de Médine. Il est aussi le restaurateur des Lieux Saints de Syrie, d’Irak, à la Mosquée d’Ouar ou plus exactement du dôme du rocher qui fut le lieu de direction de la prière des premiers musulmans de Médine.

Chef religieux de la communauté, il fait construire la Mosquée Sileymanije Camii qui domine la Corne d’Or. Une miniature représente la procession du vendredi qui le conduisait de son palais à la Mosquée, entouré de hauts personnages. Une autre miniature évoque les fêtes de la circoncision de ses fils : la population est conviée à de grandes fêtes, à cette occasion, il offrait la circoncision à des fils de familles pauvres. Les corporations de métiers défilaient pour montrer leur travail.

Il a calligraphié lui-même huit exemplaires du Coran. La calligraphie est un art majeur qui permet au Coran d’être connu. Un Coran remarquable se trouve à l’exposition.

 

Soliman gislateur et administrateur

Il a légiféré sur tous les sujets : c’est I‘administration d’une fondation religieuse faite par sa favorite Roxelane, les sources de revenus pour l’entretenir, le personnel, la soupe pour le réfectoire des pauvres : il fait servir 400 soupes à midi, 400 soupes le soir. Ces soupes doivent être différentes midi et soir, semaine et dimanche, comporter suffisamment de légumes et de sel. Dans un des décrets officiels, il se préoccupe des turbans qu’il convient de porter selon la position sociale.

Il est aussi l’organisateur du commerce, Istanbul, qui est plus consommatrice que productrice, est une étape pour les marchands, le bazar connaît une activité intense comme en témoignent les miniatures.

Pour l’Occident, Soliman a été le Magnifique, le grand mécène, protecteur des arts. Dans la mémoire des Turcs, il reste le grand législateur, Kanuni Sûleuman Kanuni le grand organisateur.

Soliman et Roxelane

Roxelane : la Roxane de Racine.

Au début de la dynastie, les Sultans pouvaient se marier avec des femmes diverses : chrétiennes, musulmanes, princesses ou de rang moins élevé.

 

Leur pouvoir devenant plus important, les belles familles des Sultans se montraient plus exigeantes. Au cours des temps, les Sultans n’eurent plus que des concubines prises chez les esclaves ou achetées chez les Chrétiens et islamisées. Elles apprenaient à lire, à écrire, à broder, à recevoir pour devenir les dames d’honneur. Les plus intrigantes parvenaient à la couche du Sultan.

C’est ainsi que Roxelane, qui n’était pas belle, mais fine psychologue, après avoir donné des enfants à Soliman, s’est fait épouser et a poussé ses fils vers la succession du Sultan. Mauvaise conseillère, elle a fait exécuter le fils d’une concubine. Mais Soliman était éperdument amoureux, ne lui a-t-il pas dédié plusieurs poèmes ?

« Ta présence plane au-dessus de moi comme

« Un oiseau de paradis

« Je suis devenu souverain en mendiant à

« ta porte

« Le monde peut faire rage, je ne mettrai

« pas la voile

« Le vaisseau de ton amour est une ancre pour moi,

« Ma fidèle compagne, mon élixir de paradis. »

A la fin de sa vie, Soliman a perdu Roxelane et plusieurs enfants. Il se tourne de plus en plus vers la religion. Il mène une vie austère, s’habille sobrement. Une miniature le montre vêtu d’un kaftan noir. Il demande à manger dans de la vaisselle de terre.

En 1566, Selim II, le fils qu’il a eu de Roxelane, lui succède. C’est un jouisseur qui ne gouverne pas directement : le déclin de l’Empire Ottoman commence …

 

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