MUSÉE DE LA VIE ROMANTIQUE

Thèmes: Arts, Histoire, Peinture, Société                            Visite du mardi 24 novembre 1992

MUSÉE DE LA VIE ROMANTIQUE

Mardi 24 novembre, une cinquantaine d’adhérents du C.D.I ont visité le « Musée de la Vie romantique », rue Chaptal à Paris.

Historique

L’immeuble qui abrite le musée fut construit en 1830 peu après le percement de la rue Chaptal, au voisinage des quartiers de Saint-Georges et de la Nouvelle Athènes, où la société des artistes parisiens avait pris l’habitude de se loger depuis 1820.

Le bâtiment principal, un pavillon de plan carré dans le style des villas italiennes fut pris en location, le 17 juillet 1830 par Ary Scheffer, peintre familier des Orléans que la Révolution de 1830 allait promouvoir au rang de peintre de la Cour. Scheffer obtint de son logeur de compléter les bâtiments par la construction de deux ateliers indispensables à la pratique de son art. Une cour pavée les séparait du pavillon d’habitation et deux jardins étaient aménagés sur les flancs. Plus tard, une loge de sculpteur fut bâtie sur la gauche du pavillon, à côté d’un bâtiment bas servant d’écurie et de remise.

Ary Scheffer résida dans l’immeuble de la rue Chaptal jusqu’à sa mort en 1858. Pendant vingt-huit ans, sa demeure allait être l’un des lieux de rendez-vous du monde des arts et des lettres. Liszt, George Sand, Pauline Viardot, Rossini, Jules Janin, Dickens, Augustin Thierry et bien d’autres viendront prendre la pose dans le grand atelier ou visiter le maître des lieux et sa famille à l’occasion de ses réceptions du vendredi.

La maison de la rue Chaptal était à cette époque un véritable Cénacle. Ary Scheffer y vivait entouré de sa mère Cornélia Lamme, et de sa fille Cornélia, toutes deux artistes et qui l’aidaient dans sa peinture. Les deux frères d’Ary, Arnold, journaliste politique, et Henry, peintre lui aussi, y faisaient de fréquents séjours.

Ary Scheffer allait occuper une place prépondérante dans le monde des arts sous la monarchie de Juillet. Il devint rapidement l’un des principaux portraitistes de la société parisienne et des cours d’Europe. Il fut considéré comme l’un des meilleurs représentants de !’École Romantique. Profondément marqué par le décès de sa mère, Cornélia Lamme, il se consacre après 1845 à la peinture religieuse. On dit de lui qu’il était « le peintre des Âmes ».

C’est dans le jardin de la rue Chaptal qu’Ernest Renan rencontra la nièce d’Ary Scheffer, Cornélia Scheffer, qui devait devenir sa femme. C’est dans l’atelier de Scheffer, ouvert à Augustin Thierry, Béranger, Lamennais, Tocqueville, Gobineau ou Ingres, que Renan conversa brillamment avec les esprits du siècle.

Après le décès d’Ary Scheffer, en 1858, la maison fut achetée par sa fille Cornélia. Veuve et sans enfant, Cornélia Scheffer, légua par testament sa maison sa nièce Noémi fille d’Ernest Renan. Celle-ci vint s’y établir en 1900 avec son mari, le philosophe grec Jean Psichari, et leurs enfants. La maison devint de nouveau le cadre de nombreuses rencontres, en particulier du fait des amitiés littéraires de leur fils. Il fera ainsi venir Charles Péguy, Maurice Denis, et bien d’autres.

Désireux de préserver la mémoire des lieux et soucieux d’assurer la conservation des nombreux souvenirs de Scheffer et de Renan réunis dans la maison, l’immeuble fut cédé à l’État en 1956 par Corrie Psichari-Siohan, dernière propriétaire. En 1982, elle y créa le musée Renan-Scheffer qui prit son titre actuel de musée de la Vie romantique en 1987 lorsqu’il fut érigé en établissement consacré à I’évocation de la vie littéraire et artistique de la première moitié du XIXème siècle.

Le musée présente dans ses salles d’exposition permanente deux collections de souvenirs et d’objets d’art léguées à la Ville de Paris, rappelant deux grandes figures du XIXème siécle : l’écrivain George Sand et le peintre Ary Scheffer.

George Sand –

C’est en 1923 qu’Aurore Lauth-Sand, petite-fille de George Sand, légua à la Ville de Paris un vaste ensemble de souvenirs hérités de son père Maurice Sand. De nombreux objets de cette collection rappellent également la mémoire de son ancêtre le maréchal de Saxe, de sa grand-mère Aurore de Saxe, de ses familiers et de ses amis : Chopin, Liszt, Alexandre Manceau…

Souvenirs de George Sand et de ses amis :

Nous découvrons dans cette première salle un ensemble de portraits ayant appartenu à George Sand évoquant la figure de quelques-uns de ses familiers : Alexandre Manceau, amant de George Sand, Sarah Bernhardt, le sculpteur Calamatta, beau-père de Maurice (par Ingres) et la cantatrice Pauline Viardot, quatre œuvres d’Eugène Delacroix : deux dessins représentant le parc de Nohant en 1843, un pastel illustrant une scène de « Lélia », et « l’Éducation de la Vierge », copie à l’huile d’après Rubens.

Un curieux éventail décoré de figures à la gouache par George Sand et Auguste Charpentier retrace les aventures imaginaires d’un voyageur. Réalisée à Nohant, cette scène humoristique est peuplée de caricatures des amis de la romancière.

Dans des vitrines, des médaillons en plâtre représentent George Sand, Luigi Calamatta, Musset et Liszt et divers souvenirs de George Sand et de son fils Maurice : la tabatière en or du Maréchal de Saxe ornée sur le couvercle d’une miniature représentant le maréchal vers 1745-50. George donna ce souvenir de son ancêtre à son fils Maurice pour l’anniversaire de ses 27 ans, en 1850.

On remarque la bague ornée d’un rubis clair entouré de diamants offerte par la dauphine Marie-Josèphe de Saxe à sa petite nièce Aurore de Saxe et le petit poignard qu’elle aimait à porter à sa ceinture lorsqu’elle s’habillait en homme. Le moulage de la main gauche de Chopin est un souvenir émouvant.

Moulage de la main de Chopin

Le Salon de Georges Sand :

La restitution du salon de George Sand présente dans un décor d’ambiance le mobilier de l’écrivain provenant de Nohant : bureau et fauteuils d’époque Louis XV, commode Louis XVI, secrétaire à abattant, guéridon et métier à broder.

Sur le chevalet est présenté un portrait au pastel de Maurice de Saxe par Quentin de La Tour. Sur la commode le buste en plâtre de Claudine Houdon, fille du sculpteur, dont la fille se maria avec le graveur Calamatta, et dont la petite-fille épousa Maurice Sand.

Au-dessus de la cheminée est placé le célèbre portrait de George Sand peint par Charpentier en 1838. De forme rectangulaire à l’origine, la toile a été réduite et transformée en portrait ovale. George Sand porte à la ceinture de sa robe noire le camée dit « aux trois profils ».

Nous découvrons des portraits de Marie-Aurore de Saxe (grand-mère de George Sand) en Diane, des dessins de Clésinger, de Maurice Sand, une huile montrant la salle à manger de Nohant, une couronne de feuilles de laurier offerte au maréchal de Saxe, des portraits d’Aurore Dupin, future George Sand et de son demi-frère Hippolyte Chatiron.

Le salon bleu.

Cette pièce tapissée d’un papier peint à motifs circulaires sur fond bleu, rappelle la « chambre bleue » de Nohant.

Autour du portrait de Georges Sand, différents cadres contiennent des célèbres « dendrites » de l’écrivain, ces tableaux qui servaient à décorer de petites boîtes.

Un vitrine renferme différents documents, en particulier un dessin représentant Maurice enfant en uniforme de garde national ; ce costume lui a été offert par sa mère en 1831 comme en témoigne une lettre de George Sand à son fils : « … J’ai déjà marchandé ton habit de garde national, il sera bien joli, j’y joindrai le shako avec une flamme rouge… ».

Une aquarelle représente George Sand, alors baronne Dudevant. C’est le premier portrait connu de George Sand après son mariage et avant le temps des grandes aventures. Près de ce portrait sont disposés les feuillets manuscrits « d’Albine ». Ce texte inachevé fut trouvé sur le bureau de la romancière au moment de sa mort.

Le jardin d’hiver :

Le jardin d’hiver a été ajouté à la maison à la fin du XIXème siècle. On y a placé la maquette en plâtre de la partie centrale du monument de J. Froment-Meurice représentant Chopin au piano. Cette sculpture peut se voir au Parc Monceau. Ami et amant de George Sand, Chopin fut aussi en relation avec Ary Scheffer qui fit son portrait en 1846.

Ernest Renan –

Pour commémorer le centenaire de la mort d’Ernest Renan, une exposition a été organisée dans le pavillon du jardin de la rue Chaptal.

C’est là que Renan rencontra la nièce d’Ary Scheffer qui devait devenir sa femme.

Ernest Renan exerça une profonde influence sur les générations intellectuelles de la fin du XIXème siècle et fut salué à sa mort en 1892 comme le maître à penser de son époque.

Grand officier de la Légion d’Honneur, membre de l’Institut au titre de l’Académie française et de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, professeur puis administrateur au Collège de France, Renan a marqué profondément la pensée de son temps.

La République lui fit en 1892 des funérailles nationales et laïques et l’inauguration de sa statue à Tréguier en 1903 scella la séparation de l’Église et de l’État.

Ernest Renan n’avait pas souhaité créer une École et pourtant son influence fut très grande sur les écrivains qui avaient vingt ans en 1892.

Ses ouvrages sont écrits dans une prose magnifique, faite de remarques éclairantes sur le peuple juif, les grecs, le christianisme, ainsi que sur les grands problèmes religieux et moraux. Il est passionnant de nos jours de retrouver dans son œuvre des réflexions aussi pénétrantes et aussi actuelles, que celles qu’il a formulées sur le fait national et le droit des peuples disposer d’eux-mêmes. Quant à son opinion sur l’Europe : « Je mourrai ayant au cœur l’amour de l’Europe autant que l’amour de la France. Je voudrais parfois me mettre à genoux pour la supplier de ne pas se diviser par des jalousies fratricides, de ne pas oublier son devoir, son œuvre commune, qui est la civilisation. »

L’exposition nous retrace la vie d’Ernest Renan depuis son enfance bretonne, sa jeunesse cléricale, jusqu’à la conquête de la notoriété, son mariage, ses travaux, ses relations avec les hommes de science.

Il écrivit de nombreux ouvrages dont :

  • . L’avenir de la science (1849)
  • . Essais de morale et de critique (1859)
  • . La vie de Jésus (1863)
  • . L’Anté-Christ (1873)
  • . L’histoire du peuple d’israél (1887)
  • . L’avenir de la science (1890).

 

FICHE DE SORTIE

LE MUSÉE DE LA VIE ROMANTIQUE

OU

LA MAISON PEUPLÉE D’OMBRES

« Nouvelle-Athènes », c’est le nom donné par un journaliste du « Journal des Débats » à un lotissement entrepris au début du XIXème siècle sur les pentes du quartier Saint-Georges où choisit de vivre une colonie d’écrivains, d’acteurs, de musiciens et de peintres qui formèrent l’élite du mouvement romantique parisien.

C’est dans l’une de ces demeures, au 16 de la rue Chaptal, que les frères Scheffer installèrent leurs ateliers.

Ary Scheffer –

Il y organisait ses vendredis, fréquentés par les plus grands noms des arts et des lettres de son époque : Ingres, Béranger, Delacroix, Tourgueniev, Liszt, Chopin, George Sand, Lamartine, Lamennais. Ce cénacle avait accueilli avec joie la révolution de 1830 et faisait figure de temple à penser.

En 1828, les idées et le personnel politique avaient changé, les _maîtres de maison ne recevaient plus qu’un petit cercle. C’est là qu’Augustin Thierry amena un jour Ernest Renan.

Ernest Renan –

Après le séminaire breton de Tréguier, après Saint-Nicolas du Chardonnet, un jour d’octobre 1845, Ernest Renan avait descendu « pour ne plus jamais le remonter en soutane » les marches de Saint-Sulpice, aidé des 1 200 francs que sa sœur Henriette lui avait envoyés. Ces 1 200 francs ont été « la pierre angulaire de ma vie, je ne les ai jamais épuisés, mais il me donnèrent la tranquillité d’esprit nécessaire ».

Le 16, rue Chaptal fut pour Renan la maison familiale, il y rencontra Cornélia, la nièce d’Ary Scheffer. Celle qui devint ensuite sa femme racontait l’impression du premier jour où elle le vit : « il n’était pas beau, mais gauche, timide. Il parla et les yeux devinrent merveilleux, la voix modulée déroula la magie ».

Voici ce qu’écrivait sa fille Noémi en 1942, lors de son quatre-vingtième anniversaire :

« Oui, il y a 75 ans, j’étais une petite fille, pas trop jolie, parlant peu et prodigieusement entêtée. Je passais mes journées sur le tapis entre les pieds de la table Empire où papa travaillait ; là je voyais ses pieds croisés et ses gros chaussons de Strasbourg qui me paraissaient un signe de sérieux et de sécurité… Un soleil lumineux me pénétrait et je commençais cette passion qui a soutenu ma vie ».

Le musée de la Vie romantique présente aussi_un ensemble de documents se rapportant à la vie et à l’oeuvre de George Sand.

George Sand –

Lorsqu’elle habitait rue Pigalle et le Square d’Orléans, elle fréquentait le cercle du 16 rue Chaptal.

Les souvenirs de la romancière sont réunis dans un musée d’ambiance à l’timage d’un salon parisien du milieu du XIXème siècle où George Sand se reconnaîtrait sans peine, comme, dans !’Atelier d’Ary Scheffer inchangé, Renan se reconnaîtrait aussi.

Monique Broutin

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