LES TRESORS CACHES DES EGLISES – Visite du Jeudi 27 février 1997

Thèmes: Atr, Histoire                                                                                                                             Sortie – Visites du jeudi 27 février 1997

LES TRESORS CACHES DES EGLISES

Fiche de visite par Madeleine Netter –

–      La sortie d’aujourd’hui, à travers la visite de six églises parisiennes, va nous permettre de découvrir un patrimoine où art et foi sont intimement liés. C’est indiscutablement sous le règne de Louis XIV que le paysage parisien a été le plus modifié. La croissance de la ville a entraîné la création de nouvelles paroisses, mais aussi la reconstruction d’anciennes églises. En art religieux, les 17ème et 18ème siècles sont très importants pour leurs travaux de décoration. Les églises parisiennes deviennent des lieux privilégiés pour les tombeaux de personnalités diverses : artistes, grands seigneurs, ministres, chefs d’armées ou simple bourgeois, etc. La boiserie joue un rôle très important dans le décor des sanctuaires, stalles et bancs d’oeuvre. Les peintres spécialisés dans les tableaux d’église vont s’illustrer dans la décoration murale.

Nous commençons notre circuit par Saint-Nicolas du Chardonnet, rue des Bernardins dans le Sème arrondissement. Sa construction débute en 1656, pour remplacer une vieille église médiévale. Cette église n’a été réellement achevée qu’en 1734, avec une façade de style classique, par l’architecte Claude Halley. Le buffet d’orgue provient de l’ancienne église des Saints-Innocents fermée en 1787. Les bas-côtés et les chapelles sont ornés de nombreuses peintures d’inspiration religieuse de l’école française du 18ème siècle. Dans les chapelles, on remarquera le monument de Jérôme Bignon (garde de la bibliothèque du roi) par Girardon, le tombeau de la mère de Le Brun sur des dessins de Le Brun, un monument de Le Brun et de sa femme par Coysevox. Charles Le Brun, paroissien de Saint-Nicolas aurait dessiné la façade latérale de l’église, sur la rue des Bernardins.

Nous continuons vers une deuxième étape : Saint-Paul, Saint-Louis, rue Saint-Antoine. Commencée au début du 17ème siècle, trois architectes de la Compagnie de Jésus participent à la construction. L’église était connue pour la richesse de son mobilier et de ses oeuvres d’art, dispersées par la suite quand les Jésuites furent proscrits du royaume (1762). Les plus grands prédicateurs illustrèrent la chaire : Bossuet, Bourdaloue… De 1792 à 1871, l’église a subi de nombreuses modifications A l’entrée ou remarquera deux grands bénitiers en forme de coquillage offerts par Victor Hugo. Le dôme sera la premier à Paris de cette importance. Par la suite seront élevés les dômes de la Sorbonne, du Val de Grâce et des Invalides.

Notre-Dame des Victoires, place des Petits-Pères dans le 2ème arrondissement : Les « Petits Pères » étaient le nom donné familièrement aux Augustins déchaussés qui avaient en ce lieu leur couvent avant la Révolution. Commencée en 1629, elle n’est terminée qu’en 1740 avec de nombreuses interruptions. La dédicace à Notre-Dame des Victoires fait allusion à la prise de La Rochelle (1628) par Richelieu. De nombreux ex-voto tapissent murs et piliers. Les boiseries accompagnent les grandes toiles de Van Loo : sept tableaux exécutés pour cet emplacement même (baptême, sacre, mort, translation des reliques de Saint-Augustin, etc.). Cet ensemble est un des chefs-d’oeuvre de l’art religieux du

18ème siècle. Dans une chapelle se trouve le tombeau de J.B. Lulli avec son buste par Collégnon.

Saint-Roch, rue Saint-Honoré : c’est sans doute l’une des plus grandes églises de Paris et l’une des plus riches en peintures et monuments sculptés. Saint-Roch est un musée de l’art religieux des 18ème et 19ème siècles. Elle abrite un grand nombre d’oeuvres d’art provenant d’édifices disparus : couvent des Feuillants, des Jacobins, des Capucines, de Saint-Jean de Grève. Nombreux sont les paroissiens illustres inhumés à Saint-Roch : Corneille, Le Nôtre, Diderot, l’abbé de l’Épée, etc. La construction de Saint-Roch se signale par un effort de nouveauté dans son plan. Commencée en 1653, elle sera terminée vers 1760. On compare ce plan à une succession théâtrale qui semble vouloir donner à l’église la distribution mystérieuse des petits appartements de l’époque. De nombreuses chapelles abritent des tombeaux d’hommes célèbres. A l’entrée du choeur, à gauche, on remarquera une belle statue du « Christ au jardin des oliviers », oeuvre d’Étienne Falconnet.

Sainte-Marie-Madeleine, place de la Madeleine : Nous sommes devant un des monuments les plus célèbres de Paris avec son singulier caractère de temple antique entouré de colonnes Corinthiennes. La première pierre fut posée en 1764. L’édifice en chantier a reçu des destinations diverses. La consécration de ce monument en église date de 1845. La décoration intérieure est riche de peintures, sculptures. On peut voir « Le baptême du Christ » un des chefs-d’oeuvre de Rude.

Nous allons terminer notre circuit par Saint-Germain l’Auxerrois. L’existence, de ce sanctuaire remonte sans doute à l’époque mérovingienne mais a subi par la suite de nombreux remaniements. La façade se compose d’un beau porche flamboyant (1435-1439). C’est le seul porche gothique à Paris, avec celui de la Sainte Chapelle. Au 18ème siècle, le clergé s’efforce de mettre les églises gothiques au goût du jour. Ainsi les piliers du choeur deviennent des colonnes cannelées dans le goût antique. De belles grilles en fer forgé et ciselé ferment le choeur. Cette église est restée ornée de belles oeuvres d’art : bénitiers en marbre blanc, buffet d’orgue provenant de la Sainte-Chapelle, banc d’oeuvre monumental dessiné par Le Brun et exécuté pour la famille royale (1684). A l’entrée du choeur « Saint-Germain d’Auxerre » assis (fin du 15ème siècle) exemple assez rare de statue gothique en bois encore en place dans une église parisienne. On remarquera de très beaux vitraux du XVIème siècle. Pour mémoire, rappelons que c’est du clocher de Saint-Germain l’Auxerrois, que dans la nuit du 24 août 1572, partit le signal de la Saint-Barthélemy. Dans cette église du Louvre, paroisse des rois de France, un grand nombre d’artistes sont inhumés : Le Vau, Soufflot, Coysevox, Boucher, Van Loo, Chardin, etc… et le petit poète Malherbe.

Compte-rendu de la visite par Emile Brichard –

L’après-midi s’annonçait difficile ! Six monuments, six églises du coeur de Paris nous attendaient et tout de suite une double question se posait : quel était le fil conducteur qui reliait ces monuments et quelle était la raison de ce choix, alors que sur le même parcours, dans les mêmes vieux arrondissements, nous allions laisser au moins autant d’églises qui seraient alors réservées pour une autre visite.

Le fil rouge s’est rapidement révélé, c’est essentiellement l’art religieux aux XVIIème et XVIIIème siècles : les églises Saint-Nicolas du Chardonnet, Saint-Louis et Saint-Paul, Notre-Dame des Victoires et Saint-Roch, toutes filles de Louis XIII et de Louis XIV. Elles seraient encadrées d’une représentation du gothique flamboyant de la fin de la guerre de Cent Ans : Saint-Germain l’Auxerrois et d’un temple antique voulu par Napoléon ler, sur une ancienne église à la gloire de Sainte-Marie-Madeleine, couramment appelé depuis « La Madeleine ».

Et pourquoi celles-ci et pas d’autres ? Parce que nous les trouvons intimement mêlées à des événements marquants de l’histoire nationale puisque la Saint-Barthélémy, les ;débuts de Bonaparte, la gloire du sacre de Napoléon 1 er, elles se trouvent mêlées à l’histoire et aux préoccupations nationales.

Nous verrons aussi que par les analyses qui ont été faites de leur architecture, elles se trouvent impliquées dans des querelles de mode entre les différentes écoles architecturales.

Nous verrons donc dans l’ordre touristique :

  • Saint-Nicolas du Chardonnet, oubliant son origine d’un clos de chardons
  • Saint-Paul et Saint-Louis de « ce style dit jésuite que nous ne pouvons pas nous résigner à trouver beau » (Paris Atlas 1900)
  • Saint-Roch : « Elle est du même style que la plupart des églises du XVIIème siècle et ce n’est pas pour nous émerveiller » (id.)
  • La Madeleine « à l’architecture si peu usitée pour des églises catholiques » (id.)

Et si nous avions fait le même parcours sans nous arrêter dans les églises, quelle vaste leçon d’histoire nous aurions reçue de la Grande Histoire à la plus quotidienne comme celle du vieux « P.O. » (initiales de Paris-Orléans) sur le Musée d’Orsay jusqu’aux frontons « École de Filles » (ou de Garçons) périmées depuis les glorieuses journées de Mai 1968 en passant par les plaques de rues émaillées qui recouvrent les anciennes inscriptions gravées dans la pierre, rue des Petits-Champs par exemple ou rue Vide-Gousset qui donne une précieuse indication sur les problèmes de sécurité de l’époque.

Leçon d’histoire éclairée au retour par la beauté du coucher de soleil derrière la Tour Eiffel, spectacle qui ne peut se voir que quelques jours par an, comme nous avions pu admirer quelques instants plus tôt les jeux de lumière sur la façade de Saint-Germain l’Auxerrois et sur les toits et tourelles des bâtiments jouxtant le Louvre. Cette richesse parisienne nous accompagna jusqu’à Garches puisqu’à Montretout nous pûmes encore contempler Paris dans sa splendeur vespérale.

Nous commençons donc par Saint-Nicolas du Chardonnet mais la conférencière ne nous indique pas un commentaire qui date de l’exposition de 1900. Il n’est guère flatteur : « Une abside sur le boulevard Saint-Germain a le grand tort de dater du XVIIème siècle, elle en porte le cachet…, elle a aussi un autre tort, celui d’être privé de façade ». Il est vrai cependant que la suite de la visite revalorise l’ensemble par l’intérêt que lui porta Charles Lebrun tant à la construction qu’à la décoration à laquelle il travailla pendant près de trente ans de 1662 à 1690. Il est vrai aussi qu’il était paroissien de Saint-Nicolas et que sa mère et lui-même y furent enterrés. On n’est donc pas étonné de voir ses tableaux mais on est plus surpris de voir un Corot, le baptême du Christ.

Nous continuons par Saint-Paul et Saint-Louis dans le quartier du Marais et là aussi, retenons le massacre des guides 1900 : « Si l’édifice à l’intérieur ne manque pas de majesté, sa façade… (voir le jugement précédent) ». Oublions les querelles de style, elles sont de toutes les époques. L’ensemble est très lumineux, les ornements sont répandus à profusion, les cérémonies religieuses faisaient assaut de luxe. Il est vrai que les paroissiens et officiants célèbres étaient présents, Madame de Sévigné venait de ce qui est l’hôtel Carnavalet, Victor Hugo de la place des Vosges. L’une se plaignait de la sévérité et de la longueur des prêches de… Bourdaloue et l’autre offrit en son temps, à l’occasion du baptême de son fils, les deux bénitiers que l’on voit encore à l’entrée de la nef

A Notre-Dame de la Victoire nous restons avec Louis XIII et les jésuites. La victoire est celle de la Prise de la Rochelle en 1628 sur les protestants et la flotte anglaise venue les secourir. On retrouve sur la façade la succession des ordres grecs, le dorien, l’ionique et le corinthien. L’église eut une histoire mouvementée, elle ne fut terminée qu’un siècle après le début de la construction. Son histoire ne fut pas toujours religieuse puisque la Bourse s’y installa de 1795 à 1809. Elle devint enfin au XIXème siècle le but d’un pèlerinage très fréquenté qui est la source des innombrables ex-voto qui tapissent les murs de l’édifice. Ce sera au cours de notre visite, l’église qui laissera la plus profonde empreinte par l’atmosphère recueillie qui se dégage de l’attitude des nombreuses personnes méditant ou priant sous ses voûtes.

La « petite histoire » nous rejoint à la sortie puisque la rue Vide-Gousset témoigne de problèmes de sécurité qui ont longtemps existé dans le Paris médiéval ou classique.

Saint-Roch reste incluse dans les grandes dates du style jésuite puisque fondée en 1653, elle fut consacrée en 1740. Elle participa aussi aux grandes dates et aux événements de l’histoire puisqu’on y trouve les tombeaux des amiraux de Grasse et Dugay-Trouin ainsi que les monuments aux grands hommes, l’abbé de l’Épée (les sourds-muets) et Bossuet par de grands artistes, Coustou et Coysevox.

Nous quittons alors le style jésuite, conservant le souvenir des coupoles et des dômes dont les Invalides, le Val de Grâce et le Panthéon représenteront au siècle suivant les plus parfaites illustrations, mais nous ne quitterons pas le parvis sans un souvenir à un jeune général qui dispersa sur les marches la dernière manifestation royaliste contre la Convention. Un bel avenir l’attendait : il s’agissait du jeune Bonaparte et nous n’étions qu’en 1795.

Nous abordons une histoire et un style totalement différents à l’église Marie-Madeleine de la Ville l’Évêque, plus connue des Parisiens, des artistes et du monde politique sous le nom de « La Madeleine ». Pourquoi, Parisiens, artistes et hommes politiques ? Parce que le site et l’architecture se prêtent merveilleusement aux cérémonies mi-religieuses, mi-mondaines qui déplacent les foules. Elle mérite pourtant une plus longue attention. L’évêché de Paris possédait cette région des faubourgs de Paris. Il y- avaitune forme avec de vastes dépendances et cultures et dès le 13ème siècle, une paroisse, donc une église fut jugée nécessaire pour les colons et laboureurs de la ferme. De vétusté, destructions et reconstructions diverses, la construction d’une quatrième église fut décidée dont la première pierre fut posée en 1764 par Louis XV. Dès lors commence une invraisemblable succession de péripéties — auxquelles Napoléon eut sa part — qui ne se termina qu’en 1842, date à laquelle La Madeleine fut enfin livrée au culte après avoir failli devenir en 1835 l’embarcadère de la première ligne de chemin de fer de Paris à Saint-Germain.

Non ! l’embarcadère sera finalement construit quelques centaines de mètres plus au Nord et deviendra la gare Saint-Lazare.

Comme sa voisine Saint-Roch, La Madeleine garde quelques traces des émeutes parisiennes : la plaque à la mémoire de l’abbé Deguerry exécuté à la prison de la Roquette lors de l’insurrection de la Commune en mai 18

Nous terminons cette après-midi bien employée par un témoin de l’art gothique flamboyant. Je n’aime pas beaucoup ce terme d’art « gothique », l’art des Goths, des Barbares. Comme au début de ce siècle l’art jésuite était regardé avec une certaine condescendance, le style ogival avait traversé aussi sa période de désaveu. J’en veux pour preuve mon fameux « Plan Turgot » (1731) sur lequel les graveurs de l’époque ont « gommé » quelques clochers qu’ils jugeaient trop encombrants. Je cite : « On abhorrait en 1736 le style ogival et le plus chétif graveur daignait par pitié rectifier un peu ce genre barbare », donc tout espoir n’est pas perdu d’assister encore à telles ou telles rectifications.

Mais nous ne tenons pas à la moindre rectification pour cet ensemble unique que forment en bord de Seine le gothique de Saint-Germain l’Auxerrois et le classique de la colonnade du Louvre. Dans la lumière du soleil couchant évoqué au début de mon propos, dans celle doublement intérieure dispensée par les vitraux, nous avons, chacun à sa façon, su sentir ce que cette ville, cet art et cette histoire avaient à la fois d’unique et de permanent. Il faudra que les générations à venir assurent cette succession…

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