LES DESSOUS DE LA PYRAMIDE DU LOUVRE DU CHÂTEAU DE PHILIPPE AUGUSTE

Thèmes: Arts, Histoire, Société                                     Visites des 15 et 16 novembre 1989

LES DESSOUS DE LA PYRAMIDE DU LOUVRE

DU CHÂTEAU DE PHILIPPE AUGUSTE

AUX SUB-STRUCTURES DU MUSÉE CONTEMPORAIN

Mercredi 15 novembre et jeudi 16 novembre 1989

Au mois de novembre, environ 200 membres du C.D.I. ont visite le musée du Louvre, sous la conduite de nombreuses conférencières.

En plein milieu de la cour Napoléon, la pyramide se dresse, entourée de 3 façades et quatre siècles d’art. Elle ne couvre que 1 250 m2 soit 1/16 des 2 ha de la cour Napoléon et mesure 21,65 m de haut sur 35,40 m de côté.

Conçue par |’Architecte sino-américain Ieoh Ming Pei, la pyramide est l’entrée principale du Grand Louvre.

Ce chapiteau de verre coiffe et éclaire sur deux niveaux un hall d’accueil en sous-sol de 56 000 m2.

La visite

Notre visite est consacrée à l’histoire du Louvre. À travers des maquettes et des œuvres originales relatives au musée, l’exposition retrace l’évolution du palais et du musée.

Des salles préparent la visite du Louvre médiéval situé sous la cour Carrée, avec la crypte archéologique, les douves et le donjon de Philippe-Auguste. Dans la salle Saint-Louis sont exposés divers objets provenant des fouilles parmi lesquels les fragments du casque de parade de Charles VI, reconstitué.

 

Le Louvre trouve ses origines, il y a presque huit siècles, sous le règne de Philippe-Auguste. Celui-ci décide la construction d’une place forte au Nord de Paris. La capitale regroupe alors deux quartiers principaux, la Cité (les Îles) et l’Université (rive gauche). Ville en expansion, Paris doit être protégée par une tête de pont fortifiée sur la rive droite, au lieu-dit « Lupara » (qui deviendra Louvre). Des fossés sont creusés, des murailles et chemins de ronde édifiés, un château fort est construit dont subsistent aujourd’hui des vestiges importants sous la cour Carrée, notamment le donjon de 30 m de haut.

Après que Saint-Louis ait réalisé une grande salle au château, on aménage et agrandit les bâtiments existants dans les années 1360.

Le roi Charles V, y installe en outre sa bibliothèque ; la place forte du Louvre devient résidence royale même si le palais de la Cité demeure la résidence officielle. Les rois, jusqu’à l’époque d’Henri II, n’y séjourneront qu’irrégulièrement. Mais le Royaume est encore fragile. Tellement vulnérable, que le Louvre capétien voit son développement stoppé par la guerre de Cent Ans. Pour marquer leur domination, les Anglais occupent Paris. Henri V (Roi d’Angleterre) réside au Louvre.

Cette parenthèse se poursuivra avec la désaffection des Valois pour Paris, et leur passion pour la Vallée de la Loire. Ainsi, au XVème siècle, le château du Louvre sert-il d’entrepôt d’armes et d’artillerie, et de siège pour certaines administrations royales. Pour leurs séjours à Paris, les rois de France préfèrent résider à l’Hôtel des Tournelles, plus agréable et moins austère.

Les impératifs de défense et de sécurité étant moindres, François 1er fait raser la « Grosse Tour », et combler les fossés (que l’on a fouillés pour dégager la base du donjon). François 1er n’a plus besoin de ces signes de féodalité, sa légitimité et sa souveraineté ne sont plus contestées. Le roi-mécène opte pour un parti résolument nouveau et désigne un architecte français, Pierre Lescot, ami de Ronsard, pour édifier le Louvre, et Jean Goujon pour décorer un palais digne d’un roi grand amateur d’art. D’inspiration italienne, le palais offre à l’Est, un accès qui devient l’entrée principale ; les appartements royaux, installés du côté Seine, profitent d’un site remarquablement exposé.

Maquette du Louvre en 1572

La plupart des tours médiévales en bordure du fleuve sont rasées. L’ensemble a une ordonnance classique, les croisées sont agrandies, les vitres peintes ; de nombreux appartements sont aménagés pour loger une cour de plus en plus importante, une cour proche et dépendante de son souverain. Cette ambitieuse restructuration, rompant avec le Moyen-Âge, est poursuivie, après le décès de François 1er, par Henri II et Lescot. La partie occidentale du palais est réaménagée, elle donnera naissance à la cour Carrée. Les Valois assurent donc la continuité de ce projet en aménageant la « Petite Galerie ».

Le Louvre va connaître une extension vers l’Ouest avec l’épouse d’Henri II, Catherine de Médicis, qui commande à Philibert Delorme et à Jean Bullant un nouveau château au lieu-dit « Les Tuileries ». Un pavillon central et deux galeries sont élevés.

1610, le corps du roi Henri IV, assassiné, est rapporté dans la « Galerie au bord de l’eau » (la Grande Galerie actuelle) qui relie la cour Carrée au château des Tuileries. Sa veuve, Marie de Médicis, boudera désormais le Louvre, se faisant construire le palais du Luxembourg (actuel Sénat) sur la rive gauche.

Le Louvre à vrai dire, ne passionne pas Louis XIII, et à son décès, Anne d’Autriche préfère partir s’installer au palais du cardinal « le Palais Royal », légué par Richelieu.

Lors de la Fronde, elle en est délogée brusquement avec le futur Louis XIV. Celui-ci, marqué par cet épisode, engage à partir de 1652, l’architecte Lemercier qui avait élevé trente ans plus tôt le pavillon de l’Horloge (aujourd’hui pavillon Sully), les peintres Lebrun et Le Sueur pour décorer les appartements de la Reine. Le Vau et les Vigarani réalisent la « Salle des Machines », en 1659. La Petite Galerie (Galerie d’Apollon) est réaménagée par Le Vau et Lebrun. Mais Colbert n’appréciait pas l’architecture du futur Institut de France (sur la rive gauche, face à la cour Carrée), aussi, pour éviter de faire travailler Le Vau, il lance un « concours d’idées » international afin de poursuivre l’extension du palais du Louvre.

Le Roi-Soleil choisira le projet d’un architecte français, par ailleurs homme de science et médecin, Claude Perrault, pour édifier à l’Est, face à Saint-Germain |’Auxerrois, une colonnade monumentale et classique. Cette disgrâce de Le Vau n’est que passagère et parisienne, puisqu’il va devenir le maître d’œuvre d’un projet autrement ambitieux : Versailles, qui constituera un peu sa revanche sur l’échec du Louvre.

En 1662, un « carrousel » est donné entre le Louvre et les Tuileries par Louis XIV à l’occasion de la naissance du Grand Dauphin. Cette grande parade donnera son nom à la place./

Pendant plus d’un siècle toutefois, la cour, le roi et son gouvernement résideront à Versailles. Le Louvre, dont les jardins ont été redessinés par Le Nôtre, délaissé, reste inachevé, toujours en chantier ; de nombreux bâtiments ne sont même pas couverts. De plus, il est abandonné aux magasins du roi et à des administrations peu scrupuleuses ni respectueuses du lieu. L’Académie Royale des Sciences se voit même concéder en 1699 l’appartement du roi ! Les rez-de-chaussée sont quant à eux envahis par les ateliers d’artistes, des artistes tolérés depuis Henri IV ; les abords sont encombrés de multiples baraques.

En raison de cet abandon et de la dégradation, on charge Gabriel et Soufflot, de restaurer la Colonnade et de la dégager des bâtiments parasites. C’est dans un Louvre toujours en chantier que les Parisiens ramènent la famille royale sous la Révolution.

En 1793, en application du décret de la Convention, sont détruits au Louvre et aux Tuileries les attributs de la royauté. Le palais appartient désormais au peuple.

C’est la Convention qui décide du changement de fonction de cet ensemble royal : qu’il revienne au peuple, que les collections royales de peinture soient dès lors ouvertes au plus grand nombre et qu’il devienne un musée. Le musée du Louvre est officiellement ouvert en 1793.

Le XIXème siècle constitue la dernière grande étape architecturale du Louvre.

Le Premier Empire complète le grand quadrilatère, Percier et Fontaine construisent l’aile Nord symétrique de la Grande Galerie, l’Arc de Triomphe du Carrousel et réaménagent le Palais des Tuileries.

Le Second Empire entreprend d’achever ce rêve pluriséculaire du grand Louvre en reliant le vieux Louvre et les Tuileries. Haussmann ayant fait démolir totalement le quartier situé entre les deux palais, Visconti et Lefuel peuvent édifier les bâtiments de part et d’autre de la cour Napoléon : le pavillon de Rohan et les bâtiments de la place du Palais-Royal, le pavillon de la Trémoille, le triple guichet du Carrousel et de la salle de session.

C’est à cette époque qu’est établie une verrière dans la voûte de la Grande Galerie et que sont aménagés les appartements du duc de Morny.

1867, le Louvre reçoit la visite des empereurs d’Autriche et de Russie, des rois de Prusse, d’Italie et de Suède A l’occasion de l’Exposition universelle.

Alors que ce grand dessein semblait enfin accompli, la Commune incendie les Tuileries en 1871. Elles sont démolies dix ans plus tard sur ordre de l’Assemblée Nationale. L’unité de l’ensemble paraît irrémédiablement perdue. Or, du même coup, s’affirmait une formidable perspective, ouvrant le Louvre vers l’extérieur, une perspective filant d’Est en Ouest vers la Concorde et l’Étoile./

L’époque contemporaine allait renouer avec |’orientation prise par la Convention, profiter de ce formidable lieu de mémoire à des fins muséographiques. Elle vient d’y créer l’entrée principale d’un vaste ensemble de bâtiments long de près d’un kilomètre.

Le Louvre, surtout un irremplaçable « lieu de mémoire ».

L’apport de la Pyramide –

Sur le parvis de Notre-Dame, elle aurait symbolisé le kilomètre zéro, le point de départ des routes nationales, ici elle symbolise, en ouvrant le Grand Louvre, le cœur de notre culture et celui de notre histoire. Elle témoigne de la pérennité de I’ancrage de la monarchie capétienne dans la terre francilienne. Les Tours de Philippe Auguste le démontrent physiquement, autant que du caractère fugitif des nuages du ciel de Paris que ses vitres reflètent et rendent plus vivants, plus proches de Corot ou de Pissaro.

Le Louvre, monument de synthèse, de refuge, de legs –

Ainsi saisi dans son caractère de pérennité globale, dans son rôle de « témoin » au sens sportif du terme (ce qui est à transmettre), nous comprenons mieux que la succession anecdotique des règnes et des styles est sous-tendue par un inconscient collectif.

Quelques exemples montreront que bien plus que tout autre château, le Louvre a surpassé son rôle classique de résidence royale.

Les châteaux de la Loire traduisent l’errance et la versatilité de leurs constructeurs ; Fontainebleau n’est guère qu’une Folie Royale, on y séjourne, on n’y gouverne pas. La preuve ? même quand en 1685, Louis XIV signe l’Édit de Fontainebleau, celui-ci passe dans l’histoire sous le nom de « Révocation de l’Édit de Nantes » ; Versailles, malgré tous les efforts faits aux XIXème et XXème siècles pour sauvegarder le souvenir du Grand Siècle, reste aussi le symbole d’un régime détesté.

Mais le Louvre lui, est l’œuvre de tous et très tôt pour tous. Des 1200, Philippe Auguste lui confère son triple rôle de Fort, de Réserve, de Prison. Il reçoit, au retour de Bouvines — première victoire nationale où les milices communales ont repoussé l’envahisseur avec l’armée royale —  les vainqueurs et le prisonnier.

Charles V, au temps de la Guerre de Cent Ans, ajoute à ce rôle une nouvelle vocation qui ne se démentira plus : la vocation culturelle. Il installe dans une tour sa librairie, embryon de ce qui deviendra notre Bibliothèque Nationale.

Le rôle des Valois s’inscrit dans cette triple continuité, dynastique, artistique, culturelle, continuité qui apparaît peu à peu comme se construit un puzzle./

Le Louvre de François 1er (Pierre Lescot) n’a rien de commun avec les « lointaines Tuileries » de Catherine de Médicis (Philibert de l’Orme), mais Henri IV aura la vision de l’ensemble, et par sa Galerie de Bord de l’Eau, réunira les deux édifices. Interrompu par Ravaillac — à quelques cent mètres du Louvre — son « grand dessein » sera repris au cours des siècles par ses successeurs.

Pendant que Louis XIV, Louis XV vivront à Versailles, le Louvre, qui n’a pourtant pas été abandonné, et la Colonnade de Perrault en témoigne, continue à jouer un rôle culturel. C’est une cité d’écrivains et d’artistes et Pierre Corneille lui-même, sollicité par Louis XIV a le privilège d’être hébergé au Louvre, les Plans-Reliefs des fortifications de Vauban y avaient trouvé asile et même l’Académie française y tint un temps ses séances… pendant que les collections royales s’enrichissaient au fil des emplettes… ou des conquêtes.

Louis Philippe et Napoléon III achevèrent la partie architecturale et donnèrent aux bâtiments leur aspect actuel auquel notre œil est habitué… mais l’apparition d’une locomotive sur un des frontons classiques du Palais a dû à l’époque en choquer plus d’un. Il est vrai que la gare d’Orsay s’était édifiée en face.

Il appartenait aux Républiques d’insister sur le caractère actuel de ce qui devient le Grand Louvre : un refuge des valeurs culturelles de notre civilisation et de celles qui nous formèrent et la protection du legs des générations dans ce qu’il a à la fois de plus durable et de plus prometteur.

La Pyramide en facilite grandement l’accès et la compréhension, cela est sûr, ajoute-t-elle à l’aspect esthétique de l’ensemble ? ce ne sont jamais les contemporains qui jugent.

 

Fragments du casque de Charles VI et sa réplique obtenue par galvanoplastie.

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