GUSTAVE COURBET

Thème : ARTS                                                                                                                                                                                Mardi 8 Janvier 2008

Gustave Courbet

Par Louis Valensi – Ancien conservateur des Musées de France

« L’art est essentiellement individuel », déclara un jour Gustave Courbet (1819-1877). Qu’il s’agisse de peindre, d’enseigner (ce qu’il refusa toujours de faire) et même de mourir, Gustave Courbet fut toujours un homme profondément indépendant. Il n’a appartenu à aucun régime, sauf celui de la liberté, et refusa même la légion d’honneur que devait lui remettre l’empereur Napoléon III.

Salué pour son « Après-midi à Ornans » pour lequel il reçut la médaille d’or au Salon de 1849, il marqua une rupture brutale deux ans plus tard avec ses « Casseurs de pierre » et « L’enterrement à Ornans ». Grande figure de la peinture réaliste, il montra pour la première fois des pauvres au travail. Refusé de l’exposition universelle de 1855 où furent présentées 2 500  œuvres et qui  fit la part belle à Ingres et Delacroix, Courbet-le-contestataire installa un « pavillon du réalisme » à deux pas de là, avenue Montaigne. Il y présenta « L’atelier de l’artiste », une toile immense (3,59 m x 5,98 m) qui reprenait le format des tableaux d’histoire pour affirmer un manifeste personnel au sujet très actuel. Dans cette œuvre absolument capitale, il se présente comme Saint Michel jugeant la société contemporaine.

Le goût de Courbet pour le réalisme

En 1851, Théophile Gautier écrit de Courbet qu’il « dépense beaucoup de talent pour montrer le monde en laid ». Peintre du labeur qui s’affirma sur des toiles de grand format, Courbet connaît des débuts modestes, suivis d’un triomphe précoce mais sans lendemain et de nombreuses attaques qui auraient pu l’atteindre.

Né à Ornans (Doubs), il est issu d’une famille de propriétaires terriens. Envoyé au collège royal de Besançon, il  du mal à supporter la vie spartiate et, plus encore, le déracinement. Sa correspondance trahit la nostalgie de son village. Il abandonne son collège et part à Paris étudier les Beaux-Arts. Il se lie avec Charles Baudelaire (dont il fait le portrait) et obtient le soutien de Jules Champfleury, célèbre critique qui s’est forgé une réputation de découvreur dans le monde des arts. Comme beaucoup d’artistes en devenir, Courbet s’essaie à tous les genres. Travailleur acharné, nourri de Rembrandt et de Ribera, il passe beaucoup de temps au musée du Luxembourg à copier des tableaux. Après une décennie d’insuccès, il obtient subitement la reconnaissance avec « L’après-midi à Ornans ». Cette scène privée, portée à l’échelle de la peinture d’histoire, obtient la médaille d’or au Salon de 1849. Ingres lui-même, bien que trouvant le genre « dangereux », rend hommage à sa qualité picturale.

Alors que cette médaille doit lui ouvrir automatiquement les portes des Salons, Courbet est très vite vilipendé et ses œuvres rejetées. En 1850, « Les casseurs de pierre » est taxé de « caricature vulgaire et impie » par un critique, d’ « imitation servile de ce que la nature offre de moins élevé » par un autre. La même année, « L’enterrement à Ornans » provoque un scandale. Cette œuvre monumentale (3,15 m x 6,68 m) présente une scène d’enterrement avec quarante-sept personnages dans un lieu parfaitement identifiable. Les critiques sont outrés de voir une si grande toile traiter d’un sujet si anecdotique, qui glorifie monsieur-tout-le-monde tout en banalisant le thème classique de la mort. C’est un crime de lèse-majesté contre le beau idéal. Dans le même esprit, ses « Baigneuses » aux formes très généreuses sont très éloignées du beau idéal  tel qu’on peut le voir dans la « Vénus » de Cabanel.

Une rare complaisance à soi-même

« Je suis l’homme le plus fier et le plus orgueilleux de France » disait Courbet, dont la vanité est clairement assumée dans sa correspondance à ses parents. Il a un goût très prononcé de l’autoportrait. Il se met en scène à vingt-deux reprises, et l’on est frappé par la qualité de l’exécution et la théâtralité de ces portraits, que ce soit « Le Désespéré », « L’autoportrait au chien noir » où il se présente vu d’en dessous avec un regard de défi, ou encore « Bonjour, monsieur Courbet » dans lequel Bruyas (son ami banquier) s’incline devant le génie de Courbet, venu à sa rencontre, toile qui excite la verve du critique E. About.

Gustave est un excellent portraitiste, il a peint des personnes de son entourage. Il a aussi peint de nombreuses femmes mais, alors que l’iconographie du XIXe siècle ne devait pas laisser transpirer l’éveil des sens, Courbet s’inscrit de façon particulière dans l’histoire du nu. Il peint des femmes sensuelles, opulentes, à l’esthétique proche de Rubens, et va jusqu’à faire une galerie de dix nus. C’est justement grâce à un portrait de femme nue qu’il obtient son deuxième succès au Salon, en1867, avec « La femme au perroquet ». Si les jurés du Salon ont apprécié cette mise en place qui rappelle le genre des nus académiques, Zola reproche à Courbet d’avoir fait « joli ». Cette fois, la critique se déplace chez les amis.

Courbet, peintre de la nature

A partir de 1849, les paysages prennent une place prédominante dans sa production. Il a séjourné quelques mois en forêt de Fontainebleau mais, contrairement à ses confrères installés à Barbizon, il est intéressé avant tout par la grandeur cosmique du sujet.  Son enracinement provincial se trouve justifié dans son œuvre paysagiste. « Pour peindre un pays, il faut le connaître » disait-il. Courbet est le peintre du Jura. Très attaché à Ornans, il a laissé plusieurs vues de son village. A chaque fois, il porte un soin particulier à la construction et aux volumes, bien plus qu’à la lumière. Que ce soit dans « Le château d’Ornans » ou « La source », le cadrage est insolite, donnant la primauté aux rochers. Avec « La curée », qui représente une scène de chasse, il invente un nouveau type de tableau d’histoire. Son « Rut de printemps » qui montre la pulsion animale dans la nature puissante est son troisième succès au Salon. Courbet est aussi le peintre de la mer. Dans sa représentation de la falaise d’Etretat, il montre à nouveau la force de la roche par rapport à la petitesse de la présence humaine.

Courbet apparaît comme un novateur sous le IIe empire. Son réalisme est en fait la définition d’un nouveau modernisme. Il a su faire un témoignage éternel de beauté d’une iconographie provinciale. Il a imposé une vision personnelle des réalités contemporaines. Sa technique est à l’opposé de la peinture académique car il n’hésite pas à utiliser le couteau pour apporter du relief. Persuadé d’appartenir à une école de peinture mettant en valeur l’effort humain, Courbet fera quelques émules parmi ses contemporains.

Mais c’est en peintre maudit qu’il finit sa vie. Certes, il est célèbre, mais davantage pour ses scandales que pour ses œuvres. Il est moqué, caricaturé. La Commune sonne comme un coup de grâce. Proche des idées républicaines, il est élu au Conseil de la Commune du VIe arrondissement. Il s’efforce de préserver le patrimoine. On le sait peu mais c’est grâce à lui que le musée de la céramique de Sèvres a évité la destruction. Pourtant, après la semaine sanglante, il est arrêté et condamné par le conseil de guerre à six mois de prison. Il doit en outre payer la reconstruction de la colonne Vendôme, détruite par les Communards et dont il avait proposé le déplacement (et non la démolition). Ruiné, il s’exile à partir de 1873 en Suisse où il continue à peindre et exposer. C’est en peintre désespéré qu’il s’éteint en 1877.

En savoir plus …

Coté Livres :

Courbet : Le Poème de la nature

Auteur : Pierre Georgel

Editeur : Gallimard

ISBN-10: 2070531325

http://www.amazon.fr/Courbet-Po%C3%A8me-nature-Pierre-Georgel/dp/2070531325

LA VIE ET L’OEUVRE DE GUSTAVE COURBET. CATALOGUE RAISONNE. TOME I. 1819-1865.

PEINTURES. TOME II. PEINTURES 1866-1877. DESSINS. SCULPTURES

Auteur : COURBET.-FERNIER

Editeur : LAUSANNE

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_Courbet

http://www.musee-courbet.com/

http://www.evene.fr/arts/actualite/retrospective-peinture-gustave-courbet-grand-palais-999.php

http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Courbet

http://www.musee-orsay.fr/fr/collections/dossier-courbet/biographie.html

Gustave Courbet : du CDI… au Grand Palais

http://www.linternaute.com/sortir/l-exposition-gustave-courbet/l-exposition-gustave-courbet.shtml

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