CRACOVIE, VILLE D’ART, D’HISTOIRE ET DE MÉMOIRE

Thèmes: Art, Histoire                                                                                                                            Conférence du mardi 18 octobre 2016

CRACOVIE, VILLE D’ART, D’HISTOIRE ET DE MÉMOIRE

Par Monsieur Zbigniew Christian SYNOWIECKI, Professeur d’histoire.

INTRODUCTION

Depuis de nombreux siècles Cracovie est une ville historique et culturelle qui a accumulé un patrimoine historique extrêmement important, ainsi la ville ne comporte pas moins de 58 églises et 30 couvents. Le parcours que nous suivrons ne peut couvrir toutes les richesses de la ville ni tous les quartiers. Par exemple nous ne détaillerons pas l’ancien quartier juif de Kazimierz, disparu pendant la seconde guerre mondiale et reconstruit. Nous suivrons donc la voie royale dans la vieille ville et nous évoquerons diverses églises, le Collegium Maius, la Grande Place du Marché et nous terminerons par la colline Wawel avec la cathédrale et le château.

I – Cracovie, une ville historique.

Cracovie apparaît pour la première fois dans les carnets d’un marchand arabe vers 966, preuve que la ville était déjà un centre important pour le commerce international. C’est une ville qui a inspiré de nombreuses légendes dont celle liée aux nombreux pigeons de la ville. On dit qu’au XIème siècle un Duc convoitait la couronne de Pologne;  il réunit donc les magnats de la ville pour rassembler des fonds mais ceux-ci refusent de financer le projet du Duc et le Pape aussi. Apparaît une sorcière qui lui promet tout l’or nécessaire s’il accepte que ses gardes soient transformés en pigeons. Le Duc accepte et part avec l’or mais au lieu de conquérir la couronne polonaise il dépense tout. Quand il se décide à rentrer, la sorcière a disparu et les gardes resteront pour l’éternité des pigeons. C’est pourquoi même de nos jours on dit que les pigeons de Cracovie sont les gardes du Duc.

Cracovie a connu des périodes de vicissitudes et de gloire. En 1357, la ville obtient une charte qui lui confère un grand pouvoir et par conséquent la ville se dote de nouveaux bâtiments et connaît un bel essor. L’université est fondée en 1364 et se développe rapidement. Cracovie est une ville marchande, artisanale et culturelle. Elle est à la Renaissance une ville cosmopolite où l’on trouve des Juifs, des Hongrois, des Allemands, des Italiens et même des Français et des Écossais. Cet aspect multiculturel transparaît dans l’architecture et dans l’art. Ainsi au XVIème siècle, le siècle d’or polonais, de nombreux peintres et artistes italiens vivaient et travaillaient à Cracovie. Au XVIIème siècle la ville est ravagée par la peste et les guerres notamment avec les Suédois qui finissent par envahir Cracovie en 1655. La seule forteresse préservée sera celle où se trouvait la Vierge noire. Par ailleurs, c’est à partir de ce moment que les Suédois reculent renforçant ainsi le sentiment religieux des Polonais. Par la suite ce sont les Russes et les Tatars qui saccagent la Pologne. Le XVIIIème siècle est un siècle difficile durant lequel le pays est partagé et Cracovie qui avait longtemps été la capitale devient une petite ville de province. Lors du partage de la Pologne en 1772 la ville de Cracovie se retrouve partagée elle aussi. Ainsi, le quartier de Kazimierz devient prussien alors que la majorité de la ville est austro-hongroise. Dans la première moitié du XIXème siècle de nombreux soulèvements ont lieu et au Congrès de Vienne, Cracovie devient une ville libre sous l’autorité conjointe de la Russie et de la Prusse. Ce ne sera qu’à la fin de la première guerre mondiale que Cracovie redevient totalement indépendante. Durant la seconde guerre mondiale la Pologne est envahie par les Allemands mais à Cracovie sera préservée car l’allemand, qui y était parlé depuis longtemps, était la langue utilisée dans l’administration. Cependant, toute l’intelligentsia a été arrêtée et une grande partie envoyée dans les camps ou tuée. Pourtant, Cracovie est l’une des rare ville qui aura plus de population à la fin de la guerre qu’au début car beaucoup de Polonais s’étaient réfugiés dans la ville. A la fin de la seconde guerre mondiale les Soviétiques font construire de nombreuses usines, la pollution devient intenable et les bâtiments noircissent considérablement. Les Soviétiques feront construire une nouvelle ville dans l’idéal communiste.

II – Promenade dans le centre historique de Cracovie.

La première implantation humaine sur l’actuelle Cracovie se trouvait sur la colline de Wawel car dans les hauteurs il était bien plus facile de se défendre. Cracovie se trouve sur un carrefour situé sur la route nord/sud reliant la Hongrie et Gdansk ville de la Hanse, et sur la route est/ouest du cuivre, métal semi-précieux au Moyen-Age. Le centre-ville de Cracovie a un plan en damier, typique du Moyen-Age.

Nous commençons par la Place Matejko où se trouve une statue commémorant la victoire polonaise contre les chevaliers teutoniques à la bataille de Grunwald. Lors de l’invasion allemande de la seconde guerre mondiale cette statue sera retirée, les Allemands refusant de se rappeler toute défaite fusse t-elle lointaine. De nos jours c’est l’emplacement de la tombe au soldat inconnu.

En poursuivant notre chemin nous arrivons devant une barbacane dont l’épaisseur des murs atteint 3,5 mètres; ce sont les remparts de défense de la ville qui avait obtenu le droit de se fortifier en 1214, suite au ravage de la ville par les Tatars. Les fortifications disparaîtront au XIXème siècle et laisseront place à un parc. La porte Florianska vestige des fortifications présente trois parties, de la pierre puis des briques et enfin un chapeau. Il est très fréquent de trouver un même bâtiment avec plusieurs styles. Nous remontons par la rue Saint-Florian, qui porte le nom du premier saint de Cracovie. C’est lui qui éteint les incendies dont a été victime la ville. Nous arrivons au musée Czartoryski qui abrite de véritables trésors. La collection a été commencée au XVIIIème siècle et on y trouve entre autre une représentation de la maîtresse du Duc de Milan, »La dame à l’hermine » de Léonard de Vinci. Ce musée sera pillé durant la seconde guerre mondiale et certaines oeuvres ne seront jamais retrouvées.

En poursuivant nous arrivons à l’église de la Transfiguration, totalement baroque, puis au théâtre Slowaski construit à la fin du XIXème siècle sur le modèle de l’Opéra de Paris et à côté duquel la première centrale électrique de la ville a été construite pour alimenter le théâtre. Nous poursuivons sur la rue Saint-Florian, bordée de magnifiques maisons dont on peut admirer les splendides frontons sculptés au dessus des portes d’entrée car c’était la manière de distinguer les maisons avant la numérotation. Nous distinguons plusieurs églises qui sont très nombreuses à Cracovie, ville très religieuse où il n’est pas rare, même de nos jours, de voir des prêtres en soutane. On peut citer l’église Sainte-Croix, une église baroque avec un chapiteau arborescent, l’église Saint-Jean qui a connu divers styles à l’extérieur mais à l’intérieur baroque. Nous arrivons à une église orthodoxe car bien qu’étant une ville très catholique il y a toujours eu des orthodoxes à Cracovie. Nous arrivons maintenant à la Grande Place du Marché, le Rynek. La plupart des bâtiments sont gothiques car la place date du Moyen-Age. On peut admirer sur la Place la cathédrale et le beffroi, vestige de l’ancienne mairie détruite au XIXème siècle. Sur le Rynek se trouve également la halle aux draps, la Sukiennice. Autrefois on y vendait des étoffes mais aussi du sel de la mine de Wielczka  que l’on échangeait contre des épices, des fourrures ou de la soie.

De nos jours, sous les arcades de part et d’autre du bâtiment on trouve des cafés et des galeries d’art mais aussi de nombreux objets artisanaux. Sur la façade de la halle on peut admirer de très belles attiques qui représentent entre autre le “lajkonic”, un personnage de théâtre qui est un Turc monté sur un petit cheval. Au centre de la Place on pouvait voir le monument Mickiewiczqui, héros national qui a lutté contre la partition de la Pologne, mais ce monument a été enlevé par les Allemands lors de l’invasion de 1939.

Nous continuons avec le palais Spiski et le palais Saint-Christophe où l’on trouve des centaines de crèches car au début de chaque mois de décembre il y a un concours et la crèche gagnante rentre au musée. Nous apercevons la maison Wierzynek, la demeure où se sont réunis au XIVème siècle plusieurs aristocrates d’Europe de l’Est pour organiser une attaque contre les Turcs. Les tours de l’église Sainte-Marie ont aussi une légende. On dit que cette église a été construite par deux frères qui se défiaient pour savoir lequel construirait la plus haute tour.

La jalousie fit qu’un des frère tua l’autre puis se donna la mort, une des tours restant alors inachevée. La basilique Mariasky ou Sainte-Marie est un chef-d’oeuvre notamment si on observe son choeur et le retable de Veit Stoss du XVème siècle fait en bois de tilleul. Les personnages centraux tels Saint-Jacques mesurent 2,80 mètres. Dans ce retable on peut également distinguer vingt tableaux sculptés. La prédelle est l’arbre de Jessé c’est-à-dire la famille de la Vierge. Le crucifix est fait d’un seul bloc. Le petit marché (Maly Rynek) est cerné de maisons médiévales qui ont été modifiées. En poursuivant notre visite nous arrivons à l’université Jagiellonne ou Collegium Maius fondée en 1364 par le Roi Kazimierz le Grand. C’est la plus ancienne université de Pologne et la seconde plus ancienne d’Europe de l’est. Lors de sa fondation, le Pape Urbain V  autorisa trois facultés (arts, médecine et droit) mais non celle de théologie la plus prestigieuse à l’époque.

Au XVème siècle l’université connu son âge d’or et dans la seconde moitié de ce siècle près de 40% des étudiants venaient d’autres pays. De nombreux personnages célèbres y ont étudié notamment, comme Copernic qui n’a révélé l’héliocentrisme qu’à la fin de sa vie,une telle théorie pouvant être dangereuse. En effet cette vérité scientifique ne sera reconnue par l’Eglise qu’au XXème siècle sous le Pontificat de Jean Paul II !. Par la suite l’université connu une certaine décroissance. Elle reprend de l’essor avec le mariage d’Edwige avec le Duc Jagellon de Lituanie qui devient le Roi de Pologne. Nous pouvons ici à nouveau évoquer plusieurs églises dont celle de Sainte-Anne d’une grande richesse baroque et qui se trouve dans la partie de la ville autrefois occupée par les Juifs mais qui plus tard seront transférés à Kazimierz. En remontant vers Wawel par la rue Grodzka on peut voir l’église jésuite Saint-Pierre et Saint-Paul, bâtiment typique de la contre-Réforme. On distingue sur la façade le fondateur de la Compagnie de Jésus, Ignacio de Loyola. Juste à côté se trouve l’église Saint-André aux murs si épais que les habitants de Cracovie s’y sont réfugiés lors de l’invasion des Tatars.

Nous terminons notre parcours sur la colline Wawel où se situent la cathédrale et le château. En 1038 le Roi Kazimierz le Grand fait de Wawel sa résidence royale et elle restera le siège de la monarchie polonaise jusqu’au déplacement de la capitale à Varsovie en 1596. Au pied du château on raconte que se trouve une dent du dragon, symbole de la ville. La légende raconte que ce dragon dévorait les jeunes filles. Le Roi souhaitant s’en débarrasser propose la main de sa fille à celui qui le tuerait. Les chevaliers ayant échoué, un simple cordonnier eut l’idée de laisser près de l’antre du dragon une peau de mouton imbibée de soufre ; la bouche en feu, le dragon alla boire l’eau de la Vistule et en bût tant que son ventre éclata.

De nos jours, le château abrite également un musée. La cathédrale quant-à elle contient dans le mausolée des rois et des reines, des généraux, des artistes, des héros nationaux comme Pidulski et même un président de la République : un des jumeaux Kaczynski. Les Rois étaient non seulement inhumés à Cracovie mais aussi couronnés. La cathédrale abrite une statue de Kosciuszko, héros polonais qui a combattu aux côtés de La Fayette pour l’indépendance des Etats-Unis. Il lutte également contre les Russes mais échoue et termine sa vie en Suisse. On peut voir également une statue de Jean Paul II et le mausolée de Saint-Stanislas.

En 1079 Stanislas est assassiné par le Roi car leurs visions politiques différaient. Le Roi l’aurait tué en pleine messe et coupé en quatre. Quatre aigles prennent alors les morceaux et le recompose. Stanislas sera béatifié au XIIIème siècle et représente l’unité de la Pologne. C’est également dans la cathédrale de Wawel que se trouve la deuxième cloche la plus grande du monde, la cloche Zygmut fondue en 1520. De nos jours, elle ne sonne que pour des événements particuliers. A l’intérieur de l’édifice on peut admirer une représentation de la bataille de Vienne en 1683 où les troupes polonaises battent les Turcs, se présentant comme les défenseurs de la chrétienté. Dans la partie basse de la cathédrale on retrouve les traces de l’église primitive car comme bon nombre de monuments à Cracovie la cathédrale, qui a été consacrée en 1142, brûlera plus tard au cours du Moyen-Age et sera reconstruite.

CONCLUSION

Cracovie est une ville qui regorge de richesses dont celles de la vieille ville et de Wawel. De par son passé historique et sa situation géographique Cracovie est un centre culturel important de Pologne mais aussi d’Europe. Grâce à son patrimoine exceptionnel nous pouvons voir à quel point Cracovie a été au fil des siècles une ville rayonnante.

 

+ de 1000 textes des conférences du CDI sont disponibles sur le site du CDI de Garches  et via le QRCode   

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués *

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.