CHRETIENS D’ORIENT, 2000 ANS D’HISTOIRE

Thèmes: Art, Histoire                                                                                                                                      Mardi  09 Janvier 2018.

CHRETIENS D’ORIENT, 2000 ANS D’HISTOIRE

par Madame Isabelle PONS, historienne de l’art.

INTRODUCTION

Le christianisme est considéré de nos jours comme la base culturelle de l’Occident et un des piliers communs de tous les Européens. Il faut cependant rappeler que le christianisme est né au Proche-Orient. L’enseignement du Christ, lui-même juif, s’adressait à d’autres juifs et à des peuples orientaux vivant à Jérusalem et ses alentours. Les Chrétiens d’Orient sont les premiers chrétiens et ce sont des orientaux, les apôtres Pierre et Paul notamment, qui ont diffusé le christianisme dans tout le bassin méditerranéen. La création de l’Islam au VIIe siècle génère des conflits et au fil des siècles les Chrétiens deviennent minoritaires dans tout le Proche et Moyen-Orient. Cependant, le contact avec les communautés musulmanes et juives a permis à l’art chrétien d’Orient de se développer et de montrer une grande richesse créative.

I – Les premières communautés chrétiennes.

Quand on parle des Chrétiens d’Orient on fait référence aux communautés du Liban, d’Iraq, d’Israël, de Syrie et d’Egypte car les Arméniens n’ont jamais été arabisés, parlent leur propre langue et ont leur propre alphabet. Le monde chrétien est assez divers.

Alexandrie est une des premières grandes villes orientales de l’Antiquité à avoir été christianisée par saint Marc. Lors de son arrivée il s’adresse essentiellement à la grande communauté juive de la ville, Alexandrie étant au Ier siècle la deuxième ville juive après Jérusalem. Grâce à Saint Marc une communauté judéo-chrétienne se forme et cohabite avec la communauté juive restée fidèle à la Torah. Cependant, dans la seconde partie du Ier siècle, et essentiellement dans les années 60 et 70, les soulèvements juifs contre les Romains entraîneront de lourdes représailles notamment l’extermination des communautés juives et judéo-chrétiennes d’Alexandrie et la destruction du Temple de Jérusalem. Ainsi, lorsque de nouveaux évangélistes viendront en Egypte, ils s’adresseront aux païens qui formeront les premières communautés chrétiennes du monde méditerranéen.

Les communautés chrétiennes se créent petit à petit vers l’Ouest et Saint Pierre christianise Rome. Très vite les chrétiens sont persécutés et doivent pratiquer leur culte en cachette. Il n’existe aucun lieu de culte particulier et les fidèles se retrouvent dans une maison qui fait office d’église, c’est la domus ecclesiae. Ce n’est qu’en 313 que l’édit de Milan de l’Empereur Constantin met fin aux persécutions.

 Au début du IVe siècle les premières communautés chrétiennes de chaque pays, voire de chaque ville ont leurs propres rites et aucun dogme n’est vraiment clairement établi. C’est pourquoi, en 325, l’Empereur Constantin convoque le Concile de Nicée (aujourd’hui en Turquie) afin d’établir des dogmes clairs et qui devront être respectés par tous. Le Concile fera apparaître bien des différences et les évêques de Rome, Alexandrie et Constantinople, pour ne citer que les principaux auront bien du mal à s’entendre. De nombreux courants comme le nestorianisme ou l’arianisme s’affrontent. L’Empereur exige une entente. Une certaine cohésion est trouvée et le Credo de Nicée qui fonde le catholicisme est rédigé. Pourtant des divisions subsistent et le fait que la partie occidentale de l’Empire utilise le latin et la partie orientale le grec, ne fait qu’empirer les choses. En effet, de nombreuses erreurs de traductions seront à la base de plusieurs schismes à l’intérieur du christianisme. En 380 l’Empereur Théodose par l’édit de Thessalonique déclare le christianisme trinitaire établi lors du Concile de Nicée, comme la religion officielle de l’Empire.

II – Les icônes.

Très tôt, c’est-à-dire dès le IVe siècle et la reconnaissance du christianisme, les icônes apparaissent en Orient. Les premières icônes sont dites à l’encaustique ce qui consiste en un mélange de pigments et de cire chaude que l’on appliquait sur un support. On étalait le mélange à l’aide d’une spatule ce qui parfois apparaît sur les icônes car de petites stries sont visibles. La technique à l’encaustique porte ce nom car la cire donne un aspect lisse et brillant à l’œuvre finie. Cette technique existait déjà dans l’Antiquité mais très peu d’icônes à l’encaustique nous sont parvenues car la technique est ancienne et la crise iconoclaste qui a duré de 730 à 843 a mis fin à ce type d’œuvres. En effet, durant un siècle, les Empereurs interdisent les images et leur culte donc beaucoup d’icônes sont détruites et aucune n’est alors fabriquée. Lorsque l’interdiction est levée, la réalisation d’icônes reprend mais pas avec la même technique, on adopte la tempera.

La tradition des icônes dans les églises vient du fait que certains fidèles apportaient des images et les accrochaient aux colonnes des lieux de culte. Petit à petit le phénomène prend de l’ampleur. Les icônes suivent un code, notamment le fait de représenter le Christ ou le personnage saint voulu de face et avec de grands yeux afin que le fidèle soit face à celui ou celle à qui il adresse ses prières. Une sorte de dialogue peut s’instaurer.  Dans les icônes les personnages rejetés sont généralement représentés de profil, comme le Diable, Hérode ou Judas.

III – Les églises et les monastères.

Comme nous l’avons vu, au début du christianisme, les églises n’existaient pas et on pratiquait le culte dans des maisons. Ainsi, on a retrouvé à Doura Europos, sur l’Euphrate au sud-est de la Syrie actuelle, une fresque datant de 230 et qui représente plusieurs épisodes de la vie du Christ. Cette fresque était dans une domus ecclesiae et juste à côté se trouvait une synagogue dont les restes sont au musée de Damas. Les vestiges sont en très bon état car en 256, les Perses menacent la ville, par conséquent, lors des préparatifs défensifs, les habitants élèvent un remblai doublant le rempart et comblant ainsi la rue adjacente et enfouissant sous terre plusieurs maisons et lieux culturels dont la domus ecclesiae et la synagogue. La ville de Doura Europos était un carrefour pour les marchands et les mercenaires, elle était donc une ville très cosmopolite avec un grand brassage culturel. Différentes communautés se côtoyaient mais certaines étaient plus riches que d’autres. Ainsi, la fresque chrétienne est assez pauvre, les couleurs primaires, peu variées et le graphisme simple. Cela montre que les artistes qui l’ont réalisé n’étaient pas de grands maîtres et que la communauté chrétienne ne pouvait s’offrir une décoration exubérante. Au contraire les peintures de la synagogue sont riches et sophistiquées prouvant que la communauté juive était bien plus aisée.

A partir du IVe siècle, c’est-à-dire de l’édit de Milan, on commence à construire les premières églises. Le plan de ces premières églises est dit basilical et d’ailleurs parfois on récupérait même les basiliques romaines. Ces premières églises ne sont pas toutes orientées car pour les dogmes, les normes de construction des églises ne sont pas vraiment établies. La plus célèbre église du IVe siècle est celle qu’a fait construire l’Empereur Constantin à Jérusalem sur le tombeau du Christ, c’est le Saint-Sépulcre. Un évêque de Narbonne conscient que tous ses fidèles n’avaient pas les moyens de se rendre à Jérusalem pour prier dans le Saint-Sépulcre, en a fait faire une copie dans le marbre.

En Jordanie actuelle, dans une petite église de campagne une mosaïque a été retrouvée où apparaissent des caractères grecs et arabes. Cette mosaïque datée de 536 est la première trace écrite connue de langue arabe. Cette double inscription montre la complexité de la société orientale de l’époque.

C’est également vers les IVe – Ve siècles que les premiers monastères apparaissent. Ils s’établissent près des ermites qui professaient un mode de vie particulier. Il y avait un grand nombre d’ermites en Orient mais les plus célèbres sont Saint Jean dit le baptiste car il a baptisé le Christ et Saint Siméon le stylite qui vivait au IVe siècle près d’Alep et qui doit son nom au mot grec « stylos » signifiant colonne. Saint Siméon a commencé comme novice mais comme il s’impose des supplices régulièrement il est chassé de son monastère. Il décide de s’isoler et fait construire une colonne de huit mètres où il s’installe au sommet ; dérangé par la foule, il ajoutera huit mètres à sa première colonne. Il vit durant quarante ans sur cette colonne où il ne fait que prier et quelques mouvements de gymnastique. Il devient si célèbre qu’à sa mort sa dépouille est emportée à Constantinople. Les villageois sont furieux car la tombe du saint aurait pu générer un essor économique grâce au pèlerinage. L’Empereur décide donc de créer un complexe autour de la colonne où vécu Siméon afin que les fidèles puissent s’y rendre et ainsi développer la région.

Les premiers monastères d’Orient créent les premières règles monacales notamment celle de Pacôme et de Basile. Ces règles sont bien différentes des règles qui seront établies dans les monastères en Occident. Elles établissent des plages pour la prière et des règles de vie en communauté mais chaque moine peut faire ce qu’il veut durant son temps libre.

IV – Les autres richesses culturelles des Chrétiens d’Orient.

Au Ve siècle, en Perse, règnent les Sassanides qui ont une industrie de la soie florissante et avec une créativité dans les motifs tout à fait remarquable. Les motifs floraux créés par les Perses étaient si extraordinaires que même les Chinois les copieront. Le phénomène n’est pas moderne ! Les œuvres byzantines sont plus faciles à identifier car elles présentent des motifs chrétiens mais elles reprennent aussi les dessins floraux des Sassanides.

Autre aspect artistique, la copie de passages du Nouveau Testament sur des supports autrefois réservé aux édits de l’Empereur comme le pourpre et les lettres d’or. Symboliquement le christianisme est mis au même niveau que la royauté. Jésus est l’égal de l’Empereur et il est d’ailleurs souvent représenté comme un empereur avec de chaque côté Saint Pierre et Saint Paul. Si en Occident Saint Pierre prendra l’ascendant sur Saint Paul car le Pape, évêque de Rome, est le successeur de Saint Pierre sur Terre, ce n’est pas le cas en Orient où les deux apôtres sont toujours mis sur le même plan. Les représentations de Jésus sur de l’ivoire sont celles d’un jeune homme sans barbe. Les normes de représentation du Christ telles que nous les connaissons communément ne sont toujours pas établies.

CONCLUSION

De nos jours, les Chrétiens sont extrêmement minoritaires dans tout le Proche et Moyen-Orient et les guerres qui ravagent cette région détruisent les gens mais aussi les œuvres d’art. Pourtant au fil des siècles et dès les débuts du christianisme, de nombreuses œuvres sont créées, influencées par les courants culturels de la région, grand carrefour de civilisations. Les Chrétiens d’Orient sont les héritiers directs du christianisme originel qui est né en Orient et qui est devenu le symbole de l’Occident.

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