CHATEAUBRIAND L’ENCHANTEUR

Thèmes: Art, Histoire, Littérature                                                                                                                    Conférence du mardi 21 mars 2023

CHATEAUBRIAND L’ENCHANTEUR

Par Madame Michèle de la MORANDIERE, conférencière diplômée de l’Ecole du Louvre, ingénieur ISEP.

INTRODUCTION

François-René de Châteaubriand a été le témoin exceptionnel d’une époque riche en événements historiques : mort de Louis XVI, Révolution, Empire, Restauration. Grand écrivain mais aussi diplomate et homme politique, il fut admiré par de grands hommes tels que Victor Hugo, le Général de Gaulle ou Jean d’Ormesson. Sa personnalité très complexe et sa vie mouvementée font de lui un homme tourmenté à l’image de son époque. Il est considéré comme le précurseur du romantisme français que Hugo sublimera plus tard.

I – Une jeunesse tourmentée.

François-René vicomte de Châteaubriand, est né le 4 septembre 1768 à Saint-Malo. Il est issu de la noblesse bretonne mais son père n’avait pas de fortune ce qu’il ressentira comme un échec.

Les Malouins sont très individualistes et sont majoritairement armateurs, pêcheurs ou corsaires. Ils fraudent le fisc et accumulent les richesses. Bien que Saint-Malo soit une petite ville, de nombreux malouins sont passés à la postérité. On peut citer Bernard Mahé de la Bourdonnais, amiral de France ; Yves de Kerguelen, officier de marine et navigateur ; Jacques Cartier qui mandaté par François Ier, découvre et explore le Canada ; Félicité de Lamennais, prêtre, théologien et homme politique ; Pierre Louis de Maupertuis, mathématicien, astronome et physicien ; Robert Surcouf, corsaire et armateur et René Duguay-Trouin corsaire et amiral.

Châteaubriand est né dans la rue aux Juifs un jour de tempête d’équinoxe. Il est le huitième enfant d’une vieille famille bretonne dont les origines remontent au XIe siècle. L’obsession du père pour faire fortune l’amène à devenir armateur et participer au commerce triangulaire. Le jeune René est confié à sa grand-mère avec qui il jouit d’une grande liberté. Il joue sur la grève et les pieux qui rompent les vagues. Les enfants rentrent sales et avec les vêtements parfois déchirés ce qui entraîne des réprimandes mais permettent au jeune René un contact unique avec le bord de mer.

C’est également à Saint-Malo que Châteaubriand connaît ses premières émotions de chrétien.

En 1761, le père de l’écrivain achète le château de Combourg et toute la famille s’y installe. Le château est sombre et les nombreux recoins obscurs effraient le jeune garçon. Par ailleurs, le caractère autoritaire et froid du père terrorise les enfants. René trouve du réconfort auprès de sa sœur Lucile qui est son amour romantique. C’est un amour chaste mais passionné, c’est elle qui le surnommait « L’enchanteur ».

René est destiné à la Marine car les cadets touchaient une pension. Il faut rappeler qu’à l’époque seul le fils aîné héritait des biens de la famille, il fallait donc que les autres gagnent leur vie. Mais, Châteaubriand échoue à l’examen d’entrée, il fait donc des études aux collèges de Dol-de-Bretagne, de Rennes et de Dinan.

Il est présenté au Roi lors d’une partie de chasse et devient officier d’infanterie. Il est fait capitaine à 19 ans. Il s’installe à Paris en 1788 où il rencontre Louis de Fontanes qui sera son ami le plus cher et son conseiller littéraire.

En janvier 1789 Châteaubriand participe aux Etats de Bretagne et en juillet de la même année, il assiste à la prise de la Bastille avec ses sœurs Julie et Lucile. Il avait des idées assez révolutionnaires dans un premier temps et souhaitait une monarchie parlementaire mais la vue de révolutionnaires exhibant des têtes humaines sur des piquets le font changer d’avis . Il qualifie la Révolution de « festin de cannibales ».

En 1791, Châteaubriand, encouragé par Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, embarque pour le Nouveau-Monde afin de chercher le passage du Nord-Ouest. Il y reste six mois. Dans son ouvrage Voyage en Amérique il raconte avoir rencontré Georges Washington mais il n’y a pas de certitude sur ce fait. Sur le sol américain, Châteaubriand s’intéresse aux Amérindiens, influencé par la théorie du bon sauvage de Rousseau.

De retour en France, Châteaubriand épouse en mars 1792 Céleste Buisson de la Vigne, descendante d’une famille d’armateur de Saint-Malo. Quelques mois plus tard, il laisse son épouse et part à Coblence où il rejoint l’armée des émigrés afin d’y combattre les armées de la République. Blessé lors du siège de Thionville, il met fin à sa carrière militaire et part en exil à Londres en 1793.

Lors de cet exil, qui durera jusqu’en 1800, il vit dans un grand dénuement et il est réduit à donner des leçons de français notamment chez le pasteur Ives. Séducteur invétéré, il vit une idylle avec la fille du pasteur et doit prendre la fuite.

En 1794, son frère et sa belle-sœur (une petite-fille de Malesherbes, l’avocat de Louis XVI) sont guillotinés et en 1798 sa mère et sa sœur Julie décèdent. Frappé par ces épreuves, Châteaubriand se tourne vers la religion et entreprend l’écriture du Génie du Christianisme.

En mai 1800, il débarque à Calais puis se rend à Paris.

II – Une carrière littéraire

De retour à Paris au printemps 1800, Châteaubriand fréquente les salons littéraires surtout celui de Mme de Beaumont et de Mme de Staël. Il participe à la revue Mercure de France avec Louis de Fontanes. En 1801, paraît Atala, création originale qui connaît un grand succès. A la même époque il compose René, œuvre empreinte d’une mélancolie rêveuse et qui est l’origine du romantisme.

En avril 1902 le culte catholique est rétabli et six jours plus tard paraît le Génie du christianisme que Châteaubriand avait écrit alors qu’il était en exil en Angleterre. Ce livre montre que le christianisme est bien supérieur au paganisme par la pureté de sa morale. Cet ouvrage donne le signal du retour du religieux après la Révolution.

Châteaubriand se lie d’amitié avec la famille Bonaparte et le futur empereur le choisit en 1803 pour accompagner le cardinal Fesch à Rome comme premier secrétaire d’ambassade. Cette fois l’écrivain invite sa femme Céleste à l’accompagner. Celle-ci refuse, ayant eu connaissance de la liaison de son mari avec Pauline de Beaumont. Cette dernière meurt quelques mois plus tard à Rome où il lui fait ériger un monument funéraire à l’église Saint-Louis des Français.

En novembre 1803, Bonaparte le nomme chargé d’affaires dans la République du Valais. Le 21 mars, apprenant l’exécution du Duc d’Enghien, il donne immédiatement sa démission et passe dans l’opposition à l’Empire. C’est un nouvel affrontement avec Napoléon, les deux hommes ayant de fortes personnalités.

Châteaubriand revient aux lettres et conçoit le projet d’une épopée chrétienne. Désireux de visiter par lui-même les lieux où situer l’action, il parcourt la Grèce, l’Asie Mineure, la Terre Sainte et l’Egypte durant l’année 1806. Ce voyage, il le réalise avec Nathalie de Noailles dont il est très épris. Son rendez-vous avec elle à Grenade restera célèbre, le couple y vit des jours de passion et de délire. A son retour d’Orient il achète une propriété, La Vallée-aux-loups, près de Sceaux, où il s’enferme pour écrire dans une tour construite au fond du parc. L’écrivain y compose Les Martyrs, sorte d’épopée en prose parue seulement en 1809. Par ailleurs, les notes recueillies durant son voyage en Orient forment la matière de l‘Itinéraire de Paris à Jérusalem, paru en 1811. La même année il est élu membre de l’Académie française. Toujours en conflit avec Bonaparte, l’Empereur ne lui permet pas d’occuper son siège, il devra attendre la Restauration pour cela.

Début 1814, les Bourbons reviennent au pouvoir, à la grande joie de Châteaubriand. Ce dernier écrit quelques semaines plus tard sa première œuvre politique le pamphlet De Buonaparte et des Bourbons qui fonde la légende noire de Bonaparte. L’écrivain se plaisait à dire que ce pamphlet avait autant servi le Roi Louis XVIII que cent mille hommes. Châteaubriand commence une carrière politique.

III – Une carrière politique.

Lors du retour de Napoléon Ier en 1815, l’écrivain suit Louis XVIII à Gand où il devient un des membres de son cabinet. Un jour , voyant sortir du bureau du Roi Talleyrand et Fouché , il écrira « le vice appuyé sur le bras du crime ». Après les Cent-Jours et le départ définitif de Napoléon Ier, Châteaubriand vote la mort du maréchal Ney en décembre 1815 à la Chambre de Pairs. Il est nommé Ministre d’Etat et Pair de France.

Dans sa vie privée, 1817 sera une année importante car il rencontre Mme Récamier pour qui il a un véritable coup de foudre. Elle restera trente ans à ses côtés. Politiquement, il devient ultraroyaliste après son éviction comme Ministre d’Etat. Il devient l’un des principaux rédacteurs au journal Conservateur, le plus puissant organe du parti.

En 1821 Châteaubriand est nommé Ministre de France à Berlin puis ambassadeur à Londres. Il est l’un des plénipotentiaires au Congrès de Vérone et fait décider l’expédition d’Espagne qui vise à rétablir Ferdinand VII sur son trône. A son retour il est nommé Ministre des Affaires étrangères. Il réussit l’aventure espagnole avec la prise de Cadix à la bataille de Trocadéro par les troupes françaises en 1823. Cette même année, toujours aussi passionné par les femmes, il devient, à 55 ans, l’amant de Cordélia de Castellane, connue pour sa beauté et son esprit. Cette liaison s’achèvera l’année suivante, celle-là même qui verra la mort au Louvre de Louis XVIII le 16 septembre. Son successeur Charles X est beaucoup moins conciliant et son autorité pousse Châteaubriand à devenir opposant et rejoindre le parti libéral. Une nouvelle fois, Châteaubriand montre toute la complexité de son caractère.

En 1828 il est nommé ambassadeur à Rome où cette fois son épouse Céleste l’accompagne. Elle est prise du démon de la bienfaisance ce qui coûte cher.

De plus en plus opposé aux partis conservateurs, désabusé sur l’avenir de la monarchie, Châteaubriand se retire des affaires après la Révolution de 1830 quittant même la Chambre des Pairs où il fait un discours mémorable.

Châteaubriand vend la Vallée-aux-loups et s’installe au n°120 rue du Bac à Paris dans un appartement tout proche de l’abbaye-aux -Bois où réside Juliette Récamier avec qui il est resté ami et dont le salon littéraire réunit l’élite du monde littéraire. L’écrivain se consacre à l’achèvement de ses mémoires commencées en 1811. Ce vaste projet autobiographique, Mémoires d’outre-tombe, ne devait être publié qu’après la mort de l’auteur mais les problèmes financiers de Châteaubriand le pousse à accepter une publication en feuilletons.

Le 11 février 1847 Céleste meurt et le 4 juillet 1848 c’est au tour de Châteaubriand de s’éteindre. Mme Récamier ne lui survit que quelques mois. Les restes de l’écrivain sont transportés à Saint-Malo et déposés face à la mer, selon son vœu, sur le rocher du Grand Bé, un îlot dans la rade de sa ville natale, auquel on accède à pied depuis Saint-Malo lorsque la mer se retire.

Les funérailles sont grandioses. Châteaubriand voulait égaler Bonaparte et marquer son temps. Son nom ne figure pas sur sa tombe et il est le seul sur ce rocher.

CONCLUSION

Châteaubriand est un monument de la littérature française mais aussi un précieux témoin de son époque, si riche en événements politiques. Ses activités comme diplomate et homme politique nous offrent une vision de l’intérieur de ces moments particuliers de l’histoire de France. Sa forte personnalité, très complexe et sensible en feront le père du romantisme français.

 

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