Thèmes: Médecine, Sciences, Société Conférence du Mardi 4 Janvier 1983
VIEILLIR …
Par le docteur Delaunay, professeur honoraire à l’Institut Pasteur, membre de la commission permanente du Cercle de Documentation et d’Information.
C’est la troisième fois que le docteur a la gentillesse de nous rendre visite. La première fois, il avait parlé de l’Institut Pasteur qui lui est cher ; la deuxième fois, des principaux progrès enregistrés en Médecine et en Biologie.
Vieillir, vieillissement, vieillesse. Ce ne sont pas là des mots mystérieux. Nous savons qu’il s’agit d’un phénomène qui vaut pour l’ensemble des êtres vivants et qui correspond à la vétusté des choses. Vieillir c’est en somme durer et changer, avancer en se déformant vers un terme certain quant au fait, et incertain quant aux circonstances. C’est un des âges de la vie. « Toutes choses ont leur saison ». (Montaigne).
Il faut attendre le 20e siècle pour que l’on sache un peu mieux que par le passé ce qu’est la vieillesse.
On a créé deux mots nouveaux : gérontologie et gériatrie.
La gérontologie est la science du vieillissement. Son objet est l’étude des modalités et des causes des modifications que l’âge imprime au fonctionnement des êtres vivants sur tous les plans (biologique, psychologique et social) et à tous les niveaux de complexité (molécule, cellule, organe, organisme, population).
La gériatrie est une partie de la médecine qui étudie les maladies des vieillards.
LA GERONTOLOGIE.
1) La population.
La France est un « vieux » pays. Sa population apparaît avoir « vieilli » avant toute autre population européenne pour peu que l’on considère la proportion des personnes âgées par rapport à celle des jeunes.
| 20 ans | 20 à 64 ans | plus de 64 ans | |
| 1860 à 1880 | 35 % | 57 % | 6 % |
| 1945 | 29 % | 59 % | 11 % |
| 1979 | 30 % | 55 % | 14 % |
De 1860 à 1980 : la moitié dite active de la population (20 à 64 ans) n’a plus devant elle 5 jeunes et 1 vieux, mais 3 jeunes et 2 vieux.
En 1946 de 4 millions de personnes de 65 ans on est passé à 7 millions.
Il y a eu également à cette époque une augmentation de 92% des personnes de plus de 75 ans.
Conséquences :
- Le nombre de retraités a dépassé le nombre de cotisants.
- Le vieillard est électeur. Pourtant il ne représente plus la flèche de la vie.
Ce processus de vieillissement s’est passé sans qu’on n’y prenne garde.
Allongement de la vie – Espérance de vie :
- Au 18e siècle : 27 ans.
- 1935 : 39 ans pour l’homme.
41 ans pour la femme.
- 20e siècle : 73 ans pour l’homme.
77 ans pour la femme.
Les femmes ont une longévité plus grande que l’homme car :
- les maladies cardiovasculaires sont chez elles moins fréquentes, moins graves et moins tardives ;
- les cancers sont diagnostiqués et traités plus tôt ;
- la mise au monde est moins dangereuse.
2) Les signes de la vieillesse.
Nous sommes sur terre pour 2 raisons : pour nous conserver et pour nous perpétrer.
Conservation.
Elle se fait grâce à trois fonctions
- nutrition,
- régulation (système nerveux, hormones),
- relations.
Ces fonctions sont assurées par des organes :
- appareil digestif : il est « fait » pour durer 100 ans.
- le foie possède d’innombrables cellules,
- les dents : les prothèses dentaires ont beaucoup progressé.
- appareil respiratoire : jadis on le redoutait beaucoup à cause de la tuberculose. Maintenant cette maladie est pratiquement vaincue. Pour la grippe il existe des vaccins et des antibiotiques. Le tabac représente un grand danger.
- appareil cardiovasculaire : la moitié des décès à partir d’un certain âge a pour cause l’arbre cardiovasculaire ; athérosclérose, hypertension, cholestérol sont les dangers.
- le sang. Il reste de bonne qualité.
- le rein. De grands progrès ont été faits grâce aux greffes.
- sécrétions hormonales : il n’y a pas de rapport entre les sécrétions hormonales et le processus de vieillissement.
- métabolisme : le diabète : – de la maturité,
- insulinodépendant.
Des thérapeutiques existent.
- appareil locomoteur : le maximum de force musculaire, quel que soit le muscle envisagé, se situe entre vingt et trente ans ; il est suivi par un affaiblissement continu, s’accélérant au fur et à mesure que l’on avance en âge. La diminution de la densité osseuse est régulière de 20 à 70 ans.
Les rhumatismes touchent l’os et les cartilages.
- Peau : c’est sur la peau que se marque le vieillissement.
- Organe des sens : l’œil est l’un des organes les plus précocement touchés : l’amplitude d’accommodation du cristallin se réduit dès la deuxième décennie et devient pratiquement nulle à la soixantaine ; l’adaptation aux faibles éclairements décline régulièrement dès la vingtième année, tout comme le temps de récupération après éblouissement et la fréquence critique du papillotement ; il en est de même de la vitesse de constriction de la pupille.
L’oreille vieillit presque aussi rapidement que l’œil : dès la quarantaine, il y a une notable diminution de la perception des sons les plus aigus.
Les récepteurs du tact et du goût suivent une évolution analogue, quoique plus lente.
- Système nerveux. A ce niveau et malgré la diminution du nombre des neurones, les divers tests physiologiques ne mettent en évidence que des modifications mineures chez l’adulte vieillissant mais indemne de troubles pathologiques.
Mais il faut avant tout éviter le « déclin intellectuel ».
3) Les tissus.
Le dénominateur commun de tous les phénomènes de sénescence est représenté par la diminution progressive du nombre de cellules dans les différents tissus une fois terminée la période de croissance. A cette diminution de la masse métabolique active de l’organisme viennent s’ajouter de nombreuses anomalies de fonctionnement des cellules restantes et des modifications du tissu interstitiel.
On rencontre 3 cas :
- les cellules disparaissent et ne réapparaissent jamais. Elles sont incapables de se diviser et vivent potentiellement aussi longtemps que l’individu (cas des neurones et des cellules musculaires des ovules).
Elles ne représentent pas l’essentiel du vieillissement car nous avons tellement de ces cellules qu’en perdre un certain nombre n’est pas un vrai problème sauf pour les ovules.
– les cellules sont conservées et modifiées car elles sont surchargées de tel ou tel produit (cholestérol, pollution, …).
– le nombre de cellules reste le même mais on voit apparaître un tissu nouveau, le collagène.
4) Prévention de la vieillesse.
Il faut éviter tout ce qui peut intoxiquer l’organisme : tabac, alcool, … l’obésité, toutes les nuisances, tous les excès.
On vit plus vieux grâce aux médecins mais également grâce aux sociologues.
5) Traitement de la vieillesse.
Il faut être raisonnable et observer une certaine hygiène de vie.
Il faut garder une forme physique et intellectuelle.
6) Remarques.
« Il faut se corriger. Je n’aime point les vieillards qui disent : j’ai pris mon pli. Et, vieux, fou, prends en un autre. Rabote tes vers si tu en as fait … » (Voltaire -Lettre écrite à l’âge de 68 ans).
- Il faut d’après le Docteur Delaunay, garder le contact avec les générations suivantes. C’est à la vieillesse de comprendre la génération qui la suit. Le jeune a sa vie à faire et doit être plus attentif à la vie qui vient qu’à celle qui fût.
- Le vieillard a droit au respect car il est fragile.
- Il faut accepter et chercher un emploi pour sa retraite, un mode de vie, un centre d’intérêt …
- Il faut conserver ses vertus.
- Il faut une grande discipline, un grand courage, savoir s’imposer des contraintes.
- Eviter les maladies des « managers », alcoolisme, obésité, tabac.
- Il faut rester maître de soi.
- Il faut rester digne pour que l’on vous respecte.
- Il faut garder confiance.
« Le premier ennemi pour un naufragé sur son radeau, pour un égaré sur une montagne, dans le désert, c’est le désespoir ».
ANNEXE
Le vieillissement, phénomène continu
Le sentiment courant distingue dans l’existence d’un individu trois périodes :
- une d’édification : l’enfance,
- une d’équilibre : l’adulte,
- une de ruine progressive : la vieillesse.
Et graphiquement, on mettrait volontiers, bout à bout, suivant une ligne, ces trois périodes.
enfance adulte vieillard
Si cette représentation linéaire marque la continuité de la vie individuelle, il serait cependant préférable de la remplacer par une courbe telle que celle-ci.

Mais le biologiste ne voit pas les choses d’une manière aussi schématique.
La vie d’un individu commence dès la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde, soit dès l’œuf.
Or, ainsi que l’a écrit Jean Rostand « Vivre c’est vieillir » ; pour un biologiste le vieillissement commence dès l’œuf et se poursuit, avec des activités variables, tout au long de la vie, en y comprenant, bien entendu, la phase fœtale.
Le cycle vital de l’homme pourrait comprendre les phases représentées schématiquement ainsi (d’après L. Robert) :

Cependant il est difficile de délimiter avec précision ces différentes phases de développement de l’organisme car, au sein d’un même organisme, le déroulement varie suivant les différents organes et les différents tissus.
Il faut aussi remarquer que les cellules non différenciées se multiplient et que les cellules différenciées ne se divisent plus ; ainsi :
- la durée de vie des globules rouges s’échelonne de 8 à 10 jours ;
- -les ovules, les cellules musculaires, les cellules nerveuses (neurones) ne se divisent pas au cours de la vie d’un individu et leur mort représente donc une perte irréparable.
Le schéma suivant donne la courbe de mortalité des neurones de la Souris comparée à la courbe de mortalité de la même souche de Souris.

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