L’HISTOIRE DU DRAPEAU, DE FRANCE ET D’AILLEURS

Thèmes: Histoire, Société                                                                        Conférence du mardi 16 janvier 2024

L’HISTOIRE DU DRAPEAU, DE FRANCE ET D’AILLEURS

Par Monsieur Bertrand GALIMARD FLAVIGNY, journaliste, ancien chroniqueur au Figaro littéraire, auteur.

INTRODUCTION

Le drapeau est de nos jours le symbole d’une nation. C’est un élément identitaire très fort. Gustave Flaubert écrivait « Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de m… qu’il est temps de n’en plus avoir du tout. ». A l’opposé Paul Claudel nous dit, « Il n’y a que deux choses à faire avec un drapeau : ou le brandir à bout de bras ou le serrer avec passion contre son cœur ».

En France, le drapeau tricolore ne devient emblème national qu’en 1880. Auparavant on parlait plus volontiers de bannière, de gonfalon, de penon, de pavillon ou d’étendard. Ainsi l’évolution du drapeau est passée par de nombreuses étapes, reflet de l’histoire. 

I – AVANT LE DRAPEAU TRICOLORE.

On peut considérer que le premier drapeau est un bâton, symbole du chef. En effet, le bâton de chef, reconnaissable grâce à ses ornements, est porté haut lors des combats. Le bâton deviendra avec le temps sceptre, marque de la puissance royale. Peu à peu le bâton devient enseigne, une hampe surmontée d’un emblème. Chez les Romains, le plus important était l’aigle. Ce guide des légions romaines, était considéré comme le précurseur de la victoire. On raconte que pour forcer les soldats à braver tous les périls, les officiers romains jetaient les enseignes dans les rangs ennemis, les légionnaires risquant tout pour les récupérer. 

En France, il est fréquemment avancé que le premier « drapeau » aurait été la chape de Saint Martin. Cette chape aurait été la bannière de guerre des rois de France pendant six siècles. Elle aurait été conservée dans une pièce près du tombeau du saint, d’où le nom « chapelle ». Certains historiens mettent en doute ce fait et la chape de Saint Martin serait plutôt une légende.

La bataille d’Hastings en octobre 1066 marque un tournant dans la signalisation des bannières et des boucliers. Les Anglo-Saxons et les Normands et leurs alliés furent incapables de se reconnaître entre eux sous leur armure de sorte qu’au cours de la bataille une rumeur courut que Guillaume avait été tué. Le duc dut enlever son casque pour montrer qu’il était toujours en vie et remotiver ses troupes. On prend alors conscience de l’importance de porter des signes distinctifs de reconnaissance. Dès lors, les chevaliers prirent l’habitude de peindre des figures distinctives sur les boucliers ou autres équipements.

Louis VI fut le premier roi à utiliser l’oriflamme de Saint-Denis. Saint Denis peu à peu détrône Saint Martin dans l’histoire de France. La légende dit que Saint Denis fut exécuté à Montmartre, qu’il prit sa tête et remonta l’actuelle rue des Martyrs à Paris avant de s’écrouler sur l’emplacement qui allait devenir la basilique actuelle et qui lui sera dédiée ; quelques années plus tard, un monastère y fut bâti. L’oriflamme de Saint-Denis que l’on pense être de soie couleur vermeil, brodée de flammes d’or, d’où son nom, était conservée sur l’autel à l’abbaye. Sur conseil de l’abbé Suger, Louis VI alla chercher l’oriflamme de Saint Denis en 1124 lorsqu’il marcha contre l’empereur du Saint-Empire germanique Henri V. Cette oriflamme n’avait alors pas encore le statut de bannière royale, elle était celle des comtes de Vexin, en charge de la protection du monastère. La remise de l’oriflamme au souverain était réglée selon un protocole qui dura près de quatre siècles. L’oriflamme devint le symbole de l’ordre royal mais disparut après la bataille d’Azincourt en 1415.  

Lors des croisades, les Templiers, un ordre équivalent de notre gendarmerie moderne, sont chargés de la protection des croisés. Leur bannière était le Baucent, de forme carrée, coupée de noir (sable) et blanc (argent). Une croix rouge a été ajoutée sur le Baucent au moment de la deuxième croisade. Autre ordre présent en Terre sainte, les Hospitaliers. On les reconnaissait sur les champs de bataille grâce à leur oriflamme rouge à croix blanche. Cette bannière avait été approuvée par le Pape Innocent II. Elle deviendra l’étendard de l’Ordre sur terre comme sur mer, et constitue le premier de tous les pavillons nationaux.

La première bannière française connue est celle du roi Louis VII partant pour la croisade de 1147. A l’image des vêtements de sacre, cette bannière était semée de fleurs de lys d’or pour signifier que le monde des élus (la Jérusalem céleste) lui venait en aide. 

En 1188 débute la troisième croisade. Henri II d’Angleterre et Philippe Auguste, roi de France, décident de se différencier selon leur pays d’origine, et donc d’adopter pour leur bannière les couleurs choisies par le Pape Grégoire VIII : croix rouge sur fond blanc pour les Français ; croix blanche sur fond rouge pour les Anglais ; croix verte sur fond blanc pour les Flamands. On ne parle pas encore de drapeaux mais de bannières des croisés qui furent rapidement adoptées à travers toute l’Europe. Bientôt chaque monarque aura sa bannière.

Plus tard, les Anglais adopteront la bannière des Français (blanche avec la croix rouge), ces derniers passant alors au drapeau bleu avec la croix blanche. Le drapeau blanc avec les fleurs de lys dorées date de Charles VII. C’est l’ancêtre du pavillon royal. Si nous avons des drapeaux c’est grâce à la Marine car en mer il faut pouvoir se reconnaître de loin. En 1638 est adoptée une ordonnance qui officialise le drapeau.

En 1643, pendant la guerre de Trente Ans, Louis de Bourbon, surnommé le Grand Condé rapporte 170 drapeaux, pris aux ennemis, qui furent déposés triomphalement à Notre-Dame de Paris. Dès lors c’est devenu une tradition. Plus tard Napoléon enverra tous les drapeaux à l’église Saint-Louis des Invalides. Après la défaite de Waterloo, et l’arrivée des Alliés à Paris, en 1815, tous ces trophées sont brûlés ou jetés dans la Seine afin qu’ils ne soient pas repris par les vainqueurs. Certains ont pu être sauvés et ornent aujourd’hui la voûte de la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides.

II – LE DRAPEAU TRICOLORE.

Avant d’être drapeau, le tricolore fut cocarde. On raconte que c’est La Fayette qui donna à Louis XVI, reçu trois jours après la prise de la Bastille, une cocarde tricolore. Le blanc représentait la monarchie, tandis que le bleu et le rouge reprenaient les couleurs de la Garde nationale. La cocarde tricolore devint alors un symbole de patriotisme et elle commença à fleurir aux boutonnières.

A l’automne 1790, l’Assemblée constituante décida que tous les vaisseaux de guerre et navires de commerce français porteraient un pavillon à trois bandes verticales : rouge près de la hampe, blanc au centre, bande plus large que les autres, bleu à l’extérieur. Le sens vertical permettait de le distinguer du pavillon néerlandais dont les couleurs, rouge, blanc, bleu disposées à l’horizontale flottaient sur toutes les mers depuis un siècle déjà. C’est ainsi que le drapeau tricolore a été arboré pour la première fois en 1794 sur un navire de guerre. Le drapeau tricolore ne prit sa forme définitive que le 15 février 1794 lorsque la Convention décréta que le pavillon national « sera formé des trois couleurs nationales, disposées en bandes verticalement, de manière que le bleu soit attaché à la gaule du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant dans les airs ».

A plusieurs reprises le drapeau tricolore fut menacé. Ainsi avec le retour de la monarchie entre 1814 et 1830, le drapeau royal blanc fit son retour. Après l’épisode des Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830) Louis-Philippe accepta le retour du drapeau bleu, blanc, rouge. En février 1848, lors de la proclamation de la République, les insurgés voulurent un drapeau totalement rouge mais le poète Lamartine sut trouver les mots pour sauver le drapeau tricolore.

Les couleurs seront légèrement éclaircies sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing afin que le bleu soit plus proche du bleu du drapeau européen. Valéry Giscard d’Estaing est à ce jour le seul président dont le cercueil a été recouvert d’un drapeau composé du drapeau français et du drapeau européen. Sous la présidence d’Emmanuel Macron, les commandes de l’Elysée se portèrent davantage sur un bleu plus marqué. Ces commandes seraient liées au fait que lors des interventions télévisées Président de la République, les bleus des drapeaux français et de l’Europe, placés derrière lui se confondent.  

III – DES DRAPEAUX D’ICI ET D’AIILEURS.

Si le drapeau tricolore est le drapeau national, il existe en France, des drapeaux régionaux comme le drapeau breton ou le drapeau corse, et bien d’autres. Eux aussi ont connu des évolutions et reflètent l’histoire des régions. Ainsi, la tête de maure coupée présente sur le drapeau corse vient du fait que lorsque les Ottomans qui pratiquaient des razzias étaient capturés, on exposait leur tête sur des piquets pour dissuader de nouvelles attaques. 

Le drapeau britannique est la combinaison de plusieurs drapeaux qui se superposent : croix rouge de saint George, croix bleue de saint André en forme de X et la croix blanche irlandaise. On le nomme Union Jack car il résulte de l’union en 1707 des couronnes d’Ecosse et de l’Angleterre.  Le dragon symbole du Pays de Galles n’apparaîtra jamais sur le drapeau britannique.

Enfin on peut mentionner la « bannière étoilée », surnom du drapeau des États-Unis. Les premiers drapeaux américains n’avaient ni étoiles ni rayures mais uniquement des bandes horizontales blanches et rouges, mais sans canton. En 1777, le Congrès adopte un drapeau à 13 étoiles et 13 bandes qui représentent les 13 états fondateurs des Etats-Unis. Une autre interprétation laisse entendre que ces étoiles et bandes rouges trouveraient leur origine dans le blason de Washington. Avec l’arrivée au fil des décennies de nouveaux états, on ajoute des étoiles, pas toujours en ligne sur plusieurs rangs mais en cercle, en étoile, voire en pyramide. Son aspect actuel est constant depuis 1890. De nos jours, le drapeau est omniprésent (sacs, vêtements, bibelots, aux fenêtres, etc.) et il est considéré comme un être vivant par de nombreux Américains, ce qui n’était pas le cas avant la guerre civile (1861-1865) quand les drapeaux n’étaient hissés qu’à titre officiel sur les navires, les forts et les bâtiments gouvernementaux

CONCLUSION

Si le drapeau français actuel existe, on le doit en partie à la Marine car la formation des pavillons nationaux est née sur les vaisseaux. Le drapeau est aussi le premier moyen de communication, car il permet d’identifier immédiatement celui qui l’arbore. Ainsi, un morceau de tissu accroché au vexille s’est transformé et a évolué afin d’incarner la plus forte des symboliques destinée à conduire une nation, un peuple, une idée.

Bibliographie :

Bertrand Galimard Flavigny, Histoire du drapeau de France et d’ailleurs. Perrin, 2023.

 

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