INDE DU SUD, COUTUMES ET CROYANCES

Thèmes: Géopolitique, Société                                                                                                                         Conférence du mardi 12 avril 2022

INDE DU SUD, COUTUMES ET CROYANCES

Par Monsieur François CASIMIR, ancien directeur de l’association « Atelier au fils d’INDRA » à Pondichéry.

INTRODUCTION

L’Inde est un immense pays de 3 287 263 km² et de 1,4 milliard d’habitants avec une multitude de langues et de dialectes en plus des 22 langues régionales officielles et de l’hindi langue officielle du gouvernement central et de l’anglais langue officielle associée. Dans ce vaste espace, l’Inde du Sud représente 20% de la surface totale du pays et regroupe 220 millions d’habitants majoritairement d’origine dravidienne. Lors des invasions aryennes qui commencèrent dès 2000 av. J-C, ces populations autochtones présentes sur l’ensemble du sous-continent, sont repoussées dans le Sud. Le sud de l’Inde se compose des États de l’Andhra Pradesh, du Maharashtra, du Karnataka, du Kerala, du Tamil Nadu et du Telangana ainsi que des territoires de Lakshadweep, de Goa et de Pondichéry. 

I – L’Inde : un pays au mille et un visages.

L’Inde est le septième pays du monde par la surface et le deuxième le plus peuplé juste derrière la Chine. Elle se compose de 28 États tous très différents et de 8 territoires de l’Union indienne, dont Pondichéry qui regroupe les anciens comptoirs français hormis Chandernagor. 

La diversité de l’Inde se distingue d’abord par une impressionnante variété de langues. On en dénombre plus de 230 ainsi qu’une multitude de dialectes. Les 28 états possèdent en tout 22 langues officielles qui n’ont pas le même alphabet ce qui complique encore plus la communication. Parmi les langues les plus répandues on peut citer le hindi, le bengali, le marati, le télugu et le tamoul. Le hindi est la langue officielle et l’anglais sert de langue véhiculaire, mais une grande partie de la population indienne ne parle aucune de ces deux langues. Le tamoul, est une des plus anciennes langues du monde, son alphabet et sa pratique sont toujours vivants. 

L’Inde est aussi une mosaïque du point de vue religieux. La première religion est l’hindouisme, pratiqué par 80% de la population. La deuxième religion du pays est l’islam représenté par 14% de la population. La troisième est le christianisme, 2,4% de la population est chrétienne. Viennent ensuite les sikhs, les jains, les parsis et les bouddhistes.

Dans le sud de l’Inde on peut voir de très nombreux temples, mosquées et églises car la cohabitation entre les différentes religions reste pacifique. En plus de ces diverses religions, il existe de très nombreux courants spirituels dont les adeptes se regroupent autour des « gourous » ou dans des lieux de méditation. Certains de ces bâtiments ont une architecture remarquable, tels que le temple du lotus à Delhi ou le Matri Mandir à Auroville…

Les paysages sont aussi très divers du fait des différents climats. Le Sud est très vert et l’on peut voir d’immenses rizières qui sont encore cultivées manuellement. Le travail est contraignant et difficile car il faut piquer une à une les pousses et on a les pieds dans l’eau boueuse. Cependant, c’est une volonté du gouvernement de maintenir ce type d’agriculture traditionnelle. On trouve aussi de vastes plantations de canne à sucre, de thé, l’Inde étant un grand exportateur de thé. Les Indiens sont eux-mêmes de grands consommateurs de cette boisson qu’ils boivent avec un peu de lait appelée « tchai ». On trouve de très nombreux « bars à thé » même dans les villages.

L’Inde offre aussi une diversité dans la manière de vivre. Le pays possède de grandes mégalopoles telles que Mumbai (Bombay), New Dehli ou Calcutta, mais la vie rurale est aussi très importante dans les 600 000 villages que compte ce sous-continent. Dans ces villages les habitations faites paillotes sont souvent très modestes. L’eau est un des plus gros problèmes de l’Inde qui en manque cruellement dans de nombreuses régions. Par ailleurs, bien que depuis les années 1970, l’Inde soit autosuffisante d’un point de vue alimentaire, certaines couches très défavorisées de la population souffrent de malnutrition. 

II – Les castes. 

La société indienne est organisée en castes. Bien que l’article 15 de la Constitution indienne interdise les discriminations fondées sur les castes celles-ci continuent de jouer un rôle important dans la société actuelle. Cette hiérarchisation de la société a été créée par les colonisateurs aryens qui voulaient se distinguer des populations indigènes considérées comme inférieures. Le Brahmane, prêtre et érudit est au sommet, et en bas de l’échelle se trouve l’Intouchable, chargé des tâches les plus impures.

Ainsi la société indienne était divisée en quatre castes principales 

Les Brahmanes : Les prêtres, les penseurs et les philosophes…

Les Kshatriyas : Les rois, les guerriers et les nobles…

Les Vaishyas : Les ingénieurs, les propriétaires agricoles, les artistes, les usuriers…

Les Shudras : Les agriculteurs, les éleveurs, les artisans, les domestiques …

Plus tard, les Shudras ne souhaitant pas être la dernière caste de cette hiérarchie, créent une caste inférieure à la leur, les Intouchables qui regroupe les métiers les plus ingrats comme les tanneurs ou les barbiers, les vidangeurs… Chaque caste est dotée d’une spécialisation professionnelle et le degré relatif de pureté de cette profession détermine la place de la caste. 

Même de nos jours, il est extrêmement difficile de se marier en dehors de sa caste ou d’accéder à certains emplois si l’on est Intouchable ou Dalit. L’appartenance à une caste impliquant aussi une spécificité culturelle, sur le long terme des personnes de castes différentes ont du mal à cohabiter et les rares mariages souvent des échecs.

Enfin, on peut souligner que les hommes politiques utilisent le système des castes pour se faire élire en promettant de favoriser l’une ou l’autre de ces castes. La vie économique moderne ayant tendance à effacer la rigidité des castes, certains leaders politiques fondent leurs campagnes sur le maintien des élites traditionnelles.       

III – L’hindouisme.

C’est l’une des plus vieilles religions du monde. Les hindous croient en plusieurs dieux qui en fait sont les facettes d’un seul dieu le brahman. L’hindouisme dérive du védisme, une très ancienne religion introduite en Inde par les aryens au début du deuxième millénaire av. J-C. Les croyances religieuses de ces peuples étaient écrites dans les védas. 

L’hindouisme n’a pas de prophète fondateur comme le christianisme ou l’islam et n’a pas non plus de clergé avec une organisation structurée comme le catholicisme. On vit sa religion seul et très souvent on suit les pratiques de sa famille. Bien qu’il y ait de nombreux livres sacrés, elle se transmet oralement car jusqu’au XXe siècle beaucoup de personnes ne savaient ni lire ni écrire. C’est encore le cas dans de nombreux états.

Comment l’hindou prévoit-il Dieu ?

Bien que l’hindouisme soit une religion polythéiste, l’hindou est conscient que Dieu est UN. Mais il le représente sous trois aspects principaux : 

Brahma, le créateur dont le rôle est de créer toute vie ; Vishnou le préservateur, protège cette vie et Shiva le destructeur met fin à cette vie. Ce dernier n’est pas un aspect négatif de Dieu, toute chose doit avoir une fin. Dans la foi hindouiste, l’hindou croit en la réincarnation… dans ce cycle, notre âme voyage à travers différents corps pour un jour rejoindre Dieu. En mettant fin à la vie d’aujourd’hui Shiva ne fait qu’ouvrir la porte de la vie à venir. En détruisant, il crée et rejoint ainsi le créateur, il est simplement une des trois images de Dieu. 

Dans l’hindouisme, Dieu n’est pas seulement un homme, il est aussi femme. Il même homme et femme à la fois. Shiva est souvent représenté dans l’iconographie indienne moitié homme et moitié femme. La femme symbolise l’énergie qu’on appelle shakti et l’homme symbolise la matière.  Les trois principaux dieux ont ainsi chacun leur alter ego féminin. Pour des questions pratiques elles sont représentées comme leurs épouses et forment trois couples : Saraswati – Brahma ; Lakshmi – Vishnou ; Shiva – Shakti ou Parvathi. 

L’hindou multiplie ainsi l’image de dieu et à chacune d’elle il donne une fonction. Saraswati est la déesse de la musique des sciences et des arts. Lakshmi est la déesse de la richesse, de la beauté et de l’abondance. Shakti représentant l’énergie. Le couple Shiva et Shakti ont deux enfants : l’ainé, Ganesh, avec la tête d’un éléphant et le corps humain, représente la sagesse la paix et l’intelligence. On l’appelle aussi Vinayagan (celui qui brise les obstacles). Il a comme monture un rat. Le cadet, Murugan, est le dieu de la guerre de la victoire et de la splendeur. Il voyage sur un paon. Selon les actes accomplies ces dieux prennent un nom différent. Ce qui étoffe davantage la mythologie et le panthéon hindou. Chacun selon ses besoins, s’adresse l’une ou l’autre de ces images.  Pour compliquer encore, Vishnou a eu dix incarnations qu’on appelle le « Dashavatara ». La première de ces incarnations fut celle d’un poisson, qui sauva Manu du déluge… Parmi ces incarnations, les plus connues sont celles de Rama dont l’histoire est contée dans le « Ramayana » (un des livres sacrés) ou encore Krishna qui joue un rôle important dans le « Mahabaratha » où il enseigne la «Bhagavad-Gîta » (Le Chant du Seigneur).

Krishna dieu farceur, jouait de la flûte au bord de la rivière, au son de la musique, les jeunes bergères accouraient de toutes parts, chacune croyant que Krishna l’appelait elle seule. Après s’être prêtées aux jeux sensuels de Krishna, elles repartaient chez elles avec la joie d’avoir été seule avec Lui. Krishna se multipliait et se consacrait à chacune d’elles. Parfois, il volait les saris des baigneuses, les cachait dans les arbres, les forçant à venir le supplier de leur rendre leurs vêtements. Ces bergères qu’on appelle les « gopis », symbolisent le peuple de Dieu. Sa musique, c’est le « Chant du Seigneur » qui appelle son peuple à lui. Pourquoi vole-t-il les saris et contraint-il les gopis à venir dans leur nudité ? C’est parce que Dieu nous appelle à lui tels que nous sommes, sans artifices, dépouillés de tout. 

Dans le Sud de l’Inde, les temples ont une architecture dravidienne : la tour est de forme pyramidale avec des étages de plus en plus petits. Ces tours symbolisent le « Mont Meru » la demeure des dieux. L’un des plus grands temples de ce style est « Brihadeswarara » le Grand temple de Tanjore, ou encore « Madurai Meenakshi » Certains temples présentent des façades percées de nombreuses petites ouvertures à travers lesquelles les dieux peuvent nous observer.

Il fut un temps où les Intouchables et les Dalits ne pouvaient pas entrer dans les temples. C’est pourquoi ils ont créé des temples à ciel ouvert matérialisés par de grandes statues de dieux sur les places ou à l’entrée des villages. Ils se réunissent dans ces lieux pour prier. Bien que les choses aient évolué, ces temples de plein air se construisent encore un peu partout dans les villages et ne sont pas seulement fréquentés par les Intouchables.   

 IV – Quelques fêtes.

Comme dans toutes les civilisations, le mariage est une fête importante en Inde. Le système des castes implique de se marier au sein de sa caste et même de nos jours ce sont les parents qui choisissent l’époux ou l’épouse pour leur enfant. Dans un premier temps se sont les familles qui se rapprochent puis on fait se rencontrer les jeunes gens. La cérémonie du mariage a lieu devant un feu car il symbolise le dieu védique Agni. On s’unit en brulant tous les préjugés pour aller vers la lumière. Comme dans de nombreuses religions, la lumière symbolise Dieu. Le marié appose aussi le point rouge qui symbolise le troisième œil, celui qui permet de voir au-delà des apparences. On montre aussi le ciel à la jeune mariée afin qu’elle reconnaisse l’étoile Arundhati qui est le symbole de la fidélité. La mariée répondant par l’affirmative promet fidélité à son mari.  

Une autre fête très importante est la Fête de Pongal (des moissons). C’est la fête des agriculteurs.  Elle a lieu en janvier au moment de la récolte du riz et dure trois jours. Lors de cette fête on cuit le riz fraîchement récolté avec du lait, du sucre et des noix de cajou et on le laisse déborder en signe d’abondance. On donne une partie de ce riz d’abord à une vache, puis au soleil et enfin c’est toute la famille qui mange. La vache a une place à part dans la société indienne. En effet, c’est elle qui donne le lait nourricier et son petit était autrefois donné au temple pour les sacrifices. De nos jours, on continue à faire des offrandes au temple mais il n’y a pas de sacrifice c’est pourquoi les bovins se promènent librement dans les villages. La vache est sacrée car elle nourrit, elle aide au travail des champs comme le labour et elle aide au transport.  

Durant cette fête, les femmes, particulièrement celles du Tamil Nadu, perpétuent un art populaire appelé les kôlams. Avant le lever du soleil, elles balayent la rue devant l’entrée de leur maison, l’aspergent d’eau et réalisent des dessins géométriques avec des motifs de fleurs, d’oiseaux et d’animaux. Le kôlam allie étonnamment spiritualité et principes mathématiques. Ces femmes commencent par faire des points, qu’elles relient entre eux pour former des dessins, qui sont souvent de grande envergure (2 à 3 m). En temps ordinaire elles font des dessins simples en faisant perler entre le pouce et l’index de la poudre de craie blanche. Mais pour le Pongal, elles utilisent une profusion de poudres de couleurs et réalisent des tableaux qui sont de véritables œuvres d’art. Pendant la mauvaise saison, certaines femmes utilisent de la poudre de riz, dans le but de nourrir les insectes et les oiseaux. Il arrive aussi qu’elles déposent, au centre du dessin, une fleur de potiron large et creuse, dans laquelle elles versent du lait pour permettre aux oiseaux de se désaltérer. Leurs œuvres, riches en symboles, sont éphémères et seront effacées par les pas des passants dans les heures qui suivront leur réalisation. Ce beau geste complètement désintéressé qu’elles font quotidiennement est un hommage au dieu Surya (dieu Soleil). En effet, quand le soleil se lève, la lumière qui émane de Surya rentre dans les foyers. Pour les Hindous c’est Dieu qui rentre dans leurs maisons. Pour recevoir Dieu, il faut rendre la demeure accueillante.

CONCLUSION

L’Inde est un pays extrêmement riche culturellement du fait de sa grande variété ethnique et linguistique. C’est aussi un pays de forts contrastes, très moderne mais avec certains aspects très conservateurs comme le montre le maintien des castes, un système de hiérarchisation multimillénaire. Certaines fêtes sont elles aussi très traditionnelles et continuent à jouer un rôle important dans la société.  Quant à la religion majoritaire, l’hindouisme, c’est plus une façon de vivre et une philosophie qu’une religion hiérarchisée.

 

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués *

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.