Thèmes: Economie, Sciences, Société Conférence du mardi 16 mars 2010
Par Claude DARRAS, Ancien Président d’un jury National des M.O.F. Vice président du CDI
L’origine du concours des M.O.F. est très ancienne, elle remonte à la tradition du compagnonnage. Le mot « ouvrier » vient du latin « operarius » qui signifie « celui qui travaille avec ses mains ». Les confréries ouvrières du Moyen-Âge se vantaient d’exister depuis la construction du temple de Salomon dont l’architecte aurait été Maître Jacques. Elles rassemblaient des artisans animés d’un idéal commun : le compagnon se faisait un « devoir » d’être excellent dans son métier. Il le prouvait par l’exécution d’un chef-d’œuvre et, plus tard par un périple initiatique, le Tour de France, en passant par les villes dites du « devoir ». Ces associations s’organisaient pour transmettre le savoir-faire de chaque métier et pour défendre les intérêts des ouvriers, en s’opposant aux pouvoirs contraignants corporatifs ou gouvernementaux. Ce qui provoquait souvent des conflits.
Après avoir été interdites pendant la Révolution et l’Empire, les Sociétés de Compagnonnage retrouvèrent leur vigueur au XIX° siècle. Mais elles se heurtèrent violemment aux syndicats qui se créaient. Ceux-ci interdisaient aux compagnons de s’inscrire chez eux parce que leur mentalité ne s’accordait pas avec l’esprit de la lutte des classes. En 1969 leur rivalité fut encore l’objet d’une polémique sévère lors d’une émission « Dossiers de L’écran » d’A. Jammot.
Au début du XX° siècle, face à ces problèmes, certains eurent l’idée d’un concours récompensant les meilleurs ouvriers ou artisans, mais ne dépendant pas d’initiatives corporatives ou privées. Il serait organisé par l’Education Nationale. La guerre de 14-18 en retarda l’application et ce fut en 1924 que la première Exposition des Meilleurs Ouvriers de France se déroula, récompensant 144 candidats. Les diplômes furent remis par Maître Moro-Gaffieri, sous-secrétaire d’état à l’Enseignement Technique.
C’est un journaliste, Lucien Klotz, qui fut le principal promoteur de ce concours. Il eut immédiatement l’appui des pouvoirs publics et surtout d’un polytechnicien, Albert Lebrun, le futur Président de la République qui dirigea le Comité exécutif de l’organisation. En 1929 on créa la Société des Meilleurs Ouvriers de France (MOF), afin de rassembler les lauréats et de valoriser leur diplôme. En 1932 Albert Lebrun plaça la Société des MOF sous son haut patronage et décida que ce diplôme d’Etat serait désormais remis par le Président de la République. Suspendue pendant l’Occupation, l’Exposition fut relancée en 1949, présidée par Vincent Auriol. Depuis tous les trois ou quatre ans les Présidents de la République ont couronné environ 300 lauréats à chaque concours. Une centaine de professions les plus diverses peuvent présenter des candidats.
Dans les années 80 des difficultés se présentèrent à cause de l’évolution des techniques : l’informatique et la robotique rendait secondaire le travail manuel. Les projets n’étaient plus exécutés sur la planche à dessin mais sur l’écran de l’ordinateur. Les MOF étaient plutôt considérés comme des artistes et non pas comme des éléments dynamiques de l’entreprise. D’ailleurs certains candidats estimaient que les sujets proposés étaient tombés en désuétude et ils n’avaient pas toujours tort.
En 1989 un Comité d’organisation de la Société des MOF est créé avec la mission d’intégrer la notion de créativité à celle de l’excellence de la fabrication tout en associant une finalité économique. Les commissions chargées de proposer les sujets du concours avaient pour consigne de laisser plus de liberté d’expression au candidat qui en plus devait présenter une « œuvre libre » correspondant à sa spécialité. Cette orientation plus moderne du concours se révéla efficace en donnant aux candidats des grandes possibilités de réalisations, comme le prouve la trentaine d’œuvres admirables qui illustrent cette conférence.
Loin d’être périmé, le concours des Meilleurs Ouvriers de France, connaît toujours un grand succès national et international, pas seulement par le talent de nos chefs cuisiniers ! Dans le monde entier on fait appel à leur compétence, souvent pour sauvegarder un patrimoine architectural et artistique. Ils sont les derniers représentants d’un savoir-faire devenu rare : être capable de se servir de ses dix doigts pour réaliser une œuvre rare qui nécessite une intervention manuelle de très haute qualité.
Continuons à encourager le travail manuel et cela dès la petite enfance. Déjà 500 ans avant JC, Anaxagore disait : « L’homme est intelligent parce qu’il a deux mains ». Or on apprend à voir avec ses mains : il faut que très jeune on manipule et assemble des objets pour développer notre vision dans un espace à trois dimensions et établir une liaison efficace entre les zones du cerveau qui gèrent la vision et le geste, garantie de la visualisation des volumes et de l’habileté manuelle. Ce n’est pas en tapant sur un clavier ou en jouant avec une console de jeux que l’enfant peut acquérir cette faculté.
Ajoutons que l’admirable mentalité des MOF est définie par leur Chartre contenant dix commandements dont l’un stipule, qu’en plus de l’excellence de leur travail, le MOF doit « être un représentant irréprochable de ce que doit être le comportement moral ». C’est pourquoi de Gaulle disait : « Ils sont nobles entre tous ! »
Claude DARRAS
Ancien Président d’un jury National des M.O.F.
(Extraits du Cours de physiologie de l’Ecole d’Optique. 1972)
Le surhomme aurait des dons exceptionnels Par exemple :
La SOUPLESSE du tigre,
L’aisance dans les AIRS de l’oiseau,
… mais il aurait des MAINS comme les nôtres ! « L’homme est intelligent parce qu’il a des mains »
ANAXAGORE
(500-428 avant J.C.)
…Alors faites que pour nos enfants leurs doigts ne soient pas que des presse-boutons !
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