LES FRANÇAIS ET L’ALCOOL, une attitude ambivalente

Thème : ECONOMIE – SOCIETE                                                                                                                                                    Mardi 23 Janvier 2007

Les Français et l’alcool, une attitude ambivalente

Par Philippe Mouton – Président de la Fédération Française et de la Confédération Européenne des Spiritueux 

Il ne se passe pas une semaine sans que les médias ne consacrent des articles négatifs sur l’alcool. Pour autant, le secteur se porte bien, comme on a encore pu le vérifier à l’occasion des états généraux sur l’alcool en décembre dernier. Exportateur, c’est un domaine qui apporte beaucoup à l’économie française en terme d’emplois et de taxes versées, et qui participe à la renommée de l’excellence française dans les pays étrangers.

La France est le pays, en Europe et dans le monde, où les boissons alcoolisées font partie intégrante de la culture et de la vie sociétale de la population. On n’imagine pas un repas sans vin, une fête sans champagne, un départ à la retraite ou une promotion sans « pot ».  Paradoxalement, c’est aussi le pays où sévit la loi la plus sévère sur la publicité (loi Evin) et où les professionnels de ce secteur sont le plus attaqués. Cette stigmatisation des boissons alcoolisées, et plus particulièrement des spiritueux, est le résultat de démarches douteuses d’« ayatollahs de la santé publique » qui propagent des idées fausses

Que représentent les spiritueux en France ?

Contrairement aux boissons fermentées (vin, bière, cidre), les spiritueux sont issus d’une distillation. Ce procédé consiste à mélanger un alcool neutre avec des fruits. Le règlement européen de 1989 établissant les règles relatives à la définition des boissons alcoolisées précise qu’un spiritueux doit contenir un minimum de 15% d’alcool.

Il existe deux grandes catégories d’alcools distillés : la famille des eaux de vie, et les spiritueux dont les composés sont issus de substances végétales ajoutées.  Parmi les eaux de vie, on retrouve le rhum, le whisky, les eaux de vie de vin (cognac, armagnac, brandy), les eaux de vie de fruits (à base de racines et de plantes) et les eaux de vie de marc. Dans la seconde catégorie, on retrouve les liqueurs, les anisés (pastis, ouzo), le gin et le genièvre, la vodka, les amers et bitters ou encore l’aquavit.

Le terme « alcool fort », si souvent employé dans les médias, n’a aucune réalité légale. Cette formulation très connotée pourrait laisser à penser, a contrario, qu’il existe des alcools doux. La Fédération Française des Spiritueux (FFS) récuse fermement la distinction faite entre les différentes catégories de boissons alcoolisées. Un verre de spiritueux contient autant d’alcool pur qu’un verre d’une autre boisson alcoolisée. Un verre standard de whisky ou de rhum à 40% contient 3 cl, soit 10 g d’alcool pur. Un verre standard de bière ou cidre à 5% contient 25 cl, soit à nouveau 10 g d’alcool pur. Et un « ballon » de vin à 12% a une contenance de 10 cl, soit toujours 10 g d’alcool pur.

La FFS est un syndicat professionnel formé de producteurs et de distributeurs français de spiritueux. Il compte 150 adhérents, dont beaucoup de petites PME et de productions artisanales et quelques grands groupes (Pernod-Ricard, Cointreau, Moet-Hennessy), représentant 700 marques. Outre les entreprises qui participent directement à la FFS, d’autres y participent indirectement comme les producteurs d’eaux de vie de fruits, de liqueurs, et ceux qui produisent des alcools pour les métiers de bouche (qui servent à aromatiser les produits).

Ce secteur des spiritueux jouit d’une grande diversité, avec une gamme de produits sans cesse renouvelée : liqueur de sapin, liqueur de caramel beurre salé, liqueur de fleur de Molène, pastis bleu, vodka de raisin… sans oublier toutes les variétés régionales, 91% des régions françaises ayant leur spécialité.

Un poids économique considérable

En 2005, la production totale de spiritueux comptabilisait 470 millions de litres (440 millions vendus, la différence s’expliquant par des pertes liées à des casses et à la part des anges),  répartie comme suit : 1. Anisés, 131 millions ; 2. Cognacs, 127 ; 3. Liqueurs et crèmes, 89 ; 4. Rhums des DOM, 44,5 ; 5. Vodkas, 38,7… puis les amers et bitters, le calvados, le gin…Le chiffre d’affaire du secteur était, en 2005, de 4 milliards d’euros hors droits et taxes.

On constate pourtant, en France, une stagnation voire même une légère baisse de consommation des spiritueux (3,57 millions d’hectolitres en 2005 contre 3,61 en 2004). Les volumes de ventes de whiskies en grande et moyenne surface dépasse désormais les anisés. Cinq pour cent seulement de la production de cognac est consommée en France. Les Américains et les Chinois en sont friands. Là-bas, pouvoir s’acheter de bonnes bouteilles très chères marque un statut social.

L’essentiel du chiffre d’affaire des spiritueux français provient donc de l’étranger (Etats-Unis, Chine, Japon, Inde…) En 2005, les 400 millions de litres exportés ont rapporté 2,2 milliards d’euros. Ce sont des produits à haute valeur ajoutée.

Le secteur des spiritueux, qui emploie 20 000 personnes en France, induit de très nombreux emplois indirects (verrerie, tonnellerie, restaurateurs, chefs de rayons en supermarché, cavistes, barmen…). Son impact sur la vie rurale et agricole est considérable. Les spiritueux utilisent beaucoup de matière première d’origine agricole (70 000 tonnes de raisins, 15 000 t de sucre, 55 000 de fruits, 55 000 t de canne à sucre…) Pour fabriquer1 litre de rhum, il faut 8,5 kg de canne à sucre. Pour 1 litre de kirsch, on utilise 9 kg de cerises.

Un bienfait pour le fisc

Nos produits sont frappés d’un droit d’accises (droits de consommation, droit de circulation) qui représente 1 450 euros par hectolitre d’alcool pur (835 euros seulement pour le rhum des DOM). Lorsque le volume alcoométrique dépasse 25%, une « cotisation Sécurité Sociale » vient s’ajouter. Ces différentes taxes ont rapporté à l’Etat (hors TVA) 1 880 millions d’euros au titre des droits de consommation et 380 millions de cotisation Sécu.

Le total des taxes prélevées sur une bouteille de spiritueux représente 75% du prix de vente. Il faut savoir que les spiritueux sont taxés bien davantage que les autres boissons alcoolisées. Alors qu’ils ne représentent que 20% de la consommation, ils fournissent 80% des recettes fiscales.

Les spiritueux et la santé

Sensible aux politiques de santé publique, la FFS mène une politique proactive en la matière et rappelle les règles édictées par l’OMS en matière de consommation d’alcool. Un homme ne doit pas boire plus de trois unités d’alcool par jour (soit 30 g d’alcool pur), les femmes pas plus deux unités. Il ne faut pas boire plus de quatre verres en une seule occasion et respecter un jour d’abstinence par semaine.

La Fédération Française des Spiritueux entend poursuivre son soutien aux actions de prévention contre la consommation excessive ou inappropriée d’alcool. Les femmes enceintes ne doivent pas boire. Nous avons choisi d’apposer sur nos bouteilles un logo pour rappeler ce danger. Par ailleurs, nous prônons l’abstinence dans les circonstances suivantes : chez les mineurs, en cas de conduite d’un véhicule ou d’une machine dangereuse, en cas d’activité nécessitant une vigilance accrue, lors de certaines pathologies chroniques (épilepsie, hépatite) et de prise de médicaments et en cas de dépendance à l’alcool.

On l’a vu, l’alcool contenu dans un spiritueux n’est pas plus fort que dans les autres boissons alcoolisées, c’est la dose qui est déterminante. On dit que la consommation augmente ? En France ce n’est pas le cas. La consommation moyenne est d’un demi verre par jour. Le nombre de buveurs excessifs ne représente que 2,5% de la population. Aujourd’hui, on boit moins mais on boit mieux.

La dépendance alcoolique n’augmente pas avec les spiritueux. La consommation a même tendance à diminuer chez les jeunes. Mais on assiste à un phénomène nouveau importé du nord de l’Europe, le « binch drinking » ou « biture expresse », qui voit des jeunes faire un maximum de mélanges pour être saoul le plus vite possible.

Promouvoir la consommation modérée

En 2004, nous avons adopté un code de bonne conduite, cosigné par une dizaine d’associations, pour permettre aux adhérents de mieux utiliser la loi Evin. Nos principes généraux, qui traitent de la communication commerciale, stipulent qu’on ne doit en aucun cas encourager la consommation ni discréditer les abstinents. Il ne faut pas davantage laisser entendre qu’un degré d’alcoolémie moindre peut autoriser une consommation plus élevée ou qu’un degré d’alcoolémie élevé est gage de qualité. Nous ne devons pas laisser penser que nos produits ont des vertus médicinales, un effet stimulant ou sédatif, qu’ils améliorent les performances physiques, psychiques, intellectuelles ou sexuelles, ou encore qu’ils facilitent la réussite sociale.

A Bruxelles, notre attitude responsable nous vaut d’être entendus au niveau européen. Ainsi, nous avons fait adopter en 2005 une charte auprès de l’ensemble de nos adhérents, avec une évaluation extérieure garante de transparence. Nous nous appliquons à nous-mêmes des règles rigoureuses que nous respectons et avons pris l’engagement de promouvoir la consommation modérée d’alcool. Il s’agit de montrer que l’autodiscipline peut fonctionner. Nous condamnons la vente des « premixs », ces boissons alcoolisées très sucrées destinées aux adolescents et appelons à la mise en place d’un système permettant de retirer ces produits des rayonnages.

Nous pensons avoir un rôle à jouer en matière d’éducation à l’alcool. Sans intervenir directement dans les établissements scolaires, nous proposons de fournir des outils pour aider les professeurs à prévenir la consommation excessive d’alcool. Dans certains pays, les industriels donnent du matériel pédagogique et concourent à améliorer la situation.

En savoir plus …

Coté livres :

Alcool, vin et santé

Auteur : Michel de Lorgeril, Patricia Salen
Éditeur : Alpen Editions

ISBN-10: 2914923945

http://www.amazon.fr/Alcool-vin-sant%C3%A9-Michel-Lorgeril/dp/2914923945

COMMENT ARRETER L’ALCOOL

Auteur : P. Grazziani, D. Eraldi

Editeur: Odile Jacob

http://livre.fnac.com/a1454965/P-Grazziani-Comment-arreter-l-alcool

Coté Web :

http://bienetre.nouvelobs.com/site/actu.asp?ID=4782&Rub=Long%E9vit%E9

http://www.doctissimo.fr/html/sante/mag_2000/mag0929/dossier/sa_2468_francais_champion.htm

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