RETROSPECTIVE ET AVENIR DE L’HOMME SUR LA LUNE

Thèmes Sciences, Société                                                                                                                           Mardi 16 Octobre 2018.

RETROSPECTIVE ET AVENIR DE L’HOMME SUR LA LUNE

par Monsieur Charles FRANKEL, planétologue et auteur scientifique.

INTRODUCTION

On rêve de la Lune depuis l’Antiquité mais jusqu’au XXe siècle, elle reste le domaine des poètes. C’est au XXe siècle que les scientifiques commencent à s’y intéresser. Après la seconde guerre mondiale, la compétition dans le domaine spatiale entre l’URSS et les Etats-Unis pour être les premiers à marcher sur la Lune stimule la recherche et le développement technologique. Les Etats-Unis lancent en 1961 leur programme Apollo qui aura jusqu’à 10 missions pilotées mais incontestablement celle qui marquera le monde sera Apollo 11 lorsque Neil Armstrong fait les premiers pas de l’Homme sur la Lune le 21 juillet 1969, bientôt suivi par Buzz Aldrin.

I – Le programme Apollo.

Le programme Apollo est le programme spatial de la NASA mené durant la période 1961-1975 qui a permis aux Etats-Unis d’envoyer pour la première fois des hommes sur la Lune. Il est lancé par le Président John F. Kennedy le 25 mai 1961. Le programme drainera un budget considérable, près de 169 milliards de dollars actuels, et mobilisera jusqu’à 400 000 personnes.

Apollo 1 connaît un véritable drame. Le 27 janvier 1967, lors d’une répétition générale, le vaisseau spatial accouplé à une fusée Saturn 1B prend feu au sol et l’équipage composé de Grissom, White et Chaffee meurt asphyxié. Cet accident entraînera un report de près de deux ans du calendrier mais le programme Apollo se poursuit avec des tirs sans équipage. Pendant ce temps, les Russes travaillent et progressent.

En décembre 1968 c’est la fameuse mission Autour de la Lune d’Apollo 8. On en fête cette année le cinquantenaire. La NASA, toujours soucieuse de devancer Moscou, en pleine guerre froide, envoie la fusée Saturn V avec la nouvelle capsule Apollo au-delà de l’orbite terrestre. C’est un voyage plein d’inconnus. En effet, c’est la première fois que l’homme s’éloigne de l’orbite terrestre, c’est aussi la première fois qu’un homme peut voir la face cachée de la Lune à travers un hublot. L’équipage composé de Frank Borman, Jim Lovell et Bill Anders prend un grand nombre de photos, essentiellement en noir et blanc car avec l’argentique la qualité est bien meilleure qu’avec la couleur. Grâce à ces photos on voit nettement les très nombreux cratères d’impact du fait qu’il n’y a pas d’atmosphère sur la Lune, De plus, l’absence d’érosion sur la Lune laisse intact les impacts.

Apollo 9 et 10 sont des missions techniques qui permettent de faire des mises au point avec le LEM, Lunar Excursion Module. Apollo 9 testera le LEM en orbite terrestre et Apollo 10 le testera en orbite lunaire.

Puis vient Apollo 11, la mission mythique de juillet 1969. Avant son départ on ne savait pas que ce serait la mission qui verrait le premier pas de l’Homme sur la Lune. La fusée Saturn V bénéficie du réacteur le plus puissant jamais construit, avec une poussée totale de 3000 tonnes. Le lancement a lieu de la base de Cap Canaveral en Floride. Les astronautes sont recrutés parmi les pilotes d’essai militaires et civils. Ils passent beaucoup de temps dans les simulateurs mais suivent aussi des cours d’astronomie pour la navigation astronomique et de géologie pour les préparer à l’identification des roches lunaires. L’équipage d’Apollo 11 est composé de Neil Armstrong, Buzz Aldrin qui doivent se poser sur la Lune et Michael Collins qui restera en orbite lunaire. Quand Neil Armstrong pose le LEM sur le sol lunaire, il ne reste que trente secondes de carburant ! Il lui fallait réussir coûte que coûte. Il sera le premier à sortir de la capsule lunaire non pas parce qu’il était le capitaine mais parce qu’il était à côté de la porte ! Un petit pas pour l’Homme, un bond de géant pour l’humanité. Les deux astronautes ne marcheront que deux heures sur la Lune mais pourront ramener 20 kg de roche lunaire et quelques pelletées de sol ; ils auront déposé un sismomètre et un miroir laser afin de mesurer de façon très précise la distance entre la Terre et la Lune. Grâce à cette mesure on pourra confirmer les calculs des physiciens qui estimaient que la Lune s’écartait de la Terre de trois à quatre centimètres par an. Lors de cette première sortie sur la Lune, les astronautes ne s’éloigneront de leur capsule que d’une trentaine de mètres. C’est Armstrong qui s’éloignera le plus car il voulait voir le cratère à proximité duquel il s’était posé.

L’image télévisuelle est de mauvaise qualité car les antennes étaient petites et la caméra filmait à 10 images secondes. Un matériel de qualité aurait pesé trop lourd pour être emporté, et de plus l’équipage se souciait bien peu de la télévision. La médiatisation des événements n’avait pas le poids actuel. En revanche nous avons des photos noir et blanc et couleur de très bonne qualité.

Les missions suivantes seront moins médiatisées. Avec Apollo 12, lancée en novembre 1969, la NASA cherche à pouvoir se poser avec le plus de précision possible, notamment près de Surveyor 3, une sonde d’observation. On peut rappeler que le programme Surveyor a joué un rôle important de préparation au missions Apollo. Un des objectifs était la mise au point d’une méthode d’atterrissage en douceur ainsi que l’étude du sol lunaire et de sa topographie. Il est en effet impératif de connaître ce paramètre pour valider la conception du train d’atterrissage. L’équipe d’Apollo 12 est bien différente de la précédente, beaucoup plus joyeuse et enthousiaste, la mission reste une réussite, Pete Conrad ayant réussi à poser le LEM à 160 mètres de Surveyor. Nous n’avons aucune image télévisuelle de cette mission car la caméra était tombée en panne. Pete Conrad et Alan Bean auront passé près de huit heures hors du LEM en deux sorties et ramassé 35kg de roche lunaire, pendant que Richard Gordon les attendait en orbite lunaire.

En avril 1970, la mission Apollo 13 connaîtra un grave accident avec l’explosion d’un réservoir à oxygène liquide du vaisseau spatial. Houston, we have a problem ! L’équipage composé de Jim Lovell, Fred Haise et Jack Sweigert survécut en utilisant le module lunaire comme vaisseau de secours. Les astronautes manquent d’électricité, subissent le froid, doivent raccourcir leur mission et naviguer au sextant car il n’y a plus aucun appareil électronique branché. En dépit de toutes ces difficultés ils réussissent à revenir sains et saufs.

En février 1971, Apollo 14 avec Alan Shepard, Edgar Mitchell et Stuart Roosa sera la mission qui réussira l’atterrissage le plus précis, à trente mètres de la cible. Ils ont à parcourir plus d’un kilomètre à pied pour rejoindre le Cone Crater, Mais, il est très difficile de s’orienter sur la Lune car il n’y a pas de repère, ni végétal ni de construction, enfin l’horizon n’est pas flou comme sur Terre car il n’y a pas d’atmosphère. Shepard et Mitchell se seront approchés à 30m de Cone Crater, sans le savoir ; Ils auront ramassé 43kg de roche lunaire, passé plus de 9h à marcher sur la Lune pendant que Stuart Roosa les attendait en orbite. On en est à 6 américains sur la Lune, et pas un Russe.

Apollo 15 est une mission extrêmement spectaculaire surtout par le choix du lieu d’atterrissage. En effet, cela a lieu à côté d’un chenal de lave et du cratère d’impact Saint-Georges, prénommé ainsi d’après le nom du vin français, Nuits-Saint-Georges, enjeu d’un pari entre les astronautes. C’est également lors d’Apollo 15 qu’apparaît le rover lunaire (une jeep pliable à quatre roues motrices) conçu dans le temps record de 18 mois. Il sera piloté par David Scott avec Jim Irwin comme passager ; ils passeront plus de 18h à rouler sur la Lune et pendant ce temps-là, Al Worden fait des tours en orbite lunaire. Et voilà maintenant 8 américains qui ont foulé le sol lunaire.

Les deux dernières missions Apollo 16 et Apollo 17 seront, comme Apollo 15, filmées depuis Houston par un chef opérateur qui contrôle à distance la caméra montée sur le rover. En avril 1972, le LEM d’Apollo 16 restera plus de 20h sur la Lune, Apollo 17 en décembre 1972 sera la dernière mission sur la Lune. Eugène Cernan et le géologue civil Harrison Schmitt seront les onzième et douzième Américains à avoir décroché la Lune. Quarante-six ans plus tard aucun autre homme n’est encore retourné sur la Lune.

II – Bilan d’Apollo et perspectives d’avenir.

Au cours des différentes missions, on a ramené quelques 400 kilos de roches lunaires qui sont toujours étudiées de nos jours et qui sont gardées dans une atmosphère neutre. Grâce aux différentes études scientifiques on a pu établir que la Terre et la Lune sont le résultat d’une collision entre deux masses. Les petits débris ont formé la Lune et les masses principales la Terre. Même si cette théorie est contestée par certains scientifiques, elle est pour l’instant la plus acceptée. Après Apollo, ce sont des sondes automatiques qui continuent de transmettre des données. Si ces sondes permettent d’éviter la prise de risque d’une mission humaine, elles n’ont pas la dextérité ni l’efficacité de l’homme.

A la fin des années 1990, George W. Bush lance le projet Constellation de renvoyer des équipages sur la Lune et une nouvelle capsule, Orion, est en construction. On avait le projet d’atterrir près du Pôle Sud de la Lune et pour cela, en 2008, on a fait des simulations de débarquement dans l’Arctique canadien. Barak Obama élu à la Maison Blanche la même année, suspendra le programme l’année suivante. Finalement le programme spatial américain est surtout porté par sa branche industrielle. On construit des appareils sans finalité concrète.

Compte tenu du coût des programmes spatiaux, des investisseurs privés ont un rôle à jouer et prennent le relais des organismes d’état. Ainsi, Elon Musk, un Sud-africain installé aux Etats-Unis et milliardaire à trente ans, fonde Space X qui construit les fusées Falcon. Ces fusées sont très performantes et ont l’avantage de pouvoir être recyclées partiellement (à 30%) ce qui fait baisser les coûts. Falcon devient le principal concurrent d’Ariane. Elon Musk lance également le projet Big Falcon Rocket BFR qui pourra embarquer plusieurs dizaines d’astronautes dans un engin d’une taille jamais égalée. Le projet est déjà bien avancé et on prévoit le premier vol d’essai pour 2019. Entrepreneur privé, Elon Musk veut rentabiliser son entreprise et par conséquent il vend des voyages vers la Lune. Son premier client, le milliardaire et collectionneur d’art japonais Yusaku Maezawa, a réservé toutes les places du premier vol, prévu pour 2023.

CONCLUSION

L’objectif fixé au programme Apollo a été rempli au-delà de toute espérance. L’astronautique américaine a su développer dans un temps record un lanceur d’une puissance inimaginable dix ans auparavant, maîtriser complètement le recours à l’hydrogène pour sa propulsion et réussir à amener l’homme sur un autre astre. Aux yeux du monde entier le programme Apollo est une démonstration magistrale du savoir-faire américain. Pour beaucoup d’Américains ce succès démontre la supériorité de la société américaine même si cette foi est ébranlée à la même époque par la contestation liée à la guerre du Vietnam et le mouvement des droits civiques.

Bibliographie : « L’aventure Apollo » de Charles FRANKEL, Edition Dunod, Dépôt légal septembre 2018.

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