MÉDECINE D’AUJOURD’HUI – MÉDECINE DE DEMAIN

Thème : MÉDECINE et SCIENCES NATURELLES                                                                                                                           Mardi 12 octobre 2012

MÉDECINE D’AUJOURD’HUI, MÉDECINE DE DEMAIN 

 par le Professeur Alain BAGLIN 

Les problèmes de fonctionnement que pose la médecine ne sont abordés par la presse que de façon superficielle. Or ils engagent l’avenir de notre société. A partir de son expérience personnelle d’ancien doyen de faculté de médecine, le professeur BAGLIN aborde certains de ces problèmes ainsi qu’une mention rapide de ce qui devrait changer demain.

 Une demande (et des dépenses) de soins en forte croissance 
Au cours des 10 dernières années, les dépenses de santé ont augmenté de 40 % par rapport au PIB. Cela tient à plusieurs faits :
– une augmentation de la durée totale de vie sans augmentation de la période de vie en bonne santé : on est malade plus longtemps ;
– des techniques et des traitements plus coûteux, même si certains comme la chirurgie ambulatoire ou les techniques moins invasives sont sources d’économie en réduisant la durée d’hospitalisation ;
– un système qui pousse à la consommation : tous les intervenants ont intérêt à faire consommer (soignants, laboratoires, ambulanciers) sans qu’il y ait de frein de la part des malades (qui ne versent plus rien avec le système du tiers payant).

Tous les efforts tendent actuellement à freiner la consommation, mais cela a une limite. Une fois atteinte, les dépenses repartiront. Alors jusqu’à quel niveau acceptable ? Le problème se posera, mais aucun responsable n’ose actuellement poser la question.

Une mutation chez les médecins 
Plus que la baisse modérée du nombre de médecins due à une politique de formation restrictive qu’on tente actuellement de corriger (mais il faut 10 ans pour former un médecin), c’est le profil du médecin qui a changé.
Le jeune médecin est majoritairement une femme, qui apporte au sein du couple un deuxième salaire (donc avec moins d’exigences financières), et qui souhaite concilier sa vie professionnelle avec sa vie familiale et ses loisirs.

Ceci explique en partie les déserts médicaux : les jeunes médecins ont peur de se retrouver seuls et d’avoir des horaires de travail incompatibles avec la réalisation de leurs souhaits. Ils veulent éviter l’exercice solitaire, d’autant que travailler en groupe est plus rassurant : en cas de doute, on peut demander aux autres et on réduit le risque d’erreur. La création de maisons médicales répond à cet objectif.
On constate que les zones de désert médical sont en fait des zones de désertification globale (milieu rural, plutôt du Nord de la France) où le conjoint ne trouve pas d’emploi et où les établissements scolaires pour les enfants sont éloignés. Ce n’est donc pas un problème uniquement médical, et en tout cas par un problème de revenu financier du médecin.

Des honoraires remboursables de spécialistes qui n’augmentent que faiblement 
Les dépassements d’honoraires défraient la chronique. Ils concernent principalement les spécialités où le malade est prêt à payer plus, lorsque sa vie est en jeu (chirurgie, anesthésie) ou lorsque cela touche à son intimité (gynécologie) et ceci principalement dans les grandes villes.
S’il existe des honoraires réellement abusifs, relativement rares, il faut reconnaître que le niveau de remboursement par la Sécurité sociale des actes des spécialistes a été très peu réévalué au cours de la dernière décennie (nettement moins que l’inflation) alors que les charges de ces spécialités ont fortement augmenté. Le fait que les pouvoirs publics ont décidé que la médecine générale devenait une spécialité, les a obligés à rapprocher les honoraires des généralistes de ceux des autres spécialistes qui ont été relativement gelés. Il y aurait moins de dépassements si les actes des spécialistes étaient normalement revalorisés.
Le problème réel est la difficulté dans certains lieux et dans certaines spécialités de trouver des médecins pratiquant les tarifs conventionnels pour les malades à faible revenu.

La judiciarisation de la médecine
Sans atteindre les niveaux observés aux-Etats Unis, on constate que le nombre de réclamations des malades vis-à-vis de leur médecin a fortement augmenté (+ 120 % en 20 ans pour les médecins de ville), que le pourcentage de condamnations par les tribunaux augmente lui aussi, et que le niveau de certaines indemnisations donne le vertige (plusieurs millions d’€ par patient). Ces plaintes concernent essentiellement les spécialités à risque (chirurgie, anesthésie, obstétrique).
Face à cette situation, les assurances professionnelles sont obligées d’augmenter le niveau de leur prime qui devient une lourde charge pour le médecin.

Ce qui va changer demain
Les progrès de la médecine vont permettre une médecine de plus en plus « ciblée ». Par exemple, il est possible de repérer chez chaque individu des marqueurs génétiques de risque, permettant de focaliser la prévention et le dépistage chez les personnes à risque. De même, certains marqueurs cellulaires ne s’observent que sur des cellules cancéreuses, permettant de les repérer, et de ne faire agir les médicaments que sur ces cellules, limitant les effets indésirables de la chimiothérapie sur les cellules normales et permettant donc d’administrer des doses plus fortes pour détruire le cancer.

Les progrès des techniques de communication vont permettre l’extension de la télémédecine (par exemple la télésurveillance : électrocardiogramme transmis en continu vers un centre de surveillance pour les malades à haut risque cardiaque ; la téléconsultation où le médecin se connecte en présence du patient à un autre médecin pour solliciter son avis). Les transmissions de données médicales requièrent au préalable l’accord du patient.