LOUIS PASTEUR, ou comment faire le tour du monde en restant dans son laboratoire

Thème : MEDECINE ET SCIENCES NATURELLES                                                                                                                      Mardi 13 Février 2007

LOUIS PASTEUR, ou comment faire le tour du monde en restant dans son laboratoire

Par Maxime Schwartz – Directeur honoraire de l’Institut Pasteur

A l’étranger, l’Institut Pasteur jouit d’une notoriété qui ne s’est pas démentie depuis 120 ans. Déjà, du vivant de Louis Pasteur, ses travaux sont connus sur tous les continents. Les moyens de communication sont pourtant bien plus limités qu’actuellement. Louis Pasteur a cinquante-quatre ans quand il participe en 1876 à son premier congrès scientifique sur un sol étranger, à Milan. Auparavant, ses travaux sur la fermentation l’avaient mené à Londres et à Copenhague (où il reçut les félicitations du fondateur des brasseries Carlsberg)  mais, somme toute,  il n’a pas beaucoup quitté la France. A sa mort, en 1885, ses travaux ont pourtant faits le tour du monde.

L’Amérique du sud

Dès 1873, l’empereur Pedro II du Brésil noue des relations avec Louis Pasteur. Il se rend à Paris pour écouter ses conférences et s’enquiert régulièrement de ses travaux. Les deux hommes entretiennent une correspondance soutenue. Pedro II est l’un des premiers souverains étrangers à s’associer à la souscription internationale qui va permettre la création de l’Institut Pasteur. En 1886, un an après la première vaccination contre la rage, l’empereur envoie à Paris un jeune médecin brésilien, Auguste Ferreira dos Santos, qui ouvre, à son retour au Brésil, un Institut antirabique à Rio. En 1896, l’Institut Pasteur accueille le brésilien Oswaldo Cruz qui créera l’institut qui porte aujourd’hui son nom et qui est lié par une convention de coopération à l’Institut Pasteur. En mission au Brésil, des pastoriens qui travaillent sur la fièvre jaune  confirment l’hypothèse émise par Carlos Finlay, à savoir une transmission transovarienne du virus. Suite à cette découverte, Oswaldo Cruz décide, en 1903, d’assainir la ville de Rio, ce qui aura comme d’effet de faire disparaître le virus de cette ville trois ans plus tard. De nombreuses collaborations se sont établies depuis avec le Brésil, notamment dans la lutte contre le paludisme ou la tuberculose.

Quand, en 1995, des colloques internationaux sont organisés à travers le monde à l’occasion du centenaire de la mort de Pasteur, la première conférence a lieu au Brésil. L’Institut Pasteur a noué des collaborations avec d’autres instituts d’Amérique latine, en Uruguay et Bolivie notamment.

L’Amérique du nord

Louis Pasteur effectue le premier essai du vaccin contre la rage le 6 juillet 1885 sur un jeune berger, Joseph Meister. Quelques mois plus tard, en décembre, plusieurs enfants américains sont mordus par un chien enragé à Newark (New York). Rapidement, une mobilisation permet aux « enfants de Newark » de partir à Paris pour être traités par Pasteur. Les journaux américains rendent compte quotidiennement de leur périple et de l’évolution de leur état de santé. Sauvés par Pasteur, les jeunes gens sont accueillis en héros à leur retour. En 1995, les descendants de ces garçons se sont retrouvés à l’occasion des commémorations du centenaire. En 1901, c’est à l’institut Rockefeller, organisation calquée sur l’Institut Pasteur, qu’avait été organisé le cinquième colloque de l’Institut Pasteur, qui jouit d’une grande estime outre-atlantique.

Les relations avec les Etats-Unis se sont rafraîchies très sensiblement à l’époque de la controverse entourant la découverte du virus du sida. Le gouvernement américain soutient alors Robert Gallo contre l’équipe de Luc Montagnier de l’Institut Pasteur. Mais, suite au jugement rendant la paternité de cette découverte aux Français, les relations s’améliorent de nouveau. En février 2006, un accord de coopération est signé entre le Département d’Etat à la santé et l’Institut Pasteur – qui discute d’égal à égal avec le gouvernement américain – visant à éviter une pandémie de grippe aviaire.

La Russie

En mars 1886, à Slomensk, dix-neuf hommes russes sont mordus par un loup enragé. Envoyés à Paris dans un état grave, seize d’entre eux survivent grâce à la vaccination de Pasteur. En remerciement, Alexandre III offre 100 000 francs (l’équivalent de 500 000 euros d’aujourd’hui qui serviront à financer l’Institut Pasteur) par le biais du prince Oldenbourg. Ce dernier est persuadé qu’il faut créer un centre anti-rabique dans son pays. Pasteur envoie Adrien Loir, son neveu, à Saint-Pétersbourg pour l’aider dans cette tâche. Le premier centre russe avait, en fait, déjà ouvert un mois plus tôt, à Odessa, grâce à Gamaléia, un médecin qui avait participé à l’inoculation des moujiks à Paris. Pasteur ne cesse de correspondre avec des chercheurs russes et de s’entourer de collaborateurs venus de l’empire des tsars. Le microbiologiste Metchnikoff est le plus célèbre d’entre eux. Après la mort de Pasteur, son institut continue à être un lieu privilégié pour les chercheurs russes.

L’Australie

En 1887, le gouvernement de Nouvelle Galles du Sud offre une récompense de 25 000 livres à qui trouvera une solution pour éradiquer les lapins sans nuire aux autres espèces. Louis Pasteur a l’intuition que la solution provient de la lutte biologique,  qu’il faut inoculer un virus aux rongeurs. Il avait réussi à transmettre le « choléra des poules » aux lapins qui menaçaient les vignes des champagnes Pommery et qu’il éradiqua en une semaine. Adrien Loir est  envoyé en Australie. Mais, une fois arrivé sur place, les autorités locales refusent d’inoculer le virus aux lapins, craignant qu’il ne se transmette aux autres espèces. Loir met néanmoins son voyage à profit pour éradiquer le « Cumberland disease », une maladie qui frappe les animaux. Sur place, il fabrique un vaccin contre cette forme de maladie du charbon dans un petit local à Rodd Island, qu’il nomme pompeusement « Institut Pasteur ».

L’Asie

En février 1891, Albert Calmette débarque à Saigon pour y créer le premier Institut Pasteur hors de France. Il entreprend des recherches contre la rage, le choléra et la variole. Plus tard, en France, il mettra au point le vaccin antituberculeux (le BCG).

En 1894, le chercheur suisse Alexandre Yersin, qui avait quitté l’Europe en 1888 pour s’installer en Asie, décide de travailler sur l’épidémie de peste qui frappe alors Hong Kong, où il réside. Seul dans sa paillote, il découvre le bacille de la peste qui porte aujourd’hui son nom, « Yersinia pestis ». En 1896, il met au point un sérum anti-pesteux. Aujourd’hui encore, Yersin fait l’objet d’un culte au Vietnam.

De son côté, Paul Louis Simond, en mission à Bombay, découvre en 1898 le rôle de la puce dans la transmission de la peste du rat vers l’homme.

Une série d’instituts Pasteur voient le jour en Asie, dont beaucoup existent encore. Ces instituts sont actuellement à la pointe de la recherche contre le SRAS (2003) et la grippe aviaire. Cette action coordonnée des Instituts Pasteur asiatiques de l’Institut parisien a motivé l’accord signé avec le gouvernement américain en 2006.

L’Afrique

La première implantation pastorienne sur le continent africain a été l’œuvre d’Adrien Loir – encore lui – à Tunis en 1893.  Cet Institut Pasteur, qui fait actuellement des recherches sur la tuberculose,  jouit d’un grand prestige grâce aux travaux menés sur le typhus par Charles Nicolle.  En 1906, ce chercheur découvre le rôle du pou dans la transmission du virus et propose une méthode de protection, ce qui lui vaut le prix Nobel en 1928.

En 1896, Emile Marchoux, qui avait travaillé avec Yersin et Calmette en Indochine, arrive au Sénégal. Il crée un laboratoire à Saint-Louis, qui est le précurseur le l’Institut Pasteur de Dakar, toujours à la pointe des recherches sur le paludisme. Cet institut travaille en collaboration avec l’institut de Madagascar et celui de Bangui (Centrafrique) sur le sida et les fièvres hémorragiques de type ebola.

Si Louis Pasteur ne fut pas un grand voyageur, son nom et ses travaux avaient fait le tour du monde de son vivant grâce à ses collaborateurs et ses admirateurs. Ses multiples successeurs ont su entretenir cette notoriété jusqu’à aujourd’hui, à l’instar de Jacques Monod (prix Nobel de médecine 1965 avec François Jacob et André Lwoff pour leurs travaux en génétique), ancien directeur de l’Institut Pasteur de Paris qui eut l’idée de structurer un réseau des Instituts Pasteur et instituts associés à travers le monde et dont le ciment est la formation et une approche coordonnée des maladies.

En ayant voulu créer des Instituts sur tous les continents pour suivre les problèmes de santé dans le monde, Louis Pasteur a été, en quelque sorte, le précurseur de l’OMS.

En savoir plus …

Coté Livres :

Ecrits scientifiques et médicaux

Auteur : Louis Pasteur, André Pichot

Editeur : Flammarion

ISBN-10: 2080708252

http://www.amazon.fr/Ecrits-scientifiques-m%C3%A9dicaux-Louis-Pasteur/dp/2080708252

LOUIS PASTEUR – La Realite Apres La Legende

Auteur : Pierre-Yves Laurioz

Editeur : Paris éditions

ISBN : 9782851620965

http://www.amazon.fr/Louis-Pasteur-r%C3%A9alit%C3%A9-apr%C3%A8s-l%C3%A9gende/dp/2851620967

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Pasteur

http://www.pasteur.fr/pasteur/histoire/BioPasteur.html

http://www.musee-pasteur.com/

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