LE CHOCOLAT ET NOUS, AMI OU ENNEMI ?

Thèmes: Médecine, Sciences, Société                                                                                                  Conférence du mardi 28 septembre 2021

LE CHOCOLAT ET NOUS, AMI OU ENNEMI ?

Par Madame Sandrine FRAPPIER, naturopathe, éducatrice de santé.

Magnésium, flavonoïde, que contient vraiment le chocolat? Pourquoi les naturopathes l’excluent-ils de leurs cures, tandis que certains médecins le plébiscitent? Quels sont les effets du chocolat sur la santé en général, la digestion et le système nerveux en particulier? Quelle attitude adopter face à cet aliment de tentation? Tous les conseils pour conjuguer plaisir et prévention santé.

INTRODUCTION

Il y a 4000 ans, les Olmèques, une population du Mexique actuel, consommaient déjà les fèves de cacao. Ils en faisaient une boisson amère qui comprenait notamment de l’eau et des épices. Une boisson similaire était préparée par les Mayas au VIe siècle avant notre ère. Au XIVe siècle les Aztèques utilisaient le cacao lors de cérémonies religieuses et les fèves servaient de monnaie.

En 1528, le conquistador espagnol Hernan Cortes rapporte le cacao en Europe et un siècle plus tard le chocolat fait son apparition à la Cour de France grâce à Anne d’Autriche, infante espagnole, épouse de Louis XIII. La diffusion du cacao continue et en 1670 à Bayonne s’ouvre la première chocolaterie de France. Enfin, en 1820 est fabriqué le premier chocolat à croquer de manière industrielle. De nos jours, les variétés de chocolat sont nombreuses et sa consommation très importante. Ainsi en France on en consomme quelque 350 000 tonnes par an.

Ce produit si apprécié est-il d’un point de vue nutritionnel un ami ou un ennemi?

I – De la plante à la tablette de chocolat.

Le mot chocolat vient du mot nahuatl (langue parlée par les Mayas) xocoatl qui veut dire cacao et eau.

Le cacao est la graine du cacaoyer d’où l’on tire le beurre de cacao et la poudre de cacao. Le cacaoyer est un petit arbre qui mesure entre 10 et 15 mètres, poussant à 600 mètres d’altitude et dans un climat chaud et humide. C’est pourquoi les principales zones de production se trouvent en Afrique équatoriale (Ghana, Cameroun, Côte d’Ivoire) en Amérique Latine (Brésil, Caraïbes, Colombie et Vénézuela) et en Asie du Sud-Est (Indonésie).

Seul 1% des fleurs blanches du cacaoyer vont produire des cabosses car la pollinisation est faible. La maturation des cabosses dure entre 5 et 7 mois. La récolte a lieu deux fois par an, principalement au printemps et en automne. Chaque cabosse contient entre 50 et 70 fèves dont la couleur varie du jaune à l’orange. Chaque graine mûre est entourée d’une pulpe appelée mucilage qui conditionne la fermentation. Vingt cabosses donnent un kilo de fèves séchées.

Les premières étapes de la transformation ont lieu dans les pays producteurs. Il s’agit de la cueillette, de l’écabossage, de la fermentation des fèves, du séchage et du calibrage. Les fèves fermentées mais crues sont ensuite envoyées aux entreprises de l’industrie chocolatière à travers le monde qui eux procéderont aux étapes suivantes.

La cueillette se fait à la main à l’aide d’un sécateur ou d’une machette. La main d’œuvre étant chère, dans certaines exploitations africaines on utilise des enfants payés 50 centimes d’euros par jour pour effectuer la cueillette.

L’écabossage consiste à casser les cabosses pour en extraire les fèves. Chaque cabosse contient des graines entourées d’une pulpe blanchâtre.

La fermentation des fèves humides, étape cruciale pour le développement des arômes, consiste à placer les fèves en tas ou en caisses et à les brasser chaque jour pendant 4 à 7 jours selon les variétés.

Le séchage consiste à étaler les fèves au soleil sur des aires cimentées ou des claies pendant une à trois semaines selon la météo. Le temps de séchage n’est que de 36 heures s’il est effectué dans des séchoirs. Lors du séchage, le taux d’humidité passe de 60 à environ 7%.

Finalement les fèves sont mises dans des sacs de jute et expédiées aux industriels de la filière. Il faut savoir que parfois des insecticides sont vaporisés sur les sacs afin d’éviter la prolifération des insectes durant le transport qui est parfois long.

Les industriels du chocolat procèdent à plusieurs étapes avant d’arriver au produit fini. La première est le nettoyage des fèves crues, afin de retirer toutes substances étrangères. Puis vient la torréfaction qui se fait entre 110°C et 150°C. Elle permet le développement des saveurs et des arômes et fait passer le taux d’humidité de 7 à environ 2%. L’étape suivante est le concassage des fèves qui permet d’obtenir la pâte de cacao. A ce stade c’est un produit semi-fini qui a un goût amer, commercialisé sous le nom « chocolat 100% cacao sans sucre ». On poursuit le travail par le pressage de la pâte de cacao afin de séparer la partie grasse, le beurre de cacao, de la matière sèche, de couleur brune. La pâte de cacao contient environ 50% de matière grasse, grâce au pressage on arrive à extraire 30 à 40% de beurre, ce dernier étant utilisé majoritairement en chocolaterie. La partie sèche brune est broyée pour donner la poudre de cacao, base de toutes les aromatisations au chocolat : biscuits, glaces, produits laitiers, confiseries etc.

Les dernières étapes sont le conchage et le moulage qui peuvent être industrielles ou artisanales.

Certains artisans travaillent les fèves crues qui échappent à la torréfaction et au conchage, mais restent minoritaires sur le marché.

Le marché du chocolat est très porteur. La consommation de chocolat au niveau mondial est de 1,1 kilo par personne par an mais dans certaines parties du monde elle est bien supérieure, notamment en Europe où l’Allemagne est leader avec 11,1 kilos par an par personne. Le marché français quant-à lui pèse 2993 millions d’euros et l’industrie chocolatière crée 30 000 emplois.

Deux places financières régulent le prix du cacao: la bourse de Londres et celle de New York. Quatre entreprises multinationales traitent 45% des fèves produites et Nestlé devient en 1988 le plus gros fabricant de chocolat et de confiseries au chocolat au monde.

Si les ventes de chocolat sont constantes durant l’année on peut remarquer qu’il y a tout de même un phénomène saisonnier, 10% des ventes se font à Noël (665 millions d’euros de chiffre d’affaires) et 4% à Pâques.

II – Les différentes variétés de fèves de cacao et leurs propriétés.

Il existe plusieurs variétés de cacaoyers que les chocolatiers sélectionnent en fonction de leur qualité gustative. Les trois principales variétés sont le forastero qui représente 80 à 90% de la production mondiale. Le forastero est originaire d’Amazonie mais il est cultivé en Afrique, au Brésil et en Equateur; le criollo (- de 5% de la production mondiale) qui est originaire du Vénézuela est cultivé aux Caraïbes, Mexique, Vénézuela et Colombie et enfin le trinitario, qui doit son nom à l’île de la Trinité, est un croisement des deux précédents. Le trinitario a été créé au XVIIIe siècle pour pallier les pertes importantes causées par les ouragans successifs dans les cultures de criollo, plus fragile.

Le forastero est la variété la plus cultivée et la plus rustique, ses fèves donnent un goût amer et des notes acides. Les cabosses sont jaunes et lisses et les graines violettes et plates.

Le criollo est la première variété à avoir été cultivée par les Olmèques et plus tard par les Mayas. Les cabosses sont pointues et verruqueuses, vertes ou rouges et les fèves sont blanches. C’est le plus fragile mais il donne les fruits les plus aromatiques et les plus doux. Il ne représente que 5% de la production.

Le trinitario combine la rusticité du forastero et les arômes fins du criollo.

La qualité du chocolat dépend donc de la variété du cacao.

III – Propriétés du cacao.

Il est important de préciser que les qualités nutritionnelles de la fève crue sont largement supérieures à celle de la fève torréfiée, la chaleur détruisant beaucoup de propriétés.

Les composants du cacao sont les lipides, les glucides, les protéines, les minéraux, les oligoéléments, les vitamines, les flavonoïdes, la caféine, la théobromine, l’anandamide et la phényléthylamine.

Le cacao est riche en lipides (57 à 59%) dont 60 % d’acides saturés, 35% d’acides gras monoinsaturés, principalement de l’acide oléique et enfin 5% d’acides gras polyinsaturés dont 3% d’acide linoléique et 2% d’acide alpha linolénique, riche en oméga 3.

L’acide stéarique du cacao se désature dans l’organisme et se transforme en acide linolénique, bénéfique pour le corps.

Les acides gras sont bons pour la peau mais aussi pour la digestion et pour le système nerveux. Ils peuvent également aider à faire baisser le LDL dit « mauvais cholestérol ».

La phényléthylamine, quant-à elle, a un effet anti-dépressif.

Le chocolat contient aussi des glucides de deux sortes : de l’amidon et des fibres. Cependant l’indice glycémique du chocolat noir n’est que de 25, celui du chocolat au lait de 55 alors que celui du pain blanc est de 70.

On trouve aussi 6,5% de divers minéraux dans le cacao, notamment du magnésium, du potassium, du calcium et du phosphore. C’est pourquoi le cacao rivalise avec la banane pour le bon fonctionnement des muscles. Parce que le cacao est bon pour le système digestif et la respiration, il est bénéfique pour les pratiquants de sports d’endurance.

On trouve aussi des éléments qui favorisent la lutte contre le vieillissement comme la catéchine et l’épicatéchine (deux polyphénols) ainsi que des vitamines B1, B2, B3, B6, B9, D et E. On peut noter aussi la présence d’oligo-éléments comme le cuivre, le manganèse et le fer. De plus, grâce à sa richesse en fibres (33g pour 100g) le cacao stimule le transit intestinal.

Tous ces éléments nutritionnels sont bénéfiques pour l’organisme mais le cacao contient aussi des éléments nocifs tels que des substances acidifiantes de la famille des psychotropes qui agissent donc sur notre cerveau suscitant des modifications psychiques et comportementales. L’effet dopant du cacao le rend euphorisant et stimulant c’est pourquoi il est conseillé d’en prendre le matin et non le soir.

Enfin on peut mentionner les 2% de méthylxanthines dont de la caféine, de la théobromine et de la théophylline. L’inconvénient est, qu’une fois digérés, les méthylxanthines se transforment en acide urique qui doit être éliminé par les reins. Le cacao est donc déconseillé aux personnes souffrant de goutte.

Le chocolat doit être cru pour garder ses propriétés. En poudre si possible 100% cacao, car pauvre en beurre, sinon en tablette à plus de 70%, et consommé le matin de façon ponctuelle et raisonnable le cacao est bon pour la santé.

CONCLUSION

Le cacao, plante rapportée en Europe par les Espagnols, était déjà connue des Olmèques depuis des millénaires. En Europe, le cacao est transformé pour en faire une denrée sous laquelle nous la connaissons de nos jours. La majeure différence avec la forme consommée par les populations amérindiennes étant l’ajout de sucre et de lait.

Comme de nombreux aliments, le cacao peut être bénéfique ou nocif selon la quantité consommée et la qualité du cacao. Le cacao cru a des propriétés nutritionnelles bien supérieures au cacao torréfié, tout comme le chocolat noir à plus 70% est meilleur, d’un point de vue nutritionnel, que le chocolat au lait. Il est donc primordial de bien choisir son chocolat aussi bien d’un point de vue nutritionnel que gustatif mais aussi éthique afin d’éviter l’exploitation de la main d’œuvre infantile ou la sous rémunération des petits producteurs.

De manière globale, nous pouvons dire que le chocolat est notre ami.

 

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