Innovation thérapeutique et chirurgicale en ophtalmologie

Thème: Médecine, Sciences                                                                                                                  Conférence du mardi 5 janvier 1988

Innovation thérapeutique et chirurgicale en ophtalmologie

Mardi 5 janvier 1988, Madame Dominique Chauvaud, ophtalmologiste-chirurgien à I‘hôpital de l’Hôtel-Dieu, nous a parlé des progrès chirurgicaux en ophtalmologie.

L’œil ressemble â un appareil photographique.

Une tunique sensible transforme, à l’intérieur de l’œil, l‘énergie lumineuse en un signal électrique transporté par le nerf optique jusqu’au cerveau. Cette membrane sensible peut être comparée au film qui se trouve dans I ‘appareil photo.

Pour mettre au point sur cette membrane appelée rétine, il faut une série d’objectifs qui sont :

  • la cornée (membrane transparente qui se trouve dans la partie colorée de l’œil ).
  • le cristallin.

La vision est nette lorsque le cristallin, autrement dit la lentille convergente, donne une image sur la rétine.

Quand l’œil observe un objet éloigné, l’image de cet objet se forme au foyer de la lentille. Comme la rétine se trouve précisément au foyer du système optique<->œil, l’image est nette.

Du même coup, les objets très rapprochés paraissent très flous.

Pour les voir nettement, l’œil est obligé de procéder à une véritable mise au point. Mais dans l’œil il n’y a pas de variation de distance entre cristallin et rétine. Alors sous l’action des muscles la courbure du cristallin augmente la distance focale du cristallin diminue, l’image de l’objet rapproché se forme sur la rétine. C’est ce que l’on appelle l’accommodation, elle est très rapide et se fait par réflexe inconscient. En une fraction de seconde, l’œil accommode de l’infini à une distance focale de quelques centimètres.

La perte de l’accommodation est la presbytie.

Lorsqu’il y a des troubles de la puissance des milieux transparents de l’œil qui permettent de faire la mise au point sur la rétine, c’est la myopie ou l’hypermétropie.

MALADIE ET CHIRURGIE DE LA CORNEE.

Toutes les maladies de la cornée jusqu’à présent se corrigeaient par des lunettes ou des lentilles de contact.

A l’heure actuelle, on essaye de développer une technique chirurgicale modifiant le pouvoir de faire converger les rayons lumineux sur la rétine, c’est-à-dire le rayon de courbure de la cornée. C’est la chirurgie réfractive. Elle consiste à faire des incisions de décharge dans la cornée.

C’est un progrès important pour des personnes que leur profession, par exemple, empêche de porter des lunettes. Si l’œil est myope, la cornée est trop courbe, il faudra l’aplatir. Cette chirurgie ne permet de corriger que les petites myopies.

Lorsque la myopie est plus importante on fait appel à une chirurgie beaucoup plus complexe. On prélève une partie de la cornée, que l’on congèle. On lui retire une certaine épaisseur calculée par ordinateur, puis on la place sur un tour et on l’usine. Elle est alors replacée ainsi diminuée sur le patient.

Cette chirurgie continue à progresser. Mais comme il est compliqué d’avoir à disposition, dans une salle d’opération, un ordinateur, un tour une nouvelle chirurgie commence à être élaborée où l’on aurait à disposition des cornées toutes prêtes.

Ce principe de chirurgie est également appliqué pour traiter le trouble de la vision lié à l’ablation du cristallin. On ajoute à la surface de la cornée une espèce de petite lentille très convergente retaillée à l’avance. Dans l’avenir les chirurgiens n’auront plus besoin de bistouris. Ils utiliseront des faisceaux laser qui permettront d’éviter les incisions dans la cornée.

Il existe également la greffe de la cornée.

Les premières greffes de cornée ont été réalisées en France en 1947. Une cornée doit être transparente et avoir une courbure exacte. Dans de telles opérations, il faut que les incisions pratiquées ainsi que les sutures soient extrêmement précises.

La greffe de la cornée a progressé ces dernières années. En effet auparavant, elle permettait seulement à un aveugle de pouvoir se diriger, tandis que maintenant, elles permettent d’obtenir des acuités visuel les supérieures à 5/10.

Grâce à des progrès récents, on peut conserver des cornées vivantes 4 à 5 jours. Cela permet d’avoir des réserves de greffons et de ne pas attendre qu’il y en ait un de disponible pour opérer.

Lorsque la cornée est totalement recouverte par un voile cicatriciel (brûlure oculaire due â des produits d’entretien tels que le « Destop », l’eau de javel, le ciment la sécheresse oculaire), la greffe de cornée ne prend pas â cause du mauvais terrain.

Les premières greffes de cornée purent être pratiquées grâce à l’idée d’un médecin italien qui pensa à la chose suivante : lorsque l’on introduit un corps étranger dans l’organisme, il finit toujours par le rejeter, sauf si on l’a introduit dans une dent de plus une dent placée dans l’organisme ne sera jamais éliminée. On peut donc mettre dans une rondelle de dent un petit système optique transparent, il ne sera pas éliminé. Cette technique, mise au point il y a à peu près 20 ans, posa de nombreux problèmes avant de donner satisfaction. Maintenant, les greffes de cornées sont en matériau synthétique.

Lorsqu’une cornée est perforée, une colle permet d’obstruer l’orifice. Cette intervention permet d’attendre la greffe de cornée. La cornée ne peut garder sa transparence que s’il y a un film lacrymal correct.

Les sécheresses lacrymales sont une pathologie extrêmement fréquente. Jusqu’à il y a peu de temps, la seule solution thérapeutique était de remplacer les larmes manquantes par des gouttes. Depuis peu, on place de petits clous dans les points lacrymaux. Lorsqu’un patient manque partiellement de larmes, on obture les points lacrymaux pour permettre au lac lacrymal de rester entre le bord de la paupière, la conjonctive et la cornée. Lorsqu’il y a absence totale de larmes, Il a été mis au point une petite pompe constituée d’un moteur branché sur une seringue qui permet au piston de la seringue de pousser un produit de remplacement, par l’intermédiaire d’une petite tubulure inclue sous les paupières qui distille ainsi en permanence des larmes.

Ce système très récent permet de sauver certains patients de la cécité.

Un autre problème est l’excès de larmes qui se produit lorsque le système de résorption des voies lacrymales est bouché. On introduit un petit tube en plastique dans les deux canalicules lacrymaux. Il rejoint le nez. Les voies lacrymales ne se rebouchent plus. Cette petite sonde est parfaitement bien tolérée et peut rester en place plusieurs années sans gêner les patients.

LA CATARACTE.

C’est l’opacification du cristallin qui perd sa transparence et devient blanc ou brun lorsque l’opacification est totale.

Actuellement, il n’existe pas d’autre traitement que la chirurgie. On utilise les ultrasons. On pratique une incision cornéenne (3mm), on découpe la peau qui délimite en avant le cristallin, puis à l’aide de vibrations, on fragmente le noyau compact de masse cristallinienne et on aspire les petits morceaux. Cette méthode permet donc de retirer par une toute petite incision une grosse quantité de masse.

Les ultra-sons ne sont que le moyen technique pour faire vibrer I ’extrémité de la sonde.

Puisque lon a retiré le cristallin qui est une lentille convergente possédant une certaine puissance optique, il faut le remplacer. Pour ce faire on utilise actuellement un cristallin artificiel.

HISTOIRE DU CRISTALLIN ARTIFICIEL.

C’est dans les mémoires de Casanova que l’on rencontre pour la première fois la notion de cristallin artificiel. Casanova était un esprit curieux qui s’intéressait à de nombreuses choses. Son père était opticien.

Il raconte qu’un jour il rencontre à Venise un ophtalmologiste appelé Tadini qui se vantait d’être un excellent ophtalmologiste et de guérir tous ses patients. Ce dernier ouvrit une mallette et lui montra une série de petites billes en verre qui il mettait soi-disant dans l’œil de ses patients pour remplacer le cristallin des malades atteints de cataracte.

Vingt ans plus tard, Casanova retrouva dans les prisons de Barcelone ce même Tadini et le réinterrogea sur ses fameuses billes en verre. Tadini lui apprit honteusement qu’en vérité il n’avait jamais essayé.

En 1800, on retrouve un livre écrit par un ophtalmologiste de la cour de Vienne qui cite un ophtalmologiste vénitien, Casamata, qui avait essayé l’idée de Tadini. Le résultat fut catastrophique car le verre tombait dans l’œil.

Durant la seconde guerre mondiale des pilotes furent victime de plaies perforantes des yeux. Des morceaux de cockpit en plexiglass s’introduisaient dans les yeux.

A la grande surprise des ophtalmologistes de l’époque, ils constatèrent que le plexiglass était parfaitement toléré par les yeux. L’idée vint donc de fabriquer des cristallins en plexiglass, matériau moins lourd et plus facile â usiner que le verre. Cela ne marcha pas du tout.

Depuis les cristallins artificiels ne cessent de s’améliorer.  Si la chirurgie des cristallins artificiels a progressé, c’est parce que les médecins connaissent mieux l’œil.

Ils savaient que certaines cornées ne toléraient pas les cristallins artificiels, mais il était très difficile de prévoir lorsqu’ils voyaient un patient porteur d’une cataracte si sa cornée pourrait supporter un tel cristallin.

On a appris que cette intolérance était due à la structure de cellules qui tapissent la face postérieure de la cornée.

Maintenant on utilise des moyens de microphotographie sur le sujet vivant qui permettent de visualiser sans aucun prélèvement les cellules cornéennes.

GLAUCOME.

C’est une affection de l’œil, caractérisée par une augmentation de sa pression interne lui conférant une dureté anormale. L’hypertonie abime le nerf optique et les malades perdent progressivement la vue.

Le traitement médical a fait beaucoup de progrès dans ce domaine. Des gouttes suffisent dans la plupart des cas à guérir cette maladie. Cependant certains patients sont résistants à toutes les gouttes. Alors il faut faire appel à la chirurgie.

Jusqu’à maintenant on faisait une petite fistule, une petite soupape et le trop plein d i humeur aqueuse s’écoulait. Mais cette technique n’a pas 100/100 de réussite. Depuis quelques temps deux nouvelles techniques semblent ouvrir une voie d’avenir.

Le traitement actuel le plus séduisant est celui par les ultra-sons. Il consiste à appliquer sur l’œil des ultra-sons qui mobilisent la zone où s’écoule l’humeur aqueuse et accélèrent son évacuation. Cela donne d’excellents résultats, mais il faut attendre encore des années pour voir si ce traitement est efficace pendant une longue durée.

Une seconde voie est celle du laser de contact. Cette technique n’est pas encore appliquée chez l’homme.

DECOLLEMENT DE LA RETINE.

De plus en plus on intervient par la microchirurgie à l’intérieur de l’œil à globe fermé. On introduit dans l’œil des micro- instruments. Tout le travail pour recoller la rétine se fait à l’intérieur de l’œil.

La technique du recollement de rétine a beaucoup progressé car les chirurgiens ont à leur disposition des produits à injecter dans l’œil qui permettent de repousser par l’intérieur la rétine décollée contre la paroi du globe oculaire. Ce sont des gaz ou de l’huile de silicone. On injecte, par exemple 0,6 ml d’un gaz qui va se multiplier par 4 dans les 48 heures. L’expansion progressive du gaz dans l’œil appuie sur la rétine. Elle se remet ainsi en bonne position et l‘organisme résorbe le liquide se trouvant sous la rétine.

Certaines rétines se collent et se redécollent. On pense mettre dans quelques temps des petits clous qui maintiendraient la rétine en place.

QUESTIONS.

Ne serait-il pas possible un jour de greffer un œil ?

Le terme « nerf optique » utilisé fréquemment pour désigner le cordon nerveux qui relie l’œil au cerveau n’est pas exact. En fait, ce n’est pas un nerf comme les autres.

Il faut considérer biologiquement la rétine comme étant une extension du cerveau dans l’œil. Le jour où l’on sera capable de faire des greffes du cerveau, on pourra faire une greffe dœil.

Pourquoi y a-t-il réticence à opérer la myopie légère ?

La myopie légère est un handicap léger et peut être parfaitement corrigée par des lunettes. Les chirurgiens ont une réticence pour pratiquer sur un œil sain des incisions, de faire un acte agressif qui n’est pas sans risque (infectieux, mauvaise cicatrisation…)

Que peut-on tirer au niveau médical d’un examen de fond d’œil ?

Un certain nombre de maladies générales ont un retentissement sur les vaisseaux du fond d’œil. Un médecin généraliste qui suit un patient pour une hypertension artérielle mesure sa tension un nombre de fois limité dans l’année, ce qui ne rend pas très bien compte de l’équilibre de la pression artérielle.

Cependant, si l’on voit que le fond d’œil ne se modifie pas, on est sûr que le patient est bien traité. S’il se dégrade, malgré des apparences parfois pas trop mauvaises, cela montre que l‘excès d’hypertension artérielle est mal supporté par le patient. Il en est de même pour le diabète.

Qu’appelle-t-on la Macula ?

C’est une petite zone de la rétine située en son centre sur l’axe visuel au pôle postérieur du globe oculaire. Elle est responsable de l’acuité visuelle.

Les maladies purement maculaires ne relèvent pas de la chirurgie mais éventuellement d’un traitement par le laser.

 

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