VILLENEUVE L’ETANG – Une prestigieuse histoire locale

Thème : HISTOIRE                                                                                                                                                                     Mardi 20 Janvier 2005

VILLENEUVE L’ETANG, UNE PRESTIGIEUSE HISTOIRE LOCALE

Par MM. Yves BODIN, Avocat Honoraire, Maire Honoraire de Garches

et Pierre RECULAR, Docteur Vétérinaire, Ancien Pastorien

Première partie par Yves Bodin

La constitution du domaine

À la fin du XVIIème siècle, en 1695, Louis François LETELLIER, marquis de Barbezieux, qui a succédé à son père Louvois comme ministre de la guerre, veut constituer un domaine à sa mesure.

Il achète successivement trois importantes propriétés :

  • celle de l’Étang, sur la paroisse de Marnes,
  • celle de Villeneuve (pour partie seulement) sur la paroisse de Garches,
  • et également le domaine de la Marche sur une paroisse alors autonome.

C’est un ensemble considérable de 450 arpents soit environ 150 hectares. Il le fait clôturer d’un mur en barrant notamment la route qui mène à l’église de Marnes. Il fait démolir le château qui se trouvait sur le domaine de l’Étang (dont on ne sait rien) et entreprend la construction sur plan Mansard d’un grand château qui ne sera achevé qu’en 1700.

Ces propriétés ne sont pas surgies du néant et sont le résultat d’une longue évolution commune au plateau qui s’étend depuis les coteaux de Saint-Cloud jusqu’à Vaucresson et la Celle-Saint-Cloud.

En effet, quelques siècles auparavant, dans une région alors inhospitalière et inhabitée, ont été constituées des paroisses qui sont les origines lointaines de nos communes.

Auparavant, la région dans laquelle se trouve l’actuel domaine de Villeneuve l’Étang, était demeurée à l’état quasi sauvage ; c’était une grande forêt constellée de marais, essentiellement un lieu de chasse avec quelques rares manoirs isolés.

Toutefois, dans un passé plus lointain, les mérovingiens, grands chasseurs, ont fréquenté la région et y avaient édifié des bâtiments, églises, monastères ou villas de plaisance.

On connaît l’histoire de Clovis et de Saint Cloud : à la mort de Clovis, en 511, ses quatre fils se sont partagé son royaume mais l’un d’eux, Clodomir, fut tué dans un combat laissant trois jeunes enfants qui furent recueillis par leur grand-mère Clotilde.

Cependant les trois survivants, estimant que les enfants présentaient un danger pour eux à cause de leurs droits héréditaires, décidèrent de les faire disparaître ; les deux aînés furent sauvagement massacrés, le plus jeune, Clodoald, y réchappa miraculeusement et fut élevé en cachette.

Le jeune homme manifesta un goût très vif pour la vie religieuse et après avoir rejoint l’ermite Séverin, il entra dans les ordres et ne sortit de sa retraite que pour renoncer publiquement à ses droits princiers. Il le fit en se coupant les cheveux selon la coutume franque. Il fut élevé à la dignité sacerdotale par l’Évêque de Paris Eusèbe et ordonné prêtre en 551. Il fut le premier prince de sang royal consacré. Pour échapper à la ferveur populaire, il se retire sur les coteaux de Novigentum où il construit une église et un monastère. De son vivant, il connut une très grande popularité et une véritable vénération. C’est à Novigentum qu’il mourut à 38 ans en 561. Il y fut enterré en grande pompe. Sa tombe est devenue immédiatement un lieu de pèlerinage où ont afflué les foules.

De surcroît, les princes Mérovingiens, grands chasseurs, appréciaient le site. Chilpéric y avait une villa dans laquelle il reçut Grégoire de Tour en 579.

Dagobert un demi-siècle plus tard fit restaurer l’église de Clodoald et construisit une résidence à son usage ; c’est là qu’il aurait convoqué une assemblée d’Eudes et d’évêques le 23 mai 636 en son Château de (Garches), Garziacus. C’est à Grégoire de Tour que nous devons ces détails et renseignements.

En outre, un pont sur la Seine a existé à Novigentum, selon certains dès le IVème siècle, plus vraisemblablement à partir du VIIIème ; il débouchait vers le lieu de pèlerinage et se poursuivait par le chemin de Normandie, notre future 907.

Cependant, il y a tout lieu de penser que, sauf la période de Charlemagne où le nom de Novigentum fut remplacé par celui de Saint Cloud, cette région est retournée en l’état, quasiment sauvage et inhabitée, et un lieu de chasse important pour les grands.

L’organisation régionale

Comme le reste du pays, notre région a souffert de la désagrégation du pouvoir, de l’insécurité et de l’anarchie accompagnées des invasions et des guerres.

C’est au XIIème siècle seulement que la population s’est accrue sous l’effet de la pacification et que notre région s’est ouverte à la civilisation et s’est organisée autour des paroisses. A partir de ce moment, la région s’anime et se peuple.

En 1145, l’abbé Suger, supérieur de l’abbaye de Saint Denis, fonde la paroisse de Vaucresson en faisant construire après défrichement une église et des maisons pour y installer 60 familles, à charge de cultiver la terre.

En 1199, l’évêque de Paris Eudes de Sully agit de même en créant le Hameau de Marnes avec une paroisse dédiée à Saint Eloi.

En 1202, l’abbaye de Saint Germain fonde une paroisse dédiée à Saint Leu et à Saint Gilles au lieu dit « la Marche ».

En 1298, le sieur Robert, natif de la Marche, construit au lieu dit « Garches Garziacus », une chapelle dédiée à Saint Louis dont il avait été le compagnon.

Ce fut la première église dédiée au saint roi qui avait été canonisé par Boniface VIII en 1295.

Ces paroisses sont les lointaines préfigurations de nos communes autour desquelles la vie s’organise.

Essentiellement rurale, l’activité se concentre dans les seules zones défrichées et cultivables – vigne sur les coteaux –

Pendant des siècles la situation évolue peu.

Il subsiste de grandes étendues forestières inhabitées qui sont favorables à la chasse, à laquelle s’adonnent les princes. Quelques pavillons de chasse sont édifiés, notamment Versailles et Saint-Germain.

Un renouveau et un développement importants du domaine

Ce n’est qu’au XVIème siècle que la région sort de sa torpeur, notamment grâce à l’installation de la famille de Gondi à Saint Cloud. Ce domaine avait fait l’objet d’une acquisition par Catherine de Médicis qui l’avait donné à H. de Gondi, en 1578. La famille de Gondi n’a eu de cesse d’améliorer son domaine, jusqu’au moment où Mazarin en fit l’acquisition pour le compte de Philippe d’Orléans.

En 1667, Louis XIV s’installe à Versailles (6 km à vol d’oiseau) après avoir commandé la construction de son château en 1662. De son côté, Philippe d’Orléans, son frère, a mis en construction le château de Saint-Cloud en 1667. L’acquisition du domaine de Saint-Cloud par Mazarin a donné lieu à une anecdote concernant le propriétaire de l’époque, un sieur Evrard, qui dût le céder au prix arrêté par le cardinal : 240 000 livres.

Au moment où Barbezieux prend possession de son château, il y a donc plusieurs siècles que la région est pacifiée et urbanisée par de nombreux domaines.

Barbezieux n’était pas le premier ministre de Louis XIV à se constituer une demeure princière. Malheureusement pour lui, il n’a guère profité de son domaine ni du beau château puisqu’il est mort en 1701, dix ans après son père, usé, paraît-il, par les excès.

C’est Michel de Chamillart qui lui a succédé dans ses charges. Il avait été remarqué par le Maréchal de Villeroi pour ses compétences au jeu de billard !

Il succéda à Barbezieux aussi dans la propriété du domaine et, à sa demande, fut établi un plan daté de 1702 qui indique l’emplacement du château ainsi que de ceux de Villeneuve et de la Marche destinés respectivement à l’intendant, jardiniers, fontainiers pour l’un, aux écuries, ménageries et basses-cours pour l’autre.

Des fêtes somptueuses ont marqué cette période :

  • mariage d’Élisabeth, 3ème fille de Chamillart avec le Duc de Lorges, célébré en grande pompe par l’Évêque de Senlis ; le marié était parent de Saint Simon qui fit dans ses mémoires une relation de la noce : « la noce fut nombreuse et magnifique, rien n’égalait la joie du ministre et de ses enfants » et aussi un portrait peu flatteur de la jeune femme.

  • À nouveau en 1704, Chamillart marie son fils avec une demoiselle de Mortemart ; aux dires des contemporains, ce furent des fêtes splendides ; dans ce château, Chamillart, important ministre, menait un train princier.

Ce fut de courte durée car il tomba en disgrâce en 1709.

Les incertitudes et les contentieux locaux

Peu après, la propriété fut morcelée et le domaine de la Marche vendu à un financier DESMARET qui avait introduit en France le banquier LAW, lequel y séjourna quelques années vers 1718 après sa banqueroute.

L’autre partie du domaine continua à regrouper les fiefs de l’Étang et de Villeneuve.

Toutefois, le grand Château de l’Étang fut rasé ; un plan de 1744 montre que la zone où se trouvait la construction était redevenue terrain agricole.

Ce domaine passa ensuite en plusieurs mains, notamment celles d’un sieur Jean-Baptiste Herman qui en 1752 acheta la maison située à Garches contre le château de Villeneuve qu’il joignit à son propre château pour ne former qu’une seule et grande demeure.

Cette dernière acquisition est la source de contentieux entre les paroisses de Garches et de Marnes, car Villeneuve était située sur le territoire de celle de Garches initialement et, celle de l’Étang, par contre, sur Marnes ; la réunion des deux domaines posait évidemment la question de savoir auxquelles des deux paroisses il serait attribué.

La question a été débattue, elle devait d’ailleurs l’être encore après l’institution des communes, mais elle a été tranchée à plusieurs reprises et définitivement en faveur de Marnes.

En 1802, la propriété de Villeneuve l’Étang est acquise par le Maréchal Soult qui venait s’y reposer entre deux campagnes. Son épouse s’adonnait à l’élevage d’un troupeau de moutons : 16 béliers, 83 brebis et 21 mérinos.

Le Maréchal se plaignait d’être rattaché à la paroisse de Ville d’Avray car à l’époque, l’église de Marnes avait été détruite sous la révolution et les paroissiens de Marnes avaient été affectés à la paroisse de Ville d’Avray.

Le Maréchal Soult trouvait cela trop éloigné et il avait demandé à être rattaché à celle de Garches, ce qui lui fut accordé provisoirement moyennant une redevance à verser à la paroisse de Ville d’Avray.

En 1821, le Maréchal Soult cède Villeneuve l’Étang à la Duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI et dauphine de France par son mariage avec le fils de Charles X.

Comme sa mère, Marie-Antoinette, elle avait du goût pour la campagne et fit aménager comme elle, une laiterie.

Elle fréquenta beaucoup Villeneuve, et y amena souvent son neveu, le jeune Duc de Bordeaux, fils de la Duchesse de Berry.

Elle offrit à l’église de Garches une cloche en 1826 dont « la matière » avait été fournie par Monsieur Brézin.

Elle sut se faire aimer des populations avoisinantes par sa bienveillance et ses bienfaits.

En souvenir de cette période heureuse, lorsqu’elle dut s’exiler en 1830, elle se fit désormais appeler Comtesse de Marnes.

Epoque et fastes Napoléoniens

Le domaine passa ainsi aux mains du Vicomte de Case, qui le vendit à son tour en 1852 à Louis Napoléon devenu prince président, moyennant la somme de 1.100.000 francs.

L’Empire à peine rétabli, un sénatus consul du 12 décembre 1852 remit la propriété de Villeneuve l’Étang au domaine de la couronne. Louis Napoléon III transforma le domaine et fit reconstruire le château. Il fit aménager le parc à l’anglaise et modifier le contour de l’étang pour lui donner un aspect plus romantique avec des barques qui invitaient à la promenade sur l’eau.

C’est dans le château de Villeneuve que Napoléon III et sa jeune épouse Eugénie de Montijo se rendirent directement après la cérémonie du mariage à Notre-Dame sans passer par Saint Cloud. Dans ce château se trouvait encore une dame Howard !… Les nouveaux mariés passèrent leur nuit de noce (le 29 janvier 1853) dans le château de Villeneuve et l’Impératrice Eugénie s’est beaucoup plu à Villeneuve l’Étang.

Pour elle, l’empereur fit construire une ferme laiterie de style normand.

L’empereur a reçu à Villeneuve l’Étang avec beaucoup de faste les plus illustres visiteurs :

  • la reine Victoria en 1855,

  • la grande Duchesse de Bade en 1856,

  • le roi Charles XV de Suède en 1861…

C’était l’occasion de grandes fêtes avec illuminations, promenades sur l’eau, concerts avec chœurs dans deux grandes barques éclairées, bals et feux d’artifice.

Les témoins de ces fêtes en ont laissé des relations enthousiastes.

Une garde d’honneur de l’empereur avait été équipée de façon somptueuse pour former une brillante escorte d’apparat. Elle contribua à l’éclat de ces fêtes ; une formation de cette unité de prestige assurait une présence permanente à Villeneuve où logeaient chevaux, hommes et officiers dans la ferme qui fut appelée de ce fait « Pavillon des cent gardes ».

Le couple impérial vécut souvent à Villeneuve l’Étang et s’intéressa aussi à la vie locale.

C’est grâce à lui qu’une nouvelle église, Sainte Eugénie, fut édifiée à Marnes, c’est aussi sur l’étang de Villeneuve qu’eurent lieu, en présence de l’empereur, les essais des premières torpilles marines.

Le cours paisible de la vie princière et champêtre prit fin le 28 juillet 1870 où Napoléon III prit le train à Saint-Cloud-même pour rejoindre l’armée.

On connaît la suite, Sedan, puis l’arrivée des Prussiens… ce fut le 30 septembre dans la région.

Ils pénétrèrent immédiatement dans le parc de Villeneuve où le personnel mit le feu à 50.000 bottes de foin qui étaient entreposées.

L’impératrice Eugénie avait eu la présence d’esprit de rapatrier sur Paris dès le mois d’août, tout le bétail de la ferme.

L’ennemi s’installa et se retrancha à Villeneuve pour faire face à toute attaque des parisiens.

Le château de Villeneuve fut pillé et fortement endommagé.

Pendant la bataille du 19 janvier 1871, des pièces d’artillerie prussienne furent installées dans le domaine de Villeneuve. Assez dévastée, Villeneuve a ensuite été néanmoins utilisée comme lieu de regroupement de l’armée française jusqu’en 1876.

Le développement ferroviaire…

Et l’arrivée controversée de Pasteur

Villeneuve est à cette époque rattachée au domaine national et ouvert au public sans grand succès, semble-t-il.

Aussi, une loi de 1878 a décidé l’aliénation du domaine mais aucun amateur ne s’est présenté.

Une mise aux enchères devait être organisée en 1895 mais n’aboutit pas davantage.

En 1884, la ligne de chemin de fer qui, jusque-là, s’arrêtait à Saint Cloud, est prolongée vers Marly et l’Étang-la-Ville avec pour première gare du nouveau tronçon, celle de « Garches-Marnes la Coquette ». Cette voie traverse le parc de Villeneuve, il ne semble pas que cet ouvrage ait donné lieu à contestation.

Au même moment, Louis Pasteur poursuivait ses recherches sur la rage.

Louis Pasteur est alors en pleine gloire ; il a obtenu des succès décisifs sur des maladies des animaux : charbon des moutons, choléra des poules, rouget du porc.

Il avait acquis la conviction que des méthodes analogues pourraient être appliquées à l’homme pour le prémunir contre les maladies infectieuses et notamment la rage.

Cette maladie sévissait alors provoquant d’horribles souffrances dont il avait été témoin dans sa jeunesse.

Malgré ces réussites reconnues, Pasteur avait des détracteurs en particulier Pouchet, Ernest Renan, Raspail.

Aussi, avait-il entrepris cette étude avec les seuls concours de ses fidèles collaborateurs, Roux et Chamberland, et encore, dans la discrétion la plus grande.

Il avait cependant dévoilé une partie des résultats obtenus sur des chiens par deux communications à l’Académie des sciences, la première en date du 11 décembre 1882, la seconde aux dates des 25 février et 19 mai 1885.

Toutefois, Pasteur estimait que pour l’application à l’homme, il lui était nécessaire d’instrumenter sur une beaucoup plus vaste échelle, ce pourquoi il manquait de moyens.

En effet, il ne disposait que d’un petit laboratoire à l’Ecole Normale rue d’Ulm ; la ville de Paris lui avait prêté un local rue Vauquelin au collège Rolin, d’autres chiens étaient à l’école d’Alfort ou chez des vétérinaires. Cette dispersion nuisait aux travaux et de plus, le voisinage se plaignait du bruit de ces chiens et appréhendait leur proximité.

Pasteur a la conviction de détenir le moyen de guérir ou de préserver de la rage, aussi pour vérifier ses expériences, il demande au ministre de l’instruction publique, Monsieur Fallières, la constitution d’une commission composée de scientifiques reconnus chargés de contrôler les résultats des essais et de trouver un lieu convenable pour réaliser ces expérimentations.

Le 28 mai 1884, la commission est constituée et se met en recherche. Elle s’intéresse d’abord à un terrain à Meudon ; ce terrain est déjà utilisé par un astronome, qui, avec l’appui de la population et du conseil municipal, suscite par pétition une campagne relayée par la presse qui fait renoncer à cette implantation.

D’autres sites sont évoqués, le « Butard » notamment, vite abandonné car trop loin de la gare, et Villeneuve l’Étang qui pourrait convenir car, si le château est en ruine, par contre la ferme (ou Pavillon des cent gardes) peut être rapidement utilisée.

Le 8 juin 1884, Pasteur et son épouse se rendent sur place et visitent le site.

Ils en reviennent « crottés comme des chiens bassés après avoir couru pendant deux heures dans l’herbe mouillée » ; c’est l’expression employée par Madame Pasteur qui raconte la visite à ses enfants en leur indiquant « que ce site est convenable et que le projet de loi nécessaire sera présenté aux Chambres cette semaine ».

C’était compter sans la lenteur administrative et la prudence des hommes politiques.

En effet, les populations avoisinantes, Garches en tête, Vaucresson et Marne lancent des pétitions, relayées par des articles de presse. On les fait signer en particulier aux vieillards de l’hospice Brézin.

Les adversaires de Pasteur n’ont pas désarmé. Mais Pasteur, qui est déjà âgé à l’époque – 63 ans – et qui a subi une hémiplégie 15 ans plus tôt, veut aboutir, habité qu’il est par la certitude d’avoir trouvé la solution.

Le 8 août un pré-rapport de la commission certifie la réalité des résultats obtenus sur les chiens et la nécessité d’installations permettant de poursuivre et développer les expériences.

L’Assemblée nationale avait voté à l’unanimité le 18 juillet 1884 une loi destinée à permettre à Pasteur d’utiliser le domaine.

Il restait pourtant à franchir l’obstacle du Sénat, protecteur traditionnel des communes. Aussi, les opposants redoublent d’effort et parmi eux, la ville de Garches.

Le 19 juillet (lendemain du vote de la loi), le conseil municipal, unanime, demande au Préfet d’user de son influence pour écarter ce projet « de nature à désertifier la contrée et à nuire gravement à son développement économique ».

Pasteur ne se décourage pas. Il reçoit l’appui d’un citoyen de Vaucresson, Monsieur CHRISTEN, qui transmet à Pasteur le texte des pétitions que l’on fait signer aux habitants incapables d’apprécier la valeur des travaux. Il propose son aide à Pasteur qui, se trouvant à Arbois, lui répond aussitôt en lui proposant de recevoir les contestataires dans son laboratoire pour leur démontrer la réalité de ses conclusions.

Dans cette lettre, Pasteur déclare « il n y aura pas de chiens enragés à Villeneuve mais seulement des chiens réfractaires à la rage ».

Cette lettre est diffusée. La presse, qui est mieux informée et mieux disposée, fait état de cette lettre, en particulier le « Petit Journal ». La renommée du savant joue, ainsi que l’espoir de guérison.

Pourtant, le maire de Garches ne désarme pas et le 18 octobre, fait parvenir à l’appui de ces protestations une nouvelle lettre au Petit Journal, qui la publie. Pasteur avait cependant écrit directement au maire de Garches, Monsieur Notet, le 21 octobre pour le rencontrer et tenter de le convaincre.

Cette lettre dont la réalité est attestée par les autres courriers qui en font état, n’a pas été conservée en mairie de Garches ni aux archives, pas plus que la réponse.

Une nouvelle page glorieuse de l’histoire de Villeneuve l’Étang.

Néanmoins, le vent de la contestation a faibli, la déclaration du savant a fait mouche, et les sénateurs, encore hésitants, reprennent l’argument à leur compte : le 22 novembre 1884, la loi est également approuvée à l’unanimité par le sénat.

Le rapport qui précède ce texte propose en effet de passer outre « sans attendre les pétitions des communes de Saint Cloud, Garches, Vaucresson et Marnes vu qu’il n y aura à Villeneuve l’Étang que des chiens réfractaires à la rage « .

Cette lourde procédure s’était en effet imposée par la nécessité d’abroger la loi de 1878 ayant prescrit la vente de Villeneuve.

La nouvelle loi attribue une partie du domaine délimité par un plan annexé – environ 9 hectares – au ministre de l’instruction publique en vue des expériences à exécuter pour la prophylaxie des maladies contagieuses.

Pasteur s’installe avec ses chiens dès le mois de mars. Il lui faut cependant effectuer des travaux pour lesquels un crédit de 80000 francs a été alloué par la loi, mais il doit insister pour en obtenir le déblocage.

Il refuse de faire réparer le château, et s’installe dans quelques pièces du pavillon des cents gardes à coté de son laboratoire.

Il poursuit activement ses expérimentations – il écrit ainsi à son fils le 29 mai 1885 ‘je n’ai jamais eu autant de sujets d’expérience, 60 chiens à Villeneuve, 40 à Rolin, 10 chez X, 14 chez Bourel et je déplore de n’avoir pas de nouvelles niches ».

La suite est connue guérison réussie du jeune Mester le 6 juillet 1985, suivie de celle de Juppille, puis de beaucoup d’autres.

Le succès, la gloire, la souscription qui permet de créer l’institut Pasteur à Paris en 1888.

Pasteur se plaît dans son petit appartement de Villeneuve dont il apprécie le charme champêtre et il y réside de plus en plus souvent.

Il y passera les derniers moments de sa vie et y rendra l’âme le 28 septembre 1895.

Avant de mourir, Pasteur aura eu la joie de voir ses collaborateurs poursuivre la voie qu’il avait tracée, et mettre au point des sérums et vaccins concernant d’autres maladies, notamment diphtérie, vaccin du BCG. Déjà le domaine est devenu un très important centre de production de vaccins ; ce domaine a en effet été d’une grande utilité, car il a permis notamment l’accueil des chevaux indispensables pour la préparation relative à la diphtérie.

Fin de la première partie

Deuxième partie par Pierre Reculard

QUE VA DEVENIR CE DOMAINE DE VILLENEUVE
APRES LA MORT DE LOUIS PASTEUR?

Après la disparition des chiens ayant servi à la mise au point du vaccin antirabique, ce domaine va devenir une grande annexe de l’Institut parisien. En effet, en 1894, une année avant la mort de Pasteur, naît un nouveau procédé de traitement de toxi-infections. C’est la SEROTHERAPIE.

Le premier préparé est le sérum antidiphtérique. La diphtérie (ou croup) était à l’époque une des causes majeures de la mortalité des enfants. Or son agent, la toxine diphtérique sécrétée par le microbe, est connue (Roux et Yersin) – de même que cette toxine D. injectée à des animaux induit la formation d’antitoxines (Berhing et Kitasato), neutralisant la toxine.

C’est pourquoi Roux, Martin et Chailloux préparent avec l’aide de l’Ecole d’Alfort, un antisérum sur des chevaux inoculés avec des injections multiples et croissantes de la toxine D, qui détermine la production d’anticorps neutralisant en quantités de plus en plus importantes.

C’est ainsi que dès la fin de 1894, E. Roux annonce à un congrès tenu à Budapest, le complet succès de ce traitement antidiphtérique sur 300 malades. Cette annonce a un très grand retentissement : il faut acquérir et loger plusieurs dizaines de chevaux pour pouvoir répondre aux demandes. Ces chevaux sont logés dans les cent gardes à Villeneuve. Un vétérinaire, PREVOST, est chargé de cette production.

Bientôt, Roux, Vaillard, et Nocard préparent selon les mêmes principes un sérum antitétanique (hyper immunisation avec la toxine tétanique, provenant du bacille de Nicolaïer).

Dans une salle de saignée attenante aux 100 gardes, les chevaux sont inoculés, puis saignés une fois par mois. (avec recharge antigénique entre deux saignées). Les sangs récoltés sont placés dans les caves des 100 gardes, où règne toute l’année une bonne température pour la récolte des sérums et leur stockage.

Le nombre de chevaux augmentant, il faut construire des écuries :

1) les chevaux sont transférés dans une écurie ronde : la Rotonde, construite en 1907

2) puis en 1911, est édifiée la « grande écurie », juste en face de la Rotonde.

Une arrivée remarquée

Le conditionnement des sérums est effectué dans les locaux des 100 gardes réaménagés. Au total, en 1911, il existe déjà 300 chevaux producteurs. Prévost ne suffit plus à la tâche. Alors le Docteur Roux, directeur depuis 1904, fait appel à un jeune vétérinaire (recommandé par H. Vallée, professeur à Alfort et siégeant à l’Académie de Médecine). Ce jeune vétérinaire n’est autre que Gaston RAMON

Né à Bellechaume (près de la forêt d’Othe), fils de boulanger à Sens, et curieux des choses de la nature, il fait de très brillantes études à Alfort. D’abord affecté à un poste (mi-temps) d’inspecteur aux abattoirs de la Villette, ce qui ne satisfait ni son ardeur au travail, ni sa curiosité. C’est donc à l’Institut Pasteur qu’il va révéler toutes ses capacités. Gaston Ramon est une forte personnalité, perceptible, déjà, par son physique impressionnant, sa carrure, ses yeux extrêmement perçants. On voit en lui une farouche volonté de vaincre.

Il est logé dans les 100 gardes. Mais arrive la guerre de 1914. Devant l’avance des troupes allemandes, la décision est prise de transférer la cavalerie à Toulouse. Mobilisé sur place, Gaston Ramon y restera deux ans.

De retour en 1916, la guerre fait apparaître des besoins très importants en sérums. Mais ces sérums voyagent dans de mauvaises conditions (contamination).

Alors E. Roux convoque Gaston Ramon à Paris, et c’est la rencontre de deux hommes de très fort caractère… Le Docteur Jean Ramon a dit de son père : « Ramon gardera une profonde admiration pour E. Roux, lequel sera pour lui le meilleur des guides, et le mât auquel on se cramponne dans la tourmente et les tempêtes ».

L’histoire montre qu’il y en aura. De retour à Marnes, Gaston Ramon trouve vite la solution pour bien conserver les sérums (formol). Il améliore les techniques de production sur les chevaux. Travailleur acharné, il aime être seul. Levé tôt le matin, dans les écuries, puis au laboratoire, et encore tard le soir où il surveille tout dans les écuries, on dit qu’il ne quitte ses sabots que pour monter chez lui. Mais il sait aussi prendre quelques moments de détente. A cheval, il parcourt les allées de ce parc merveilleux, ou va lire à l’ombre des tilleuls sur la terrasse de l’ancien château.

A cette époque, on vient de Paris dans ces villages de Garches, Marnes, par le train, mais surtout en calèche. Et c’est ainsi que Gaston Ramon croise certains jours deux jeunes filles qu’il salue de son canotier. Ce sont les petites nièces d’E. Roux, dont l’une, Marthe Mormont, deviendra madame Ramon. Les Ramon aiment bien recevoir. Ainsi le Professeur Weinberg dont Gaston Ramon a été l’élève, vient déjeuner à leur table et madame Ramon leur sert une de ses spécialités : une soupe aux betteraves dont Jean Ramon dit qu’elle fera longtemps le délice des invités.

Progrès et succès

Et voici venir le temps du succès : de 1920 à 1926, on distingue trois volets dans les travaux de Gaston Ramon :

1) il travaille sur les substances adjuvantes de l’immunité (augmentation de la production d’anticorps chez les chevaux hyperimmunisés)

2) il découvre les anatoxines : avec un matériel très réduit (tubes, pipettes, lampe, microscope), il met en évidence un phénomène de floculation, dans des mélanges d’antitoxine et de toxine

Grâce aux observations faites sur ce phénomène, il ouvre la voie pour obtenir des vaccins.

En effet, dans des conditions précises qu’il définit, sous l’action combinée de la chaleur et du formol, on obtient à partir d’une toxine hautement active, un produit détoxifié, inoffensif, stable, et dont l’ inoculation provoque l’apparition d’anticorps, comme Gaston Ramon le montre dans de très nombreux essais sur animaux.

En accord avec E. Roux, ces vaccins sont appelés ANATOXINES. La première anatoxine préparée est l’anatoxine antidiphtérique.

En 1923, les premiers essais de vaccinations sont effectués avec grand succès à Paris (Pasteur, Val de Grâce) par Robert Debré et aussi en URSS.

Cette même méthode de traitement des toxines sera appliquée par Gaston

Ramon pour obtenir d’autres anatoxines : tétanique, staphylococcique, botulinique, etc.

Il montre également L’intérêt du traitement du tétanos par la séroanatoxithérapie, et met au point une première méthode de purification des sérums équins.

3) Gaston Ramon est l’initiateur des vaccins associés. D-T, DTTAB (sur militaires en 1938) – obligation de vaccination D+T en 1940. Cette méthode d’association a été étendue aux vaccins actuels, en utilisant des produits purifiés. Exemple : D. T. Coqueluche, D’l’Polio, etc.

Nous sommes donc en 1926: Prévost meurt et Gaston Ramon est nommé directeur de l’annexe ; il va habiter au pavillon directorial construit en 1912 dans le parc.

Face à l’augmentation des productions, il fait construire en 1928 (en face des 100 gardes) un laboratoire pour la mise en ampoules, flacons, conditionnement, bien équipé pour l’époque.

Il est à ce moment-là au sommet de sa gloire. Il reçoit de toute l’Europe des félicitations, et il accueille de nombreux visiteurs, tels : Robert Debré son ami, M. et Ch. Nicolle, J. Bordet, prix Nobel, etc.

En 1932, il fait venir à Marnes deux personnages hauts en couleurs : le Docteur Jean Commandon, inventeur du premier microcinématographe, et son assistant Pierre de Fonbrune, auteur du premier micromanipulateur. Ils sont installés derrière le bâtiment des 100 gardes, et réaliseront avec leurs appareils des films tout à fait remarquables jusque dans années 50.

Un vent de contestations

Mais arrive l’année 1933 : Emile Roux, malade depuis plusieurs années, décède. Gaston Ramon perd ainsi son maître et protecteur. Et c’est à ce moment que commence le temps de la « tempête ». En effet, comme Pasteur, Gaston Ramon a des opposants et des détracteurs. Et comme l’a fait Pasteur, il se bat avec force et acharnement. Il défend sa découverte des anatoxines. Il fait jaillir la vérité en apportant également les preuves de l’efficacité et de l’innocuité des anatoxines.

Car il est publiquement accusé de tuer des enfants ! Un mouvement se développe « la ligue contre les vaccinations », dont fait partie Léon Daudet (fils d’Alphonse Daudet).

Mais là encore, Gaston Ramon a de nombreux défenseurs qui le soutiennent : scientifiques, membres des sociétés savantes, professeurs, etc., mais beaucoup d’autres aussi, tel Jules Blier, un ancien camarade de l’école d’Alfort qui de sa forte voix, va le défendre quand Philippe Henriot tient une réunion contre les anatoxines. (ce Jules Blier est le père de l’acteur Bernard Blier).

Enfin, le vent s’apaise un peu, Ramon retrouve la sérénité et il développe encore Villeneuve : compte tenu de tous les sérums préparés en 1937 : diphtérie, tétanos, streptococcique, pneumococcique, anti gangréneux, venimeux, etc., il fait construire de nouvelles écuries dans l’alignement de la première grande écurie.

En 1939, il fait bâtir un nouveau laboratoire pour la production des anatoxines et pour les recherches. Ce bâtiment, en briques roses est bien visible du boulevard Raymond Poincaré ; on l’appelle le bâtiment « Ramon » ou « château ». Des chercheurs y sont accueillis : Pierre Mercier (staphylo), André Boivin (biochimie), le docteur Boquet puis Albert Delaunay (gendre de Gaston Ramon).

Et voici la seconde guerre mondiale qui éclate. En 1940, c’est l’exode. Une certaine anarchie règne à Paris et la direction de l’Institut Pasteur parisien n’est plus assurée. Gaston Ramon est alors nommé directeur général, mais il continue à habiter le pavillon directorial de Villeneuve. Pour les protéger, il éloigne de l’annexe les réserves de vaccins et sérums. Grâce à sa très forte autorité, l’occupant allemand n’ose pas utiliser l’Institut Pasteur.

C’est alors que, constatant la mauvaise organisation des laboratoires parisiens, et mesurant l’étendue des économies qui pourraient être faites, il a l’audace, mais la très mauvaise idée, de proposer des réformes draconiennes qui ne sont pas du goût des scientifiques, et le conseil d’administration rejette son projet.

Furieux, Gaston Ramon démissionne de la direction générale, pour ne plus se consacrer qu’aux activités de Villeneuve l’Etang. Il y avait là beaucoup à faire : dans cet immédiat après-guerre, il n’était pas aisé de trouver des chevaux ni de les entretenir. Mais toujours aussi volontaire et efficace, il y parvient.

Cependant ses ennemis n’ont pas désarmé. Il ne parvient pas à trouver un terrain d’entente avec l’Institut Pasteur de Paris ; les relations se détériorent encore, et il arrive même que son travail et ses découvertes soient contestés par de proches collègues. Gaston Ramon ne peut supporter cette situation et il quitte l’Institut Pasteur en 1947.

Il trouve à se loger dans Garches et va travailler à l’Institut National d’Hygiène, puis à l’Office International des épizooties dont il sera le directeur. En 1959, à 73 ans, déjà fatigué, il cesse ses activités. Hospitalisé, il meurt en 1963, et est inhumé dans son cher village de Bellechaume

Dans cette vie de succès, de joies mais aussi de luttes et de souffrances, quels souvenirs Gaston Ramon a-t-il laissés à ceux qui l’ont côtoyé journellement ?

Un homme redouté, mais profondément humain, juste, travailleur solitaire, ne s’accordant que peu de liberté. Son fils Jean Ramon nous dit qu’une seule fois ses enfants l’ont conduit au cinéma voir « les enfants du paradis ». Il fut enthousiasmé, mais n’y retourna plus, craignant d’y prendre goût.

Les mérites de Gaston Ramon sont aujourd’hui reconnus partout ; en France et dans les pays industrialisés. Sérums et anatoxines ont fait disparaître le tétanos et la diphtérie.

Grand Croix de la Légion d’Honneur, Gaston Ramon a été honoré à l’étranger comme en France : à l’Ecole vétérinaire d’Alfort, à Marnes, et à Garches en 1960 alors que Monsieur Le Rallec en était le Maire, le nom de Gaston Ramon a été donné à un centre comprenant un groupe scolaire (écoles publiques maternelles et primaires), une crèche Ramon et un centre sportif Ramon.

Enfin en 1969, à l’Institut Pasteur de Paris, l’effigie de Gaston Ramon a été placée dans la grande galerie des Pastoriens.

Qu’en est-il de l’après RAMON ?

– La direction de l’annexe reste confiée à des vétérinaires : Edouard LEMETAYER puis Louis NICOLL, avant d’être directement administré par Paris.

– De nouveaux laboratoires de recherche sont installés tant aux 100 Gardes qu’au château. On engage de jeunes vétérinaires, au château travaille le docteur A. DELAUNAY en cytologie, le docteur BOQUET sur les venins, et Marcel RAYNAUD et son équipe succèdent à BOIVIN.

En 1956, hors du campus Pasteur, face à l’hôpital Raymond Poincaré, sont installés des bâtiments préfabriqués, équipés de zones stériles, pour la préparation du premier vaccin inactivé contre la poliomyélite, et une singerie. En effet, ce vaccin, développé à Paris par le professeur P.LEPINE, provenait de cultures du virus sur des cellules épithéliales de reins de singe en première explantation – d’où la nécessité de se ravitailler en singes. Ces installations, parce qu’elles étaient situées « hors Pasteur », ne devaient durer que cinq ans ; en fait, elles ne seront détruites que vingt ans plus tard.

C’est ainsi que dans les années 1950, le domaine de Villeneuve est un pôle très important de l’activité pastorienne où voisinent : laboratoires de production, laboratoires de contrôles, laboratoires de recherches. Plus de 500 personnes y travaillent. La direction et quelques cadres sont logés sur place. Certains viennent de Paris, mais la plupart des salariés habitent Garches. Parmi les animaliers, beaucoup vont, après leur travail à l’Institut Pasteur, faire des jardins chez les Garchois.

Quant aux animaleries, elles sont très importantes. En effet, malgré l’avènement des antibiotiques, il y a encore près de 350 chevaux et quelques 100 bovins producteurs de sérums. Il y a aussi des moutons, un chenil, une porcherie, un serpentarium, une singerie (vaccin polio), sans compter tous les petits animaux de laboratoires. D’où quelques « bruits » et odeurs se répandant à Garches, de l’autre côté du boulevard R. Poincaré. Quant au fumier des chevaux, il était transporté pour alimenter les champignonnières de Paris.

Quelques incidents aussi, tel que chevaux s’échappant et cavalcadant sur le boulevard, ou bien encore quelques bovidés fuyant à leur arrivée sur la voie ferrée, occasionnant des arrêts des trains entre Saint-Cloud et Saint-Nom la Bretèche.

Autre particularité : l’odeur pestilentielle de la toxine tétanique, récoltée des fermenteurs microbiens, chaque lundi matin dans une unité tout à fait à l’extrémité du parc, près de la gare. Ces lundis où les voyageurs étaient donc gratuitement parfumés.

En 1970, les besoins en sérums ont fortement décru ; certaines écuries sont vides. Et malgré l’apport financier du vaccin polio, la situation financière n’est pas brillante.

En 1972, face à cette situation, Jacques MONOD, alors Directeur Général de l’Institut Pasteur, présente une importante réforme, qui vise à séparer la recherche de la production.

Ainsi, il crée l’Institut Pasteur Production (IPP), dont le siège est bâti à Marnes sur les lieux libérés après destruction de la grande écurie et plusieurs autres. Au départ, 100 % des parts de cette société appartient à l’Institut Pasteur Fondation. Les productions, celles faites à Marnes comme celles faites à Paris sont regroupées dans une usine modèle à Val de Reuil, près de Louviers, dont l’inauguration a lieu en 1974.

Avant tous ces transferts, c’est un émoi pour tous les salariés de Garches. Ils seront cependant bien reclassés soit à Paris, soit à Val de Reuil.

Seuls restent à Marnes le développement de nouveaux vaccins, préparés sur lignées cellulaires (polio, rage, hépatite C, etc.).

Mais une fois encore, l’argent va manquer pour investir. C’est pourquoi en 1983, SANOFI entre pour 35 % dans le capital. Et en 1984, ne gardant que les produits de laboratoire, c’est l’institut MERIEUX qui prend la relève pour la fabrication des produits humains : à l’usine du Val de Reuil et à Marcy (près de Lyon)

A cette occasion, l’Institut Mérieux s’installe dans les bureaux des 100 Gardes, dont il fait un centre de prestige, en modernisant l’intérieur. Le bâtiment de mise en ampoules est abattu, le cour d’honneur embellie, de même que l’ancienne écurie de la Rotonde après « déshabillage », est transformée en une salle d’amphithéâtre où ont eu lieu « les colloques des 100 Gardes ». Le premier colloque a lieu en 1986 sur le Sida, auquel assistent tous les meilleurs spécialistes mondiaux.

Au cours de nouvelles et importantes restructurations pharmaceutiques, – dans les années 1990-, aussi bien Sanofi que l’Institut Mérieux quittent ce domaine de Garches. C’est ainsi que le site est presque entièrement vide, et la fondation y a accueilli les laboratoires BIO-RAD, qui occupent toutes les surfaces disponibles sauf les 100 Gardes.

Bio-Rad, société américaine disposant de cinq unités en France (dont à Marnes un effectif de 500 personnes) fabrique et commercialise des produits de diagnostic, en partenariat avec l’Institut Pasteur.

Et que reste-t-il de l’Institut Pasteur ?

C’est un musée « unique » : le musée des applications de la recherche, situé dans les 100 Gardes, dans les anciens appartements et laboratoire de Louis Pasteur. Déjà, dans les années 1970, la famille Ramon et Robert Debré en avaient avancé l’idée auprès de Jacques Monod. Deux sous-directeurs, Elie Wolman et Bernard Virat vont se charger du projet, réalisé avec le concours de Madame Benichou, Madame Perrot (conservatrice des musées). Il a été inauguré en 1986, la même année que le premier colloque des cent gardes.

Il a été confié à deux documentalistes pastoriennes : madame Lesieur, puis madame Bess, qui fournissent toutes les explications durant les visites : on y voit la chambre dans laquelle Pasteur est mort. D’autre part, ce musée retrace toute l’ouvre pastorienne, tant en France que dans le réseau des instituts outre-mer la peste, le typhus, le paludisme, la tuberculose, la fièvre jaune, le choléra, etc.

De même, il s’ouvre sur les sujets d’actualité : sida, lutte biologique contre les insectes, neurosciences, etc.

De plus, il est conçu de telle sorte que les sujets exposés soient accessibles à un très large public, y compris les écoliers.

Depuis bientôt vingt ans, tous les visiteurs ont été émerveillés par la richesse de ce grand musée pastorien. Il retrace toute l’histoire de cette lutte contre les maladies infectieuses, dernière étape d’une histoire de ces lieux commencée bien plus tôt.

Ce qui a permis à Jean Ramon d’écrire : «Villeneuve l’Étang n’échappe pas à son destin historique. Voilà plus de huit siècles que l’horloge du temps égrène les heures glorieuses de ce domaine ».

Fin de la deuxième partie

En savoir plus …

Coté livres :

Le château de Villeneuve-l’Etang, propriété privée de la duchesse d’Angoulême

Auteur : SEILLAN Fabienne
Éditeur : Editions Faton

http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=17862568

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Marnes-la-Coquette

http://www.quid.fr/communes.html?mode=detail&id=17159&req=92&style=fiche

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Pasteur

http://www.pasteur.fr/ip/index.jsp

http://www.pasteur.fr/ip/easysite/go/03b-00000j-0fn/institut-pasteur/musees

http://musee.vet-alfort.fr/Site_Fr/SFHMSV/SFHMSV_files/Textes/Activites/Bulletin/Txts_Bull/B3/Rosset_B3.pdf

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