VIDOCQ ET LES ABEILLES D’OR

Thème : HISTOIRE                                                                                                                                                       Mardi 20 Mars 2007

Vidocq et les abeilles d’or

Par M. Tetaud – Avocat honoraire

Eugène-François Vidocq (1775-1857) est célèbre pour avoir été à la fois forçat puis policier. C’était un forçat atypique et un policier qui ne l’était pas moins. Au cours de sa vie, il a traversé une période mouvementée de l’Histoire de France. Il a vécu sous la Monarchie absolue de Louis XVI, la Révolution Française, la République, le Premier Empire de Napoléon, puis la Restauration de Louis XVIII et Charles X, la monarchie de Louis-Philippe avant de décéder sous le Second Empire de Napoléon III.

A quatorze ans, le jeune Vidocq est un phénomène. Il a la carrure d’un homme et aime déjà la compagnie des femmes. Son premier « fait d’armes » est de voler la recette de son père boulanger. Pour le punir, ce dernier le somme de s’engager dans l’armée. Incorporé  à seize ans dans l’infanterie, il participe aux batailles de Valmy et Jemmapes. Doté d’un caractère bien trempé, il multiplie les duels au sabre. Il en abuse tellement que, jugé dangereux, il est expulsé de l’armée à dix-sept ans. Il poursuit alors une vie aventureuse de voleur et d’escroc entre Paris et le nord de la France. Accusé par une fille mineure de l’avoir mise enceinte et puisque le père de celle-ci est un gros pourvoyeur de guillotine en ces temps de Terreur, Vidocq préfère se marier et « s’installer ». Il fonde une mercerie. Très vite lassé de cette vie qui ne lui convient pas, il s’échappe en prétextant les infidélités de son épouse et rejoint « l’armée roulante », constituée d’anciens militaires, déserteurs ou non, qui fabriquaient de faux billets de logement. Avec eux, il commet divers vols et escroqueries. Mais son caractère bagarreur lui jouera des tours.

Le roi de l’évasion

Redevenu civil, Vidocq rosse un officier. Victime de mauvais traitements après son interpellation, il est ensuite placé en préventive dans la prison de Douai. Là, il rencontre un certain Boitel qui a été condamné à six ans de prison pour avoir volé du blé pour ses enfants. Vidocq le fait évader grâce à une fausse lettre de sortie. Condamné à huit ans de fer et exposition sur la place publique pour faux en écritures, Vidocq préfère s’évader plutôt que de faire appel du jugement. Ce sera sa seule et unique condamnation. Il passe néanmoins les six années suivantes à successivement s’évader et se faire reprendre. Expert en déguisements, c’est grimé en boiteux, en officier, en femme… qu’il réussit à tromper la vigilance de ses gardes. Ses multiples évasions lui valent le respect des gens du milieu et une notoriété certaine.

En 1811, pour retrouver sa liberté, Vidocq propose ses services au préfet de police de Paris. Particulièrement physionomiste, il dénonce les forçats qui, comme lui auparavant, circulent sous une fausse identité. Sa méthode est si efficace qu’on lui propose de fonder une police parallèle, sans existence légale et financée sur les fonds secrets. Vidocq, l’ancien forçat, est nommé chef de la Police de Sûreté. Grâce à lui, de très nombreux repris de justice sont confondus. Critiqué pour ses méthodes, Vidocq assurera n’avoir jamais usé de provocations pour arrêter qui que ce soit. En 1818, en récompense de ses exploits, le nouveau souverain Louis XVIII lui accorde ses lettres de grâce. Mais ses méthodes irritent et vont même le mettre en porte-à-faux, même au plus haut de l’Etat.

Des méthodes d’investigation d’avant-garde

En 1820, suite à l’assassinat du duc de Berry, neveu de Louis XVIII, la famille royale exige une protection plus efficace. Vidocq est introduit à la cour. Il démasque Pontis de Sainte-Hélène, chef de la garde royale, qui n’est autre que Coignard, un ancien forçat, qui depuis des années a réussi, par son entregent, à gravir les échelons au sein de cette corporation.

Quelques années plus tard, Vidocq résout l’énigme des « abeilles d’or ». Ces bijoux, qui ornaient l’harnachement du cheval de Childéric, père de Clovis, furent offerts à Louis XIV par les Autrichiens. Le 6 octobre 1831, ces « abeilles d’or », symboles de l’ordre et du pouvoir,  sont dérobées dans la Bibliothèque royale en même temps que les sceaux de tous les rois de France depuis Hugues Capet. Louis-Philippe fait appel à Vidocq pour retrouver ce trésor inestimable. Le détective utilise une méthode digne des « profilers » modernes pour déterminer l’identité du coupable. Dès le 7 octobre, soit le lendemain du forfait, Vidocq a la conviction que la méthode employée est celle du « prince des voleurs »,  un dénommé Fossard, de surcroît amant d’une amie de la reine. Fossard est arrêté en possession de deux millions de francs en lingots – il avait fait fondre les sceaux  et jeté les abeilles dans la Seine. Seules deux d’entre elles ont pu être retrouvées.

Après ce coup d’éclat, Vidocq ouvre en 1833 un bureau de renseignement pour le commerce, la première agence de détective privée, qui fournit aux commerçants, moyennant finance, des services de renseignement et de surveillance. Très apprécié du Tout-Paris, il fréquente Victor Hugo ou encore Honoré de Balzac. Il inspire à Hugo de nombreux personnages des Misérables (l’épisode du blé de Boitel est repris pour Jean Valjean), et Balzac le retrace sous les traits de Vautrin (qui fut le surnom de Vidocq pendant sa jeunesse) dans La Comédie Humaine. Lui-même écrivain, il écrit ses Mémoires à partir de 1828, publie un essai sur les conditions de vie dans les prisons et contre la peine de mort, et rédige la suite des Mystères de Paris d’Eugène Sue. Vidocq est, en quelque sorte, le père du roman policier, un Sherlock Homes avant la lettre. Ses positions sur les conditions d’emprisonnement sont à la fois visionnaires et très modernes. Il se prononce contre le mélange des enfants et des adolescents avec les autres détenus ; contre le mélange des détenus ordinaires (soupçonnés) et des « chevaux de retour » ; dénonce la lenteur de la justice et estime qu’il faut indemniser les personnes incarcérées à tort.

En 1853, le préfet de police recommande qu’une petite pension soit versée à Vidocq pour services rendus. Il meurt néanmoins dans la misère quatre ans plus tard.

Vidocq était un homme brave et courageux à l’honnêteté fléchissante, mais c’était avant tout un brave homme.

En savoir plus …

Coté livres :

Vidocq Les Trois Bandits

Auteur : Michel Peyramaure
Éditeur : Robert Laffont

ISBN-10: 9782221106907

Vidocq

Auteur : Marie Parinaud
Éditeur : Grand Caractere

ISBN-10: 2744407119

http://livre.fnac.com/a1983542/Marie-Parinaud-Vidocq

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne-Fran%C3%A7ois_Vidocq

http://fvidocq.free.fr/

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