L’EPOPEE ET LA FIN DU CROISEUR ALLEMAND TIRPITZ (1941/1944)

Thème : HISTOIRE                                                                                                                                                                                   Mardi 9 Mai 2006

L’épopée et la fin du croiseur allemand Tirpitz (1941/1944)

Par François Lachèvre –  Capitaine de vaisseau

Le Tirpitz a été mis en cales en 1936 et terminé en 1941. Il était, avec le Bismarck, le vaisseau allemand le plus puissant jamais construit. De l’avant à l’arrière, le Tirpitz mesurait 253 mètres, pour une largeur de 36 mètres et un tirant d’eau de 10 mètres. Son blindage était réputé resistant à tous les calibres d’obus existants : un blindage de pont était de 120 à 200 millimètres d’épaisseur, son blindage de coque était de 170 mm dans les fonds et de 145 mm dans les hauts avec une ceinture de 315 mm bardant le navire sur 2 m. Ses moteurs de 163 000 chevaux pouvaient lui faire atteindre la vitesse de 55 nœuds (environ 55 km/h). Le tonnage atteignait 56 000 tonnes soit autant que le paquebot France plus tard. Mais c’est surtout  son armement qui était le plus impressionnant : quatre tourelles doubles de 380 mm, quatre triples de 150 mm, 16 pièces de 105 mm sur affûts doubles auxquelles s’ajoutaient 16 canons antiaériens de 37 mm et 80 pièces de 20 mm à tir rapide. Le Tirpitz disposait de quatre avions qui assuraient sa protection aérienne. Son équipage était composé de 108 officiers et de 2 500 hommes qui avaient l’habitude de dire que leur navire était « increvable et insubmersible ».

Hitler décida d’envoyer le Tirpitz en Norvège, où il mouilla au Faettenfjord, à proximité de Trondheim. Le navire devait attaquer les convois alliés dans la Baltique qui se rendaient à Mourmansk et empêcher la sortie des navires soviétiques. A lui seul, il était le « cauchemar » (dixit Churchill) de la Home Fleet, cette flotte basée dans les Shetland. Churchill donna l’ordre de tout faire pour mettre le Tirpitz hors d’état de nuire.  Plusieurs tentatives eurent lieu avant qu’il ne soit définitivement envoyé par le fonds en novembre 1944 après plus de deux ans d’efforts.

Les premiers affrontements

Dans la nuit du 28 au 29 janvier 1942, plusieurs bombardiers s’approchèrent du fjord où le Tirpitz avait été repéré sans qu’aucune des bombes larguées ne touchent leur but. Le navire, accolé à la falaise, était difficilement atteignable, ce qui confirmait le bon choix de mouillage par les Allemands. Le 5 mars, il sortit de son repère pour attaquer un convoi signalé dans le Nord. Le 8, il fut repéré par un avion anglais d’un porte-avion de la Home Fleet. Le 9, des avions torpilleurs anglais lancèrent l’attaque sous le feu de la DCA déchaînée. En neuf minutes, les chasseurs avaient lancé leurs douze torpilles, mais seulement deux d’entre elles touchèrent le Tirpitz, sans exploser. Il évita aussi des torpilles tirées d’un sous-marin allemand et trouva refuge dans un fjord proche de Narvik.

Les 27 et 28 avril, une nouvelle attaque des Anglais échoua. De nombreux postes de DCA avaient été installés à terre pour assurer la protection du Tirpitz, qui était également protégé des torpilles sous-marines par des filets. Des câbles avaient été tendus dans les hauteurs du fjord pour empêcher l’attaque en rase-mottes, et un ingénieux système de brouillard artificiel rendait les bombardements impossibles. Son écrin était pratiquement inviolable. Il fallait trouver d’autres solutions.

L’opération Title et l’opération Source

Le scénario de l’opération Title consistait à envoyer contre le Tirpitz des « chariots », qui sont des torpilles chevauchées par deux hommes-grenouilles qui devaient déposer le cône sur la coque du navire avant de s’en aller. En cas d’échec, il était prévu de lancer l’opération Source qui devait attaquer le Tirpitz à l’aide de sous-marins de poche. La faible autonomie des chariots imposait de mouiller à proximité de la cible. Pour éviter que l’opération ne se fasse repérer, il fut décidé d’utiliser un bateau de pêche local, l’ « Arthur », qui pourrait cacher les chariots à deux mètres sous la ligne de flottaison. Le 26 octobre 1942, l’opération Title débuta. Les chariots furent chargés le 29. Mais, le 31 octobre, la mission échoua : les deux chariots se décrochèrent du chalutier à quelques mètres seulement  du cuirassier.

Après cet échec, les Anglais préparèrent activement l’opération Source qui devait se dérouler le 20 septembre 1943. Les minis sous-marins « X » venaient tout juste d’être mis au point par les usines Vickers. Ces sous-marins avaient pour mission de se glisser sous la cible, placer les explosifs et repartir. Six sous-marins de poche avec trois hommes furent tractés d’Ecosse par des gros sous-marins avant d’être lâchés au large des côtes norvégiennes. Mais le transit fut rude, les équipages des « X » souffraient de la météo et du manque de fiabilité de leur matériel : périscopes peu étanches, humidité permanente, déchargement des batteries, problèmes de communication… Finalement, seuls quatre « X » atteignirent leur cible. Deux d’entre eux réussirent à franchir les défenses de l’Altenfjord et posèrent sous la quille du cuirassé des charges de 2 tonnes, lesquelles causèrent d’immenses dégâts aux machines et aux tourelles de 380 mm. Les dégâts infligés au Tirpitz furent cependant importants, au point de nécessiter plusieurs mois de réparations. Les travaux durèrent jusqu’au printemps de 1944.

La fin du Tirpitz

Le 3 avril 1944, le Tirpitz fut attaqué par une quarantaine de Barracuda de la RAF qui lui infligèrent de gros dégâts. Hitler estimant que ce navire ne correspondait plus à la guerre marine moderne, préférant miser sur les sous-marins U-Boot, décida de transformer le Tirpitz en forteresse flottante. En effet, le carburant nécessaire à son fonctionnement venait à manquer, la bataille de l’Atlantique était de toute façon perdue et, enfin, les marins autres que les artilleurs étaient plus utiles ailleurs que sur un navire de guerre condamné à l’immobilité. Enfin, le 14 septembre 1944, des avions de la RAF réussirent à atteindre le cuirassé avec des bombes de 5 443 kg. Le Tirpitz dut alors se déplacer plus au sud, vers Trondheim, pour réparer les avaries. C’est alors que, le 12 novembre 1944, il fut touché par trois bombes Tall Boy également de 5 443 kg chacune lancées par des Lancaster. Il coula aussitôt. L’absence d’équipage autre que les artilleurs et les techniciens indispensables à l’alimentation du navire réduisit les pertes humaines. Bon nombre de marins, coincés sous la coque retournée, furent sauvés grâce à la découpe de celle-ci, restée émergée du fait de la faible profondeur.

Abandonnée, l’épave fut désossée après guerre par des Norvégiens qui en obtinrent un revenu non négligeable par la revente des cables et de l’acier.

En savoir plus …

Coté Livres :

CENT ANS DE CUIRASSÉS FRANÇAIS

Auteur : Eric Gille

Editeur : Marines Eds

ISBN-10: 2909675505

http://livre.fnac.com/a288954/100-ans-de-cuirasses-francais?PID=1

La révolution maritime 1914-1945 : Du cuirassé au porte-avion

Auteur : Bernard Ireland, John Keegan

Editeur : Editions Autrement

ISBN-10: 2746706644

http://www.amazon.fr/r%C3%A9volution-maritime-1914-1945-cuirass%C3%A9-porte-avion/dp/2746706644

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_von_Tirpitz

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cuirass%C3%A9

http://deuxiemeguerremondia.forumactif.com/les-navires-f40/ou-hitler-condamna-la-kriegsmarine-t3208-10.htm

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