LE RADEAU DE LA MEDUSE – Chronique d’un naufrage tres annonce

Thème : HISTOIRE                                                                                                                                                                                Mardi 10 Mai 2005

Le radeau de la Méduse, chronique d’un naufrage très annoncé

Par Mme Catherine Decours – Auteur de Le lieutenant de la frégate légère, ed. Albin Michel

Nombreuses sont les personnes qui connaissent le fantastique tableau de Géricault Le Radeau de la Méduse, mais peu connaissent les circonstances qui ont mené à cette tragédie qui inspira l’artiste. A la chute de l’Empire,  « La Méduse », frégate de trois mâts et de 44 canons, était la gloire de la marine nationale, un navire à la fois moderne et rapide. Au début de la Restauration, en 1815, la Grande-Bretagne devant rendre certains territoires du Sénégal dont elle s’était emparée, la « Méduse » fut désignée pour conduire une expédition française chargée de reprendre ces possessions. La division du Sénégal, qui emmenait le nouveau gouverneur Julien Schmaltz, était dirigée par Hugues Duroy de Chaumareys, un officier royaliste, ancien émigré qui n’avait plus navigué depuis vingt ans. La plus belle frégate de la flotte française était confiée à quelqu’un qui ne savait plus naviguer ! De plus, les officiers étaient, eux, des Républicains qui avaient servi à Waterloo et n’avaient pas beaucoup navigué non plus. De plus, ils éprouvaient une haine farouche envers ce commandant royaliste.

Une erreur de cap fatale

La flottille, qui appareille le 17 juillet 1816 de Rochefort sur Mer, est également composée de la corvette « L’Echo », de la flûte « La Loire » et du brick « L’Argus ». « La Méduse » embarque à son bord plus de 400 passagers, dont les soldats du 1er bataillon d’Afrique. Dès le départ, la flotte a du mal à passer le pertuis d’Antioche qui sépare l’île de Ré de l’île d’Oléron. Les détails de la traversée jusqu’en Afrique sont connus grâce au carnet de bord d’un passager. Le voyage se passe mal. En raison du retard pris, le gouverneur décide, contre toute logique, de séparer la flotte. La frégate et la corvette navigueront ensemble. Aux Canaries, le commandant décide de confier le commandement de la frégate à un marin d’opérette, ce qui est très mal vécu par l’équipage.

Arrivé au large de l’Afrique, il fallait bien repérer le cap Blanc pour éviter le banc d’Arguin et accoster sans heurts à Saint-Louis du Sénégal. Le commandant de la frégate croit repérer le cap Blanc le 1er juillet et ordonne d’obliquer vers Saint-Louis. En fait, il se rabat beaucoup trop tôt. La corvette dépasse « La Méduse » dans la nuit du 1er au 2 juillet en lançant des signaux pour signifier l’erreur de cap. Le 2 juillet, la tension monte sur la frégate. Les marins sondent régulièrement la profondeur de l’eau qui ne cesse de se réduire.

A 15 heures, l’inévitable se produit : dans un énorme choc et par beau temps, « La Méduse » s’échoue dans le sable du banc d’Arguin. Pour s’en désengager, il aurait fallu jeter les canons pour s’alléger mais le commandant, complètement saoul, refuse. Le gouverneur prend la décision de construire un radeau pour y mettre le bataillon qui gêne tout le monde. Le 4 juillet, les efforts pour se désensabler semblent aboutir. La frégate pivote sur elle-même. Mais plutôt que d’en profiter sur le champ, on en reste là. La nuit suivante, une grosse tempête provoque la perte du gouvernail qui perce la coque. C’est la panique à bord. Les soldats pillent les bagages des passagers.

Le calvaire des passagers du radeau

Le 5 juillet, à 5 heures du matin, le gouverneur ordonne l’évacuation. Les 150 soldats du bataillon sont descendus sur le radeau (« raz d’eau » comme on l’écrivait à l’époque). Les six canots de sauvetage sont tout d’abord accrochés les uns aux autres, mais cet énorme radeau les empêche d’avancer. La corde qui relie le radeau au grand canot auquel il est attaché est sciée. « De toutes façons, il était prévu de l’abandonner à la nuit », avouera un officier. Les deux premiers canots arrivent à bon port à Saint-Louis. Les autres chaloupes sont jetées à la côte. Cent quinze personnes doivent marcher le long du désert de Mauritanie, provoquant la mort de plusieurs voyageurs. Il leur faudra dix jours de marche pour rejoindre Saint-Louis.

Pendant ce temps, le radeau vivra douze jours de calvaire. Sur 150 personnes, seuls 15 survivants sont récupérés par « L’Argus » le 17 juillet. Selon la version officielle, les soldats du bataillon ont voulu sabrer les liens du radeau pour faire un suicide collectif, les officiers ayant alors été obligés de les exécuter. En fait, il s’avère que les officiers Savigny et Corréar ont saoulé les soldats pour les sabrer dans la nuit : 60 meurtres la première nuit, 30 la deuxième. La troisième nuit, ils gardent les cadavres pour leur nourriture. Au neuvième jour, il ne reste que 27 survivants. Les officiers firent jeter à la mer la seule femme du radeau ainsi que deux mousses dont le père avait été sabré. On sait aujourd’hui que les quinze survivants sont tous des assassins.

Pourquoi le mythe ?

Les Anglais ont profité de l’arrivée sans soldats pour ignorer le traité de remise des territoires. Il faudra encore plus de six mois pour qu’ils s’y soumettent.

Le scandale éclate en France au retour d’un des bateaux de la flotte en septembre. Cette catastrophe maritime a provoqué la mort de 160 personnes et la perte de « La Méduse », fleuron de la flotte française. L’échec de la mission est renforcé par le refus des Anglais de rendre les territoires. Les Républicains accusent les royalistes pour cette débâcle. Les récits d’anthropophagie font florès.

Le procès du commandant s’ouvre en février 1817. Chaumareys est inculpé pour la dislocation de la division Sénégal, pour le naufrage de « La Méduse » et la perte du bâtiment. Il risque sa tête pour abandon de navire. Mais le roi Louis-Philippe annonce qu’il sera gracié si les juges le condamnent à mort. Chaumareys sera finalement condamné à trois années de forteresse et à la dégradation. Les juges ont vu qu’ils avaient à faire à un imbécile. Le plus grave aura été d’avoir mis un incapable à la tête de la flotte mais, alors, on manquait terriblement d’encadrement.

C’est Théodore Géricault qui fixe « La Méduse » dans la mémoire collective. Pendant un an, il étudie les cadavres de l’hôpital Beaujon et prend soin de reconstituer la scène. Des survivants posent pour lui (Corréar et Savigny notamment). Ce chef d’œuvre sera très mal accueilli en France – le titre fut modifié en « Scène de naufrage » – mais fut acclamé en Grande-Bretagne.

L’épave de « La Méduse » fut retrouvée en 1980.

En savoir plus …

Coté Livres :

Le Lieutenant de la frégate légère (Broché)
Catherine Decours

Editeur : Albin Michel.

ISBN-10: 2226155244

« Le naufrage de La Méduse, paroles de rescapés »

Michel Hanniet

éditions « ancre de marine ». Publié en Octobre 2006,  495 pages

le Radeau de la Méduse est également le titre d’un film avec Jean Yanne et Claude Jade, réalisé par Iradj Azimi, sorti sur les écrans en 1998.

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Radeau_de_la_M%C3%A9duse

http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=22541

http://www.paranormal-fr.net/dossiers/radeau-de-la-meduse.php

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