LA MÉDECINE AUX TEMPS DES PHARAONS

Thèmes – Histoire, Sciences, Médecine                                                                                                                              Mardi 23 mai 2017

LA MÉDECINE AUX TEMPS DES PHARAONS

par Madame Béatrice LUBIN, Historienne de l’art et Chevalier de l’Ordre National du Mérite.

INTRODUCTION

Comme nous pouvons le voir grâce aux momies dont nous disposons, les Egyptiens étaient des maîtres de la conservation des corps. On peut se demander s’il en était de même en matière de médecine. Les Egyptiens tiennent leurs connaissances des Mésopotamiens qui avaient créé l’écriture avant eux. La médecine égyptienne est liée à la religion et à la magie car elle était enseignée au temple, centre névralgique de chaque village ou ville. Le système égyptien était comparable au système soviétique totalement centralisé car dans l’Egypte ancienne tout appartenait au Pharaon. C’est pourquoi au contraire des Mésopotamiens qui facturaient les soins, la médecine en Egypte est gratuite et accessible à tous. Par ailleurs, on trouvait autant de femmes que d’hommes et la médecine égyptienne comptait déjà des spécialistes en ophtalmologie, gynécologie ou en dentaire. Nous disposons de sept papyrus essentiels pour nous informer des connaissances médicales des Egyptiens aux temps des pharaons. Malheureusement  certains sont très incomplets. Les trois principaux sont le Kahun qui date d’environ 1825 av. J-C qui traite de gynécologie, l’Ebbers de 1534 av. J-C qui regroupe les pathologies et l’Edwin-Smith de  1600 av. J-C qui porte sur la traumatologie.

I – Le papyrus Kahun

Grâce à ce document, le plus complet des sept papyrus, nous savons que les sages femmes étaient très nombreuses et très spécialisées. Pourtant, la mortalité en couches est très importante ainsi que la mortalité des nouveau-nés. Les Egyptiens ont donc pensé qu’il était nécessaire d’éviter que les femmes tombent enceintes. Le contrôle des naissances a semble t-il fonctionné car dans la grande majorité des cas on ne compte pas plus de deux enfants par femme. On disposait de plusieurs moyens de contraception comme le préservatif fabriqué à partir de boyau de chèvre ou des tampons végétaux fabriqués avec des fibres végétales. On avait également un test de grossesse qui consistait à planter deux graines dans la boue de bord de Nil, on arrosait  avec de l’urine une graine des graine et pas l’autre si celle arrosée avec l’urine poussait plus vite c’est que la femme était enceinte. En effet, les hormones présentes chez la femme enceinte favorisent la pousse. Lorsque les moyens de contraception ne fonctionnaient pas on avait parfois recours à l’avortement en buvant des tisanes faites à base de plantes particulières. Par contre nous n’avons aucune trace de pratique de curetage.

L’accouchement se passait toujours assise par souci d’atténuer les douleurs. On présentait aussi aux jeunes femmes un statuette du dieu Bes, un nain monstrueux et grimaçant qui était censé faire rire et donc soulager là encore les douleurs. La religion des Egyptiens était la seule qui ne condamnait pas les femmes à enfanter dans la douleur. Le dieu Bes était très souvent associé à la déesse Thouéris, au corps mi-hippopotame et mi-crocodile et qui était censée effaroucher n’importe quel esprit malin qui aurait pu nuire à l’enfant. On voit ici le mélange du thérapeutique et du religieux. N’attribue t-on pas la rédaction du papyrus Kahun au dieu Imhotep, patron des scribes, des guérisseurs et des magiciens ?

L’hygiène est le premier précepte de toute la médecine égyptienne et la gynécologie ne fait pas exception c’est pourquoi par souci d’hygiène et non par principe religieux, tous les hommes étaient circoncis. Cependant l’eau courante n’existant pas, on se frottait la peau avec une sorte de pierre ponce ce qui n’était pas très efficace.  En plus de l’hygiène, la médecine égyptienne préconisait la culture physique bien que l’on ne faisait pas encore le lien entre santé et activité physique.

II – Le papyrus Edwin-Smith.

Ce papyrus est un long rouleau de 4,50 mètres qui est une sorte de compilation de toutes les pathologies connues à l’époque et de chirurgie osseuse. On trouve dans ce document des éléments très différents comme par exemple comment guérir une fracture à la tête, ce qui était fréquent lors des combats notamment les blessures dues aux pointes de lances. Les outils utilisés sont en obsidienne ou en cuivre, c’est-à-dire des matériaux peu durs ce qui rendait les interventions difficiles. Les épanchements étaient pratiqués pour soulager les forts maux de tête à la suite d’un traumatisme crânien et non pour éviter les œdèmes cérébraux car les Egyptiens n’avaient pas de connaissances sur le cerveau.  En effet, l’anatomie en générale est peu connue car on ne pratiquait que quelques dissections sur des animaux mais jamais sur les humains. On ne voyait l’intérieur du corps que lors de plaies profondes mais on n’agrandissait jamais une blessure.

Les instruments chirurgicaux dont disposaient les médecins égyptiens n’étaient pas si différents de ceux utilisés de nos jours. Ces outils sont représentés sur les murs de Kôm Ombo, en Haute-Egypte. Les prothèses existaient déjà comme le prouve la prothèse d’orteil retrouvée sur une momie. Cette prothèse permettait à son propriétaire de garder un bon équilibre de marche.

Pour les Egyptiens, la momification est très importante car si l’homme est une âme et un corps, lors de la mort il ne reste que l’âme mais pour préserver l’équilibre il lui faut un support comme lors de la vie, il est donc nécessaire de conserver l’enveloppe charnelle du défunt. Lors du décès, on vide tous les organes puis on laisse le corps dans le gros sel. A la fin du rituel on ouvrait la bouche de la momie pour que l’âme puisse retrouver sa place. Le coeur est très important pour les Egyptiens qui d’ailleurs est le seul organe desséché et replacé dans le corps. Pour qu’il garde sa forme le corps était rempli de résine parfumée.

Le papyrus nous apprend aussi que les maladies parasitaires étaient très fréquentes car la population buvait l’eau du Nil qui étaient déjà polluée. A noter également le nombre élevé de pathologies liées aux articulations car les gens portaient de lourdes charges dans la vie quotidienne, particulièrement les ouvriers qui participaient aux constructions du Pharaon.

III – Le papyrus Ebbers.

C’est le papyrus le plus long, et à la fin on trouve la liste des remèdes dont disposaient les Egyptiens. Certaines plantes n’existant plus il est difficile de vérifier l’efficacité des préparations. Quelques 877 recettes de traitement et 400 médicaments sont répertoriés dans ce papyrus. Certaines prescriptions sont étranges comme le poil de babouin, le sang de crocodile ou  la chair de lézard mais la grande majorité sont d’origine végétale comme l’ail, l’écaille d’ébène, l’encens, le lotus, le ricin ou le sycomore. Bien que l’on ait tendance à penser que les Egyptiens de l’époque pharaonique disposaient d’une science très élaborée, il faut souligner qu’un grand nombre de pharmacopées n’étaient pas efficaces et qu’il y avaient beaucoup d’approximations. On ne peut pas dire que les Egyptiens avaient une science à proprement parler.

Le papyrus Ebbers traite aussi longuement d’ophtalmologie qui était une spécialité particulièrement développée. Ce document nous prouve que l’opération de la cataracte se pratiquait bien que l’on se contentait de repousser la membrane qui recouvrait l’œil car on ne pouvait pas changer le cristallin. Les nombreuses cataractes sont dues au vieillissement prématuré de l’œil à cause des fortes réverbérations du soleil et non à la vieillesse naturelle car il ne faut pas oublier que l’espérance de vie n’excédait pas 40 ans. Pour essayer de minimiser ce phénomène on mettait du khol dans l’œil ce qui réduisait l’intensité des rayons du soleil.

Le papyrus fait état également de nombreuses pathologies osseuses comme la polio, la scoliose osseuse, la tuberculose osseuse ou le nanisme qui étaient dues aux rudes travaux agricoles ou de construction. Les maladies de peau sont elles aussi diverses et nombreuses car l’eau courante fait défaut. Autre problème lié à l’eau, ce sont les maladies intestinales car l’eau du Nil était contaminée. Cela explique pourquoi la bière était très prisée car elle évitait certaines maladies. En effet, pour fabriquer la bière il fallait bouillir l’eau ce qui neutralisait certains germes.

En ce qui concerne les interventions chirurgicales on utilisait des graines de pavots, plus pour atténuer la douleur que pour endormir à proprement parler car on n’anesthésiait pas systématiquement avant les interventions surtout si elles étaient urgentes comme par exemple l’extraction d’une pointe de lance.

CONCLUSION 

Aux temps des pharaons, la médecine égyptienne comportait de nombreuses spécialités répertoriées sur des papyrus et qui nous montrent la grande quantité de remèdes et les techniques chirurgicales dont disposaient les médecins. Cependant, on ne peut pas réellement parler de science et les traitements étaient bien souvent inefficaces. On peut tout de même souligner que les Egyptiens pratiquaient certaines interventions très « modernes » comme la pose de prothèses ou l’opération de cataractes.

 

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