LA LIBERATION DE PARIS – Deuxième partie : la délivrance

Thème : HISTOIRE                                                                                                                                                                     Mardi 24 Novembre 2009

La libération de Paris – Deuxième partie : la délivrance

Par Yves Bodin – Président du C.D.I. – Maire honoraire de la ville de Garches

Le 22 août, Paris est couverte de barricades, les responsables FFI sont angoissés par la situation qui, à l’intérieur de l’agglomération, est quasi désespérée, et les soldats allemands sont en train de préparer sa destruction. Mais, ailleurs, des évènements sont en train de se produire. Le général de Gaulle,  rentré en France depuis Alger le 20 août, est en communication directe avec le commandant en chef Eisenhower. Il a obtenu que ce serait une unité française, à savoir la 2e division blindée, qui libèrerait Paris. Le général  Leclerc, commandant de cette 2e DB, avait pris l’initiative de d’envoyer un détachement avancé de reconnaissance (DAR) vers Paris. Dès que le général Gerow, son supérieur, en a connaissance, le général français se fait rappeler à l’ordre. Leclerc se précipite chez le général Bradley, le 22 août. Mais le supérieur de Gerow ne se trouve pas à son QG. En revanche, Leclerc tombe sur Gallois, l’envoyé de Rol-Tanguy, qui avait été éconduit la veille par Patton. Bradley arrive finalement vers 18 heures et, apercevant Leclerc, lui ordonne de foncer sur Paris. Est-ce l’intervention de Gallois ou celle de Leclerc qui a entraîné la décision de Bradley ? Il semble que ce ne soit ni l’une ni l’autre mais plutôt celle du général De Gaulle et les informations provenant des services de renseignement de l’armée américaine sur la situation à Paris. La mission Nordling arrive chez Bradley dans la nuit ; elle est reçue le lendemain  matin. Toutes les nouvelles convergent : la situation est grave, Paris ne tiendra plus longtemps. Bradley décide d’adjoindre la 4e division de fantassins de l’armée américaine à la 2e DB.

Il faut faire vite

Le 23 août, les troupes de Leclerc se mettent en route, suivant deux itinéraires, l’un assez direct d’Argentan vers Rambouillet, l’autre en passant par Nogent-le-Rotrou puis Chartres et la vallée de Chevreuse. Les routes d’alors ne sont pas ce qu’elles sont aujourd’hui, et l’on assiste à deux gigantesques processions de vingt à trente kilomètres chacune. Malgré les manifestations de joie dans les villages traversés, la progression vers Paris se fait à bon rythme. La division se trouve le soir aux alentours de Rambouillet.

Dans la capitale, les barricades installées pour bloquer le passage des chars sont inopérants : les blindés allemands interviennent pour les détruire, mais ils ne restent pas sur place pour garder le contrôle de la rue par peur des cocktails Molotov lancés depuis les fenêtres des immeubles avoisinants. Les soldats allemands n’hésitent pas à tirer aveuglément dans les fenêtres et à tuer des civils. C’est un tir de char contre le commissariat du VIIIe arrondissement qui provoque l’incendie du Grand Palais, qui abritait alors un cirque en représentation. Dans Paris, les blessés et les morts se multiplient, les postes de secours (au moins un par arrondissement) sont débordés. De leur côté, les FFI font de plus en plus de prisonniers allemands, mais ne sont pas équipés pour assurer leur séjour. On improvise une prison dans une voute de la mairie du VIIe…

Le général Koenig, commandant les FFI, avait prévu qu’un parachutage d’armes provenant de Londres serait organisé vingt-quatre heures avant l’arrivée des militaires. En ce 23 août, on se trouve dans le créneau choisi, ordre est donc donné de procéder au largage le lendemain. Mais le 24 août au matin, le brouillard est tel en Angleterre qu’il est impossible de décoller, et l’opération est annulée. De Gaulle a rejoint Leclerc à son QG. Dès l’aurore, la 2e DB se met en route. Un premier groupe, celui de Langlade, doit prendre la route la plus directe, par l’ouest en passant par Versailles. Il essuiera des tirs vers Toussus-le-Noble et devra engager une bataille de chars dans le bois de Meudon mais arrivera au pont de Sèvres dans la soirée. Le second groupe, celui de Billotte, doit passer par Arpajon et Longjumeau pour enfoncer les défenses allemandes installées à la Croix-de-Berny. Il devra faire face à des accrochages à Massy et Wissous et décidera de contourner la Croix-de-Berny par Fresnes, mais se heurtera à la défense acharnée des prisonniers allemands (de droit commun), libérés pour la circonstance. Quand le groupe Billotte trouve enfin le passage vers 21 heures, les troupes sont exténuées. Il est impossible de libérer Paris le soir même.

Leclerc décide d’envoyer le capitaine Dronne – qui avait inscrit « Morts aux cons » sur sa jeep – avec cent cinquante hommes et quelques véhicules blindés en éclaireur. La compagnie pénètre dans Paris par la porte d’Italie, franchit le pont d’Austerlitz, longe les quais de la Seine jusqu’à l’Hôtel de Ville, où arrive vers 22 heures. Là, le capitaine Dronne rencontre quelques membres du CNR à qui il annonce être un émissaire de Leclerc. La rumeur se répand dans Paris que Leclerc est arrivé, les cloches se mettent à sonner, mais tout le monde ne les a pas entendues, à commencer par le groupe dans lequel je me trouvais et qui défendait la barricade du carrefour Duroc. Paris n’est pas conquis pour autant. Côté allemand, malgré quelques escarmouches et quelques destructions de barricades, on est dans l’attente. Von Choltitz, en contact avec Speidel à qui il a demandé de veiller sur sa femme et ses enfants, assure avoir pris toutes les dispositions « pour sécuriser et détruire Paris dès l’arrivée des renforts que j’ai demandés ».

Les Français reprennent le contrôle de leur capitale

Pendant ce temps, Leclerc prépare son entrée dans Paris. Le groupe Billotte, qui se trouve à la Croix-de-Berny, se séparera en trois éléments : le premier suivra le parcours de Dronne, le deuxième passera par Montparnasse, vers l’Ecole Militaire et les Invalides, le troisième empruntera le boulevard Victor et remontera la Seine. Le groupe Langlade, qui a pris de retard à cause de la livraison tardive d’armes et de munitions (et qui en profitera pour libérer Puteaux et Boulogne), s’élancera de la porte d’Auteuil vers les Champs Elysées, en passant par l’avenue Kléber, où la Gestapo occupait l’hôtel Majestic. Le groupe Billotte va très vite. Le 25 août, à 8 heures, il se trouve à la Préfecture de police. Le gouverneur de Paris veut se rendre, on passe par l’entremise de Nordling pour rédiger les termes de l’acte de reddition. Mais Von Choltitz refuse l’ultimatum et la reddition ne se passera pas aussi bien que prévu. Ce qui devait être un combat symbolique aux alentours de la rue de Rivoli, où se trouve l’hôtel Meurice, siège du gouverneur militaire, et du jardin des Tuileries se transforme en vrai combat de chars, du fait de la présence de Panzers qui stationnaient aux Tuileries. L’un de ces chars allemands sera détruit par un char français, le « Douaumont », positionné à l’Etoile. Quand les fantassins entrent dans l’hôtel Meurice, Von Choltitz annonce son intention de signer la reddition. A sa sortie, il manque d’être lynché par la foule, avant d’être emmené vers Leclerc à la Préfecture de police. L’acte est signé à 15 h 30. Leclerc fera également signer Rol-Tanguy, ce qui provoquera le mécontentement du général de Gaulle pour qui ce geste allait à l’encontre de l’autorité du gouvernement provisoire de la République française (GPRF) dont il est dépositaire.

A 16 heures, le groupe – rejoint par de Gaulle – se  rend à la gare Montparnasse, QG de Leclerc, où l’on fait établir plusieurs actes à diffuser auprès des différents points de résistance. Malgré cette reddition, des combats se poursuivent. Il faudra attendre 18 heures pour que les Allemands qui tenaient la Chambre des Députés se rendent à leur tour. Mais, un peu partout, des fanatiques allemands et français collaborationnistes continuent à tirer.

Les troupes de Leclerc ont été acclamées par les Parisiens. Les scènes de fraternisation ont été très nombreuses et, bien que ces scènes de liesses puissent gêner leurs manœuvres, les militaires français et américains, furent bienveillants. Beaucoup de jeunes filles avaient mis leur plus belle robe. J’en connais personnellement deux qui rencontrèrent ce jour-là des officiers qu’elles épousèrent par la suite. Depuis leur départ d’Argentan, les soldats avaient vécu deux journées éprouvantes, ils étaient sales et fatigués. Mais les Parisiens les ont reçus chez eux pour qu’ils se rafraîchissent, et certains ont même eu du mal à retrouver leur unité.

Vers 17 heures, le général De Gaulle se rend à la Préfecture de police pour saluer les policiers. Son entourage lui conseille de se rendre à l’Hôtel de Ville, où se trouve le Conseil National de la Résistance (CNR). Il s’y rend à 19 heures. Un vrai phénomène de curiosité l’entoure car, si on le connaît de nom, peu l’ont déjà vu. Parmi les membres du CNR, beaucoup pensaient que De Gaulle allait rétablir la IIIe République mais lui-même avait une certaine appréhension vis-à-vis de certains membres, issus de l’ancienne classe politique de 1940, il se fait acclamer par la foule et prononce impromptu un discours devenu historique sur le « Paris libéré ».

Comme à Rome puis plus tard à Berlin, il existe alors le risque que l’armée américaine impose une administration militaire en France. Mais le génie de De Gaulle a été de placer immédiatement, aux postes clefs, des responsables capables d’entrer en fonction. L’administration restera française.

Un défilé à hauts risques

Le 26 août, rien n’est vraiment nettoyé, Paris est dans un état d’insécurité totale. La 2e DB reçoit l’ordre de Gerow de se porter au nord-est, au Bourget et à la Courneuve, en prévision d’une éventuelle contre-attaque. De Gaulle, lui, veut défiler avec la 2e DB et se rendre à la cathédrale Notre-Dame chanter le Te Deum. Il considère que c’est au gouvernement provisoire de la République française (GPRF) qu’il dirige de commander les troupes françaises. Ennuyé, le général Leclerc laisse trois-quatre chars, quelques half-tracks et une poignée d’hommes à la disposition de De Gaulle pour son défilé. Mais sans service d’ordre, sans sécurité militaire, organiser un tel défilé était dangereux en raison de la présence de tireurs isolés. De Gaulle se rend à l’Etoile entouré des généraux Leclerc, Juin, Koenig et est accueilli par Chaban-Delmas, Rol-Tanguy et les membres du CNR. A mesure qu’il descend les Champs Elysées, le cortège s’épaissit. Les FFI ont bien essayé d’organiser un service d’ordre, mais ils n’étaient pas assez nombreux. Devant la cohue, à la Concorde, De Gaulle accepte de monter en voiture pour remonter la rue de Rivoli. Quand il arrive sur le parvis de Notre-Dame, des coups de feu éclatent. A l’intérieur de la cathédrale, pleine à craquer, on entend aussi des tirs de fusil. Dissuadé de venir (mais par qui ?), le cardinal Suard, archevêque de Paris, est absent. Le reste du clergé décide donc d’annuler la cérémonie et de retourner dans leur paroisse. De Gaulle est simplement accueilli par le doyen du chapitre, qui le place au premier rang. Il n’y a pas d’électricité, donc pas d’orgue. Malgré des tirs sporadiques, De Gaulle et l’assistance entonne le Magnificat.

La fusillade se poursuit à l’intérieur, remontant du parvis de Notre-Dame vers la rue de Rivoli, le long des quais jusqu’à la Concorde, puis des Champs Elysées jusqu’à L’Etoile. La confusion est totale, la panique est épouvantable sur la rive droite – il y a des morts par balle et par étouffement. Sur la rive gauche en revanche, tout est calme. Signe de l’anarchie qui règne, mon groupe rentre en rang quand, soudain, du côté de la rue de Solferino, un camarade sort des rangs et tue froidement quelqu’un qui ne lui plait pas.

Installé au ministère de la guerre (Invalides), le général De Gaulle, chef du GPRF, exige que les forces FFI et FTP soient incorporés au sein de l’armée. Deux de mes amis intègreront la 2e DB mais, sans expérience militaire, leur sort ne leur a pas été enviable : l’un est devenu le larbin de service tandis que l’autre est mort en Autriche, tué par le soldat qu’il venait de faire prisonnier.

La libération de Paris ne s’est pas faite sans pertes. La 2e DB a perdu 130 hommes (et 300 blessés). Parmi les FFI et les résistants, on compte plus de 900 morts et 2 000 blessés. Chez les Allemands, il y a eu 3 000 morts et 12 000 prisonniers. Parmi les 500 civils parisiens tués, un ami de la famille est mort d’une balle reçue alors qu’il se trouvait sur son balcon.

Comme Eisenhower l’avait imaginé début août, la libération de Paris a eu un effet négatif sur l’avance des alliés, les troupes étant retardées par le ravitaillement de la capitale. Les moyens de transport ont été utilisés pour les civils plutôt que pour l’armée. Mais cette libération et l’accueil des Parisiens ont offert à de Gaulle, qui était encore contesté, la légitimité aux yeux des Américains pour gouverner la France.

Fin de la deuxième partie

En savoir plus …

Coté livres :

                          

Coté Web :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lib%C3%A9ration_de_Paris

http://pagesperso-orange.fr/stephane.delogu/2db-paris.html

http://www.v1.paris.fr/musees/memorial/liberation_de_paris/THEMES/liberation/ar_t_01.htm

http://mapage.noos.fr/liberation_de_paris/

Les Images

http://images.google.com/images?q=lib%C3%A9ration+de+paris&rlz=1I7GGLD_fr&oe=UTF-8&sourceid=ie7&um=1&ie=UTF-8&ei=1i5PS5fSEZaqjAfN8IybCg&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=4&ved=0CCQQsAQwAw

Les Vidéos

http://www.dailymotion.com/video/x3nmp1_la-liberation-de-paris_events

http://www.youtube.com/watch?v=oawZEYXICbs

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