HISTORIQUE ET ÉVOLUTION DES JEUX OLYMPIQUES ET DU SPORT FRANÇAIS

Thèmes: Histoire, Société                                                                                                                                 Conférence du mardi 8 février 2022

HISTORIQUE ET ÉVOLUTION DES JEUX OLYMPIQUES ET DU SPORT FRANÇAIS

Par Monsieur Michel MERCKEL, professeur honoraire et ancien international de judo.

Introduction

Dès les premiers siècles de la Grèce Antique, les jeux olympiques qui sont une manifestation religieuse, jouent un rôle sociale important. C’est en 1894 que le Français Pierre de Coubertin crée le Comité Olympique International (CIO) et c’est en 1896 que se déroulent les premiers Jeux Olympiques modernes à Athènes.  À partir de ce moment, l’évolution de cet évènement reste très liée à celle du sport français. Parallèlement, la Première Guerre mondiale va jouer un rôle déterminant pour la démocratisation du sport, l’éclosion de sport féminin, du handisport et l’enracinement des .Jeux Olympiques

I-Bref historique

En 1852 le Président Louis Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III) inaugure l’École Normale Militaire de Gymnastique à Joinville. Elle a pour but de former des cadres sportifs pour les armées. C’est la première école de formation sportive créée en France. Le terme gymnastique au lieu d’éducation physique perdure jusqu’à nos jours, les collégiens disent « le prof de gym » en parlant de leur professeur d’Éducation Physique et Sportive.

L’année 1870 est marquée par la débâcle de la France face à la Prusse. On constatera que l’une des raisons de cette défaite est le manque de condition physique dû au manque de condition pratique.

Dans l’esprit de préparer la revanche, on veut rendre les Français sportifs. Apparaissent trois méthodes liées à leurs précurseurs. Herbert prône la méthode naturelle, méthode qui plus tard donnera lieu aux programmes d’EPS dans les établissements scolaires, Tissier apporte une méthode inspirée du courant hygiéniste qui oppose la santé et l’exploit sportif ; il est partisan d’un sport rationnellement contrôlé. Demeny quant à lui travaille à une méthode plus scientifique qui affirme notamment que plus on s’entraîne plus on progresse.

C’est dans ce contexte qu’apparaît le Baron Pierre de Coubertin qui, s’inspirant du modèle anglais, veut développer le sport en France, activité très prisée chez les Anglo-saxons. Pour les Britanniques le sport et ses valeurs construisent l’individu et apportent un esprit de groupe. Dans l’hexagone, les Français sont peu nombreux (moins de 1% de la population) à exercer une activité sportive dans le cadre d’une compétition car le sport est considéré une activité peu sérieuse. Coubertin qui apporte le courant sportif en France, place cette activité sur un axe humaniste. Il intègre au sport la notion de paix entre les hommes et les peuples, s’inspirant des Jeux olympiques de la Grèce antique où tout combat cessait pendant les Jeux. Pierre de Coubertin était conscient de la montée de l’esprit de revanche des Français sur les Allemands après la défaite de 1870-1871. Le sport et ses valeurs lui paraissaient un bon moyen de calmer les esprits et d’enrayer la spirale de la revanche. Il met en avant le but de l’olympisme qui est synonyme de pacifisme, notion qui apparaît clairement dans le principe 2 de la Charte olympique.

Les premiers Jeux olympiques ont lieu en 1896, à Athènes pour le symbole. L’américain James Connolly devient le premier champion Olympique des Jeux modernes, en triple saut, et le premier champion olympique français est Eugène-Henri Gravelotte qui l’emporte en battant son compatriote Henri Callot en finale du fleuret.

En 1900 la deuxième édition des Jeux olympiques a lieu à Paris mais tout comme les suivants à Saint Louis (Missouri, USA) ils passent un peu inaperçus du fait qu’ils se déroulent pendant les expositions universelles et qu’ils durent plusieurs mois. Certaines épreuves sont étonnantes comme par exemple la pêche à la ligne. Mais, c’est aux Jeux de Paris 1900 que participent pour la première fois des femmes, la britannique Charlotte Cooper devient ainsi la première Championne Olympique, en tennis.

En France en 1901 est promulguée grâce à Pierre Waldeck-Rousseau la loi sur les associations à but non lucratif. De nombreuses associations sportives se créent alors et le sport français se structure. On cherche également à donner une bonne image des sportifs afin de susciter des vocations chez les jeunes. En 1903 se déroule le premier Tour de France cycliste où les coureurs sont en contact avec les habitants. Le Tour devient rapidement un événement très populaire. 12 février 1905, 1e match de l’équipe de France de football. 1er janvier 1906, 1er match de l’équipe de France de rugby. En 1910, cette équipe est admise dans le tournoi des cinq nations. Diverses fédérations se créent et des compétitions naissent. Médiatiquement le sport gagne sa place et dès 1900 Henri Desgrange fonde le journal l’Auto, ancêtre de l’Équipe.

En 1914 on compte 1,5 millions de Français affiliés dans 6 000 sociétés de gymnastique et de tir. Mais ces centres où l’on pratique de l’éducation physique sont des lieux de préparation militaire où l’on prépare la revanche de 1970. Par contre on peut estimer à 1%, soit à 400 000, le nombre de français qui pratiquent un sport.

Si les premières olympiades duraient plusieurs mois et étaient noyées dans les expositions universelles, les Jeux olympiques de Stockholm de 1912 se déroulent sur un mois, regroupent 28 pays et 2407 athlètes. Pour 1916, les jeux sont prévus à Berlin…

II – L’influence de la Grande Guerre dans le sport

La Première Guerre mondiale est dans un premier temps une guerre de mouvement puis devient une guerre de position. Les soldats se retrouvent dans les tranchées. Henri Barbusse écrit dans son ouvrage Le feu : « on est devenu des machines à attendre ». Les soldats s’ennuient et vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Afin de remédier à cette situation la pratique du sport se met en place.

En 1916 la France remporte la bataille de Verdun grâce à l’ouverture d’un second front dans la Somme. Les soldats français partagent le quotidien des soldats britanniques qui eux pratiquent activement du sport et organisent des compétitions avec des valeurs « chevaleresques » comme le fair-play. Ces rencontres interalliées deviendront plus tard les championnats du monde militaires. Le phénomène va s’amplifier en 1917. L’échec de l’offensive de la bataille du Chemin des Dames pousse aux premières mutineries. L’état-major français comprend qu’il est absolument nécessaire de relever le moral des troupes. Le général Philippe Pétain va utiliser la pratique sportive en sortant une directive. « A l’arrivée au cantonnement, la troupe doit être laissée au repos et avoir la possibilité de faire du sport pour récupérer moralement et physiquement » précise l’ordre. Il donne alors des moyens matériels, détache des officiers pour encadrer les rencontres et offre des permissions à ceux qui brillent sur les terrains. En 1917 cet élan gonflera un peu plus avec l’entrée en guerre des États-Unis qui apportent la notion de compétition ainsi que de gros moyens financiers et matériels. Les Américains apportent aussi de nouveaux sports comme le basket ou le baseball.

A la fin du conflit les hommes ne sont pas démobilisés immédiatement, il faut donc les occuper. Afin de gérer cette longue période de démobilisation, de nombreuses compétitions sont organisées. Avec comme point d’orgue, du 22 juin au 6 juillet 1919, les jeux interalliés au stade Pershing construit par les Américains sur un terrain donné par le gouvernement français dans le bois de Vincennes. Les exploits sportifs des militaires victorieux constituent une formidable promotion populaire. C’est d’ailleurs dans cette dynamique que sont créées les fédérations françaises de football, de rugby, de natation, d’athlétisme, de tennis…

La question se posent concernant la relance des Jeux olympiques dès1920. Doit-on respecter une période de deuil suite au conflit mondial ? Les performances seront-elles à la hauteur après les lourdes pertes subies parmi le monde sportif ? La grave pandémie de grippe espagnole est-elle compatible avec l’organisation des Jeux ? Finalement les Jeux d’Anvers se déroulent en 1920. Le choix de la ville n’est pas anodin, c’est une des villes d’Europe la plus ravagée par la guerre. Les Allemands sont écartés de la compétition. Quant à la France, elle veut utiliser ces Jeux comme vitrine de la force de sa jeunesse. À Anvers, la France remporte 41 médailles et les sportifs français arborent le coq pour la première fois sur leurs maillots. Par ailleurs, apparait le drapeau olympique avec les cinq anneaux de cinq couleurs représentant chacun un continent et le serment olympique.

III – Le sport féminin

Avant la Première Guerre mondiale, les femmes étaient considérées comme des êtres trop fragiles pour pouvoir pratiquer une quelconque activité physique. Une large opinion pensait même que le sport rendait les femmes stériles. Les femmes ne pouvaient que marcher et c’est donc une marche qui est organisée en octobre 1903 par Pierre Giffard, rédacteur en chef du journal Le Monde Sportif qui avait organisé quelques semaines auparavant la course à pied Bordeaux-Paris.  Les midinettes (midi-dinettes) qui étaient de jeunes couturières et modistes de Paris participent massivement à cette marche entre Paris et Nanterre soit 12 kilomètres. On a cru d’abord que la course des midinettes serait un amusement mais il n’en est rien, et les jeunes femmes se mirent à courir, ne respectant pas le règlement. La gagnante Jeanne Cheminel a parcouru la distance en une heure et dix minutes. Les médias font un large écho à cette course. Les femmes persistent et cherchent à pratiquer un sport synonyme d’émancipation. Pendant la Grande Guerre, les femmes qui ont remplacé les hommes aux champs et à l’usine. Ayant du temps, elles pratiquent de plus en plus de sports et en septembre 1917 a lieu le premier match de football féminin en France.

Alice Milliat, elle-même sportive, crée en 1919 la Fédération des Sociétés féminines sportives de France (FSFSF) et organise et développe le sport féminin. Elle obtient un financement du ministère de la Guerre. Grâce à ce soutien politique, elle continue à développer le sport féminin. Elle organise entre autres le déplacement en Grande-Bretagne de l’équipe féminine de football avec un match retour au stade Pershing qui attirera 20 000 spectateurs. Encouragée par ses succès elle demande officiellement au CIO d’intégrer des épreuves féminines aux JO, dans le programme d’athlétisme, la discipline phare.  Face au refus de Pierre de Coubertin, elle annonce que sa fédération organisera les premiers Jeux olympiques féminins. En août 1922 sur le  77stade Pershing sportives venues de France, des États-Unis, de Tchécoslovaquie, de Grande-Bretagne et de Suisse s’affrontent devant plus de 20 000 spectateurs. Le CIO ne cède pas et aux Jeux de Paris en 1924, les femmes ne peuvent toujours pas participer aux épreuves d’athlétisme. Alice Milliat poursuit sa lutte et en 1926 organise les 2e Jeux mondiaux féminins à Göteborg en Suède. En 1928 aux Jeux d’Amsterdam, le Comité Olympique International accepte quatorze épreuves féminines dans quatre sports (escrime, gymnastique, athlétisme et natation) sont au programme. 277 athlètes féminines participent à ces Jeux.

Alice Milliat a ouvert la porte au sport féminin français mais aussi mondial. Son action ne sera reconnue que très récemment et en mars 2021 on inaugure une statue pour lui rendre hommage à la Maison du Sport.

Après-guerre les femmes participent à de plus en plus d’épreuves mais ce n’est qu’en 2012 aux JO de Londres que les femmes pourront participer à toutes les épreuves. Enfin aux derniers Jeux de Tokyo 2020 48,8% des athlètes sont des femmes soit le ratio qui se rapproche le plus de la parité absolue. Ce même ratio était de 2,2% en 1900.

IV – Le handisport

Les handicapés ont été mis au ban de la société pendant des siècles. Là encore la Première Guerre mondiale va faire évoluer les choses. La Grande Guerre laisse de nombreux mutilés et la chirurgie progresse pour reconstituer les corps brisés. La rééducation joue un rôle clé pour la récupération de ces blessés. Le sport permettra une remise en forme et donnera de l’espoir à de nombreux handicapés. Un bel exemple est celui de Joseph Guillemot, un modeste paysan du Limousin qui s’est au front, découvert doué pour la course. Pendant la guerre, gravement gazé, il perd un poumon ; ses rêves de course semblent compromis mais c’est mal connaître l’homme. Il se rééduquera seul et remportera le titre de Champion Olympique du 5000 mètres des JO d’Anvers en 1920 comme d’Armand Massard qui, gravement blessé pendant la guerre, deviendra champion olympique au fleuret à ces même jeux.

Eugène Alcais revient sourd de la guerre et crée la Fédération sportive des sourds-muets de France le 28 décembre 1918. Il organise différentes compétitions et en 1924 ont lieu les Jeux des sourds-muets qui suite à leur succès s’ouvrent aux autres handicaps.

Après la Seconde Guerre mondiale, le neurochirurgien anglais Ludwig Guttmann, directeur de l’hôpital Stoke Mandeville qui, soignant les vétérans de la guerre et cherchant à favoriser la rééducation des handicapés, reprend en 1948 l’idée d’Eugène Runbes Alcais et relance les jeux olympiques pour handicapés sous le nom de Jeux de Stoke Mandeville, qui deviendront en 1960 à Rome, les Jeux paralympiques. En 2020, 4403 athlètes représentant 162 nations sont présentes aux Jeux paralympiques de Tokyo.

V – Quelques dates déterminantes 

En 1904 Pierre de Coubertin refuse d’envoyer des athlètes français à Saint-Louis (Missouri, Etats-Unis) car les Américains exhibaient des autochtones comme des animaux de cirque. Cette attitude raciste va à l’encontre des principes de Coubertin. Cependant, le Français Albert Corey qui résidait aux États-Unis participe au marathon et décroche la médaille d’argent. Une longue polémique et toujours en cours pour savoir si la médaille revenait à la France ou aux États-Unis.

En 1925 afin d’intégrer à nouveau l’Allemagne dans le giron international et de promouvoir la paix on attribue les Jeux de 1936 à Berlin. Hitler élu en 1933 utilise ces Jeux comme une vitrine du nazisme et de ses théories raciales. Le brillant athlète afro-américain Jesse Owens contrecarrera toutes ces théories raciales en remportant quatre médailles d’or.

Aux Jeux de Melbourne de 1956 la France ne remporte que trois médailles d’or. Cela est lié au fait que l’Armée, grand réservoir de sportifs, fait la guerre en Algérie. Face à ce bilan est créé le bataillon de Joinville pour protéger les athlètes et favoriser leur entraînement. Mais en 1960 la situation s’aggrave et la France revient de Rome sans aucune médaille d’or. La presse s’indigne. En 1964 l’échec continue avec une seule médaille d’or, en équitation (le dernier jour des Jeux). La presse se déchaîne contre les sportifs français. Face à ce tollé le monde politique réagit et en 1965 le Général de Gaulle visite l’INS et favorise la qualité d’entraînement à Joinville. Les résultats arrivent rapidement, la France termine sixième au tableau des médailles aux Jeux de Mexico en 1968.

1984 et les Jeux de Los Angeles marquent un tournant dans l’olympisme. En effet, pour la première fois les sportifs professionnels peuvent participer aux épreuves. La médiatisation devient gigantesque. La masse d’argent investi ainsi que les recettes engendrées changent de dimension. Les JO deviennent une affaire commerciale.

En France, malgré la Suspension du service militaire obligatoire, le rôle de l’Armée ne faiblit pas. En 2020 à Tokyo les sportifs de l’Armée décrochent 40% des médailles françaises.

Les Jeux d’hiver ont lieu pour la première fois en 1924, à Chamonix. Ces jeux font un amalgame entre les jeux nordiques organisés dès 1901 dans les pays scandinaves et la semaine internationale des sports d’hiver crée en 1907 en France. Ces Jeux restent confidentiels même s’ils ont été décalés de deux années par rapport à ceux d’été en 1992.

Conclusion

À la fin du XIXe siècle le sport commence à s’implanter dans notre société.  Afin d’essayer d’enrayer la spirale de la revanche qui se met en place par rapport à la défaite de 1870, Pierre de Coubertin crée les Jeux Olympiques modernes en les appuyant sur l’idée de tolérance, d’ouverture et de pacifisme. Les premiers effets se feront sentir au début du XXe siècle avec la création des premiers événements sportifs populaires comme le Tour de France cycliste ou les premières rencontres internationales de sports collectifs. Mais c’est la Première Guerre mondiale qui apportera les grands changements qui permettront un envol de la pratique du sport et l’enracinement définitif des Jeux Olympiques dans le paysage sportif mondial.

Bibliographie :

     14-18, le sport sort des tranchées, un héritage inattendu de la Grande Guerre, par Michel MERCKEL

 

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