SUR LES ROUTES DE LA SOIE

Thème : HISTOIRE ET GEOGRAPHIE                                                                                                                                              Mardi 11 Mars 2008

Sur les routes de la soie

Par Gail Larminaux –  Chef de projet culturel à l’Unesco

Le terme « Die Seidenstrasse », inventé à la fin du XIXe siècle par le géographe allemand Ferdinand von Richtofen, désigne un faisceau d’itinéraires commerciaux qui reliaient Chang’an, l’antique capitale de la Chine, à Rome du IIe siècle av. JC au XVe siècle ap. JC Ces routes ont été dessinées par le vent, le sable, la neige, les pluies et leur histoire rythmée par les guerres et les conquêtes. Le long de ces voies de communication fleurirent et s’évanouirent cités et empires. L’Unesco a retracé les routes principales dans le cadre de son projet « Etude intégrale des Routes de la Soie » et a mis en lumière l’histoire fabuleuse de la diffusion des savoirs, des cultures et des croyances entre l’Orient et l’Occident à travers les siècles.

Les précurseurs

L’ouverture des Routes de la Soie reliant la Chine à Rome s’est faite à partir du IIe siècle avant JC mais on a mis au jour des traces de premiers « routards » 2 000 à 3 000 av JC. La toile de fond de ces routes fut en effet tissée par les grandes civilisations antiques.

A Persépolis, Darius Ier (500 av JC) a construit des routes, permettant aux denrées de circuler. Deux siècles plus tard, le grand bâtisseur et fin stratège politique que fut  Alexandre le Grand construisit de nombreuses villes et apporta à l’Asie Centrale l’art de Gandhara, qui mêlait harmonieusement l’habileté des artistes grecs aux thèmes bouddhiques et aux influences indiennes et perses.

Pendant que les Perses et les Grecs plaçaient leurs pions en Asie, les nomades des steppes et les Chinois se préparaient à entrer dans le jeu. Pour l’Empire du Milieu, le Xiongiu (le Hun) était le barbare dans toute son horreur, un homme sans rite, sans culture, qui ne cultivait rien mais qui savait se battre. Pour faire front, le premier empereur de Chine, Qin Shihuangdi, décida de relier les anciens remparts existants pour faire la Grande Muraille, le « plus long cimetière du monde ».

L’âge d’or des Routes de la Soie en Chine et le rôle de civilisations d’Asie Centrale

Par convention, les historiens s’accordent à dire que les Routes de la Soie ont été ouvertes en 138 av JC, pendant le règne de l’empereur Wudi (dynastie Han) qui était alors à la recherche d’alliances politiques contre les Huns (« les ennemis de mes ennemis sont mes amis ») et de chevaux de la vallée de Ferghana symbolisés par la statue du « Cheval de Wuwei », dits « chevaux célestes ». L’âge d’or des Routes de la Soie en Chine eut lieu sous la dynastie Tang (618 à 907). Grâce au commerce, Chang’an était devenue une ville très riche. Peuplée de deux millions d’habitants, dont 500 000 étrangers, la capitale chinoise avait éradiqué la famine et était un sanctuaire pour tous les arts, comme le prouvent les fresques retrouvées dans des tombeaux.

Les civilisations d’Asie Centrale ont également façonné les Routes de la Soie, comme les Sogdiens (IIe siècle av JC – Xe siècle) qui faisait office d’interprètes et les Kouchans (Ier – IIIe siècles) qui ont contribué à la diffusion du Bouddhisme. Les Romains ont découvert l’existence de la soie lors de la bataille de Carrhes (53 av JC) contre les Parthes. Ces derniers déployèrent de grandes toiles de soie, provoquant la débandade des troupes romaines, éblouis et terrifiés par les reflets du soleil. Les Parthes furent remplacés par les Sassanides, qui régnèrent sur l’Asie Centrale jusqu’en 634. Un autre groupe de farouches nomades, les Premiers Turcs (VIe – IXe siècle), envahirent une immense partie de la steppe, remplaçant leurs ancêtres Xiongiu (Huns). A partir du VIIIe siècle, la région connut l’essor de l’empire islamique. Dès 630, les arabes conquirent la Perse puis s’imposèrent en Asie Centrale en 705, qu’ils dominèrent pendant deux siècles. Ils léguèrent l’islam et l’écriture arabe à la région.

Grand combattant, Gengis Khan régna à partir du XIIe siècle sur une majeure partie de l’Asie, de la Mongolie, la Chine, à la Sibérie et la Perse. Son but était de réunir tous ces peuples, d’est en ouest. L’empire mongol a même su imposer une pax mongolica pendant plus d’un siècle. Pour la première fois, des marchands comme Marco Polo ont pu traverser tout le continent sans trop de risques. Au XVe siècle, Tamerlan (ou Timour Lang) et les Timourides ont écrit le dernier chapitre du rôle joué par l’Asie Centrale dans les Routes de la Soie. Lors de ses conquêtes, ce féroce combattant épargnait les artisans et les artistes. Ces hommes de l’art étaient envoyés à Samarcande, la capitale de son royaume, pour qu’ils fassent de l’ancienne Marakanda des Sogdiens une somptueuse ville caravanière. Pendant ce temps, en Chine, la dynastie Ming fermait les frontières de l’Empire du Milieu pour se protéger des influences étrangères. Les Routes de la Soie, qui avaient fonctionné pendant 1 500 ans, étaient coupées.

Pour un reflet de soie

La soie était l’objet de toutes les convoitises. Pendant des siècles, sa technique de fabrication resta un secret d’Etat. Les Chinois payaient en soie, les Romains en or. Mais la soie était si chère que les Romains ont fini par l’interdire. Bien d’autres denrées voyageaient par les Routes de la Soie : l’anis, le gingembre, le thé, des fleurs (pivoines, roses), fruits (cassis, rhubarbe) partaient de Chine ; la verrerie, l’or, les pistaches, les chevaux (marchandise très convoitée) faisaient le voyage inverse. Les innovations prenaient également les routes de la soie. La brouette, la charrue, le papier, la porcelaine et la poudre à canon sont venus de Chine. Plus tard, c’est grâce aux émaux perses que les magnifiques carreaux de Turquie et d’Asie Centrale ont vu le jour.

Pour des raisons de sécurité et pour réduire les coûts, on voyageait en caravane. Les caravanes comptaient des centaines de personnes, des dizaines d’animaux de bât (mulets, chameaux ou yaks) et ne faisaient jamais la route en entier. La Route de la Soie était parcourue par étapes, une caravane s’arrêtait dans une ville de foire, où elle revendait sa marchandise. Une autre caravane repartait vers l’ouest ou l’est. La route était longue, la nature hostile et les périls nombreux. Tout au long du parcours, les caravansérails permettaient aux voyageurs de se reposer. Ces refuges tant attendus, séparés d’une journée de marche (environ 30 km), avaient été installés par les Seljukides qui, les premiers, se sont rendu compte qu’il est important que les caravanes arrivent à destination en bonne santé.

D’oasis en oasis

Les Routes de la Soie partaient de Chang’an vers l’ouest, vers Dunhuang, porte d’entrée du désert Taklamakan. Pour atteindre Kachgar, véritable plaque tournante des Routes de la Soie, il existait deux voies qui contournaient le désert par le nord ou par le sud. Sur la route du nord se trouve l’oasis de Tourfan, renommée pour son minaret, ses raisins, son vin blanc ainsi que pour ses « karez » vieux de 2 000 ans, des tunnels qu’il faut entretenir régulièrement pour maintenir le site. Dans chaque oasis, on trouve un grand marché, comme à Kucha, ancien royaume et grand centre artistique pendant la dynastie Tang. Après Kachgar, la route se divisait à nouveau. Au nord-ouest, il fallait traverser la steppe pour atteindre Samarcande. Plus au sud, il fallait franchir le col du Pamir (7 000 mètres d’altitude) pour atteindre Herat, ville fondée par Alexandre le Grand. La route traversait la vallée de Bamiyan, haut lieu bouddhiste, où se nichaient les deux bouddhas géants dynamités en 2001 par les talibans. Toutes les routes se rejoignaient ensuite à Merv, dans le désert du Karakoum, avant d’atteindre la Perse, où la soie était tissée, les tissus étant ensuite exportés vers la Turquie et l’Europe. La route continuait à travers le plateau d’Anatolie pour aboutir à Constantinople, une des cités les plus fabuleuses du monde.

Le sacré et le profane

Les régions traversées par les Routes de la Soie ont été profondément marquées par les différentes croyances qui s’y sont succédé, du chamanisme à l’islam. Le chamanisme est davantage une technique qu’une religion. Dans les pays altaïques, cette pratique, qui se veut le truchement entre le Ciel et la Terre, est utilisée depuis toujours. Cette forme de spiritualité a existé dans tous les pays traversés par la Route de la Soie avant l’arrivée des grandes religions. Des restes de chamanisme subsistent.

La Chine est, elle, influencée par deux grandes figures : Confucius, fondateur du confucianisme (l’ordre, la piété, la discipline et le sens de la hiérarchie) et Lao Zi, le fondateur du taoïsme (le yin et le yang, l’individu doit se fondre dans la nature, pas de vie au-delà).

Jusqu’au Xe siècle, l’Asie Centrale a été marquée par le zoroastrisme, religion monothéiste fondée en Perse  par le prophète Zarathoustra, et notamment pratiquée par les Sassanides.

Mais la religion marquante de la Route de la Soie est sans conteste le bouddhisme. Très tôt, en Chine, les moines bouddhistes ont pris l’habitude de creuser des grottes et de les décorer de statues représentant bouddha. Des milliers de fresques ont été mises au jour au début du XXe siècle. Les grottes de Mogoa cachaient des milliers de manuscrits qui retraçaient l’histoire des Routes de la Soie et de peuples disparus.

Les moines chrétiens ont également creusé des grottes et des habitations, en Anatolie et plus particulièrement en Cappadoce, où Saint Paul et Saint Barnabé avaient fondé les premières communautés chrétiennes. Le lieu chrétien le plus magnifique de l’époque est évidemment Constantinople. En 431, Nestorius, archevêque de Constantinople, est condamné par l’Eglise pour hérésie  et fuit vers l’est. Il fonde le nestorianisme, une religion longtemps pratiquée en Asie Centrale qui arriva en Chine en 635. On raconte que ce sont deux moines nestoriens qui ont transmis le secret de la soie à Constantinople.

L’islam est la dernière religion à arriver en Asie Centrale, à partir de 705. La dynastie des Samanides (IXe – Xe siècle) lui donne une véritable assise dans la région. Dès la fin du VIIIe siècle, l’islam arrive dans l’ouest de la Chine.

Les Routes de la Soie ont été profondément marquées par les voyageurs qui les ont parcourues, qu’ils soient nomades (à qui l’on doit l’arc à double courbure, le pantalon, l’étrier, la selle à double arceau…), marchands (Marco Polo), ambassadeurs, moines pèlerins (comme le bouddhiste Xuan Zang ou le missionnaire catholique Guillaume de Rubrouck) ou aventuriers (« les diables étrangers »). Ce sont ces « diables étrangers » (le Suédois Sven Hedin, le Français Paul Pelliot, le Britannique Sir Aurel Stein) qui, au début du XXe siècle, ont retrouvé des villes cachées sous le sable et qui ont révélé l’histoire de ces voies de communication.

Depuis une vingtaine d’années, l’Unesco retrace le parcours des Routes de la Soie. Ces expéditions ont permis de révéler comment toutes ces cultures se sont influencées les unes les autres pendant des siècles et des siècles.

En savoir plus …

Coté livres :

Sur les routes de la soie

Auteur : Reza, Olivier Weber , Rachel Deghati
Éditeur : Hoëbeke

ISBN-10: 2842303008

http://www.amazon.fr/Sur-routes-soie-Reza/dp/2842303008

Routes de la soie

Auteur : Olivier Weber, Samuel Douette
Éditeur : Mille et une nuits

ISBN-10: 2842058283

http://www.amazon.fr/Routes-soie-Olivier-Weber/dp/2842058283/ref=pd_sbs_b_title_1/171-3765694-2058655

Coté Web :

http://www.culture-routes.lu/php/fo_index.php?lng=fr&dest=bd_pa_det&id=00000095

http://www.culture-routes.lu/php/fo_index.php?dest=bd_pa_det&id=00000007

http://fr.wikipedia.org/wiki/Route_de_la_soie

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